La citadelle et la place de Saint-Jean-Pied-de-Port de la Renaissance à l'époque contemporaine
Ce
cahier n° 25 du Centre d’Etudes d’Histoire de la Défense,
consacré à l’histoire de la fortification, présente les
résultats d’une recherche appliquée consacrée à la citadelle et
à la place de Saint-Jean-Pied-de-Port. Cette étude particulière
s’appuie sur les travaux conduits au sein de l’une des
commissions spécialisées du Centre, la commission « Histoire
de la fortification », ou « séminaire Bastion »,
fruits d’une démarche approfondie et d’une concertation
pluridisciplinaire, incluant réflexions théoriques et approches
pragmatiques.
Cette
recherche, fondée sur l’exploitation de sources archivistiques en
majorité inédites, permet d’approcher une connaissance rénovée
et enrichie de l’histoire de la citadelle et de la place, mais
aussi de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port. Sa position
géographique lui confère une importance stratégique qui explique
son destin militaire. Au Moyen-Âge, les rois de Navarre y érigèrent
un château fort, gardien du col de Roncevaux, historique et
légendaire voie de franchissement des Pyrénées, dont la citadelle
est l’héritière. La recherche établit que cette citadelle,
symbolisant le retour à la paix religieuse et l’union des royaumes
de France et de Navarre, fut construite par l’ingénieur préféré
de Louis XIII. Parvenue quasi intacte jusqu’à nous, elle constitue
un exemple rare, sans doute unique car authentique, de l’essor de
l’école française de la fortification bastionnée au début du
XVIIe siècle, sous l’impulsion d’ingénieurs du
Roy, remarquables précurseurs de Vauban dont ils préparent la
voie et annoncent les chefs-d’œuvre. La riche documentation
fournie par les fonds d’archives du Génie permet de restituer la
vie d’une citadelle à l’époque des Temps Modernes et de
connaître les projets, restés sans suite, d’aménagement d’une
véritable place forte. Quant à la cité avec ses deux enceintes,
elle complète l’illustration de l’histoire de la fortification
du Moyen-Âge à l’Epoque Contemporaine.
Assurant
la liaison avec la problématique développée par une autre
commission du Centre, la commission « Nouvelle histoire
bataille », cette recherche permet de rappeler le rôle de la
citadelle dans les relations de conflit quasi permanent prévalant
jusqu’au XIXe siècle entre la France et l’Espagne.
Elle permet de redécouvrir son implication en première ligne dans
les combats défensifs, puis offensifs et à nouveau défensifs, qui
se déroulèrent sur le théâtre d’opération ouvert sur leur
frontière des Pyrénées au cours des guerres de la Révolution,
puis de l’Empire.
Le
travail de recherche présenté par le présent cahier confirme
l’originalité architecturale et l’intérêt historique de la
cité de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il établit les conditions de mise
en valeur du patrimoine fortifié, historique et géographique ainsi
révélé, dont il met en lumière la richesse souvent encore
insoupçonnée, ou méconnue.
TABLE
DES MATIERES
Tome
1
INTRODUCTION 1
I-
CADRES GEOGRAPHIQUE et HISTORIQUE 6
11-
SITUATION GEOGRAPHIQUE GENERALE 7
12-
Les CHEMINS TRAVERSANT SAINT-JEAN-PIED-de-PORT 13
13-
La PLACE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT et l’HISTOIRE de NAVARRE 18
14-
La PLACE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT et la PARTITION de la NAVARRE 24
15-
La PLACE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT et l’HISTOIRE de FRANCE 32
II-
L’ECOLE FRANCAISE de FORTIFICATION au XVIIe
siècle 45
21-
Les PROGRES de l’ARTILLERIE à l’aube de la RENAISSANCE 45
22-
L’ADAPTATION de la FORTIFICATION MEDIEVALE à l’ARTILLERIE 49
23-
La FORTIFICATION BASTIONNEE : ORIGINES et DEFINITIONS 50
24-
L’ESSOR de la FORTIFICATION BASTIONNEE au XVIe siècle 52
25-
La NAISSANCE de l’ECOLE FRANCAISE sous HENRI IV 55
26-
Les INGENIEURS du ROY sous LOUIS XIII 57
27-L’ORGANISATION
des FORTIFICATIONS sous LOUIS XIV 63
III-
CITE et CHATEAU FORT de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT au MOYEN-AGE 72
31-
Le CHATEAU FORT MEDIEVAL ORIGINEL 72
32-
Le BOURG CASTRAL MEDIEVAL 74
33-
La CITE MEDIEVALE PRIMITIVE 77
IV-
HISTOIRE de la CONSTRUCTION de la CITADELLE de
SAINT-JEAN-PIED-de-PORT 82
41-
La CITADELLE BASTIONNEE en 1685 84
42-
CRITIQUE de l’HYPOTHESE ‘Antoine de VILLE’ 87
43-
Les TRAVAUX de RENOVATION des années 1643 à 1648 89
44-
L’EDIFICATION de la CITADELLE BASTIONNEE PRIMITIVE 93
45-
La CASEMATE d’ARTILLERIE du XVIe siècle 96
46-
Les TRAVAUX PROVOQUES par l’INSPECTION de VAUBAN 98
47-
Les TRAVAUX REALISES au XVIIIe siècle 103
48-
Les AMENAGEMENTS du XIXe siècle 108
V-
DESCRIPTION, VIE et FONCTIONNEMENT de la CITADELLE de
SAINT-JEAN-PIED-de-PORT au XVIIIe
siècle 111
51-
Les FORTIFICATIONS et les CAPACITES DEFENSIVES de la CITADELLE 111
52-
Les CASERNEMENTS de la CITADELLE 116
53-
Les SOUTERRAINS de la CITADELLE 121
54-
L’ARMEMENT de la CITADELLE 123
55-
Les CAPACITES LOGISTIQUES de la CITADELLE 125
56-
Les CAPACITES LOGISTIQUES de la CITE 127
57-
Les QUALITES et DEFAUTS de la CITADELLE 128
VI-
Le CAMP RETRANCHE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT sous la REVOLUTION et
l’EMPIRE 131
61-
Le PROJET de PLACE FORTE de 1773 131
62-
La CAMPAGNE de 1793-1795 dans les PYRENEES 132
63-
Le CAMP RETRANCHE de 1793 139
64-
La GUERRE d’ESPAGNE (1807-1813) 141
65-
La RETRAITE de VITORIA (1813) 144
66-
La CONTRE-OFFENSIVE de SOULT (1813) 147
67-
L’OFFENSIVE de WELLINGTON (1813-1814) 150
68-
Le CAMP RETRANCHE de 1813 153
VII-
La PLACE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT aux XVIIIe
et XIXe
siècles 157
71-
La CITE à l’aube du XVIIIe siècle 157
72-
Les PROJETS du XVIIIe siècle 162
73-
La CITE à la veille de la REVOLUTION FRANCAISE 165
74-
Les PROJETS du XIXe siècle 167
75-
La CITE et la PLACE jusqu’à la fin du XIXe siècle 169
CONCLUSION 174
Tome
2
INTRODUCTION
Construite
au pied du col de Roncevaux, voie traditionnelle de franchissement
des Pyrénées depuis la plus haute antiquité, la cité de
Saint-Jean-Pied-de-Port est dominée par une citadelle datant des
débuts des temps modernes1.
Elle se compose d’une ville haute enserrée par une muraille
d’origine médiévale sur la rive droite de la Nive et, sur la rive
opposée, d’une ville basse entourée d’un simple mur d’enceinte
à meurtrières de facture plus récente.
Cet
ensemble architectural a, au cours du XXe siècle, fait l’objet de
plusieurs monographies et publications2
essentiellement fondées sur l’exploitation des archives
municipales, ou départementales, et de documents personnels. Or, le
Service Historique de l’Armée de Terre (SHAT)3
implanté à Paris, au château de Vincennes, possède un important
fonds d’archives4
tant manuscrites que cartographiques ou bibliographiques concernant
Saint-Jean-Pied-de-Port. Ce fonds est utilement complété par des
livres anciens, gravures, cartes et autres documents d’époque,
conservés par la Bibliothèque Nationale de France (BNF)5,
tant sur ses sites de Richelieu et de Tolbiac, que sur celui de
l’Arsenal qui détient les archives de l’ancien Collège de
Navarre. La cartothèque de l’Institut Géographique National (IGN)
6,
implantée à Saint-Mandé près de Paris, possède également un
fonds cartographique ancien d’un grand intérêt. Seules certaines
de ces sources semblent avoir été consultées lors des recherches
antérieures, mais sans avoir été réellement étudiées en tant
que corpus cohérent. Elles restent donc, dans leur grande majorité,
inédites. Il importe aujourd’hui d’en entreprendre une
exploitation systématique afin de parfaire notre connaissance de la
place de Saint-Jean-Pied-de-Port et de préciser l’histoire de la
construction de sa citadelle.
Le
fonds des archives du Génie, conservé au SHAT se compose de deux
ensembles. Le premier comprend des mémoires, atlas, cartes et plans7
établis pour le Roy
par les ingénieurs militaires envoyés par lui en inspection au
cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Il inclue, notamment, le mémoire
rédigé en décembre 1685 par Vauban, Commissaire
Général des Fortifications,
et la réponse que lui adressa en janvier 1686 Jean-Baptiste Colbert,
marquis de Seignelay, secrétaire d’Etat à la Marine, le fils du
grand Colbert pour lui transmettre les décisions de Louis XIV. Il
contient aussi des plans de 1683, 1689, 1700, 1715 et 1738, dont ceux
établis par les ingénieurs géographes Claude Masse et François
Beauvilliers, le mémoire sur la citadelle rédigé par M. de Salmon
en 1718, le rapport de 1770 et le projet de 1773. Le second ensemble
comprend les rapports et projets, avec les plans légendés joints en
appui8,
adressés à la fin du XVIIIe siècle et durant le XIXe siècle, sous
le timbre de la direction du génie de Bayonne, au Comité des
Fortifications du Ministère de la Guerre. Le carton contenant les
plus anciens de ces documents (1685-1791) a malheureusement été
détruit dans un incendie survenu au début du XXe siècle, au Dépôt
des Fortifications où ils étaient conservés avant le regroupement
des archives militaires au château de Vincennes en 1948. Seul
subsiste l’inventaire de ce carton ; ainsi, nous savons qu’ont
disparu des documents importants qui précisaient le détail des
travaux réalisés depuis l’inspection de Vauban jusqu’à 1791.
Cependant des copies de plusieurs de ces documents nous sont
parvenues, car le SHAT possède la bibliothèque personnelle9
léguée au Dépôt des Fortifications par le colonel Bérard, qui
servit à Bayonne de 1783 à 1802, notamment comme directeur des
fortifications à partir de 1792. Les ouvrages in quarto la
constituant, qui s’intitulent Mémoires
militaires – Cabinet du colonel Bérard,
contiennent les copies manuscrites des principaux mémoires écrits à
la fin du XVIIe et au XVIIIe siècles par les ingénieurs militaires
sur les citadelles et forteresses des Pyrénées occidentales. Les
huit cartons subsistant incluent le mémoire de 1793, celui du 18
septembre 1826, le plan de Saint-Jean-Pied-de-Port de 1831, le
rapport très complet établi en 1834 ainsi que divers plans
postérieurs de 1860, 1866 et 1870.
Quant
aux documents concernant Saint-Jean-Pied-de-Port conservés par la
Bibliothèque Nationale de France (BNF)10,
ils comprennent un croquis perspectif réalisé en 1614 par le
voyageur hollandais Joachim De Wiert, les mémoires sur la citadelle
rédigés en 1753 par les ingénieurs Canut et Touros, et surtout
deux cartes non datées, mais dont l’étude comparative avec les
autres sources disponibles montre qu’elles remontent au XVIIe
siècle et qu’elles sont plus anciennes que celles conservées au
château de Vincennes. L’une de ces deux cartes appartient à un
atlas daté de 1676, dont l’origine, probablement le portefeuille
d’un ingénieur du XVIIe siècle, n’a pas pu être établie. Cet
atlas provient des archives d’Antoine René de Voyer d’Argenson,
marquis de Paulmy (1722-1787), ministre de la guerre de Louis XVI,
fondateur de la bibliothèque de l’Arsenal. Dans ses fonctions
précédentes d’adjoint du ministre son oncle, il assumait la
responsabilité des places frontières, ce qui lui valut en 1753
d’inspecter les places de Bayonne et Saint-Jean-Pied-de-Port.
Le
fonds cartographique ancien détenu par l’Institut Géographique
National (IGN), de moindre taille, contient quelques documents
importants, dont la carte générale des Pyrénées, en neuf grandes
feuilles réalisée par les ingénieurs géographes Roussel et La
Blottière en 1718-1719, et une carte ancienne de
Saint-Jean-Pied-de-Port portant le nom de son auteur, « l’ingénieur
et géographe du Roy » Desjardins, ce qui permet de la
dater du milieu du XVIIe siècle, ainsi que des cartes plus tardives
de 1793 et 1825.
L’exploitation
de ces fonds d’archives, conservés au SHAT, à la BNF et à l’IGN,
constitue le fondement de la présente recherche. Toutes les sources
étudiées sont répertoriées en annexe ainsi que la bibliographie
consultée. Elles y sont classées par fonds d’archive et, pour
chacun, par type. La démarche adoptée s’inscrit dans une volonté
d’étude directe des sources archivistiques inédites. Elle fait
abstraction des études publiées antérieurement sur les
fortifications de Saint-Jean-Pied-de-Port, d’autant que leurs
auteurs n’ont généralement pas cité leurs propres sources et
n’ont pas explicité leurs interprétations. Il est apparu
primordial d’éviter l’utilisation de matériaux de seconde main,
sans être assuré du contenu des textes originaux. Lorsqu’elles
ont pu être identifiées et retrouvées, ces sources n’ont été
prises en compte que dans la phase ultime de l’étude. Ainsi la
présente recherche ambitionne de parvenir à des conclusions, ou de
formuler des hypothèses, en se fondant exclusivement sur une
exploitation de sources incontestables, en majorité inédites.
L’exploitation
de ces sources archivistiques a été conduite selon une méthodologie
précise et systématique. Chaque document a fait l’objet d’une
analyse critique rigoureuse portant sur l’authenticité de
l’auteur, la garantie de sa qualité de témoin, l’originalité
du document, sa date d’établissement, le caractère explicite du
titre, des légendes et des annotations marginales. L’étude
critique des plans et cartes est particulièrement importante.
Plusieurs ne sont pas datés, même si la reliure du portefeuille les
contenant porte une date qui constitue une indication précieuse.
Certains plans semblent avoir été établis en réutilisant des
cartes plus anciennes sur lesquelles des projets, ou des
représentations de travaux récents ont été surajoutés. La
codification conventionnelle des couleurs enfin, étudiée par Emilie
de Thonel d’Orgeix11,
n’est pas encore établie ou pas toujours strictement respectée
lors de l’établissement des cartes les plus anciennes, induisant
le risque de confondre travaux réalisés, travaux en cours et
travaux projetés. Cette analyse critique permit ainsi d’établir
le crédit à accorder à chaque document, pris individuellement.
La
deuxième phase de l’exploitation des sources a consisté en leur
étude comparative associée à un processus itératif. Les
informations contenues pouvaient ainsi se recouper et se compléter,
ou s’éclairer et s’expliciter mutuellement. Des convergences
apparurent qui permettaient de corroborer les premières conclusions,
tandis que les divergences conduisaient à les infirmer. A ce stade,
il fut donc possible, d’une part, de définir les premiers
faisceaux de conclusions quasiment avérées, celles établies par le
recoupement d’au moins deux sources de nature différente, un
mémoire et un plan par exemple, d’autre part d’élaborer les
premiers groupes d’hypothèses. Il est apparu que le rapport de
Vauban de 1685 constituait une date charnière, de différenciation
entre période d’ombre et période de lumière. A partir de cette
date, en effet, malgré la perte du carton contenant les archives du
génie les plus anciennes, s’établit un excellent niveau de
connaissance sur la base de l’ensemble des mémoires, cartes et
plans dûment datés et signés, établis par des auteurs dont la
qualité et la connaissance des lieux est indiscutable.
Antérieurement à cette date au contraire, les sources peu
nombreuses et de moindre qualité sont d’interprétation plus
délicate. Elles ne permettent d’élaborer que des hypothèses.
Ce
premier travail purement archivistique fut complété par une phase
pratique d’enquête architecturale détaillée sur le terrain. Il
convenait de confronter les résultats de l’étude critique des
sources à l’observation détaillée des bâtiments et des lieux,
conduite au cours de visites approfondies du site. Ainsi, les
premières conclusions théoriques furent complétées et précisées
par la réalité des styles architecturaux, des appareils de pierres,
des modes de construction, des traces de reprise. Cette phase permit
de progresser dans la définition des faisceaux de conclusions et des
groupes d’hypothèses, en précisant notamment les étapes et les
périodes de construction.
Il
s’agissait alors d’apprécier la vraisemblance de ces premières
conclusions et hypothèses, en les mettant en perspective dans leur
environnement spatial et temporel. Il fallait d’abord les replacer
dans leur cadre géographique, ou géostratégique, rapporté à
l’époque considérée. Si la géographie physique est immuable,
son appréciation dépend du niveau technique atteint, la portée des
armes par exemple. Quant à la géographie humaine, elle évolue
grandement avec le temps, au rythme du développement des
infrastructures, voies et moyens de communication notamment. Il
fallait ensuite s’assurer de leur cohérence avec l’histoire des
relations internes et externes des États concernés, royaumes de
Navarre, d’Espagne, de France et d’Angleterre. A l’époque
comme aujourd’hui, les décisions, prises en fonction des
conjonctures politique et budgétaire, dépendaient des priorités du
moment.
Il
importait enfin de rapporter les étapes de la construction de la
citadelle à l’histoire de la fortification au XVIIe siècle,
période de naissance, puis de développement en France d’une école
d’architecture bastionnée qui atteignit son apogée sous Louis
XIV, avec les chefs-d’oeuvre de Vauban. Or, notre connaissance de
l’histoire du bastion s’est grandement enrichie au cours des
dernières décennies grâce aux recherches universitaires
fondamentales sur l’histoire de l’architecture bastionnée et sur
les ingénieurs
du Roy
des XVIe et XVIIe siècles. A cet égard, il convient de citer les
publications des professeurs Buisseret12,
Pernot13,
Blanchard14
et Faucherre,15
ainsi que la thèse de doctorat soutenue en Sorbonne, en décembre
2002, par Reynald Parisel16.
Ainsi, il fut loisible de mieux apprécier comment la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port s’insérait dans l’histoire de la
fortification bastionnée en France, donc, d’une part, de préciser
la période et les conditions de sa construction, et, d’autre part,
de mieux prendre conscience de son intérêt historique comme de sa
valeur patrimoniale.
Ce
ne fut que dans une phase ultime que les conclusions de la présente
étude furent confrontées à celles des publications précédemment
réalisées, fondées essentiellement sur l’exploitation des
archives municipales et départementales. Cette comparaison permit de
s’assurer de leur compatibilité. En plusieurs occurrences, la
présente recherche a conduit à une réinterprétation des sources
précédemment exploitées.
La
démarche ainsi adoptée, fondée sur une étude précise de sources
archivistiques en majorité inédites, permet d’approcher une
connaissance rénovée de la cité, de la citadelle et de la place de
Saint-Jean-Pied-de-Port. Les sources renseignent avec précision sur
l’état de la muraille enserrant la ville haute au tournant du
XVIIe au XVIIIe siècle, comme sur les périodes et la nature des
rénovations et modifications qu’elle subit à partir de cette
époque. Elles fournissent également des informations et des indices
originaux sur la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port au Moyen-Âge,
permettant d’esquisser des pistes de recherche novatrices et ainsi
de relancer la réflexion sur son histoire médiévale. Concernant la
citadelle, les documents étudiés confirment définitivement qu’elle
a été érigée à l’emplacement même du château fort des rois
de Navarre et qu’elle a été construite avant Vauban, donc par des
ingénieurs militaires d’une génération précédente. Le mémoire
que Vauban rédigea à la suite de l’inspection de la citadelle
« la
plus petite du royaume17 »,
qu’il effectua en 1685, atteste qu’elle n’est pas son œuvre et
qu’elle lui est antérieure. Mais aucune des sources consultées ne
révèle ni sa date de construction, ni le nom de son constructeur.
Aucune ne confirme l’hypothèse, retenue par la tradition locale,
de sa construction par le Chevalier Antoine de Ville, dont aucune
source ne cite le nom. Le but de la recherche fut donc, au-delà de
cette certitude et de ces premiers éléments, d’approfondir notre
connaissance de l’histoire de son établissement. Il s’agissait
de renouveler les hypothèses portant sur l’époque de construction
de la citadelle primitive et sur le nom de l’ingénieur
du Roy
qui en dressa les plans. Il convenait de préciser les phases et les
étapes de ses rénovations, d’en cerner la nature, d’en
circonscrire les dates ou les périodes. Il s’agissait de savoir à
quelle époque, baroque ou classique, et à quelle école, ou
génération, d’ingénieurs elle se rattache : Vauban, de
Ville, ou lequel de leurs contemporains ou précurseurs.
Par
ailleurs, en révélant précisément la nature et l’ampleur des
modifications, dont celles provoquées par l’inspection de Vauban,
que la citadelle a subies depuis sa construction initiale, l’étude
devait permettre d’apprécier le degré d’authenticité de la
citadelle que nous visitons aujourd’hui. En outre, les sources nous
renseignent abondamment tant sur l’organisation et le
fonctionnement de la citadelle, que sur la composition de la garnison
et ses conditions de vie au XVIIIe siècle et aux siècles suivants.
Elles complètent notre information sur l’implication de la
citadelle dans l’histoire des relations et des conflits
franco-espagnols durant les Temps modernes et au début de l’Epoque
contemporaine. Elles précisent enfin les dates et les conditions
d’établissement d’une enceinte autour de la ville basse ainsi
que les projets de création d’une place forte englobant citadelle
et cité, élaborés au cours des XVIIIe et XIXe siècles.
Présenter
les résultats de cette recherche, les hypothèses et les conclusions
auxquelles elle est parvenue, tel est l’objet du présent mémoire.
Le premier chapitre retrace les grandes lignes du cadre historique et
géographique dans lequel s’inscrivent la construction de la
citadelle et les projets d’aménagement d’une place forte. Le
deuxième chapitre rappelle les phases majeures de l’histoire de la
naissance et de l’évolution de la fortification bastionnée
jusqu’à Vauban, histoire à laquelle la citadelle participe. Le
troisième chapitre esquisse quelques pistes novatrices de recherche
concernant les origines du château médiéval antérieur à la
citadelle, ainsi que sur les étapes de la naissance et de
l’évolution de la vieille cité au Moyen-Âge. Quant au quatrième
chapitre, il est consacré à l’exposé du coeur des résultats de
la recherche, à l’approche discursive des conclusions et des
hypothèses concernant les dates et les étapes de la construction de
la citadelle primitive, l’identité de son constructeur, les
conditions de son achèvement, l’ampleur et la nature des
transformations et modifications qui lui ont été apportées jusqu’à
ce jour. Le cinquième chapitre est dédié à une présentation
thématique et une description détaillées de la citadelle, vues
sous l’angle de ses capacités militaires. Une évocation du camp
retranché de Saint-Jean-Pied-de-Port et de son rôle dans les
guerres de la Révolution et de l’Empire fait l’objet du sixième
chapitre. Le septième chapitre expose l’évolution de la cité à
l’époque moderne ainsi que les projets et travaux tant de
restauration de la muraille médiévale que d’établissement d’une
enceinte autour de la ville basse. Il présente les plans
d’aménagement d’une véritable place forte autour de la
citadelle et de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port. La conclusion
tente de résumer les points établis par la présente recherche tout
en balisant les questions restant ouvertes.
Les
résultats de l’étude confirment la valeur patrimoniale et
l’intérêt historique de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port. Cet
intérêt et cette valeur sont d’autant plus grands que l’étude
démontre que la citadelle est, non une réalisation de Vauban, mais
un exemple rare de citadelle bastionnée primitive de l’époque
baroque. Il est ainsi établi que la commune de
Saint-Jean-Pied-de-Port, témoin de l’histoire commune de la
Navarre, de l’Espagne et de la France, possède avec ses enceintes
fortifiées, et surtout sa citadelle, un patrimoine original de
grande qualité.
1
Voir photographie n° 1.
2
Cf. bibliographie n° 27, 29, 30, 31, 33, 34, 39, 40 et 42.
3
Organisme relevant du Ministère de la Défense, le Service
Historique de l’Armée de Terre (SHAT) conserve 54 kilomètres
d’archives militaires et possède une bibliothèque riche de 600
000 volumes (voir Tome II).
4
Cf. sources manuscrites n° 01 à 12 et cartographiques n° 19 à
29.
5
Cf. sources manuscrites n° 13 à 18 et cartographiques n° 30 à
34.
6
Cf. sources cartographiques n° 35 à 39.
7
Ces documents sont conservés dans la bibliothèque située dans le
pavillon du roi du château de Vincennes.
8
Ces documents font partie des archives du Génie conservées dans le
pavillon des armes du château de Vincennes.
9
Cf. sources manuscrites n° 04 et 05.
10
La BNF est actuellement implantée sur plusieurs sites, dont les
principaux sont la bibliothèque Richelieu, la bibliothèque de
l’Arsenal et la bibliothèque François Mitterrand construite en
1998 dans le quartier de Tolbiac (voir Tome II).
11
Cf. Les cahiers du CEHD – Histoire de la fortification – Cahier
n° 10, pages 131 à 149.
12
Cf. David Buisseret, bibliographie n° 14.
13
Cf. source publiée n° 45 et bibliographie n° 17 à 20.
14
Cf. sources publiées 41 et 42.
15
Cf. source publiée n° 43.
16
Cf. source publiée n° 44.
17
Cf. source manuscrite n° 04-a. Cette affirmation de Vauban fut
plagiée par plusieurs mémoires postérieurs dont celui de Canut
rédigé en 1753 (source manuscrite n° 15).
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