2016. La bataille de Château-Pignon (1-6 juin 1793)

Article publié par le Bulletin de la Société des sciences lettres et arts de Bayonne, 

n° 172, année 2017


Après la conquête du royaume de Navarre, Ferdinand d’Aragon, roi des Espagnes, fit ériger, vers 1513-1515, une forteresse, dénommée Château Pignon, ou Castel Peñon, à trois kilomètres environ au Nord de la ligne de crête des Pyrénées, afin de contrôler l’itinéraire qui, reliant Pampelune, capitale du royaume de Navarre, à sa province d’Outre-Ports, conduisait de Burguete à Saint-Jean-Pied-de-Port, après avoir franchi la chaine des Pyrénées au col de Roncevaux. Près de trois siècles plus tard, à l’époque de la Révolution française, la ligne de crête étant la frontière entre la France et l’Espagne depuis le traité des Pyrénées de 1659, le site de Château Pignon constitua l’objectif initial de l’offensive espagnole qui visait à s’emparer de la citadelle et de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il fut ainsi le terrain d’une dure bataille, qui dura six jours, du 1er au 6 juin 1793, entre l’armée du roi d’Espagne et l’armée française, nouvellement créée, de la Convention.
Les fonds d’archives conservées par le Service Historique de la Défense implanté au château de Vincennes, contiennent nombre de documents relatifs à la guerre franco-espagnole qui se déroula sur la frontière des Pyrénées de 1793 à 1795. Leur étude nous a permis d’approfondir et de préciser la connaissance que nous avions des combats qui opposèrent les armées espagnoles et françaises durant le printemps 1793, notamment lors de la bataille de Château Pignon du 1er au 6 juin 1793. La reconstitution de l’organisation du système défensif et du déroulement des combats, telle qu’elle ressort de l’exploitation de ces archives, fait l’objet du présent article, dont la partie initiale rappelle le cadre général, politique, stratégique, militaire et géographique, dans lequel ils se déroulèrent. Cette recherche pourrait être utilement approfondie par une exploitation des archives espagnoles de Pampelune et de Simancas, traitant de ces mêmes combats.

CADRE GENERAL POLITIQUE ET MILITAIRE

Cadre Politique

Aux Etats Généraux convoqués par Louis XVI, qui s’ouvrirent au château de Versailles le 5 mai 1789, succédèrent l’Assemblée Nationale qui devint Constituante, puis l’Assemblée Législative qui siégea d’octobre 1791 à septembre 1792. La Convention nationale, qui lui succéda et gouverna jusqu’en octobre 1795, abolit la royauté et proclama la République dès sa séance d’ouverture le 21 septembre 1792. Le roi Louis XVI, dont le procès commença en décembre 1792, fut condamné à la peine capitale. Il fut guillotiné le 21 janvier 1793. A partir du 6 avril 1793, le Comité de Salut Public assuma la totalité des pouvoirs. La Convention envoya, dans toute la France et dans les armées, des « Représentants du Peuple en mission » qui rendirent omniprésente la dictature révolutionnaire.
Le 20 avril 1792, Louis XVI, sous la pression des députés girondins de l’Assemblée Législative, déclara la guerre au « roi de Bohême et de Hongrie », c’est-à-dire à l’Empereur d’Autriche, auquel la Prusse se joignit aussitôt. L’Assemblée déclara la « Patrie en danger » le 10 juillet. La guerre commença de manière désastreuse pour l’armée française complètement désorganisée. Longwy capitula le 23 août, Verdun le 2 septembre. La France fut finalement sauvée de l’invasion par la manœuvre victorieuse de Dumouriez et Kellermann au moulin de Valmy, le 20 septembre 1792. Le 1er octobre, l’armée prussienne commença à rétrograder, évacuant Verdun le 12 octobre et Longwy le 22. Les armées révolutionnaires remportèrent quelques autres succès militaires en occupant Nice et la Savoie en septembre 1792, la rive gauche du Rhin en octobre, puis la Belgique en novembre, après la victoire de Dumouriez à Jemmapes le 6 novembre 1792. Au début de l’année 1793, la situation militaire était rétablie par les armées françaises qui avaient repris l’offensive.
Sur la frontière des Pyrénées, la paix avait continué à régner en 1792. Fidèle à l’esprit du Pacte de Famille conclu en 1761 entre Louis XV et Charles III, la politique de Choiseul, ministre de Louis XVI, avait fait de l’alliance avec l’Espagne le pivot de la politique étrangère française. Lors du déclenchement de la Révolution, profitant de ses bonnes relations avec la France, le roi d’Espagne, Charles IV, essaya d’influer sur les décisions de Paris, notamment pour ce qui concernait le sort du roi de France. Mais, l’emprisonnement, la condamnation, puis l’exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793, provoquèrent la formation de la 1ère coalition, regroupant l’Angleterre, la Hollande, l’Autriche et la Prusse. Finalement, la guerre fut déclarée entre la République française et le royaume d’Espagne, le 7 mars 1793 à l’initiative de la Convention, le 23 mars à l’initiative de Charles IV.

Cadre Militaire Général

Dans la continuité des réformes initiées au lendemain de la sévère défaite subie par les armées françaises à Rossbach le 5 novembre 1757, notamment des énergiques réformes engagées par le comte de Saint-Germain, secrétaire d’état à la guerre de 1775 à 1777, la réforme de 1788 avait uniformément porté le nombre des bataillons d’infanterie de ligne à deux par régiment, chaque bataillon comprenant neuf compagnies, dont une de grenadiers1. La réforme de 1788 avait également procédé à la création de l’infanterie légère, soit de douze bataillons de chasseurs, dont chacun comprenait quatre compagnies.
A Bayonne, était stationné depuis 1785 le Régiment « Angoumois-Infanterie », qui devint le 80ème Régiment d’Infanterie de ligne par décision du 1er janvier 1791, à 2 bataillons. Son prédécesseur à Bayonne, le Régiment « Cambrésis-Infanterie », qui devint à la même date le 20ème Régiment d’Infanterie de ligne, également, à 2 bataillons tenait garnison à Gimont, avec un bataillon détaché à Orthez. En la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, avait été créé en 1788, sous le nom de « Bataillon des Chasseurs Cantabres », un bataillon d’infanterie légère qui prit, en avril 1791, l’appellation de 5ème bataillon d’infanterie légère.
Instituée le 15 juillet 1789, la Garde Nationale fut, pour partie, organisée en bataillons par l’Assemblée Nationale le 21 juin 1791. Dans le département des Basses-Pyrénées, trois « Bataillons de Volontaires Nationaux », furent initialement créés par la loi organique du 14 octobre 1791. Ils étaient fournis respectivement par les districts de Pau pour le 1er bataillon, de Bayonne pour le 2ème bataillon et d’Orthez pour le 3ème bataillon. Chaque bataillon, commandé par deux lieutenants-colonels élus par leurs hommes, avait un effectif théorique de 574 hommes, répartis en 9 compagnies, dont 1 compagnie de grenadiers. L’effectif théorique des compagnies était de 63 hommes, dont 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 2 sergents, 1 fourrier et 4 caporaux.
Après la déclaration de guerre à l’Autriche le 20 avril 1792, la décision de procéder à une « Levée de 100 000 volontaires », prise par l’Assemblée Législative à la suite de la « Déclaration de la Patrie en Danger » le 21 juillet 1792, permit d’accroitre l’effectif de ces bataillons de volontaires, toujours articulés en 9 compagnies. La compagnie de grenadiers comprenait alors 3 officiers et 62 grenadiers, les compagnies de fusiliers 3 officiers et 86 fusiliers, soit un total de 27 officiers et 750 soldats, auxquels s’ajoutait l’E.M. de bataillon, soit un premier lieutenant-colonel, un second lieutenant-colonel, un quartier-maître trésorier, un adjudant-major et un adjudant sous-officier.

Cadre Géographique des Combats de 1793

Depuis le traité des Pyrénées, signé sur l’île des Faisans le 7 novembre 1659, entre Louis XIV et Philippe IV, le fleuve Bidassoa constituait la frontière entre la France et l’Espagne, de son embouchure sur l’océan jusqu’à la ville d’Endarlaza à 2,5 Kilomètres en aval de Vera-de-Bidasoa, point à partir duquel la frontière suivait la ligne sommitale des Pyrénées en commençant par la Rhune. La chaine des Pyrénées n’était réputée franchissable par une armée qu’à chacune de ses extrémités. La carte de Cassini2, dont la feuille de Saint-Jean-Pied-de-Port, portant le numéro 140, fut levée de 1770 à 1773, montre qu’alors, dans sa partie occidentale, la frontière était uniquement franchissable au Pas de Béhobie et aux Ports de Cize, soit au col dit de Roncevaux.
Ainsi deux itinéraires majeurs partaient de Bayonne vers l’Espagne 
  • Le premier entre Nive et Océan, appelé « Route de Paris à Madrid », quittait Bayonne par la Porte d’Espagne, continuait par Bidart, Saint-Jean-de-Luz et Urrugne, jusqu’au Pas de Béhobie où il franchissait la rivière Bidassoa par un gué, utilisable à pied, ou par un bac, tous deux situés en amont de l’Isle de la Conférence, et poursuivait vers Madrid en passant par Irun, Tolosa, Vitoria et Burgos.
  • Le second entre Nive et Adour, appelé « Grande route d’Espagne », quittait Bayonne par la Porte de Mousserole et gagnait Saint-Jean-Pied-de-Port par un chemin de crête, en totalité pavé, passant par Saint-Pierre d’Irube, Mendionde, Irissary et Lacarre, tracé de l’actuelle D.22. Au-delà de Saint-Jean-Pied-de-Port, où il franchissait la Nive de Béhérobie par un pont, de pierre au moins depuis 1650, il continuait vers Pampelune par un chemin suivant la ligne de crête séparant les eaux de la Nive de Béhérobie, ou « Errobi », de son affluent, la Nive d’Arnéguy, qui passait par la chapelle d’Orisson, le « Château Pignon », l’abbaye de Roncevaux et Burguete, après avoir franchi les Pyrénées au col de Bentarte, « Point de réunion des deux Couronnes ». C’est l’actuel chemin des pèlerins de Saint Jacques.
Les plans, cartes et « Mémoires », établis par les ingénieurs-géographes3 du Roy au XVIII° siècle, confirment que la « Grande route d’Espagne » par Saint-Jean-Pied-de-Port et les Ports de Cize, était le seul itinéraire empruntable par les voitures, les charrois et l’artillerie pour rejoindre Pampelune et l’Espagne. Les rapports des militaires du XVIII°4 complètent ces données, en indiquant deux itinéraires supplémentaires utilisables uniquement par les chevaux ou les troupes à pied : l’un de Bayonne à Pampelune par Aïnhoa, Urdax, Maya et Elissondo, l’autre de Saint-Jean-Pied-de-Port à Pampelune, par Arnéguy, Luzaide et le Val Carlos. Ces rapports mentionnent enfin les nombreux sentiers, utilisés par les bergers, qui, empruntant les cols d’altitude, étaient favorables à des manœuvres d’infiltration par des unités d’infanterie.
Ainsi, deux options stratégiques s’offraient à l’agresseur espagnol éventuel de la fin du XVIIIème siècle, pour franchir militairement la frontière dans la partie occidentale des Pyrénées et envahir le Sud de la France :
  • Une option par la zone côtière, le long de la « Route de Paris à Madrid », depuis Saint-Sébastien en direction de Bayonne par Irun, Urrugne, et Saint-Jean-de-Luz après avoir franchi la rivière Bidassoa au Pas de Béhobie, avec possibilités de variantement depuis Vera-de-Bidassoa, soit par le col d’Ibardin et Ascain, soit par le col de Lizuniaga et Sare ;
  • Une option par la zone intérieure, le long de la « Grande route d’Espagne », depuis Pampelune en direction de Bayonne, ou de Pau, par Burguete, l’abbaye de Roncevaux, « Château Pignon », la chapelle d’Orisson et Saint-Jean-Pied-de-Port, après avoir franchi les Pyrénées au col de Bentarte, avec possibilités de variantement depuis Burguete, soit par le col d’Ibañeta, le Val Carlos et Arnéguy, soit par le col de Lindus, la forge de Banca et Baïgorry.
Du Pas de Béhobie au col de Bentarte, la distance à vol d’oiseau était d’une cinquantaine de kilomètres, mais le tracé de la frontière, comme la difficulté des itinéraires, en doublait quasiment la distance, ce qui représentait trois à quatre jours de marche pour un bataillon d’infanterie.
A partir de Saint-Jean-Pied-de-Port, la « Grande route d’Espagne » gravissait une forte pente, amenant d’une altitude de 181 mètres jusqu’à une altitude de 1 100 mètres à hauteur du pic d’Hostatéguy (ou Hastatéguy cote 1 142), trois lieues plus au Sud. Dès le franchissement de l’enceinte du faubourg d’Espagne, alors encore réduite à ses fondations, elle montait à flanc du mont Curutchamendy, passait par le hameau d’Hontto, puis la chapelle Sainte-Madeleine et le cabaret (ou venta) d’Orisson, puis après une courte descente et un coude brutal, elle s’élèvait à flanc du mont Itchachéguy, puis du pic d’Hostatéguy. De ce dernier jusqu’aux pics jumeaux de Mendi Belza, appelés sur la carte I.G.N. Leizar Atheka5, (cotes 1409 et 1385), la route continuait de suivre la ligne de crête qui s’élargissait pour former une sorte de vaste cirque dénudé, un plateau d’altitude, qui montait en pente douce vers la crête sommitale de la chaine des Pyrénées, marquée par les monts Urkulu (cote 1419) et Alto Biscar, appelé par erreur Mendi Chipi sur la carte I.G.N., (cote 1 506). C’est au pic Sud de Mendi Belza (cote 1 385), que la ligne de crête séparant les eaux des Nives de Béhérobie et d’Arnéguy, se raccorde à la crête sommitale de la chaine des Pyrénées, elle-même ligne de séparation des eaux entre, d’une part, le bassin des affluents du fleuve Ebre au Sud, dont les rios Irati qui, enrichi des eaux du rio Legarxa, forme le val d’Aezcoa, Urobi, qui forme le val d’Arce, et Erro qui forme la val éponyme, et, d’autre part, le bassin des affluents du fleuve Adour au Nord, dont les Nives déjà citées. Au-delà des pics de Mendi Belza, la route empruntait les cols de Bentarte (1344 m.) et de Lepoeder (1 470) pour rejoindre le pied du mont Alto Biscar (1 506).
Le plateau d’altitude, que la « Grande route d’Espagne » traverse sur toute sa longueur, va du pic d’Hostatéguy aux pics jumeaux de Mendi Belza. Virtuellement délimité par la courbe de niveau d’altitude 1 100 mètres, il s’étend sur une profondeur de 3 à 4 kilomètres et une largeur de 1 à 2 kilomètres environ. Il est ponctué, du Nord au Sud, par plusieurs éminences et barres rocheuses, tactiquement déterminantes : d’abord, à quatre cents mètres à vol d’oiseau au Sud-Sud-Est du pic d’Hostatéguy, le mont rocheux (cote 1177) au sommet duquel se dressent les ruines d’une forteresse espagnole, datant du début du XVI° siècle, dénommée « Castel Pignon », ou « Château Pignon »6, à ses pieds le rocher de Zerkupé (cote 1085), plus loin l’éminence rocheuse d’Urdanasburu (cote 1233) et enfin le pic d’Urdanarré (cote 1240).
L’importance stratégique du site de Château Pignon est confirmée par le grand nombre de vestiges d’ouvrages, de redoutes et de retranchements encore visibles, sur le terrain ou sur les photos aériennes, qui furent aménagés au tournant des XVIIIème et XIXème siècles. Outre celui construit dans les ruines de Château Pignon, les ouvrages les plus importants se trouvent sur le mont Lindus et sur le mont Alto Biscar (1507) avec un petit ouvrage subordonné au col de Lepoeder. S’y ajoutent les deux redoutes des deux pics de Mendi Belza, dont le général Gaudeul a décrit les vestiges7. Chacun des deux pics porte une redoute datant, selon toute vraisemblance, des combats de 1793. La redoute de la cote 1 385, appelée Erreduta par les bergers, a un plan original irrégulier, avec des dimensions de 92 m. sur 60 m. environ. Sa face Sud-ouest, face à l’ennemi, comporte une courtine de 60 m. encadrée par deux bastions. Elle dispose à l’intérieur d’une plateforme circulaire, d’un diamètre de 19 à 20 m. destinée à une pièce d’artillerie. Sa face Est est percée d’une ouverture où accède un chemin provenant du col de Bentarte. La redoute de la cote 1 409, plus petite (30 m. sur 20 m.) est d’un plan plus simple, celui d’une ellipse, légèrement aplatie vers l’Est, avec au centre un tas de pierre servant sans doute de poste d’observation et une cavité en forme d’entonnoir à vocation d’abri ou de soute à munitions. Sur les pentes des deux pics se distinguent des tranchées. Ce dispositif d’avant-postes semble avoir été complété par une redoute, appelée Soroluze, sur la ligne de crête descendant de la montagne d’Urkulu, au-dessus du col d’Arnostéguy (borne 205), à 1 200 mètres plein Sud de la borne 206.
Géographiquement remarquable, le plateau de « Château Pignon » était, au XVIIIème siècle, stratégiquement déterminant, dès lors qu’il contrôlait la « Grande route » reliant la France et l’Espagne. Aussi devint-il tout naturellement un champ de bataille lors des conflits entre ces deux états, sous la Convention, à partir de 1793.

L’ARMEE des PYRENEES OCCIDENTALES

L’Armée des Pyrénées (1er Octobre 1792 - 1er mai 1793)

Le 1er avril 1792, soit 20 jours avant de voter la déclaration de guerre à l’Autriche, l’Assemblée Législative avait procédé à une réorganisation des armées portant création d’une « Armée du Midi », compétente des Alpes aux Pyrénées, avec son Quartier-Général à Pont-Saint-Esprit. Le 1er octobre 1792, dix jours après la victoire de Valmy, la Convention publia un nouveau décret d’organisation des armées, qui divisait les Forces Armées de la République en huit armées, portait dissolution de l’« Armée du Midi » et créait une « Armée des Pyrénées », formée par la partie occidentale de l’Armée du Midi dissoute, placée sous le commandement du général Servan (de Gerbey), avec son Q.G. à Toulouse. Le général Duverger en commandait la division de droite, dont le PC était à Bayonne, qui disposait de deux petites brigades, respectivement stationnées à Saint-Jean-de-Luz et à Saint-Jean-Pied-de-Port, représentant au total 8 000 hommes.
A sa création le 1er octobre 1792, l’Armée des Pyrénées disposait dans la partie occidentale du piémont pyrénéen de 4 bataillons d’infanterie de ligne, 1 bataillon d’infanterie légère et 1 régiment de cavalerie à 3 escadrons à cheval, issus de l’ancienne armée royale, ainsi que de 14 bataillons de volontaires : trois bataillons de volontaires des Basses-Pyrénées, deux des Landes, six de la Gironde et trois des Hautes-Pyrénées. Ceux du département des Basses-Pyrénées, commandés respectivement par les citoyens Désolines, Nogués et Lalanne étaient encore à cette date à peine équipés, tandis que les unités de l’armée régulière étaient bien armées, mais incomplètes en effectifs. Au cours des derniers mois de l’année 1792 et du premier trimestre 1793, les difficultés de recrutement de soldats restèrent importantes malgré les levées. L’émigration et les destitutions d’officiers nobles, rendant l’encadrement insuffisant en nombre, nécessitèrent la nomination de sous-officiers en remplacement des officiers nobles, déserteurs ou destitués, dans les bataillons de l’armée régulière, qui furent tour à tour passés en revue.
Quant aux bataillons de volontaires, ils s’accrurent en nombre, mais ils restaient mal équipés et insuffisamment instruits. La levée de volontaires de l’été 1792 se déroula correctement dans le département des Basses Pyrénées, mais les hommes levés étaient, non des volontaires, mais essentiellement des requis désignés par les autorités municipales et l’encadrement des bataillons était de qualité très irrégulière. Elle permit, à l’automne, de créer dans le département un 4ème bataillon8, dont le lieutenant-colonel Jean-Baptiste Mauco fut commandant en second avant d’en assumer le commandement en premier. Le P.V. de création de ce bataillon, en date du 25 novembre 1792, soulignait la mauvaise qualité de l’habillement de la 4ème compagnie, fourni par la ville de Bayonne. Les difficultés d’équipement et d’habillement de ce bataillon furent confirmées en janvier 1793, à nouveau le 4 avril 1793, par un compte-rendu qui soulignait le dénuement du bataillon, alors déployé à Saint-Jean-Pied-de-Port. La moitié des hommes était dite ne pas disposer de fusils bons pour la guerre. Des problèmes de discipline, enfin, y furent rapportés le 4 avril 1793.

Situation sur la Frontière des Pyrénées Occidentales

Le 23 septembre 1792, la Convention avait décidé l’envoi de trois Commissaires, Représentants du Peuple en mission, d’une part, à Bayonne, et, d’autre part à Perpignan, « pour préparer la défense nationale contre une éventuelle agression de l’Espagne ». Arrivés à Bayonne le 12 octobre 1792, les trois Représentants du Peuple, Commissaires de la Convention Nationale, Carnot, ancien officier du génie, Garrau et Lamarque, étudièrent l’organisation de la défense, en collaboration avec l’Adjudant-Général J.G. Lacuée, Commissaire du Conseil exécutif à Bayonne, c’est-à-dire représentant du Ministre de la Guerre. Ils jugèrent la situation militaire difficile sur la frontière espagnole, où ils identifièrent deux menaces distinctes aux deux extrémités des Pyrénées, distantes de 400 kilomètres, confirmant ainsi le jugement du chef d’état-major de l’armée des Pyrénées, le maréchal de camp Choderlos de Laclos.
Les Commissaires, qui séjournèrent dans la région jusqu’au 22 novembre, furent frappés par le mécontentement des Basques au sujet de la délimitation de la frontière, notamment en vallée de Baïgorry. En effet, depuis avril 1792, à la suite de la déclaration de guerre de la France à l’Autriche, et bien que la paix continuait officiellement à régner entre les deux états, des concentrations de forces armées espagnoles s’étaient produites à la frontière, sur les confins de la Navarre et du Guipuzcoa. Henri Fargues9, natif et maire de Saint-Jean-Pied-de-Port au début de la Révolution, inquiet de telles dispositions de mise sur pied de guerre des troupes espagnoles, avait, le 2 septembre 1792, mis en alerte la Garde nationale, assujettie à deux séances d’instruction militaire hebdomadaires. Joseph Matenotte, ancien soldat de l’armée royale retiré dans la cité, en assumait le commandement.
En réaction spontanée devant cette situation, les habitants des pays de Cize et Baïgorry, qui se considéraient déjà en état de guerre avec les Espagnols depuis la signature du « Traité des Limites », le « Traité d’Elizondo », en 1785, assumèrent spontanément la garde de leur frontière. Ainsi, dans les communes des vallées frontalières, s’organisèrent, dès la fin de l’été 1792, des compagnies franches, formées de Basques, bergers et chasseurs, attachés à leurs libertés, ayant une connaissance parfaite des sentiers et des passages dans les montagnes, qui rendirent bientôt les plus grands services aux armées. La seule limitation était que les hommes voulaient être employés dans leurs districts d’origine. Henri Fargues eut également un rôle moteur dans la création de ces compagnies franches, qui prirent le nom de « Chasseurs Basques » fin 1793. Cette génération spontanée de compagnies franches compléta heureusement les unités constitutives de l’Armée des Pyrénées. Pour suppléer le manque d’unités de cavalerie dans les armées françaises, le décret du 31 mai 1792 avait autorisé la création de compagnies de « Chasseurs ». Aussi, s’étant rendus à Saint-Jean-Pied-de-Port le 6 novembre 1792, les Commissaires du gouvernement autorisèrent officiellement la création des compagnies franches, regroupant les habitants des vallées, qui avaient déjà spontanément pris les armes. Le 1er décembre 1792, quatre compagnies franches étaient reconnues opérationnelles, dont les officiers et sous-officiers avaient été élus : Cie Harispe : 125 hommes; Cie Iriart : 117 hommes; Cie Lassalle : 115 hommes; Cie Berindoague : 110 hommes.
L’état des places frontière constituait un autre des sujets de préoccupation. Les Représentants du Peuple inspectèrent, le 8 octobre 1792, la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, ainsi que le 5ème bataillon d’infanterie légère qui y tenait garnison, dont l’effectif présent était de 602 hommes, soit en déficit de 191 pour être sur pied de guerre et de 214 pour être sur grand pied de guerre. Il fit l’objet de très bonnes notes pour ce qui concerne sa tenue, sa discipline, son esprit ainsi que son niveau d’instruction (« le meilleur actuellement »). Son habillement et son armement furent jugés corrects. Son seul point faible était l’état de ses finances « comme dans toute l’armée ». Renouvelant leurs inspections à Saint-Jean-Pied-de-Port10, en novembre, décembre, puis en février 1793, les Représentants du Peuple prescrivirent des travaux d’amélioration de la citadelle et demandèrent des renforts en matériels d’artillerie.

Déploiement de la brigade de StJPdP jusqu’à la mi-avril 1793

En début de l’année 1793, la situation à la frontière était devenue un sujet de grave inquiétude. Le 7 Février 1793, le capitaine du génie Duvignau-Duverger, alors à Saint-Jean-Pied-de-Port, reçut mission de recueillir des renseignements sur les forces espagnoles et sur la fonderie royale d’Orbaiceta. Le 10 mars 1793, la crainte d’une attaque espagnole contre Saint-Jean-Pied-de-Port fut exprimée, bien que les Espagnols aient pour l’instant adopté une attitude défensive. Le 30 mars 1793, un déploiement de 21 000 espagnols fut signalé à la frontière, faisant craindre des menaces d’incursion, voire d’attaques tant en direction de Saint-Jean-Pied-de-Port que de Hendaye.
Le Général Nucé, commandant la brigade de Saint-Jean-Pied-de-Port en même temps que la place de Saint-Jean-Pied-de-Port, se rendit en février 1793 à Toulouse au Q.G. de l’armée des Pyrénées où il obtint que soient acheminés des renforts, qui se réduisirent finalement à la 2ème compagnie de Chasseurs du Louvre ainsi qu’à un détachement de 27 canonniers avec 4 pièces de 4 et 4 caissons de munitions. Le 20 février 1793, six compagnies franches supplémentaires11, équipées et armées, à l’effectif théorique de 150 hommes, étaient prêtes à être passées en revue, portant, à la mi-mars, à dix le nombre des compagnies franches formées de Basques12, qui furent bientôt déclarées opérationnelles, représentant un effectif total de 1 800 hommes.
Le général (Lamoureux de) La Genetière prit, le 19 mars 1793, le commandement de la brigade et de la place de Saint-Jean-Pied-de-Port13. Cette brigade comptait à la mi-avril 1793, sept bataillons de volontaires ainsi que le 3ème escadron de la 2ème division de gendarmerie nationale, soit 186 gendarmes à cheval. Cinq de ces bataillons étaient, à cette date, déployés dans les villages frontaliers de Bidarray à Mauléon, avec des compagnies isolées tenant des postes avancés aux Aldudes, à Ondarolle, Orisson, Château Pignon, au col de Larrau et à Sainte-Engrâce. Le 2ème bataillon de volontaires des Basses-Pyrénées était installé dans la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port et le 3ème bataillon de volontaires des Hautes Pyrénées dans la cité de Navarrenx. Un tel dispositif linéaire ne conférait à cette brigade qu’une simple capacité de surveillance de la frontière, tandis que le camp de Saint-Jean-Pied-de-Port tenu par un seul bataillon dans la citadelle, éclairé par quelques avant-postes de compagnies, ne pouvait s’opposer qu’à des incursions ennemies de faible agressivité.

Création de l’Armée des Pyrénées Occidentales (1er mai 1793)

Créée par décret du 1er octobre 1792, avec son Q.G. à Toulouse, l’Armée des Pyrénées, qui était montée progressivement en puissance au cours de l’hiver 1792-1793, fut, à son tour, dissoute et divisée en deux, par le décret du 30 avril 1793, pris par la Convention un mois après la déclaration de guerre entre la France et l’Espagne. Furent ainsi formées deux armées : une « Armée des Pyrénées Orientales et du Roussillon » et une « Armée des Pyrénées Occidentales » (A.P.O.). Celle-ci était placée sous le commandement du général Servan (de Gerbey), qui commandait jusqu’alors l’Armée des Pyrénées, avec pour Chef d’état-major le Général Lacuée qui succéda le 8 mai à ce poste au général Choderlos de Laclos. Son Quartier Général fut successivement installé à Bayonne, puis à Saint-Jean-de-Luz.
L’A.P.O. comprenait, à sa création le 1er Mai 1793, deux régiments d’infanterie de ligne, chacun à deux bataillons, issus de l’ancienne armée royale : le 20° R.I. (ex « Cambrésis-Infanterie ») et le 80° R.I. (ex « Angoumois-Infanterie »). Chaque bataillon, d’un effectif théorique proche de 1 000 hommes, s’articulait en 1 compagnie de grenadiers et 8 compagnies de fusiliers. Elle comprenait également le 5ème bataillon d’infanterie légère (ex « Bataillon de Chasseurs Cantabres »), porté à 8 compagnies de chasseurs, ainsi qu’un régiment de cavalerie : le 18ème régiment de Dragons à 3 escadrons à cheval. S’y ajoutaient vingt-trois bataillons de volontaires nationaux, formées de jeunes recrues issus des levées successives : 4 bataillons des Basses Pyrénées, 3 bataillons des Hautes Pyrénées, 2 bataillons des Landes, 2 bataillons de l’Aude, 2 bataillons de la Dordogne, 3 bataillons de la Haute Garonne, 1 bataillon du Lot-et-Garonne, 1 bataillon du Gers, 3 bataillons de la Gironde, 1 bataillon du Tarn et 1 bataillon de l’Hérault. Une vingtaine de compagnies de chasseurs et dix compagnies franches, formées de volontaires basques, en complétaient les effectifs, dont le total atteignait 24 000 hommes. L’armée comportait en outre des éléments d’artillerie et de gendarmerie.
Déployée dans le triangle Hendaye, Bayonne, Saint-Jean-Pied-de-Port, l’A.P.O. était articulée en deux divisions. La division de droite, commandée par le général Dubouquet, avec son P.C. à Saint-Jean-de-Luz, tenait la zone côtière. Les gros de cette division, déployés entre Saint-Pée et Saint-Jean-de-Luz, comprenaient 2 bataillons du 80ème R.I. et 9 bataillons de volontaires dont le 3ème bataillon des Basses Pyrénées, soit un effectif total de 7 864 hommes. S’y ajoutait une avant-Garde dans le secteur d’Hendaye, à l’effectif total de 3 955, forte de 2 bataillons du 20ème R.I., le 5ème bataillon d’infanterie légère, 2 bataillons de volontaires et 4 unités de chasseurs. La division de gauche dont le P.C. était à Saint-Jean-Pied-de-Port, placée aux ordres du général (Lamoureux de) La Genetière, tenait le secteur de Bidarray à la forêt d’Iraty. Elle comprenait 6 bataillons de volontaires (1er, 2ème et 4ème bataillons des Basses-Pyrénées, 4ème bataillon du Lot-et-Garonne, 3ème bataillon des Hautes Pyrénées, 3ème bataillon de la Dordogne), 4 compagnies de Chasseurs Basques et la 2ème compagnie de Chasseurs du Louvre. Son effectif total était de 4 897. Le dispositif défensif de l’armée était flanc-gardé à ses deux extrémités par des groupements de compagnies de chasseurs, le premier d’un effectif de 1 884 hommes entre Saint-Gaudens et Saint-Jean-Pied-de-Port, le second d’un effectif de 590 hommes autour de Biriatou. Enfin, un certain nombre d’unités et de bataillons de volontaires tenaient, encore à cette date, garnison dans les villes de Bayonne, Auch, Tarbes, Pau, Pamiers, Toulouse et Bordeaux.
Ce déploiement des forces françaises, au plan quantitatif comme qualitatif, montre clairement que la menace espagnole principale était, à la date du 1er Mai 1793, identifiée dans la zone côtière, face à Hendaye et Sarre, où étaient déployés 16 bataillons dont les 5 bataillons issus de l’ancienne armée régulière royale. L’Armée des Pyrénées Occidentales dut immédiatement faire face aux premières offensives de l’armée espagnole qui, profitant de son indéniable supériorité quantitative et qualitative, prit l’initiative. Elle alterna ses offensives entre la zone côtière avec Saint-Jean-de-Luz comme objectif, et la zone intérieure avec Saint-Jean-Pied-de-Port comme objectif, agissant sur chacune de ses directions alternativement par des attaques frontales sur l’axe de chacun des itinéraires et par des manœuvres de débordement. Ne pouvant agir qu’en réaction, l’A.P.O. fit face en parant au plus pressé. Pour s’opposer aux actions ennemies, elle remania sans cesse son dispositif et son organisation, elle engagea les unités disponibles, parfois à peine formées, et elle dut faire sans cesse preuve de pragmatisme, d’esprit inventif et de capacités réactives.

Forces Armées Espagnoles

Face au dispositif français de défense de la frontière des Pyrénées, ainsi articulé en deux armées, des Pyrénées occidentales et des Pyrénées orientales, l’Espagne déploya trois armées, l’armée du Roussillon à l’Est, l’armée d’Aragon au Centre et, à l’Ouest, l’armée de Guipuzcoa et Navarre. Cette dernière était commandée pat le Lieutenant Général Don Ventura Caro, le négociateur du « Traité des Limites ». La mission qui lui était confiée, était défensive, car l’effort offensif espagnol devait se porter sur les Pyrénées orientales, avec pour objectif la reconquête du Roussillon. L’armée espagnole de Guipuzcoa et de Navarre, forte de 18 000 hommes à 22 000 hommes, dont douze mille fantassins et six cents cavaliers, disposait d’une artillerie nombreuse, comprenant en plus des canons, un certain nombre d’obusiers, arme nouvelle à l’époque14. Déployée sur la chaine des Pyrénées, elle protégeait les directions de Saint-Sébastien et de Pampelune. Sur l’axe Pampelune, Saint-Jean-Pied-de-Port, elle avait installé plusieurs camps, appuyés par des retranchements, sur les hauteurs de l’Alto Biscar, d’Ibañeta et du Lindus, qui protégeaient les vallées du Baztan, d’Aezcoa, d’Arce, la forêt d’Iraty ainsi que les fonderies royales d’Eugui et d’Orbaiceta.
Disposant de l’initiative, connaissant l’état de faiblesse qualitatif et quantitatif de nos forces dans les Pyrénées occidentales et surtout l’état de dénuement dans lequel elles se trouvaient en artillerie, attelages et munitions, le Général don Ventura Caro ne craignit pas d’enfreindre les instructions de la Cour qui lui commandaient de rester sur la défensive. Passant à l’offensive dès la fin du mois d’avril dans le but de refouler les Français des positions clefs qu’ils tenaient dans les cols de la frontière, il porta son effort initial dans la zone côtière.

Les COMBATS du PRINTEMPS 1793 sur les PYRENEES

Combats Initiaux en Zone Côtière (23 Avril et 1er Mai 1793)

Les hostilités avaient commencé dès le 23 avril 1793 par un bombardement d’Hendaye, puis par le franchissement de la Bidassoa au Pas de Béhobie par l’infanterie espagnole. Un détachement du 5ème bataillon d’infanterie légère connut alors son premier engagement opérationnel, lorsqu’il surprit à Biriatou un parti espagnol dont il tua 13 hommes et provoqua la noyade d’une quarantaine dans la Bidassoa. Les forces espagnoles attaquèrent le fort d’Hendaye, où les volontaires de l’armée républicaine, surpris, reculèrent avant de prendre la fuite. Le lieutenant-colonel Willot, à la tête du 5ème bataillon d’infanterie légère15, s’élança en contre-attaque et réveilla le courage des volontaires qui se rallièrent à lui. L’infanterie espagnole fut repoussée et rejetée de l’autre côté de la Bidassoa. Ainsi, les Français reprirent le jour même le fort d’Hendaye et tous les postes perdus le matin.
Le 1er mai, le général Caro reprit son attaque par une manœuvre de débordement partant de Vera-de-Bidasoa en direction de Sare. Les positions françaises furent emportées. Malgré la bravoure des grenadiers aux ordres du capitaine La Tour d’Auvergne, qui réussit à arrêter temporairement les Espagnols, les troupes françaises, prises de panique devant la supériorité numérique ennemie, refluèrent jusqu’à Ustaritz. Les Espagnols n’essayèrent pas d’exploiter leur succès. Ils brûlèrent le camp de Sare, puis ils repassèrent la frontière. Les troupes du camp d’Hendaye, craignant d’être tournées par l’ennemi, abandonnèrent précipitamment leurs positions et retraitèrent dans le plus grand désordre.
Le général Servan était venu de Toulouse en inspection à Bayonne dès le mois d’avril alors qu’il commandait encore l’Armée des Pyrénées. Le 1er mai 1793, date de sa prise de commandement de l’A.P.O., il était en inspection à Saint-Jean-Pied-de-Port, où il apprit les événements qui venaient de se dérouler dans la région d’Hendaye. A cette nouvelle, il revint en toute hâte à Bayonne et, le lendemain 2 mai, il se rendit à Saint-Jean-de-Luz, inspecter la division commandée par le général Dubouquet. Dans son rapport aux Représentants du Peuple, le général Servan, jugeant qu’il était impossible de reprendre et de défendre Sare, recommanda de regrouper plus en arrière le dispositif défensif, afin de mieux assurer la défense de Bayonne. Sa proposition fut finalement agréée par les Représentants du Peuple. Le général Servan établit donc la nouvelle ligne de défense sur le cours de la Nivelle de Saint-Pée à Saint-Jean-de-Luz. Il créa, en outre, un centre de formation à Bidart pour améliorer le niveau d’instruction et d’entrainement des bataillons de l’armée.
Soucieux d’être mieux renseigné sur les mouvements ennemis, le général Servan réorganisa et accrut le volume de ses moyens de reconnaissance. Il ordonna la mise en place d’un détachement du 18ème régiment de Dragons à Cambo pour chercher du renseignement vers Espelette et Itxassou. Le 6 mai, il ordonna à chaque bataillon de volontaires de constituer, en plus de sa compagnie de grenadiers, une compagnie de chasseurs de 89 hommes, dont 3 officiers et 1 tambour, et il donna l’ordre au citoyen Delalain, commandant le 5ème bataillon d’infanterie légère, de prendre sous ses ordres toutes ces compagnies de chasseurs. Le 13 mai, il confia au citoyen Delalain, promu général de brigade le 7 mai, le commandement de l’avant-garde de l’armée à Saint-Pée. Le 23 mai, il lui donna l’ordre d’envoyer en renfort à Saint-Jean-Pied-de-Port un « bataillon de marche » regroupant onze compagnies de chasseurs, sous les ordres du capitaine Moncey : deux compagnies de chasseurs du 5ème bataillon d’infanterie légère, la compagnie franche de Bordeaux et huit compagnies de chasseurs des bataillons de volontaires. Ces unités firent mouvement par Bayonne, où elles firent étape et touchèrent un complément d’équipement et d’armement, puis, après une seconde étape à Mendionde, elles arrivèrent à Saint-Jean-Pied-de-Port le 28 mai au soir. Quant au lieutenant-colonel Willot, avec le 5ème bataillon d’infanterie légère, comprenant alors six compagnies de chasseurs ex-Cantabres et les compagnies de chasseurs issues des bataillons de volontaires, il reçut pour mission de couvrir la ligne de défense de la Nivelle en se déployant au Sud de la coupure.
Enfin, le général Servan redéploya ses moyens de combat pour réduire l’extension de son dispositif défensif et le renforcer au plus près de la frontière. Le général La Genetière, commandant la division de Saint-Jean-Pied-de-Port, fut renforcé en pièces d’artillerie et barils de poudre, en fusils et pierres à fusil, en sabres et baudriers, en habillement, souliers et tentes. Le 3ème bataillon de volontaires des Landes en cours de mouvement de la Soule vers la côte, fut arrêté à proximité de Saint-Jean-Pied-de-Port et, le 16 mai, le 8ème bataillon de volontaires de la Gironde lui fut affecté. Il disposait donc alors de huit bataillons de volontaires, auxquels s’ajouta, le 28 mai, le bataillon de marche de chasseurs du capitaine Moncey.

Escarmouches Préliminaires en Vallée d’Arnéguy (21-23 Mai 1793)

Lorsqu’il avait pris le commandement de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port, le 1er mai, le général La Genetière avait déjà resserré son dispositif sur Saint-Jean-Pied-de-Port et en avait reporté le centre de gravité plus en avant dans la zone montagneuse frontalière. Les 6 bataillons de volontaires, les 4 compagnies de Chasseurs Basques et la 2ème compagnie de Chasseurs du Louvre qui composaient la division, étaient alors campés entre Saint-Jean-Pied-de-Port, Baïgorry, Les Aldudes, Orisson et Château Pignon. Le dispositif français, linéaire, très étalé et sans réserve, avait une meilleure capacité de surveillance de la frontière, mais restait incapable de la défendre face à une attaque en règle. Début mai, le général La Genetière redéploya son dispositif en avant de Saint-Jean-Pied-de-Port, en faisant faire mouvement aux trois bataillons de volontaires nationaux des Basses-Pyrénées : le 2ème bataillon quitta la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port pour prendre position autour de Château-Pignon où il entreprit l’aménagement d’un camp et d’une redoute, le 1er bataillon le remplaça dans la citadelle, le 4ème bataillon s’engagea plus avant dans la vallée de Baîgorry jusqu’aux Aldudes. Un tel déploiement lui permettait d’être rapidement informé de toute incursion ennemie et lui conférait une certaine capacité d’interdire l’accès de Saint-Jean-Pied-de-Port, en barrant la direction du Grand Chemin d’Espagne en amont d’Orisson, en contrôlant les vallées des Nives de Béhérobie et des Aldudes, et en surveillant les nombreux cols d’altitude entre Bidarray et la forêt d’Iraty. Mais il restait incapable de contrer une réelle offensive.
En mai, la situation dans le secteur de Saint-Jean-Pied-de-Port resta calme. Seuls quelques combats d’avant-postes furent signalés, le 1er mai, dans la vallée des Aldudes. Après son installation à Château Pignon, le 2ème bataillon de volontaires des Basses-Pyrénées, y connut quelques « affaires » d’avant-postes qui donnèrent confiance aux volontaires. Le 9 mai, une compagnie d’une centaine d’hommes effectua une patrouille jusqu’aux cols d’Arnostéguy et de Bentarte sans rencontrer d’ennemi. Elle poursuivit sa progression jusqu’à la fonderie royale espagnole d’Orbaiceta, où elle se trouva face à des Espagnols qui tentèrent une défense, puis finirent par s’enfuir. Le même jour, une « affaire » aux Aldudes se termina à l’avantage des Français.
Fin mai, les Espagnols, balançant leur effort, prirent l’initiative de quelques démonstrations de force en direction de Saint-Jean-Pied-de-Port. Le 21 mai, s’infiltrant depuis le col d’Ibañeta dans le Val Carlos, ils pénétrèrent jusqu’au village de Luzaide, en face d’Ondarolle, où ils s’installèrent avec un volume de forces important qui fit craindre une attaque contre Saint-Jean-Pied-de-Port. Des renseignements faisaient état de quarante pièces de canon de calibres 12 et 18 ainsi que de 6 obusiers réunis dans la vallée de Roncevaux et de 12 000 hommes échelonnés de la vallée du Baztan à Orbaiceta. L’officier qui commandait à Ondarolle crût prudent de se replier par la montagne sur le camp de Château Pignon où, dans la nuit, le général La Genetière fit parvenir les renforts dont il pouvait disposer. Il s’y porta lui-même le 22 mai à la pointe du jour, accompagné des Représentants du Peuple, Baudot, Projean et Chaudron-Rousseau, pour faire un point de situation sur place. Il décida de déloger les Espagnols installés à Ondarolle et à Luzaide et de les rejeter du Val Carlos. Le lendemain 23 mai, il lança contre eux une attaque par la vallée, menée par 500 hommes des 4ème bataillon du Lot-et-Garonne et 3ème bataillon des Landes, soutenue par une descente de volontaires du 2ème bataillon des B.P. et de chasseurs basques par les sentiers de montagne depuis les hauteurs de Château Pignon. Le village d’Ondarolle fut repris facilement, mais les Espagnols résistèrent à Luzaide, sur la rive opposée de la Nive. Les chasseurs basques acheminèrent par les sentiers de montagne depuis la crête de Château Pignon une pièce de canon de 4 jusqu’à un escarpement rocheux au-dessus d’Ondarolle, dominant le village de Luzaide, contre lequel le canon pouvait tirer avec efficacité. Les Représentants du Peuple qui avaient suivi cette opération difficile, voulurent tirer eux-mêmes le premier coup de canon. Ainsi appuyés, les unités d’infanterie donnèrent l’assaut aux 1 500 Espagnols retranchés dans le village de Luzaide. Le combat dura quatre heures. Finalement, les Espagnols, soumis aux tirs de canon et menacés d’être tournés, évacuèrent Luzaide et prirent la fuite. L’ennemi laissa 12 morts sur le champ de bataille et 7 prisonniers aux mains des Français.
Cependant, au cours de ce mois de mai, le général don Ventura Caro avait maintenu la pression dans le secteur côtier, après ses premiers succès à Hendaye. Ayant fait construire un pont sur la Bidassoa, il fit franchir le fleuve à ses troupes qui, établirent un camp à La Croix des Bouquets, mais il ne les fit pas progresser plus avant en direction de Saint-Jean-de-Luz. Il fit seulement effectuer une reconnaissance lourde vers les hauteurs de Bordagain, au-dessus de Ciboure et Socoa. En réaction, le général Servan fit renforcer, le 2 juin, les positions du mont Bordagain par le 1er bataillon du 80ème RI et trois bataillons de volontaires, disposant de deux pièces de canon de 4.

Premiers Combats devant Château Pignon (1er juin et 2 juin 1793)

La place forte de Saint-Jean-Pied-de-Port restait, à cette date, l’objectif principal des opérations espagnoles. Le 1er juin, le général don Ventura Caro décida d’accentuer son effort et d’attaquer en direction du plateau de Château Pignon sur l’axe Burguete - Saint-Jean-Pied-de-Port. Pour ce faire, il dégarnit ses positions sur la Bidassoa et renforça de 4 000 hommes supplémentaires les 12 000 fantassins, 600 cavaliers et les nombreux artilleurs dont il disposait dans les vallées du Baztan et de Roncevaux. Il concentra ses forces en un dispositif centré sur l’Alto Biscar, menaçant directement le plateau de Château Pignon, mais permettant également de déboucher, par les cols, soit dans le Val Carlos, soit dans la vallée des Aldudes.
Face à cette menace espagnole, la division du général La Genetière comptait, le 1er juin, huit bataillons de volontaires16 et quatre compagnies franches, et elle venait d’être renforcée par le bataillon de marche de chasseurs aux ordres du capitaine Moncey. Compte tenu du relief très compartimenté autour de Saint-Jean-Pied-de-Port, son dispositif restait trop éclaté et sa ligne de défense trop étendue pour les effectifs disponibles. Elle avait, cependant, renforcé ses positions avancées sur le Grand Chemin d’Espagne par Orisson et Roncevaux, en aménageant, autour des ruines de Château Pignon, situées à une douzaine de Kilomètres au Sud de Saint-Jean-Pied-de-Port, un point d’appui tenu par le 2ème bataillon de volontaires des B.P. commandé par le chef de bataillon Nogués, dans lequel on avait placé deux pièces de canon de 8. Le 8ème bataillon de la Gironde tenait la région Arnéguy-Ondarolle et interdisait le contournement du camp de Château Pignon par la vallée de la Nive d’Arnéguy. Le 1er bataillon des B.P. et le 4ème bataillon des B.P. tenaient les forges de Banca et la partie haute de la vallée des Aldudes, tandis que le 3ème bataillon de la Dordogne occupait Baïgorry et que deux compagnies de chasseurs basques contrôlaient les sentiers conduisant au col d’Ispéguy et que deux autres tenaient les cols de Bustancelay et Berdaritz. Le 4ème bataillon du Lot-et-Garonne occupait la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port. Le 3ème bataillon des Landes dont les positions ne sont pas précisées dans la documentation, était positionné en deuxième échelon. Le bataillon de marche de chasseurs du capitaine Moncey, porté à 12 Compagnies, car la 2ème compagnie de « Chasseurs du Louvre » déjà déployée à Saint-Jean-Pied-de-Port lui avait été rattachée, était arrivé le 28 mai à Saint-Jean-Pied-de-Port.
Le 1er du mois de Juin, les Espagnols firent une démonstration de force sur les hauteurs situées au Sud du plateau de Château Pignon. Ils déployèrent plusieurs unités d’infanterie et de cavalerie, formant une colonne estimée à 2 400 hommes qui descendit, vers 11 heures du matin, de la montagne de l’Alto Biscar, et lança de fortes patrouilles de reconnaissance jusqu’aux postes français installés aux abords du camp de Château Pignon, tenu par le 2ème bataillon des B.P.. Une vive fusillade s’engagea. Le chef de bataillon Nogués17, jugeant qu’il ne s’agissait que d’une démonstration de force, décida de les attaquer. Il forma sa troupe en quatre colonnes d’assaut. Il culbuta les Espagnols, qui se replièrent et dont il coupa une partie qui s’enfuit vers le val d’Aezcoa, et trouva refuge dans les retranchements d’Orbaiceta après avoir perdu cinq tués et plusieurs blessés.
La matinée du 2 juin se déroula dans la tranquillité. Mais, dans l’après-midi, l’ennemi reprit l’initiative en débouchant de l’Alto Biscar en trois colonnes qui forcèrent les avant-postes français à se replier. Le commandant du camp, le commandant Nogués envoya le capitaine Moncey, « dont l’intelligence et les connaissances ne laissent en rien à désirer », avec son bataillon de marche de chasseurs, parvenu la veille au camp de Château Pignon, reconnaître l’ennemi. Il eut un accrochage avec les Espagnols dont il évalua la force à 6 à 7 000 hommes. Il jugea qu’ils semblaient avoir l’intention d’attaquer le lendemain à la pointe du jour. Ce renseignement fut confirmé par l’interrogatoire d’un déserteur espagnol qui précisa que l’ennemi, disposant d’artillerie et de cavalerie, était regroupé autour de l’Alto Biscar, dans la perspective d’attaquer, le lendemain, le camp de Château Pignon, avant d’aller mettre le siège devant Saint-Jean-Pied-de-Port
En l’absence du général La Genetière, mandé en consultation à Bayonne par le général Servan, le général de brigade Delalain, ancien commandant du 5ème bataillon d’infanterie légère alors qu’il était stationné à Saint-Jean-Pied-de-Port, assurait l’intérim du commandement de la division depuis le 1er juin au moins. A la suite de ces « affaires » du 1er juin et du 2 juin devant Château Pignon, il adressa au Général Servan un compte-rendu de situation signé le 3 juin à 1 heure du matin, en précisant que la menace d’une prochaine attaque en force du camp de Château Pignon par une force supérieure en nombre ne faisait aucun doute, sur la base des renseignements dont il disposait et qu’il communiquait à Bayonne : compte-rendu de reconnaissance du capitaine Moncey et interrogatoire du déserteur espagnol. Il précisait que, devant cette menace, il envoyait tous les renforts dont il pouvait disposer vers Château Pignon. Il donna, en effet, l’ordre aux unités disponibles : le 3ème bataillon des Landes, alors en 2nd échelon, et le 4ème bataillon de Lot-et-Garonne, alors dans la citadelle, de se porter en renfort sur le plateau de Château Pignon. Il rappela de Baïgorry le 1er bataillon des Basses-Pyrénées auquel il confia la garde de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port.

Attaques de diversion en Vallée des Aldudes (3 au 5 Juin 1793)

Le 3 juin, après avoir envoyé son C.R., le général Delalain, quitta Saint-Jean-Pied-de-Port à 2 heures du matin. Il parvint au camp de Château Pignon, distant de trois lieues, à la pointe du jour. Dans la matinée, alors qu’un brouillard épais couvrait cette zone montagneuse, aucun mouvement ennemi ne fut observé du côté de Château Pignon.
Mais, dans l’après-midi du 3 juin, les Espagnols reprirent l’initiative des opérations en menant une action de diversion dans la vallée des Aldudes, avec pour objectif la fonderie de Banca. Au nombre de 4 à 5 000 hommes, ils attaquèrent le camp d’Iramehaca situé sur la crête séparant la Nive des Aldudes du ruisseau d’Hayra, à mi-chemin entre le mont Lindus et les rochers d’Arola (ou Errola cote 907). Les troupes françaises assurèrent une belle défense de leurs positions et, après trois à quatre heures de combats, la nuit mit fin à l’attaque espagnole. A 11 heures du soir, à son retour à Saint-Jean-Pied-de-Port venant de Château Pignon, le général Delalain, reçut le compte-rendu du lieutenant-colonel Mauco, chargé avec son 4ème bataillon des Basses-Pyrénées, de la défense de la zone de Banca qui lui demandait du renfort, car il ne pouvait dégarnir aucun point de son dispositif. Il décida de prélever 200 hommes du 3ème bataillon de la Dordogne qui était à Ossés et de les porter sur Baïgorry ainsi que des éléments du 8ème bataillon de la Gironde, cantonnés à Lasse. Une fois ces ordres donnés, le général Delalain retourna à Château Pignon à 1 heure du matin, le 4 juin.
Le 4 juin à la pointe du jour, l’attaque recommença dans la vallée des Aldudes, avec plus de force et d’agressivité que la veille. Les éléments du 4ème bataillon des Basses-Pyrénées, qui tenaient le camp d’Iramehaca, débordés par le nombre et la vigueur de la poussée espagnole, furent contraints de se replier, avec leur chef de bataillon, le lieutenant-colonel Mauco, qui fut lui-même blessé à la tête. Ils furent recueillis à hauteur des rochers d’Arola par la compagnie franche de Baïgorry du capitaine Harispe, solidement accrochée au terrain, dont le feu arrêta l’attaque espagnole. Au terme d’une journée d’efforts infructueux, les Espagnols se virent contraints au repli. Cependant, certains de leurs éléments, débordant la défense française, étaient parvenus à forcer le poste qui gardait la fonderie de Banca qu’ils avaient incendiée. Simultanément, les Espagnols avaient mené une attaque de diversion contre le poste du col d’Ispéguy tenu par une moitié du 3ème bataillon de la Dordogne et deux compagnies franches, mais l’attaque avait été repoussée et l’ennemi forcé à se replier.
Ce fut à son retour à Saint-Jean-Pied-de-Port, le 4 juin en début de matinée, que le général Delalain apprit que le poste de la Fonderie et le camp d’Iramehaca avaient été enlevés. Ne disposant plus que du 1er bataillon des Basses-Pyrénées qui gardait la citadelle, il lui donna l’ordre de se porter sur Baïgorry avec deux pièces de canon à mettre en batterie sur les hauteurs d’Anhaux. Parvenu à Baïgorry vers 11 heures du matin, le bataillon reprit l’offensive et chassa avant la nuit les Espagnols de toutes les positions qu’ils avaient conquises. Un capitaine fut tué et quelques hommes tués et blessés. Les Français firent 35 prisonniers dont 6 officiers, et s’emparèrent de mulets et de bagages.
Considérant que la position de Château Pignon constituait la position clef de son dispositif, le général Delalain s’y rendit à nouveau le 5 juin au matin, afin de s’y trouver à la pointe du jour. La journée se déroula dans le calme dans l’ensemble du secteur. A Château Pignon, les Espagnols tirèrent quelques volées de canon sur les travailleurs qui fortifiaient le rocher d’Urdanarré et les hauteurs de Mendi Belza, forçant les travailleurs à se retirer. Les unités restèrent en alerte. Telle était la situation qu’au retour du général La Genetière le 5 juin au soir, le général Delalain lui décrivit en lui remettant le commandement de la division.

Bataille et la Prise de Château Pignon (6 Juin 1793)

Le 6 juin au matin, le général La Genetière, revenu de Bayonne, reprit son commandement. Les derniers renforts acheminés dans la place de Saint-Jean-Pied-de-Port durant l’intérim du général Delalain, avaient permis de renforcer le dispositif défensif mis en place sur le plateau de Château Pignon, maintenant fort de 3 bataillons de volontaires et 1 bataillon de marche de chasseurs. Sur la base des archives exploitées, il est possible d’en reconstituer le déploiement à cette date du 6 juin 1793. Barrant la Grande Route conduisant de Burguete à Saint-Jean-Pied-de-Port par Orisson, à contre-pente de la crête sommitale des Pyrénées, il s’étendait sur la profondeur du plateau en une avant-garde, deux lignes de défense et une flanc-garde, s’appuyant sur les reliefs et les barres rocheuses naturelles ainsi que sur de nombreux retranchements et ouvrages de campagne :
  • L’avant-garde, constituée d’avant-postes et de « sonnettes », qui était installée en limite Sud du plateau, depuis les contreforts de la montagne d’Urkulu (1419) jusqu’aux pics de Mendi Belza (cotes 1409 et 1385), et incluant le pic d’Urdanarré (cote 1240), assurait la sûreté éloignée du dispositif défensif, en surveillant les accès Sud et Ouest du plateau de Château Pignon par les cols d’Arnostéguy (ou Hiru Burietak) et de Bentarte; cette ligne était tenue par les douze compagnies du bataillon de marche de chasseurs placé sous le commandement du capitaine Moncey ;
  • La première ligne de défense, installée à hauteur de l’éminence rocheuse d’Urdanasburu (cote 1 233) et des barres rocheuses de la cote 1 201, avait pour mission de barrer la direction de Château Pignon et d’interdire l’accès à la redoute et au camp éponyme à tout ennemi ayant pris pied sur le plateau ; elle était tenue par un bataillon de volontaires (4ème bataillon du Lot-et-Garonne ou 3ème bataillon des Landes18) qui n’avait commencé à organiser cette position que depuis son arrivée de Saint-Jean-Pied-de-Port le 4 juin matin ;
  • La seconde et principale ligne de défense, s’appuyant sur une forte redoute construite dans les ruines du Château Pignon (cote 1177), un redan installé sur le rocher de Zerkupe (cote 1085) et les rochers de la cote 1181, avait pour mission de barrer l’extrémité du plateau et d’interdire l’accès vers Orisson et Saint-Jean-Pied-de-Port à tout ennemi ayant percé, ou débordé, la première ligne de défense; elle était tenue par le 2ème bataillon de volontaires des Basses-Pyrénées, placé aux ordres du commandant Nogués, qui avait commencé à organiser cette position depuis son arrivée sur le plateau de Château Pignon en début du mois de mai et qui avait aménagé son camp de bataillon contigu à la redoute19, immédiatement à son pied du côté Nord; il disposait de deux pièces de canon de 8 dans la redoute et les retranchements de Château Pignon, qui constituaient ainsi un véritable point d’appui ;
  • La flanc-garde, complétant ce dispositif défensif, assurait sa couverture face au défilé du Val Carlos (vallée de la Nive d’Arnéguy), contre toute menace de contournement par l’Ouest et le Sud-ouest du dispositif ou d’infiltration par le col d’Ibañeta et le Val Carlos ; elle était assurée par un bataillon de volontaires (3ème bataillon des Landes ou 4ème bataillon du Lot-et-Garonne) déployé sur la crête militaire en limite Ouest du plateau de Château Pignon.
Le 6 juin, l’attaque, lancée à la pointe du jour, débuta par une canonnade du Leizar Atheka et des pics de Mendi Belza. Dès 6 heures, profitant d’un brouillard très épais20, qui durait depuis deux jours sur les hauteurs des Pyrénées, le général don Ventura Caro, fit avancer depuis la zone de l’Alto Biscar ses troupes en plusieurs colonnes incluant des pièces d’artillerie, afin de surprendre les avant-postes du camp de Château Pignon, installés à hauteur des deux pics de Mendi Belza (1409 et 1385), de part et d’autre du défilé de Leizar Atheka, tenus par le bataillon de marche de chasseurs du capitaine Moncey21. Le chef de l’un des avant-postes placé en pointe aperçut, à travers l’épais brouillard, les colonnes ennemies qui progressaient dans sa direction. Aussitôt, il en informa le capitaine Moncey commandant l’avant-garde, qui donna l’ordre à la compagnie franche de Bordeaux du capitaine Beudet, de marcher pour soutenir l’avant-poste menacé. Lui-même forma son bataillon en colonne d’attaque et fit battre la charge. L’ennemi surpris recula en désordre. Moncey, à la tête des compagnies des chasseurs, fondit sur l’ennemi, en renversa les éléments de tête et progressa sur l’axe de la route en contrebas des pics de Mendi Belza. Il se heurta à un corps de troupe espagnol, disposant de six pièces de canon, qui s’opposa à sa progression. Les chasseurs, baïonnettes au canon, culbutèrent les fantassins espagnols qui s’enfuirent, tuèrent les canonniers à leurs pièces, coupèrent les jarrets des mulets et s’emparèrent des six pièces de canon qui furent aussitôt mises hors service par enclouage. La réaction des chasseurs de Moncey avait fait avorter la manœuvre ennemie. Le succès des Français semblait assuré. Le général Gaudeul confirme que d’après les balles de plomb, boutons d’uniforme et pièces de monnaie retrouvées, ces combats se déroulèrent bien au niveau du col de Bentarte, et non autour des pics de Mendi Belza.
Cependant, lorsque le brouillard qui couvrait le champ de bataille se fut dissipé, les Espagnols prirent conscience de la faiblesse numérique de leurs assaillants. Honteux de leur méprise, ils se remirent en formation, revinrent à la charge et contre-attaquèrent. Moncey, attaqué de front par une force très supérieure, tenta de manœuvrer, mais ne voyant pas arriver du camp de Château Pignon le secours qu’il en attendait, fut forcé d’abandonner les canons et de se replier sur les retranchements de la première ligne de défense, installée à hauteur des éminences rocheuses d’Urdanasburu (1233). Mais la reprise de l’attaque par les forces espagnoles avait provoqué un début de mouvement de panique dans le bataillon qui tenait cette ligne de défense. Les volontaires effrayés par les obus qui pleuvaient sur les chasseurs, au lieu de les attendre et d’assurer leur recueil, abandonnèrent leurs positions, à l’exception de la compagnie de grenadiers. Lors du repli de ses chasseurs sur les retranchements de cette ligne de défense, Moncey, n’y trouvant que cette seule compagnie de grenadiers, lui ordonna de tenir le plus longtemps possible pour protéger par le feu le repli des chasseurs qu’il rallia derrière elle. Cette manœuvre en retrait réussit. Ces deux troupes réunies arrêtèrent pendant plus de trois heures les assauts ennemis sur cette première ligne de défense malgré le feu nourri qu’elles subissaient.
Les unités du bataillon de flanc-garde, qui était placé en couverture face au Val Carlos à la droite du système défensif, furent, à leur tour, attaquées par les Espagnols qui cherchaient à déborder par l’Ouest le dispositif français. Elles cédèrent le terrain presque sans résistance, en laissant le flanc droit du bataillon de marche de chasseurs et de la compagnie de grenadiers entièrement découvert. Le capitaine Moncey fut alors contraint d’ordonner un nouveau repli, sur la seconde ligne de défense, qui s’appuyait sur la redoute construite dans les ruines de Château Pignon, ce qu’ils firent en bon ordre. Il y trouva le Lieutenant-Colonel commandant le 8ème bataillon de la Gironde qui s’y défendait vigoureusement avec la compagnie de grenadiers de son bataillon.
Dans son rapport sur l’affaire de Château Pignon du 6 juin, signé le 10 juin, le capitaine Brie de la 8ème compagnie du 2ème bataillon des B.P. indique, en effet, qu’à ce moment une partie de ce bataillon avait commencé à abandonner le camp de Château Pignon et à se replier vers les hauteurs situées juste en arrière, c’est-à-dire sur les contreforts des monts Hostatéguy et Itchachéguy. Ce fut à cet instant où l’ennemi venait de prendre l’avantage, que le général La Genetière, venant de Saint-Jean-Pied-de-Port, parvint sur le champ de bataille22.

Intervention sur le Champ de Bataille du général La Genetière

Le 6 juin tôt le matin, le général La Genetière était parti de Saint-Jean-Pied-de-Port pour le camp de Château Pignon en compagnie du citoyen Fargues, ancien maire de la ville, président du directoire départemental. Vers 09h30, alors qu’ils parvenaient tous deux à moitié de la côte menant à la « Venta » d’Orisson, soit à environ à 8 Km. de Saint-Jean-Pied-de-Port et 4 kilomètres de Château Pignon, le bruit du canon leur apprit que des combats y étaient en cours. Ce fut alors qu’ils rencontrèrent d’abord des vivandières qui avaient assisté aux premiers combats, puis des blessés, enfin des fuyards.
Poursuivant sa route par le Grand Chemin, le général La Genetière s’apprêtant à déboucher sur le plateau de Château Pignon, aborda la pente du mont Hostatéguy. Il gagna un point haut afin de se rendre compte de la situation. Ce fut alors qu’il rencontra le capitaine Moncey. De concert avec ce dernier, le général donna l’ordre d’occuper une hauteur en arrière du camp, soit le pic d’Hostatéguy et le mont Itchachéguy, pour couvrir la retraite des fuyards et assurer le repli des deux pièces de canon de la redoute de Château Pignon. Le capitaine Moncey y déploya ses troupes en bataille afin d’assurer cette mission de recueil des unités qui avaient décroché. C’est alors que, désespéré de la lâcheté de ses soldats, le général La Genetière, réfugié dans les rangs des chasseurs, s’écria « Puisque je ne puis rallier les fuyards, que je vienne au moins périr au milieu de vous ». Il se porta alors plus en avant et parvint au camp de Château Pignon où des volontaires encore présents l’insultèrent. Il décida alors de se replier accompagné du citoyen Nogués, commandant le 2ème bataillon des Basses-Pyrénées et du capitaine Brie, officier de ce bataillon. Ayant fait avancer leurs canons, les Espagnols donnèrent l’assaut de la redoute et du camp de Château Pignon23. Au même instant, la charge de deux escadrons à cheval du régiment de la Reine vint fondre sur les chasseurs et triompha de leur ténacité. Moncey et ses chasseurs durent amorcer un nouveau repli. Cette charge de cavalerie parvint à entourer le général, que les témoins perdirent de vue, et à poursuivre le chef de bataillon Nogués, qui après avoir eu son chapeau criblé de balles, eut toutes les peines du monde à s’échapper. Le général La Genetière, cerné par la cavalerie espagnole, avait bien été fait prisonnier.
Finalement, les Français furent forcés de se replier sur Saint-Jean-Pied-de-Port. Le capitaine Moncey prit le commandement des unités en retraite. Les Espagnols, avec leur prudence habituelle, ne cherchèrent pas profiter de leur victoire. Ils s’arrêtèrent à Château Pignon, sans poursuivre vers Saint-Jean-Pied-de-Port. Seuls quelques éléments s’avancèrent jusqu’au cabaret d’Orisson. Ils ne tentèrent de même rien en direction de Baïgorry qu’ils avaient attaqué vigoureusement la veille et l’avant-veille. Pendant ce combat de Château Pignon, le chef de bataillon Désolines faisait, avec son 1er bataillon des Basses-Pyrénées, une incursion depuis Baïgorry dans la vallée du Baztan : lorsque, parvenu à Errazu, il apprit l’échec de la bataille de Château Pignon il regagna au plus vite Saint-Jean-Pied-de-Port par la vallée d’Ossés.
Accusé de trahison et de s’être volontairement livré prisonnier aux Espagnols dans le but d’émigrer, le général La Genetière écrivit, le 9 juin, de la citadelle de Pampelune où il était retenu prisonnier, au général Servan que, cerné par la cavalerie et après avoir essuyé à brûle-pourpoint une décharge de pistolet « vigoureuse », il avait été fait prisonnier par le capitaine de dragons Don Francisco Basquesse (ou Vasquez), qui lui sauva le vie en se jetant au travers du feu et qui reçut sur son ceinturon une balle qui lui était destinée.
Dans les divers rapports24 qui s’en suivirent, cette journée du 6 juin 1793 fut considérée comme une journée glorieuse, bien que marquée par la perte du camp de Château Pignon. Les forces républicaines, d’un volume de 1 500 à 2 000 hommes, qui avaient combattu de 9 heures du matin jusqu’à 5 heures du soir, et qui s’étaient comportées avec la plus grande valeur, n’avaient été vaincues que par le nombre des forces espagnoles estimées à 8 000 ou 10 000 hommes des régiments de ligne et des bataillons de milice, deux cents chevaux et une artillerie formidable. Les Espagnols avaient subi des pertes de 1 500 hommes avouées à 2 200 estimées, tandis que les pertes françaises étaient de 100 à 150 tués, autant de prisonniers et 200 blessés (ainsi que 2 canons). Ces rapports soulignèrent le comportement valeureux des chasseurs, Cantabres, de Bordeaux, de Toulouse, ou du Louvre, commandés par le capitaine Moncey et rendaient hommage au général Delalain qui avait rallié les fuyards, le sabre à la main.

Suites et Fin des Combats de Château Pignon

Le 6 juin au matin, le Général Delalain s’apprêtait à monter à cheval pour quitter Saint-Jean-Pied-de-Port, quand il entendit le canon. On l’assura que l’attaque de Château Pignon avait commencé. La première information fut que les ennemis avaient forcé un premier retranchement. Quelques heures plus tard, il apprenait par des fuyards que le camp de Château Pignon était aux mains des Espagnols. A la suite de cette affaire, les recrues des bataillons de volontaires, fuyant et saisis d’épouvante, s’étaient précipités vers Saint-Jean-Pied-de-Port. Le général Delalain se porta à l’entrée du faubourg d’Espagne, où il força tous les fuyards à se rallier dans la place de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il dut faire montre de la plus grande énergie pour les arrêter et à les remettre en ordre, dans le but de défendre la place de Saint-Jean-Pied-de-Port, malgré leur état de panique.
Quand il apprit la capture du général La Genetière, le général Delalain assura le commandement par intérim de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port. Un Conseil de Guerre, assemblé à Saint-Jean-Pied-de-Port le 6 juin 1793, déclara la ville en « Etat de Siège ». La déclaration fut, entre autres, signée par les citoyens Duvignau (officier du génie), Bayeu (maire), Duball (administrateur du département), Fargues (président du directoire départemental), le général de brigade Delalain, le chef de bataillon Nogués.
Ce même 6 juin 1793, depuis son Quartier général de Burguete en Espagne, le maréchal de camp, émigré français et ancien commandant de la garnison de Saint-Jean-Pied-de-Port, Claude Anne, marquis de Saint-Simon, signait une proclamation faisant savoir qu’il était chargé par les Rois de France et d’Espagne de mettre sur pied à Pampelune une légion française formée d’émigrés, dans laquelle les déserteurs seraient accueillis avec enthousiasme. Cette proclamation fut l’acte de naissance de la « Légion des Emigrés » qui combattit les troupes de la Convention au cours des combats des années suivantes, notamment dans la vallée des Aldudes.
Le lendemain 7 juin 1793, le général Delalain rendit compte que le général La Genetière était prisonnier, que le désordre régnait dans la ville, que les troupes étaient découragées et qu’elles manquaient de vivres comme la population, que l’hôpital de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port était encombré de blessés et de malades. Il concluait en demandant un ravitaillement en vivres et la désignation d’un Lieutenant Général pour prendre le commandement de la division. Les documents d’état-civil de la commune de Saint-Jean-Pied-de-Port enregistrèrent, au cours des jours suivants, de nombreux décès à l’hôpital militaire de la ville de soldats des compagnies franches et des unités de chasseurs ainsi que des volontaires des 1er, 2ème et 4ème bataillons des B.P., du 3ème des Landes, du 8ème de la Gironde, du 3ème de la Dordogne et du 4ème du Lot-et-Garonne, confirmant l’engagement de ces unités dans les combats de début juin autour de Saint-Jean-Pied-de-Port.
En application des ordres donnés par le général Servan le 4 juin, lorsque les renseignements obtenus concernant l’acheminement de renforts acheminés par les Espagnols face à Saint-Jean-Pied-de-Port avaient été confirmés par le déclenchement des premières attaques contre Château Pignon, le 3ème bataillon des B.P., commandé par le chef de bataillon Lalanne, avec sa compagnie de grenadiers et sa compagnie de canons, en provenance du camp de Bidart qu’il avait quitté le 5 juin, parvint à Saint-Jean-Pied-de-Port, le 7 juin au soir, après avoir fait étapes à Bayonne et à Mendionde. Le lendemain 8 juin, le 3ème bataillon des H.P. parvint à son tour au complet à Saint-Jean-Pied-de-Port, après avoir fait mouvement dans les mêmes conditions.
Les Français avaient reflué sur Saint-Jean-Pied-de-Port dans la plus grande confusion. Mais sous l’énergique impulsion du représentant Féraud, la discipline fut rapidement restaurée, parfois par de terribles exemples, notamment pour les cas de désertion. Dans les jours qui suivirent, l’épouvante continua à régner à Saint-Jean-Pied-de-Port que les habitants fuyaient, craignant les horreurs d’un siège qui paraissait inévitable. La panique sévissait encore dans la population civile le 12 juillet, puisque, ce jour-là, les Représentants du Peuple, J. Féraud et Etienne Neveu, firent une proclamation aux habitants de Saint-Jean-Pied-de-Port, en les exhortant à regagner leurs foyers abandonnés à la suite de l’attaque du 6 juin.

EPILOGUE

Lorsqu’il apprit le revers subi le 6 juin à Château Pignon, le général Servan, commandant l’Armée des Pyrénées Occidentales dépêcha le général Dubouquet à Saint-Jean-Pied-de-Port pour prendre le commandement de la division et il y envoya immédiatement en renfort un bataillon du 20ème régiment d’infanterie de ligne. Le général Servan voulait desserrer l’étau espagnol sur Saint-Jean-Pied-de-Port, mais il ne disposait pas de forces suffisantes pour entreprendre une action offensive assez puissante pour obliger le général Caro à rappeler du côté de Saint-Jean-de-Luz une partie des forces qu’ils avaient engagées vers Saint-Jean-Pied-de-Port. Il dut se contenter de porter en avant les troupes disponibles au camp de Bidart, pour renforcer les premières lignes et, ainsi, espérer inquiéter les Espagnols. Le 11 juin, il donna ordre au 2ème bataillon du 80ème R.I. de quitter le camp de Bidart et de « marcher militairement » jusqu’en avant de Saint-Jean-de-Luz pour se placer à la gauche de son 1er bataillon.
En arrivant à Saint-Jean-Pied-de-Port, le 9 juin 1793, le général de division Dubouquet se félicita de la présence à Saint-Jean-Pied-de-Port, le jour de l’attaque de Château Pignon, du général de brigade Delalain qui avait pu prendre les mesures conservatoires qui s’imposaient pour redresser la situation. Il décida, en utilisant les renforts qui venaient de lui parvenir, d’organiser un camp retranché, centré sur la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, dont les travaux d’organisation commencèrent immédiatement. Trois camps de bataillon, des redoutes et autres retranchements furent établis à une distance de 1 à 2 kilomètres au Sud de Saint-Jean-Pied-de-Port sur les deux mouvements de terrain descendant des cols frontière, afin de barrer l’axe de pénétration d’Espagne vers la France que constituait la « Grande route d’Espagne ». Le 13 juin, trois bataillons étaient campés. Le général Dubouquet prévoyait d’installer le bataillon du 20ème R.I. dans une position plus en avant en direction d’Orisson, puis un bataillon de volontaires sur l’esplanade de la citadelle. Le Représentant du Peuple Féraud rendit compte, le 23 juin, que Saint-Jean-Pied-de-Port était couvert par 10 000 hommes.
Quant aux Espagnols, le 13 juin 1793, ils occupaient en nombre l’ancien camp français de Château Pignon, où, selon les renseignements, ils avaient déployé 15 000 hommes et une artillerie nombreuse. Leurs avant-gardes installées jusqu’à Orisson, étaient à vue de Saint-Jean-Pied-de-Port. Le dimanche 16 juin, ils descendirent des hauteurs qu’ils occupaient pour se mettre en bataille face à nos premières positions ; les Français se rangèrent en bataille face à eux ; les Espagnols se retirèrent la nuit venue. Le 18 juin, Le général don Ventura Caro regroupa ses forces autour du mont Alto Biscar et fit évacuer l’ancien camp de Château Pignon, où il ne laissa que quelques postes avancés. A partir du 21 juin, le général Servan reprit l’initiative dans la zone côtière par une attaque majeure qui repoussa l’ennemi au-delà de la Bidassoa. A la fin du mois, le général Servan apprit que le gouvernement lui avait donné un successeur. Il fut destitué le 4 juillet 1793 en raison de son origine aristocratique, et céda son commandement au général Dubouquet.
Victorieuse, au soir du 6 juin 1793, de la bataille de Château Pignon, l’Armée du Guipuzcoa et de Navarre commandée par le général Don Ventura Caro, ne parvint pas à exploiter ce succès et fut incapable de conquérir l’objectif qui lui avait été assigné. En contrepoint, malgré leur sévère défaite initiale, les bataillons de volontaires et les unités de chasseurs de l’Armée des Pyrénées Occidentales en furent les vainqueurs ultimes, dès lors qu’ils surent conserver la cité et la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port.
L’Armée des Pyrénées Occidentales maintint, jusqu’au printemps 1794, une posture strictement défensive qui lui permit de monter en puissance et de parfaire son niveau d’entraînement, pour adopter ensuite une posture résolument offensive et conquérir successivement les provinces de Guipuzcoa et de Biscaye, avant d’attaquer la Navarre. Le 22 juillet 1795, soit deux ans après la bataille de Château Pignon, le traité de Bâle arrêta son élan victorieux, alors que, commandée par le général de division Moncey, elle s’apprêtait à mettre le siège devant Pampelune, capitale de la Navarre.




BIOGRAPHIES

Carnot (1753-1823) Lazare, Nicolas, Marguerite, Officier du génie et homme politique.
D’une famille d’avocats bourguignons, capitaine du génie dans l’armée royale, il se rallia à la révolution, député à l’Assemblée législative, puis à la Convention, membre du comité de salut public, « Organisateur de la victoire », membre du directoire en 1795, ministre de la guerre sous le consulat, s’opposant à l’établissement de l’empire, il vécut dans la retraite à partir de 1802. Ministre de l’intérieur pendant les Cent jours il fut banni en 1816 et se retira à Varsovie, puis à Magdebourg.
Choderlos de Laclos (1741-1803) Pierre Ambroise François, Général d’artillerie.
Aspirant à l’école d’artillerie de La Fère le 1 décembre 1758, capitaine d’artillerie en 1778, maréchal de camp le 22 septembre 1792, il est chef d’état-major du général Servan commandant l’Armée des Pyrénées le 1er octobre 1792. Il fait l’objet d’un décret d’arrestation le 31 mars 1793. Libéré en 1795, réintégré dans l’armée en 1800 comme général de brigade, il commande l’artillerie de l’armée du Rhin, puis de l’armée d’Italie. Il meurt à la défense de Tarente. Il est en 1782 l’auteur des « Liaisons dangereuses » et l’inventeur d u « boulet creux explosif », appelé « obus ».
Delalain (1748-1814) Alexandre, Général.
Natif de Saint-Dizier, sous-officier puis officier dans l’armée royale, lieutenant en 1772, capitaine commandant en 1789, il est lieutenant-colonel en 2ème le 6 novembre 1791, puis lieutenant-colonel en 1er le 7 janvier 1792 du 5ème bataillon d’infanterie légère, ex Chasseurs Cantabres. Nommé provisoirement général de brigade le 5 mai 1793, il est employé à la division de Saint-Jean-Pied-de-Port en juin 1793. Nommé provisoirement général de division le 2 octobre 1793, il prend le commandement de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port à la place de Dubouquet le 19 octobre 1793. Il en est suspendu par arrêté du Comité de Salut Public, le 14 avril 1794 et prend sa retraite.
Dubouquet (1740-1814) Louis, Général.
Engagé dans l’armée royale en 1755, sous-lieutenant au régiment d’Auvergne, il est nommé lieutenant-colonel le 17 mai 1789 et colonel commandant le 29ème régiment d’infanterie le 21 octobre 1791. Servant à l’Armée du Centre en 1792 sous Dumouriez, il est nommé maréchal de camp le 29 août 1792. Lieutenant-général à l’Armée des Pyrénées sous Servan le 8 octobre 1792, il est nommé, le 6 avril 1793, commandant la division de droite de l’Armée des Pyrénées, puis commandant la division de Saint-Jean-Pied-de-Port, le 8 juin 1793. Vainqueur au combat d’Ispéguy le 1 juillet, il est suspendu de ses fonctions le 15 octobre 1793. Il est admis à la retraite le 10 avril 1795.
Duvignau-Duverger (1751-1812) Jean-François, sieur Duverger, officier du génie.
Elève à l’école de Mézières de 1770 à 1772, ingénieur en 1773, affecté à Bayonne en 1779, puis à nouveau à la veille de la Révolution avec le grade de capitaine du génie à Bayonne sous les ordres du colonel Bérard, auteur de plusieurs rapports sur les fortifications de 1790 à 1794. Il fait campagne dans l’Armée des Pyrénées Occidentales de 1792 à 1795. Il est nommé chef de bataillon, sous-directeur à Agen en 1795 et fait chevalier de la Légion d’honneur en 1804.
Harispe (1768-1855) Jean-Isidore, général d’Empire.
Né à Baïgorry, volontaire en 1792, il recrute en 1793 sa propre compagnie franche dont il devient le capitaine. Il prend part à la guerre contre l’Espagne à partir de 1792 dans le secteur de Saint-Jean-Pied-de-Port. A la tête des « Chasseurs Basques », il forme avec les troupes de La Tour d’Auvergne la colonne infernale du général Delaborde en 1794. Il participe aux succès de Fontarabie, Vitoria et Bilbao. En 1800, à l’armée des Grisons, en 1801 à l’armée d’Italie, en 1802 colonel du 16e léger, il est à la Grande Armée de 1805 à 1807, grièvement blessé à Iéna en 1806, général de brigade le 29 janvier 1807, blessé à Friedland en 1807. En 1808, nommé baron d’Empire, il est affecté en Espagne comme chef d’état-major du futur 3e corps formé à Bayonne par Moncey. Il participe à la pacification puis à la défense de la Catalogne avec ce corps sous Junot, puis Suchet, dans lequel général de division en 1810, il prend le commandement d’une division. Il est fait comte d’Empire en janvier 1813. Après la défaite de Vitoria, il reçoit l’ordre de rejoindre l’armée de Soult avec sa division, ce qu’il fait le 25 décembre 1813. Il prend part aux batailles d’Orthez, d’Aire-sur-Adour et de Toulouse où il est blessé par un boulet de canon qui lui emporte la moitié du pied. Il prend alors le commandement de la 5e Région militaire de Bordeaux. Rallié à Napoléon pendant les Cent-Jours, il est affecté sur la frontière espagnole. Placé en non-activité en 1815, député de Mauléon sous la monarchie de Juillet de 1831 à 1834, pair de France en 1835, il est élevé à la dignité de maréchal de France sous Napoléon III le 11 décembre 1851, au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851 et devient sénateur en 1852. Il fait partie des 295 généraux octogénaires. Il meurt le 26 mai 1855, à 86 ans en son château de Lacarre (64).
Lacuée (1752-1841) J.G., Officier d’artillerie.
Aspirant d’artillerie le 1er octobre 1768, il est, en 1792, adjudant-Général, envoyé à Bayonne comme Commissaire du Conseil exécutif. Chef d’Etat-Major du général Servan commandant l’armée des Pyrénées en décembre 1792, il est nommé, le 6 mai 1793, chef-d’état-major de la division de droite, puis, le 8 mai, chef d’état-major, à Toulouse, du général Servan, commandant l’Armée des Pyrénées Occidentales, fonction dans laquelle il succéda au général Choderlos de Laclos. . Maréchal de camp à l’APO le 15 mai 1793, il est suspendu et réformé le 1er juin 1793.
La Genetière (1740-1796) Pierre François Lambert Lamoureux de, Général.
Né à Givet le 25 septembre 1740. Enseigne au Condé Infanterie le 12 avril 1759, capitaine au Gâtinais Infanterie en 1777, il cesse tout service le 9 décembre 1785. Enrôlé dans la garde nationale de Paris le 18 août 1789, il demanda à réintégrer l’armée. Nommé maréchal de camp à l’Armée des Pyrénées le 12 octobre 1792, il est nommé commandant le camp de Saint-Jean-Pied-de-Port le 19 mars 1793 et la division éponyme le 1 mai. Il est blessé et fait prisonnier par les Espagnols au combat de Château-Pignon le 6 juin 1793. Après le traité de Bâle, le 19 septembre 1795, il rejoint le Q.G. de l’APO. Réintégré général de brigade, il est nommé, le 26 janvier 1796, gouverneur de la Guyane française et général de division le 1 février 1796. Il meurt à Cayenne d’une fièvre maligne le 28 juin 1796 (10 Messidor an IV).
La Tour d’Auvergne (1743-1800), Théophile Malo Corret de, officier d’infanterie.
Entré en 1767 dans l’armée royale, capitaine en 1784, ayant refusé d’émigrer, il commande dans l’armée des Pyrénées occidentales, une avant-garde de 8 000 grenadiers qui s’illustra en 1793-94 sous le nom de « colonne infernale ». Retiré après le traité de Bâle, il reprit du service et combattit à Zurich en 1799. Bonaparte, premier consul, lui décerna le titre de « premier grenadier de la République ». Il fut tué à Oberhausen en 1800. Son cœur est aux Invalides et ses restes au Panthéon.
Matenotte, dit Lavictoire (1750-1794), Joseph, Général de la Révolution.
Né le 24 novembre 1750, à Delme, en Lorraine, il sert comme fusilier de 1770 à 1777, sous le nom de Lavictoire, dans le « Régiment du Dauphin », puis dans le régiment de « Perche Infanterie », avec lequel il tient garnison dans la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, d’octobre 1776 à avril 1777. Ayant obtenu son congé militaire fin septembre 1777, il s’installe, à Saint-Jean-Pied-de-Port, comme « maître tailleur d’habits ». En 1789, il commande, avec le grade de lieutenant-colonel, la Garde Nationale de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il est désigné, sous son pseudonyme de Lavictoire, le 2 avril 1793, capitaine commandant une compagnie franche. Le 30 décembre 1793, il est nommé adjudant-général chef de bataillon, commandant le 1er bataillon de Chasseurs Basques, à la tête duquel il participe aux opérations de la campagne de l’année 1793 sur la frontière espagnole. Promu le 14 avril 1794 (25 Germinal An II), général de brigade, Lavictoire prend le commandement de l’avant-garde de la division de gauche de l’Armée des Pyrénées Occidentales, lors de la reprise générale de l’offensive au printemps 1794. Menant cette avant-garde à l’assaut à la baïonnette des redoutes espagnoles qui défendent le col de Berdaritz,au-dessus des Aldudes, le général de brigade Lavictoire est mortellement blessé le 3 juin 1794 (15 prairial An II), à l’âge de quarante-quatre ans. Il décède le 7 juin 1794 (19 prairial an II) à Saint-Etienne-de-Baïgorry, où il est enterré place de la Liberté.
Mauco (1745-1827) Jean, Général de la Révolution.
Né à Bayonne, engagé dans l’armée royale en 1766, sergent-major en 1776, il quitte l’armée en fin d’année 1776. Commis de la marine à Bayonne, il est nommé commandant de la garde Nationale de Bayonne à sa création en 1789. Nommé lieutenant-colonel commandant en second, puis en premier le 4ème bataillon de volontaires des Basses-Pyrénées, créé à Pau en 1792, il entre en campagne à l’APO dans la vallée des Aldudes en mars 1793, avec son bataillon et deux compagnies franches. Il se distingue lors de la tentative d’invasion de la vallée des Aldudes le 3 juin 1793 où il est blessé sur les hauteurs d’Iramehaca. Appelé le 13 octobre lors de la formation du camp des Sans-Culottes, il est nommé général de brigade le 13 décembre 1793 à la suite de son action à la Croix des Bouquets. Le 31 décembre 1793, il est envoyé à la division de Saint-Jean-Pied-de-Port sous les ordres du général Delalain. Il reste à Saint-Jean-Pied-de-Port durant la campagne de 1794. Il est nommé général de division le 14 avril 1794.
Moncey (1754-1842), Bon Adrien Jannot de, duc de Conegliano, maréchal de France.
Né à Moncey (Doubs), il s’engage comme volontaire, à l’âge de quinze ans au Régiment de Conti Infanterie le 15 septembre 1769, puis au régiment de Champagne-Infanterie, comme grenadier. Soldat en la compagnie des gendarmes anglais, d’avril 1774 à août 1776, sous-lieutenant de Dragons en 1778, il rejoint le corps d’infanterie de la Légion de Nassau-Siegen en 1779, où il devient lieutenant en 1782. Ce corps devient Corps de Montréal en 1785, puis « Bataillon de Chasseurs Cantabres », créé en la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port le 1er mai 1788, qui devient 5ème bataillon d’infanterie légère le 1er avril 1791. Nommé capitaine le 12 avril 1791, il sert à l’Armée des Pyrénées Occidentales de 1793 à 1795. Chef de bataillon à la 5ème demi-brigade d’infanterie légère le 26 juin 1793, général de brigade, employé à la 1ère division de l’APO, le 18 février 1794, il est promu général de division le 9 juin 1794 et commandant la division de gauche à Saint-Jean-Pied-de-Port. Général en chef commandant l’Armée des Pyrénées Occidentales, le 1er septembre 1794, il est vainqueur à Lecumberry et Villanueva en octobre 1794, il s’empare des fonderies d’Eugui et Orbaiceta. Il remporte les victoires de Vitoria le 17 juillet 1795 et de Bilbao le 19 juillet, qui contraignent l’Espagne à demander la paix. Le 15 septembre 1795, il commande la 11e D.M. à Bayonne. A l’armée du Rhin en 1800 puis à l’armée d’Italie, il devient en 1801 le premier inspecteur général de la gendarmerie et maréchal d’Empire en 1804. Le 16 décembre 1807, il est nommé commandant-en-chef du corps des côtes de l’océan, avec lequel il s’engage en Espagne. A la tête du 3e corps, il contribue à la prise de Saragosse en 1809. Le 16 novembre 1813, il est commandant-en-chef de l’armée de réserve des Pyrénées. En 1814, il est major-général de la garde nationale de Paris. Rallié aux Bourbon, il participe à l’expédition d’Espagne de 1823, où il commande le 4e corps de l’armée des Pyrénées avec lequel, le 12 février, il conquiert la Catalogne, puis Barcelone. Gouverneur des Invalides en 1833, il accueille en 1840 les cendres de Napoléon. Il meurt à Paris le 20 avril 1842
Servan (de Gerbey) (1741-1808), Joseph, général et ministre.
Volontaire au régiment de Guyenne en 1760, sous-lieutenant en 1762, lieutenant-colonel en 1791, lieutenant-général le 25 septembre 1792,, ministre de la guerre à deux reprises, il est nommé commandant-en-chef de l’armée des Pyrénées le 30 septembre 1792, puis de l’armée des Pyrénées Occidentales lors de sa création le 1 mai 1793. Il subit les attaques espagnoles d’avril et juin 1793, et réorganisa le dispositif défensif de l’armée. Destitué le 4 juillet 1793 en raison de son origine, il cède son commandement à Dubouquet. Après la tourmente montagnarde, il mène en 1795 les pourparlers de paix de Bayonne avec le marquis d’Iranda, parallèles aux pourparlers de Bâle. Réformé suite à la dissolution de l’armée des Pyrénées occidentales le 12 octobre 1795. Commandant de la 20e division militaire de Périgueux en 1799, puis de la 10e de Toulouse en 1800, il est admis à la retraite en 1807.
Nucé (1740-18 ??), général,
Né à Innsbruck, en Autriche, sous-lieutenant au service de la France en 1761, capitaine en 1784, lieutenant-colonel en 1791, maréchal de camp le 25 septembre 1792, employé à l’APO, il commande la place de Saint-Jean-Pied-de-Port jusqu’au 19 mars 1793, date à laquelle il est rappelé à Toulouse. Il démissionne en 1795. Admis à la retraite comme chef de brigade en 1801.
Willot (1755-1823), comte Amédée de Willot, général.
Né à Belfort en 1755, volontaire en 1771 dans l’armée royale, il est enseigne en 1774, lieutenant en 1775, lieutenant de grenadiers en 1780, capitaine en 1787, il est licencié avec son régiment en 1791. En 1789, il devient commandant de la Garde Nationale de Saint-Germain-en-Laye. Nommé lieutenant-colonel en 2ème du 5ème bataillon d’infanterie légère, ex Chasseurs Cantabres le 23 mars 1792, il sert à l’A.P.O. de 1793 à 1795. Il est nommé le 1er juin 1793 au grade de chef de brigade, chef de la 5ème demi-brigade d’infanterie légère. Nommé général de brigade et commandant l’Avant-Garde de l’APO le 23 juin 1793, il est suspendu et emprisonné à la citadelle de Bayonne comme suspect de royalisme le 4 octobre 1793. Réhabilité et réintégré à l’APO le 13 avril 1795. Il prend le commandement de la 1ère division le 13 juin 1795, et décide de la victoire de Lecumberry du 3 au 6 juillet 1795. Nommé général de division sur le champ de bataille le 6 juillet 1795, il occupe Miranda le 25 juillet 1795. Employé à l’Armée de l’Ouest sous Hoche le 15 septembre 1795, élu député au Conseil des Cinq cents le 11 avril 1797, déporté en 1797, il s’échappe et rejoint les émigrés. Il revient en France avec Louis XVIII. Il devient gouverneur de la division militaire de la Corse.

CARTES


Le GRAND CHEMIN d’ESPAGNE par ORISSON


CARTE du PLATEAU de CHÄTEAU PIGNON


CARTE de CASSINI

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

SOURCES GENERALES

  • Les soldats de l’An II en Pays Basque (Bayonne 1988) et Histoire militaire de Bayonne 1789-1940 (Bayonne 1995) par le général Jean Ansoborlo
  • Les Bataillons de Volontaires Nationaux du Département des Basses Pyrénées 1791-1793 – Mémoire de Maîtrise du Lieutenant-Colonel L. CEDELLE sous la direction du Professeur Desplat de l’Université de Pau (SHD Vincennes, TU 447)
  • Dictionnaire biographique des généraux et amiraux français de la révolution et de l’Empire 1793-1814 par Georges Six (Usuels) – Paris 1934 (SHD Vincennes Usuels)
  • Les redoutes de Leizar Atheka par le général Francis Gaudeul (Bulletin SSLA de Bayonne n° 149 (année 1994), pages 255 à 264)

SOURCES PARTICULIERES (Service Historique de la Défense - Château de Vincennes)

  • A2g 18 : Histoire de l’ancienne infanterie française par général Louis Susane (8 tomes, dont index alphabétique dans le tome 8), Paris 1876
  • A2g 31 (Tome 3) : Les bataillons d’infanterie légère de la République - Service des officiers de tous grades
  • A2g 4370 : Les bataillons de volontaires 1791-93
  • 1 M 484 : Résumé historique des campagnes de 1793-1795 dans les Pyrénées orientales (tome 1) et occidentales (tome 2) par C.L.M. Poinçot, chef d’escadron au corps royal d’état-major, sous timbre du Ministère de la Guerre, Paris 1838.
  • 4 M - 72 : Historique du Bataillon des Chasseurs Cantabres
  • T.U. 447 : Les bataillons de volontaires nationaux des B.P. 1791-93
  • B4 5: Correspondances de l’APO (juin 1793) : C.R. de la bataille de Château Pignon
  • B4 6 & B4 7 : Correspondances de l’APO (juillet & août 1793)
  • B4 27 & 28 : Correspondances du ministre (1792-94)
  • B4 29, 31, 33, 35 : Lettres de l’EM de l’APO en 1792-93
  • B4 38 : Lettres de l’EM de l’APO &1792-93)
  • B4 40 & 45 : Correspondances de l’EM de l’APO
  • B4 72 : Correspondances de la division de gauche de l’APO
  • B4 94 : Correspondances du général Muller
  • B4 113 : Cahier de correspondances de l’APO
  • B4 116 : Livres d’ordres du général Duverger
  • B4 132 : Correspondances du général Duverger
  • B4 150, B4 151, B4 152 : Livres d’ordres de l’APO en 93
  • BA 166 : Situation de l’APO en 93
  • 16 YC 426 et 427 : 4ème et 5ème bataillons de volontaires des BP
  • 16 YC 171 : 8ème bataillon de la Gironde
  • 16 YC 428 : Bataillons de Chasseurs Basques
  • 6 Y D3 : Dossier individuel du maréchal Moncey
  • XP 11 : Nombreux dossiers concernant les armées de la république dont 1 sur l’APO
  • XV 31 : Bataillons de volontaires des Basses-Pyrénées


1Les grenadiers avaient été créés en 1667, les premières grenades avaient été lancées au siège d’Arles en 1536 ; les compagnies de grenadiers devinrent rapidement les unités d’élite des bataillons d’infanterie.
2César Cassini François Cassini de Thury) 1714-1784, astronome, successeur de son père à l’académie des sciences où il est reçu à 22 ans, est chargé de dresser la « Carte de la France » en 180 feuilles. Cette œuvre est achevée par son fils Jacques Dominique Cassini de Thury (1748-1845), directeur de l’observatoire de Paris et membre de l’Académie des sciences. Cette carte, publiée de 1744 à 1793, est la première carte systématique et géométriquement exacte de la France. Elle est à l’échelle de 1 ligne pour 100 toises : 1 ligne représentant 1/12 de pouce, soit 0,225 cm, soit environ à l’échelle de 1/86 400 ; la carte d’état-major du XIX° siècle fut dressée au 1/80 000, l’actuelle est à l’échelle du 1/100 000.
3Il s’agit notamment des ingénieurs du Roy Roussel en 1718, Touros et Canut en 1753, rapports préparatoires à l’inspection en août 1753 du marquis de Paulmy, secrétaire d’état à la guerre, et du mémoire anonyme de 1773.
4Tel est le cas du compte-rendu des reconnaissances effectuées par M. de Versailles, major général des logis de la cavalerie, sur ordre du maréchal de Berwick, lors des préparatifs de son engagement, au mois de novembre 1718, comme commandant les troupes du Roy de France en Espagne.
5Mendi Belza est le vrai nom des deux éminences rocheuses cotées 1409 et 1385, appelées « Pic du Leizar Ateka » sur la carte 1GN au 1/50 000. Leizar Atheka désigne la brèche existant entre les deux éminences de Mendi Belza, dont l’altitude est de 1344 m.
6Jomini écrit : « la position de Castel Pignon, accessible seulement par un sentier, consiste en trois pics qui se flanquent, que le château élevé au temps des Romains sur l’un de ces pics, en augmente encore la force naturelle et qu’un vieux redan couvre le camp et le lie au petit fort ».
7voir Bibliographie.
8Le département des Basses-Pyrénées mit finalement sur pied six bataillons de volontaires : la « levée de 300 000 hommes » en février 1793 permit la mise sur pied d’un 5ème bataillon en vallée d’Aspe, puis d’un 6ème bataillon en février 1794, commandés respectivement par les citoyens Monroux et Guipony.
9Henri Fargues fut élu en 1793 président du directoire du département des Basses-Pyrénées.
10La ville de Saint-Jean-Pied-de-Port prit le nom de « Nive-Franche », tandis que Baïgorry prenait celui de Thermopyle.
11Ces six compagnies franches sont inscrites à l’état de situation de l’A.P.O. du 1er mai 1793 avec le nom de leurs capitaines et leurs effectifs : Ernautena : 170, Apesteguy : 166, Harismendy : 201, La Victoire : 217, Sainte Marie : 184, Cie franche de Saint-Palais : 141.
12Ces compagnies franches furent à l’origine du corps des Chasseurs Basques qui fut à partir de janvier 1794 organisé en quatre bataillons sous les ordres d’Harispe, Lassalle, Bordarrampé et Lavictoire (pseudonyme de Joseph Matenotte). Les trois premiers de ces bataillons constituèrent, en juin 1794, la demi-brigade de chasseurs basques, commandée successivement par Lavictoire, puis Harispe.
13Le 6 avril 1793, le général Dubouquet prit le commandement de la brigade de Saint-Jean-de-Luz.
14Dans les armées françaises, l’obusier fut l’objet, au camp de Meudon en 1793-94, d’expérimentations auxquelles participa le général de brigade Choderlos de Laclos, l’écrivain auteur des « Liaisons dangereuses ». L’obusier tirait des boulets creux explosifs, dénommés « obus », par opposition aux canons qui tiraient soit des boulets pleins, soit des cartouches à mitraille.
15A cette date, le 5ème bataillon d’infanterie légère était commandé par le lieutenant-colonel Delalain, avec le lieutenant-colonel Willot comme lieutenant-colonel en deuxième, lequel lui succéda à la tête du bataillon quelques jours plus tard le 7 mai, lors de la nomination du lieutenant-colonel Delalain au grade de général de brigade.
16En fait, sept immédiatement disponibles, car le 3ème bataillon des Hautes Pyrénées, initialement stationné à Navarrenx, était, à cette date, à l’instruction au camp de Bidart.
17Compte-Rendu du 1er juin 1793 : « Au camp sous Castel Pignon, signé Noguez, le 1er juin, An 2 de la République ».
18La position dans le dispositif et la mission du 3ème bataillon des Landes et du 4ème bataillon du Lot-et-Garonne, envoyés en renfort à Château Pignon le 3 juin matin par le général Delalain, ne peuvent pas être déterminées à partir des archives exploitées ; par ailleurs la présence sur le plateau le 6 juin, de la compagnie de grenadiers du 8ème bataillon de volontaires de la Gironde est attestée, sans que cela prouve la présence de ce bataillon sur le plateau ; les compagnies de grenadiers étaient parfois gérées, selon les circonstances, indépendamment de leur bataillon d’appartenance ; le 8ème bataillon de la Gironde tenait semble-t-il alors la vallée d’Arnéguy depuis Lasse jusqu’à Ondarolle et Luzaide, pour interdire toute infiltration en direction de Saint-Jean-Pied-de-Port par le Val Carlos et la vallée de la Nive d’Arnéguy.
19L’œil averti d’un archéologue peut encore aujourd’hui identifier l’emplacement de ce camp au pied de Château Pignon ; un camp de bataillon avait usuellement des dimensions de 150 à 200 mètres sur 50 à 80 mètres, et était entouré d’un fort talus. La redoute de la Belle Esponda et le camp associé à Saint-Jean-le-Vieux, qui datent de 1813, sont aménagés de la sorte (Cf. les vestiges encore existant ainsi que le plan dans le cadastre dit « Napoléon » de la commune).
20Il s’agit, selon toute vraisemblance, non de brouillard, mais de nuages d’altitude qui, accrochés aux sommets, couvrent fréquemment en cette période de l’année la zone des cols, interdisent toute visibilité et provoquent parfois des accidents de marcheurs et de pèlerins.
21Jomini écrivit : « L’avant-garde espagnole, commandée par le Major Général Escalante s’avança, sans être aperçu à la faveur d’un épais brouillard, jusqu’aux avant-postes ».
22Jomini écrit : « Caro qu’une attaque de goutte avait jusqu’alors cloué sur un brancard, craignant de ce que la victoire lui échappe, il se fait hisser à cheval, incite au milieu du feu ses soldats de la voix et du geste et les décide à gravir les pentes escarpés du pic de gauche ».
23Jomini écrit : « Les Espagnols encouragés par leur succès et l’exemple du marquis de La Romana, enlèvent le pic du château en parvenant à l’escalader et à mettre en fuite la garnison du château ».
24Compte-rendu en date du 23 Juin du Représentant du Peuple Féraud, compte-rendu en date du 6 juin du général de brigade Delalain, rapport du général Servan en date du 18 juin.

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