2018. Chasseurs Cantabres et Chasseurs Basques

Chasseurs Cantabres

et Chasseurs Basques


Article paru dans le Bulletin de la Société de sciences lettres et arts de Bayonne, n°173 de 2018.

Au cours de la guerre menée à l’époque de la Révolution Française par les armées de la Convention contre la monarchie espagnole, la frontière des Pyrénées Occidentales fut le théâtre d’âpres combats, au cours desquels deux unités d’infanterie légère se distinguèrent particulièrement : les « Chasseurs Cantabres » et les « Chasseurs Basques ». Mais elles furent souvent confondues, d’autant que jusqu’à l’époque contemporaine, les termes ‘Cantabres’ et ‘Basques’, aux acceptions imprécises, étaient indifféremment employés l’un pour l’autre.
Dès l’époque romaine, ces termes désignaient, successivement ou indifféremment, les diverses populations qui habitaient les régions montagneuses bordant l’actuel Golfe de Gascogne, dans le Sud-ouest de la France et le Nord de l’Espagne d’aujourd’hui. A l’époque moderne, la dénomination de ‘Cantabres’, initialement employé en langue poétique, devint quasi synonyme de celle de Basques. En l’an X de la République, le Général Serviez, préfet des Basses-Pyrénées, écrivait : « Les Basques descendent des anciens Vascons ou Cantabres, et par eux des Ibériens, premiers habitants de l’Espagne ».
L’étude des fonds d’archives conservés par le Service Historique de la Défense au Château de Vincennes permet de retracer avec une bonne précision l’origine, l’histoire et la participation de chacune de ces deux unités de Chasseurs aux combats de « l’Armée des Pyrénées Occidentales » sur la frontière des Pyrénées entre 1792 et 1795. Elle offre en outre la possibilité de connaitre la nature et la composition du « Groupement de Chasseurs » qui, placé aux ordres du capitaine Moncey1, s’illustra dans les combats des 1er au 6 juin 1793 sur le haut-plateau de Château Pignon, au Sud de Saint-Jean-Pied-de-Port.

LES CHASSEURS CANTABRES

Au XVIIIème siècle, les évolutions dans « l’Art » de la guerre, avec notamment l’apparition de la « Petite Guerre », avaient entrainé des réorganisations successives des armées, afin de les adapter aux circonstances changeantes des combats. La sévère défaite subie par les armées de Louis XV à Rossbach en Saxe, le 5 novembre 1757, au cours de la Guerre de Sept ans, avait été à l’origine de réformes profondes, dont celles initiées par le comte de Saint-Germain, Secrétaire d’Etat à la Guerre de 1775 à 1777.2 Finalement, la réorganisation générale de l’armée française de 1788, objet de trois ordonnances royales, créa l’infanterie légère, chargée des missions de renseignement et de sûreté, forte de douze bataillons de Chasseurs, dont le cinquième prit le nom de « Chasseurs Cantabres ». Devenu sous la Révolution le « 5ème bataillon de chasseurs », il participa activement à la guerre franco-espagnole sur la frontière des Pyrénées de 1793 à 1795, au sein de l’Armée des Pyrénées occidentales.

Les Cantabres Volontaires – Le Royal Cantabre

A partir de 1743 déjà, les leçons tirées de la Guerre de Succession d’Autriche (1741-1748) avaient conduit, selon la volonté du maréchal de Saxe, à l’établissement définitif de régiments de « Troupes Légères ». L’un d’eux, le Régiment des « Cantabres Volontaires » avait été créé, le 15 décembre 1745 par l’Ordonnance du roi portant création d’un régiment d’infanterie de troupes légères sous le nom de Cantabres volontaires. Il avait été levé dans les provinces basques par un noble souletin, le chevalier Philippe de Bela (1709-1796), qui en avait ainsi été nommé colonel. Les officiers devaient être originaires d’au-delà de l’Adour et du comté d’Armagnac. Les hauts bonnets pointus des officiers et grenadiers du régiment portaient brodés les chaînes de Navarre et la devise « Bellicosus Cantaber ».
Le régiment comprenait dix compagnies d’infanterie de cinquante hommes, organisées en deux bataillons, trois cents hussards et deux pièces de canon. Après avoir servi dans la campagne de Flandre à l’été 1746, il devint, en 1747, le « Royal Cantabres » dont le commandement fut donné au chevalier de Luppé. Comme toutes les troupes légères l’avaient été à partir de 1744, le régiment fut doté, en 1747, de canons d’accompagnement, des pièces à la Suédoise, de 4 livres de balle, qui, plus légères que les canons de La Vallière, ne nécessitaient que trois chevaux pour les tracter. En application de l’ordonnance royale du 1er août 1749, le « Royal Cantabres » fut dissous et réduit à quatre compagnies de quarante hommes, qui reprirent le nom de « Cantabres Volontaires ».
« Ordonnance du Roy, au sujet du régiment Royal Cantabres, du premier Août 1749
DE PAR LE ROY
Sa Majesté, ayant résolu de supprimer le régiment Royal Cantabres, … … …, a ordonné et ordonne ce qui suit :
Suivent huit articles, numérotés de PREMIER, II, …, jusqu’à : VIII, qui prescrivent la
Suppression du régiment Royal Cantabres de 500 hommes, en 9 compagnies d’infanterie de 50 hommes et 2 de hussards de 25 hommes, pour former 4 compagnies d’infanterie de 40 hommes chacune. Ces compagnies porteront le nom de Cantabres Volontaires, comprenant chacune 1 capitaine, 1 capitaine en second ou lieutenant, 2 sergents, 3 caporaux, 3 anspessades, 31 fusiliers et 1 tambour.
Fait à Compiègne, le premier août 1749. Signé Louis.
M.P. de Voyer d’Argenson
A PARIS DE L’IMPRIMERIE ROYALE : MDCCXLIX »
De fait, rétabli comme bataillon de 604 hommes le 8 juillet 1757, le « Royal Cantabres » ne fut définitivement licencié que le 25 novembre 1762.
En 1757, une compagnie de « chasseurs » avait été créée dans les bataillons d’infanterie de ligne qui, à partir de cette date, comprirent chacun quatre compagnies de fusiliers à 116 hommes, une compagnie de grenadiers à 101 hommes et une compagnie de chasseurs à 101 hommes. La réforme du Comte de Saint-Germain en 1776 entraîna le regroupement des régiments en brigades et en divisions. Confirmant l’inclusion d’une compagnie de chasseurs dans chaque bataillon d’infanterie de ligne, elle supprima les troupes d’infanterie légère.
Mais cette suppression ne fut que temporaire puisque, dès 1779, furent recréés six régiments de chasseurs à cheval. En 1784, les compagnies de « chasseurs » organiques aux bataillons d’infanterie de ligne furent regroupées en six bataillons de chasseurs à 4 compagnies, qui furent rattachés aux six régiments de chasseurs à cheval. Les régiments de chasseurs à cheval furent finalement séparés des bataillons de chasseurs à pied en 1788.
Finalement, l’ordonnance du 17 mars 1788 procéda à la création définitive de l’infanterie légère, organisée en douze bataillons de chasseurs, qui comprenait chacun quatre compagnies de chasseurs, dont chacune incluait neuf carabiniers3. Ces douze bataillons furent formés à partir des six bataillons précédemment rattachés aux régiments de chasseurs à cheval, ainsi que des régiments Royal Italien et Royal Corse ainsi que du corps de Montréal. Le cinquième de ces bataillons d’infanterie légère, celui créé à partir du « Corps de Montréal », reçut le nom de « Bataillon des Chasseurs Cantabres » en reprenant le nom laissé libre par la dissolution quelques années auparavant du régiment « Royal Cantabres ».

Le corps de Nassau-Siegen – L e Régiment de Montréal

Par sa création à partir du « Corps de Montréal », le « Bataillon des Chasseurs Cantabres » descendait de la « Légion des volontaires de Nassau-Siegen » levée lors de la guerre d’indépendance américaine (1775-1782), pour reconquérir les îles anglo-normandes. Louis XVI, par ordonnance du 10 décembre 1778, avait permis au prince allemand Charles Henri Nicolas Othon de Nassau-Siegen (1745-1808), colonel-propriétaire du « Royal Allemand Cavalerie », de lever pour le service de la Marine un petit corps de volontaires, composé d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie, la « Légion des volontaires de Nassau-Siegen », qui, après avoir pris part à une tentative infructueuse sur l’île de Jersey, fut réformée le 15 août 1779.
Une seconde ordonnance en date du 16 août 1779 maintint sur pied pour le service à terre un petit corps mixte, composé de deux compagnies d’infanterie et d’une compagnie d’artillerie, dont la propriété fut laissée au prince de Nassau. En garnison initialement à Saint-Malo, puis à Lorient en 1781, et à Bellisle-en-Mer en 1782, ce corps fut, à la démission du prince de Nassau-Siegen, donné en propriété, le 28 février 1784, au comte de Montréal4 et prit alors le nom de « Corps d’Infanterie de Montréal », dont le commandement fut confié le 15 avril 1784 au lieutenant-colonel Ruault de la Bonnerie. Ce corps, par une nouvelle ordonnance du 12 mai 1785, perdit sa compagnie d’artillerie, puis fut réorganisé en un corps à quatre compagnies d’infanterie. Il continua à séjourner à Bellisle-en-mer jusqu’à l’année 1786, date à laquelle il fut transféré à Douai.
Ainsi, l’origine du 5ème bataillon de Chasseurs Cantabres remonte au « Corps de Nassau Siegen » qui, ayant changé, en 1784, son nom en « Corps de Montréal », fut, par l’ordonnance du 17 mars 1788, reconstitué en bataillon d’infanterie légère, sous le nom de « Chasseurs Cantabres »,.
Finalement, l’ordonnance du 17 mars 1788, portant création de l’infanterie légère, décida la réforme du « Corps de Montréal » et sa transformation en un bataillon de chasseurs sous le nom de « Bataillon des Chasseurs Cantabres », reprenant ainsi l’ancienne appellation de « Cantabres », disponible depuis le licenciement du Régiment « Royal Cantabres », le 25 novembre 1762, qui prit rang selon son ancienneté au cinquième rang des douze bataillons de chasseurs, et dont le « Sieur Comte de Montréal » restait le « Colonel Propriétaire ».

Les Chasseurs Cantabres

C’est ainsi que le « Bataillon des Chasseurs Cantabres » fut créé le 1er mai 1788 en la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port5. Messire de la Bonnerie, comte de Ruault qui, depuis quatre ans, commandait le « Corps de Montréal », fut désigné comme lieutenant-colonel commandant le « Bataillon des Chasseurs Cantabres ». Il resta à la tête du bataillon lors du déclenchement de la Révolution française.
Le bataillon, dont l’effectif était de 27 officiers et 408 bas-officiers et chasseurs, était articulé en quatre compagnies de chasseurs, dont le recrutement régional devait être issu des pays compris entre Pyrénées, Garonne et Océan. Comme dans tous les régiments à cette époque, chaque compagnie disposait d’un double encadrement en officiers, dont la moitié seulement était présente au corps à un instant donné, ce qui permettait en temps de guerre de doubler immédiatement le nombre des unités élémentaires de chaque corps. Les compagnies pratiquaient le « stationnement ambulatoire », cantonnant successivement dans les villages bas-navarrais et dans les montagnes frontalières, ce qui assurait au bataillon un bon niveau d’instruction et de cohésion et lui conférait une excellente capacité de surveillance de la frontière en cas de tension. Inspecté le 8 septembre 1788, par le lieutenant-général, comte de Jumilhac, le bataillon fit l’objet d’une appréciation louangeuse.
Le registre des décès de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port confirme la présence du bataillon dans la ville, ainsi que le nom du commandant de bataillon dont l’épouse décéda le 18 mars 1790. Il révèle le nom du commandant-en-second du bataillon lors de sa création :
  • Le 19 mars 1790, inhumation du corps de Noble Charlotte Pélagie de Maquart de Rullecourt, femme de Messire Noble de la Bonnerie, comte de Ruault, lieutenant-colonel commandant le bataillon d’infanterie légère des Chasseurs Cantabres, décédée la veille, âgée d’environ 45 ans, inhumation au cimetière de l’église paroissiale Saint-Eulalie ;
  • Le 21 octobre 1790, décès d’Auguste Emmanuel Levigne, chevalier de Sommebous, capitaine en second du régiment d’infanterie légère des Chasseurs Cantabres, âgé de 55 ans.

Le 5ème bataillon d’infanterie légère

Le 1er janvier 1789, à l’orée de la Révolution, l’infanterie régulière de l’armée royale comprenait donc, à côté des 2 régiments de Gardes et des 102 régiments d’infanterie de ligne, 12 bataillons de chasseurs. Le règlement du 1er avril 1791 prescrivit que ces bataillons de chasseurs quitteraient leur nom pour n’être plus désignés que sous leur numéro. Ainsi, le « Bataillon des Chasseurs Cantabres » devint, à cette date, le « 5ème bataillon d’infanterie légère », communément appelé « 5ème bataillon de chasseurs ». Le 20 juillet 1791, se déroula la cérémonie officielle de serment du bataillon à la Constitution. Au lieutenant-colonel de la Bonnerie qui assumait le commandement du bataillon depuis sa création en 1788, succéda, le 21 octobre 1791, le lieutenant-colonel François de Bazent du Balay. Le citoyen Alexandre Delalain (en fait de Lalain) en fut nommé lieutenant-colonel en 2ème le 6 novembre 1791, puis lieutenant-colonel en 1er le 7 janvier 1792.
A cette date, le 5ème bataillon d’infanterie légère comprenait un état-major et huit compagnies, obtenues par dédoublement des quatre compagnies originelles du « Bataillon des Chasseurs Cantabres », représentant un effectif total de 29 officiers et 429 sous-officiers et soldats. Chacune des huit compagnies était encadrée par un capitaine (Moncey, nommé capitaine le 1er avril 1791, commandait la huitième compagnie), un lieutenant et un sous-lieutenant. Tant l’émigration que les destitutions politiques provoquèrent rapidement des vides dans son encadrement, soit par effet direct, soit par les promotions externes qu’elles entrainèrent. Le 8 octobre 1792, le 5ème bataillon d’infanterie légère fut inspecté dans la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port par le commandement de l’Armée des Pyrénées. Le rapport d’inspection précise que son effectif réalisé était, à cette date, de 602 personnels, soit, en sous-effectif de 191 pour être ‘sur pied de guerre’ et de 214 pour être ‘sur grand pied de guerre’. Les rapports établis par l’Armée des Pyrénées en novembre et décembre 1792, comme la revue effectuée le 30 novembre 1792 en la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, soulignent d’importantes difficultés pour réaliser les effectifs, notamment en officiers. A nouveau, le 16 décembre 1792, le Général de Brigade Lacuée, chef d’état-major du général Servan commandant l’Armée des Pyrénées, posait le problème du remplacement des officiers manquants et du recrutement des soldats pour le 5ème bataillon d’infanterie légère. Ainsi, l’état de situation de l’Armée des Pyrénées au 1er avril 1793, indique que le bataillon, alors déployé à Andaye (sic), avec un effectif de 518 hommes, aux ordres du lieutenant-colonel Lalain (sic), ne disposait pour encadrer ses huit compagnies que de cinq capitaines, cinq lieutenants et sept sous-lieutenants.
Les rapports d’inspection déjà cités jugeaient que la tenue, la discipline, l’état d’esprit, l’habillement et l’armement du bataillon étaient bons, que le niveau d’instruction était « le meilleur actuellement », l’état des finances étant le seul point faible « comme dans toute l’armée ». Grâce au maintien d’un haut niveau d’instruction opérationnelle, la cohésion, la discipline et la capacité opérationnelle du bataillon restèrent intacts lors des premiers soubresauts de la Révolution. Le bataillon étant activement occupé à la surveillance de la frontière, aucune désertion ne fut attestée.
Cependant, le 23 mai 1793, le « Service des officiers » du 5ème bataillon d’infanterie légère, alors stationné à Saint-Jean-de-Luz, montre qu’à cette date l’encadrement du bataillon a été recomplété. Il comprenait alors vingt sept officiers, dont le lieutenant-colonel Willot, commandant le bataillon, et dix capitaines, dont le major Castillon et le Quartier Maitre Trésorier Schilt. Le conseil d’administration du bataillon était composé du chef du bataillon, le lieutenant-colonel Willot, et de quatre capitaines : Delpuech, Schilt, Moncey et Castillon. Parmi les 27 officiers, cinq étaient officiers et sept étaient sous-officiers dans l’armée royale avant la Révolution, quatre, sous-officiers ou soldats, au bataillon des Chasseurs Cantabres, avaient été promus officiers sous la Révolution, deux étaient des officiers étrangers qui avaient rejoint l’armée de la république, neuf, enfin, étaient des volontaires qui avaient été promus officiers. Ces effectifs en officiers confirment que le bataillon comprenait à cette date du 23 mai 1793 huit compagnies de chasseurs. Le citoyen Amédée (ci-devant comte de) Willot, qui avait été promu au grade de lieutenant-colonel et nommé lieutenant-colonel en 2ème du 5ème bataillon d’infanterie légère, le 23 mars 1792, en avait pris le commandement du bataillon, le 7 mai 1793, en remplacement du lieutenant-colonel Alexandre Delalain, lui-même promu le même jour au grade de général de brigade.

Le 5ème bataillon d’infanterie légère dans les combats de 1793-1795

La guerre entre la France et l’Espagne fut déclarée en mars 1793, le 7 mars par la France, le 23 mars par l’Espagne. Durant cette guerre franco-espagnole qui dura jusqu’en 1795, le 5ème bataillon d’infanterie légère servit sans discontinuer sur la frontière pyrénéenne, d’abord au sein de l’Armée des Pyrénées, créée à Toulouse le 1er octobre 1792, puis de l’Armée des Pyrénées Occidentales (ou A.P.O.) à partir de sa création, en application du décret pris le 30 avril, par dédoublement de l’Armée des Pyrénées le 1er mai 1793.
Dès le 23 février 1793, le 5ème bataillon d’infanterie légère avait été déployé aux ordres du lieutenant-colonel Delalain dans le secteur d’Andaye (sic). Le 6 avril, le lieutenant-colonel Lalain (sic) reçut, le l’ordre de patrouiller la frontière où les hostilités commencèrent le 23 avril 1793 par une attaque impétueuse des Espagnols sur Hendaye, qui fut repoussée le jour même. Cette date marqua le premier engagement du 5ème bataillon d’infanterie légère, à Biriatou d’abord où l’un de ses détachements surprit un poste espagnol dont elle tua 13 hommes et en fit noyer 40 dans la Bidassoa. A Hendaye ensuite, où l’attaque espagnole avait débuté par un bombardement de la ville et le franchissement du Pas de Béhobie par l’infanterie espagnole qui monta à l’assaut du fort d’Andaye (sic), surprenant les volontaires républicains qui prirent la fuite. Alors, le lieutenant-colonel Willot, à la tête des gros du 5ème bataillon d’infanterie légère s’élança en contre-attaque contre l’ennemi, réveilla le courage des volontaires qui se rallièrent, et repoussa les Espagnols qui furent rejetés de l’autre côté de la Bidassoa.
Le 1er mai 1793, lors de la création de l’A.P.O. sous le commandement du général Servan, le 5ème bataillon d’infanterie légère appartenait à « l’Avant-Garde du Camp d’Andaye » dont l’effectif total était exactement de 3 955 hommes. Soucieux d’être mieux renseigné sur les mouvements ennemis, le général Servan remania son dispositif pour combler le manque d’unités de reconnaissance, notamment de cavalerie, en accroissant le volume de ses moyens de reconnaissance par la création de nouvelles unités d’infanterie légère. Ce fut ainsi que le 6 mai 1793 à Bayonne, le général Servan donna l’ordre au citoyen Delalain, commandant le 5ème bataillon d’infanterie légère, de prendre sous ses ordres toutes les compagnies de chasseurs volontaires et la compagnie de chasseurs du 7ème bataillon de la Gironde. Le 9 mai, il ordonna à chaque bataillon de volontaires de constituer, en plus de leurs huit compagnies de fusiliers et de leur compagnie de grenadiers, une compagnie de chasseurs de 89 hommes, forte de 3 officiers, 1 tambour et 85 chasseurs. Le même jour, il plaça toutes ces compagnies de chasseurs nouvellement créées et formées au camp de Bidart, aux ordres du citoyen Delalain, promu général de brigade le 7 mai, auquel, le 13 mai, il confia le commandement de l’avant-garde de l’armée, comprenant donc les compagnies de chasseurs issues des bataillons de volontaires ainsi que le 5ème bataillon d’infanterie légère, commandé depuis le 7 mai par le lieutenant-colonel Willot. Le 22 mai 1793, l’avant-garde de l’armée, ainsi constituée aux ordres du général Delalain est rassemblée à 4 h du matin à Saint-Pée en avant de la brigade du centre.
Déployé dans le secteur de Saint-Jean-de-Luz, le 5ème bataillon d’infanterie légère avait pour mission de couvrir la ligne de défense de la Nivelle en s’installant au Sud de la coupure. Le 27 mai, le bataillon réduit depuis le 23 mai à six compagnies de chasseurs appartenait au dispositif de défense de Saint-Jean-de-Luz : la 1ère compagnie surveillait la zone entre le Bordagain et Ciboure, trois compagnies contrôlaient la vallée entre Jolimont et la route d’Urrugne, deux compagnies étaient installées dans la tête de pont de Saint-Jean-de-Luz.

Le Groupement de Chasseurs du Capitaine Moncey

En effet, le 23 mai, le général Servan avait donné l’ordre au général de brigade Delalain d’envoyer en renfort à Saint-Jean-Pied-de-Port un Groupement de Chasseurs, à prélever sur l’avant-garde, placé aux ordres du capitaine Moncey, regroupant onze compagnies de chasseurs : deux compagnies de chasseurs ex-Cantabres du 5ème bataillon d’infanterie légère, la compagnie franche de Bordeaux, sept compagnies de chasseurs issues des bataillons de volontaires (non nommés dans les documents d’archives consultés) et la compagnie de chasseurs du bataillon de la Haute-Garonne du capitaine Vallée venant d’Itxassou.
Aussitôt constitué, ce Groupement de Chasseurs fit mouvement vers Bayonne, où il fit étape et où il toucha un complément d’équipement et d’armement. Après une seconde étape à Mendionde, il parvint à Saint-Jean-Pied-de-Port le 28 mai au soir. La 2ème compagnie de Chasseurs du Louvre déjà stationnée à Saint-Jean-Pied-de-Port lui fut rattachée. Le Groupement de Chasseurs du capitaine Moncey, était alors fort de 12 compagnies de Chasseurs.
La principale position défensive française sur la frontière dans le secteur de Saint-Jean-Pied-de-Port était établie sur le haut plateau de Château-Pignon à 12 kilomètres au Sud de la cité, qui, s’appuyant aux ruines du petit fort espagnol de Castel Penon construit lors de la conquête de la Navarre par Ferdinand d’Aragon en 1512, avait pour mission de barrer la voie majeure d’invasion que constituait le « Grand Chemin d’Espagne par Orisson et Roncevaux ».
Reportant leur effort du secteur côtier au secteur intérieur, les Espagnols firent, le 1er juin, une démonstration de force avec plusieurs unités d’infanterie et de cavalerie qui descendirent de la montagne de l’Alto Biscar en direction des hauteurs situées au Sud du plateau de Château Pignon. Le chef de bataillon Nogués6, commandant le 2ème bataillon de volontaires des Basses-Pyrénées qui tenait cette position, contre-attaqua les Espagnols qui se replièrent et dont une partie s’enfuit par le val d’Aezcoa pour trouver refuge dans les retranchements d’Orbaiceta, après avoir perdu cinq tués et plusieurs blessés. Le Groupement de Chasseurs du capitaine Moncey fut immédiatement poussé en renfort de Saint-Jean-Pied-de-Port vers Château Pignon, où il parvint en fin de journée du 1er juin.
La matinée du 2 juin se déroula dans la tranquillité. Mais, dans l’après-midi, l’ennemi reprit l’initiative en débouchant de l’Alto Biscar en trois colonnes qui forcèrent les avant-postes français à se replier. Le commandant Nogués envoya le capitaine Moncey, « dont l’intelligence et les connaissances ne laissent en rien à désirer », avec son Groupement de Chasseurs reconnaître l’ennemi. Il eut un accrochage avec les Espagnols dont il évalua la force à 6 à 7 000 hommes. Il jugea qu’ils pouvaient avoir l’intention d’attaquer le lendemain à la pointe du jour. Ce renseignement fut confirmé par l’interrogatoire d’un déserteur espagnol qui précisa que l’ennemi, disposant d’artillerie et de cavalerie, était regroupé autour de l’Alto Biscar, dans la perspective d’attaquer, le lendemain, le camp de Château Pignon, avant d’aller mettre le siège devant Saint-Jean-Pied-de-Port. Le général Delalain, ancien commandant du « bataillon des Chasseurs Cantabres » en la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, qui, pour quelques jours, commandait provisoirement la division de Saint-Jean-Pied-de-Port, donna alors l’ordre d’acheminer deux bataillons de volontaires en renfort dans le camp de Château-Pignon.
Les 3 et 4 juin, les montagnes étant dans le brouillard, les Espagnols ne firent aucun mouvement de ce côté. Sur le plateau de Château Pignon, le dispositif défensif français ainsi renforcé s’organisa en profondeur avec trois bataillons de volontaires établis en deux lignes de défense et une flanc-garde face au Val Carlos. Le Groupement de Chasseurs du Capitaine Moncey, en assurait la sûreté éloignée face au Sud et au Sud-Ouest, avec ses douze compagnies réparties dans les avant-postes et les « sonnettes », installés sur les limites Sud du plateau, depuis les contreforts de la montagne d’Urkulu (1419) jusqu’aux pics de Mendi Belza (cotes 1409 et 1385), et incluant le pic d’Urdanarré (cote 1240). Le 5 juin, les Espagnols tirèrent quelques volées de canon.
L’attaque espagnole contre la position du plateau de Château-Pignon fut lancée le 6 juin à la pointe du jour. Dès 6 heures, sous le couvert d’un brouillard très épais7, qui durait depuis trois jours sur les hauteurs des Pyrénées, le général don Ventura Caro, fit avancer depuis la zone de l’Alto Biscar ses troupes en plusieurs colonnes incluant des pièces d’artillerie, afin de surprendre les avant-postes installés à hauteur des deux pics de Mendi Belza (1409 et 1388), de part et d’autre du défilé de Leizar Atheka, par le Groupement de Chasseurs du capitaine Moncey. Le chef de l’un des avant-postes placé en pointe aperçut, à travers l’épais brouillard, les colonnes ennemies qui progressaient dans sa direction. Aussitôt, il en informa le capitaine Moncey qui donna l’ordre à la compagnie franche de Bordeaux du capitaine Beudet, de marcher pour soutenir l’avant-poste menacé. Lui-même forma son bataillon en colonne d’attaque et fit battre la charge. Moncey, à la tête des compagnies des chasseurs, fondit sur l’ennemi surpris qui recula en désordre, et en renversa les éléments de tête. Progressant sur l’axe du Grand Chemin d’Espagne en contrebas des pics de Mendi Belza, il se heurta à un corps de troupe espagnol, disposant de six pièces de canon, qui s’opposait à sa progression. Les chasseurs, baïonnettes au canon, culbutèrent les fantassins espagnols qui s’enfuirent, tuèrent les canonniers à leurs pièces, coupèrent les jarrets des mulets et s’emparèrent des six pièces de canon qui furent aussitôt mises hors service par enclouage. La réaction des chasseurs de Moncey avait fait avorter la manœuvre ennemie. Le succès des Français semblait assuré.
Mais, lorsque le brouillard qui couvrait le champ de bataille se fut dissipé, les Espagnols prenant conscience de la faiblesse numérique des unités françaises, se remirent en formation et relancèrent leur assaut. Moncey, attaqué de front par une force très supérieure, tenta de manœuvrer. Ne voyant pas arriver du camp de Château Pignon le secours qu’il en attendait, il dut abandonner les canons et se replier sur la première ligne de défense, installée à hauteur des éminences rocheuses d’Urdanasburu (1233). Mais les volontaires du bataillon qui tenait cette ligne de défense, effrayées par la violence de l’attaque espagnole et par les obus qui éclataient sur leurs positions, connurent un début de mouvement de panique. Au lieu d’assurer le recueil des chasseurs, ils abandonnèrent leurs positions, à l’exception de la compagnie de grenadiers. Lors du repli de ses chasseurs sur cette ligne de défense, Moncey, n’y trouvant que cette seule compagnie de grenadiers, lui ordonna de protéger par le feu le repli des chasseurs qu’il rallia derrière elle. Cette manœuvre en retrait réussit et les grenadiers vinrent occuper la droite de la position sur laquelle les chasseurs s’étaient rétablis.
Faisant avancer leurs canons, les Espagnols attaquèrent ces chasseurs et ces grenadiers, qui arrêtèrent pendant plus de trois heures les assauts ennemis sur cette première ligne de défense, malgré le feu nourri qu’ils subissaient. Mais les unités du bataillon de flanc-garde, placées à leur droite, attaquées à leur tour par les Espagnols cédèrent le terrain presque sans résistance, laissant leur flanc droit entièrement à découvert. Le capitaine Moncey fut alors contraint d’ordonner un nouveau repli, sur la seconde ligne de défense, qui s’appuyait sur la redoute construite dans les ruines de Château Pignon, repli qui se déroula en bon ordre. Mais Moncey y découvrit que cette ligne de défense n’était plus tenue que par les éléments résiduels du 2ème bataillon des Basses-Pyrénées du commandant Nogués, dont une partie du bataillon avait commencé à abandonner le camp de Château Pignon et à se replier. Cependant, le commandant Nogués et ses hommes ainsi que le commandant du 8ème bataillon de la Gironde avec sa compagnie de grenadiers qui était remonté de la vallée d’Arnéguy pour le soutenir, s’y défendaient encore vigoureusement.
Moncey se porta juste en arrière de Château Pignon, sur les flancs du mont Hostatéguy où il rencontra le général La Genetière, commandant la division, qui, accourant de Saint-Jean-Pied-de-Port, arrivait sur le champ de bataille au moment où l’ennemi venait de prendre l’avantage. Observant la situation depuis ce poste d’observation, il ordonna au capitaine Moncey d’occuper les hauteurs en arrière du camp, soit le pic d’Hostatéguy et le mont Itchachéguy, pour couvrir la retraite des fuyards et assurer le repli des deux pièces de canon de la redoute de Château Pignon. Le capitaine Moncey commença à y déployer son groupement de Chasseurs en bataille afin d’assurer cette mission de recueil des unités qui avaient décroché. Mais, ayant fait avancer leurs canons, les Espagnols donnèrent l’assaut de la redoute et du camp de Château Pignon. Au même instant, la charge de deux escadrons à cheval du régiment de la Reine vint fondre sur les chasseurs et triompha de leur ténacité. Moncey et ses chasseurs durent amorcer un nouveau repli. Cette charge de cavalerie espagnole parvint à cerner le général La Genetière qui fut fait prisonnier.
Finalement, les Français furent forcés de se replier sur Saint-Jean-Pied-de-Port. Le capitaine Moncey prit le commandement des unités en retraite. Couverts par le groupement de chasseurs, les compagnies de grenadiers et les quelques compagnies plus aguerries des bataillons de volontaires, les Français parvinrent à se retirer en bon ordre. Les Espagnols, avec leur prudence habituelle, ne cherchèrent pas à exploiter leur victoire. Ils s’arrêtèrent à Château Pignon, sans poursuivre vers Saint-Jean-Pied-de-Port où la consternation régnait.
Dans les divers rapports8 qui s’en suivirent, cette journée du 6 juin 1793 fut considérée comme une journée glorieuse, bien que marquée par la perte du camp de Château Pignon. Les forces républicaines combattant de 9 heures du matin à 5 heures du soir, s’étaient comportées avec la plus grande valeur et elles n’avaient été vaincues que par le nombre des forces espagnoles d’infanterie et de cavalerie ainsi que par une artillerie formidable incluant des obusiers, arme nouvelle à l’époque9. Ces rapports soulignèrent le comportement valeureux du Groupement de Chasseurs : Cantabres, de Bordeaux, de Toulouse, du Louvre et autres, commandé par le capitaine Moncey10.

La 5ème demi-brigade d’infanterie légère

La loi du 21 février 1793 avait décidé l’articulation des armées républicaines en demi-brigades, par amalgame d’un bataillon régulier et de deux bataillons de volontaires. L’exécution de cette loi entraina progressivement la formation de 198 demi-brigades de ligne11 et de 14 demi-brigades légères. Dès juin 1793, fut décidée la création de la 5ème demi-brigade d’infanterie légère dont le 5ème bataillon de Chasseurs, ci-devant Cantabres, formerait le noyau. Le 23 juin 1793, le lieutenant-colonel Willot, nommé provisoirement au grade d’ « Adjudant-Général-Chef de Brigade » par les Représentants du Peuple auprès l’A.P.O., fut désigné pour en prendre le commandement. Le 26 juin, il reçut l’ordre de la mettre sur pied, en la constituant de trois bataillons, chacun de neuf compagnies, dont une de carabiniers et huit de chasseurs, et, à l’échelon de la demi-brigade, d’une compagnie de grenadiers et d’une compagnie de canonniers. Le 1er bataillon en fut le 5ème bataillon de chasseurs, auquel fut amalgamée la 1ère compagnie de chasseurs du Louvre, dont le commandement fut confié au capitaine Moncey, promu chef de bataillon le 26 juin 1793. Les 2ème et 3ème bataillons furent formés par regroupement et dédoublement des compagnies de chasseurs des bataillons de volontaires comme indiqué ci-dessous :
  • Le 2ème bataillon : des 3ème, 6ème et 7ème compagnies de chasseurs volontaires nationaux de la Haute-Garonne et des 1ère et 2ème compagnies du Gers, dédoublées pour former huit compagnies, et dont furent par ailleurs tirés les hommes destinés à former la compagnie de grenadiers et la compagnie de canonniers de la demi-brigade,
  • Le 3ème bataillon : des 5ème, 8ème et 9ème compagnies de chasseurs volontaires nationaux de la Haute-Garonne, de la 1ère des Hautes-Pyrénées et de la 2ème du Bec d’Ambez.
La date officielle de formation de la 5ème demi-brigade d’infanterie légère fut le 1er juillet 1793. Aussitôt formée, la 5ème demi-brigade d’infanterie légère fut affectée à la division de droite de l’A.P.O., la 1ère division commandée par le général de division Frégeville, dont elle constitua l’avant-garde. Elle était déjà opérationnelle le 12 juillet 1793 dans le secteur de Saint-Pée.
Elle participa immédiatement aux combats sur la frontière, dont l’attaque des avant-postes du camp espagnol de Vera le 7 septembre, qui vaut à plusieurs chasseurs du 2ème bataillon d’être félicités pour leur belle conduite. Après avoir rejeté les Espagnols sur la rive gauche de la Bidassoa, elle s’établit en avant de Saint-Jean-de-Luz, où elle se trouvait au cours des premiers mois de l’année 1794. Elle était alors commandée par le lieutenant-colonel Castillon, lui également ex-capitaine au bataillon de Chasseurs Cantabres. De février à juillet 1794, les deux premiers bataillons de la demi-brigade continuèrent d’appartenir à la 1ère division, la division de droite, principalement dans le secteur de Saint-Jean-de-Luz, tandis que le 3ème bataillon constituait, ainsi qu’une compagnie franche de Basques, l’infanterie légère de la 2ème division, la division du centre engagée dans le secteur d’Ainhoa-Saint-Pée. Ces bataillons avaient alors un effectif d’environ 900 hommes et 35 officiers. Au cours de cette campagne, les bataillons de la 5ème demi-brigade s’illustrèrent particulièrement lors de la défense du camp des Sans-Culottes, aux combats d’Urrugne et de la Montagne Louis XIV. Quant aux Chasseurs ex-Cantabres, ils s’étaient rendus si redoutables aux Espagnols que ceux-ci, ne pouvant les vaincre, les injuriaient en les appelant les « Ours » par allusion à la crinière de leurs casques. Plusieurs officiers du bataillon12 firent l’objet de promotions rapide au cours de la guerre franco-espagnole de 1793-1795 : Moncey, lieutenant en premier de l’une des compagnies en 1789, devint commandant du bataillon, nommé général de brigade le 29 avril 1794, il devint commandant de la 3ème division en juin 1794 avant d’être promu commandant-en-chef de l’A.P.O. le 1er septembre 1794, en remplacement du général Muller13 ; Willot, capitaine de l’armée royale en 1787, affecté lieutenant-colonel en 2ème du 5ème bataillon d’infanterie légère le 23 mars 1792, prit le commandement du bataillon, puis de la demi-brigade en et de la 2ème division en juin 1795 et fut promu général de division sur le champ de bataille le 6 juillet 1795.

LES CHASSEURS BASQUES

Dès la déclaration guerre, le 20 avril 1792, de L’Assemblée législative au « roi de Bohème et de Hongrie », la France fut envahie par les armées autrichiennes et prussiennes. La Patrie, déclarée en danger le 11 juillet 1792 par la Convention nationale14, fut sauvée par la victoire de Valmy du 20 septembre 1792. Cependant, la paix continuait officiellement à régner entre la France et l’Espagne, car les deux nations restaient respectueuses des termes du Pacte de Famille conclu le 15 août 1761 entre Louis XV et Charles III.
Toutefois, les habitants des pays de Cize et Baïgorry, se considéraient en état de guerre avec les Espagnols depuis la signature, le 27 août 1785, malgré leurs protestations véhémentes, d’un accord de compromis, le traité des Limites, ou « Traité d’Elizondo »15, définissant la frontière et fixant les droits de pacage. Aussi, dès l’année 1791, la frontière franco-espagnole sur les Pyrénées fut le théâtre de tensions. L’Espagne ayant pris des mesures de mise sur pied de ses forces armées, des concentrations de troupes espagnoles se produisirent à la frontière, sur les confins de la Navarre et du Guipuzcoa, à la fin de l’été 1792. Face à cette situation tendue, la municipalité de Saint-Jean-Pied-de-Port proclama, le 2 septembre 1792, la mise en alerte de la garde nationale16, assujettie à deux séances d’instruction militaire hebdomadaires. Le citoyen Joseph Matenotte, dit Lavictoire, en fut nommé le lieutenant-colonel. D’origine lorraine, ancien soldat du régiment royal de « Perche Infanterie », au sein duquel il avait été en garnison dans la citadelle, il s’était marié à Saint-Jean-Pied-de-Port où il exerçait la profession de maitre tailleur, depuis qu’il avait obtenu son congé militaire fin septembre 1777.

Les Compagnies Franches Basques

Pour palier le manque d’éléments légers de reconnaissance et de renseignement dans les armées, l’Assemblée législative décida la création, par le décret du 27 avril 1792, de 6 légions à 2 bataillons de troupes légères, puis, par le décret du 28 mai 1792, de 54 « compagnies franches » d’un effectif de 200 hommes, formées de volontaires qui devaient s’inscrire dans toutes les municipalités des 83 départements. Au cours de l’été 1792, réagissant spontanément aux rumeurs de déploiement de troupes espagnoles dans les cols pyrénéens, les habitants des vallées de Cize et de Baïgorry, prirent les armes et assurèrent la garde de leur frontière. Ils s’organisèrent en quatre « compagnies » recensées le 11 octobre, d’un effectif d’environ 150 hommes équipés d’un armement disparate, qui assuraient des missions de surveillance et de contrôle, dans lesquelles elles excellaient grâce à leur connaissance du terrain, qui compensait leur manque d’instruction militaire. Les compagnies ainsi levées élirent leurs chefs, dont le jeune Jean Isidore Harispe, fils d’un marchand-drapier de la cité de Baïgorry, âgé de 21 ans, qui fut élu commandant de la « compagnie franche de Baïgorry » qu’il avait recrutée dans la vallée éponyme.
Venus à Saint-Jean-Pied-de-Port le 6 novembre 1792, « pour préparer la défense nationale contre une éventuelle agression de l’Espagne » et en inspecter la citadelle, les Représentants du Peuple, Commissaires de la Convention Nationale, Carnot, Lamarque et Garrau, officialisèrent la création de ces quatre compagnies en qualité de « compagnies franches » dont les chefs élus furent confirmés dans leurs fonctions, respectivement : Iriart, Lassale, Berindoague et Harispe. Chaque compagnie comprenait officiellement 3 officiers, 5 sous-officiers, 6 à 12 caporaux et 125 chasseurs recrutés sur place. L’existence de quatre compagnies franches basques tenant les passages débouchant dans les vallées de Saint-Jean-Pied-de-Port et de Baïgorry est confirmée à la date du 1er décembre 1792.
La Convention Nationale prit, le 7 mars 1793, l’initiative de déclarer la guerre à l’Espagne qui, en retour, la déclara à la France le 23 mars 1793. Entre temps, le nombre des compagnies franches basques s’était accru pour atteindre un total de dix compagnies. En effet, six compagnies franches supplémentaires, équipées et armées, prêtes à être passées en revue dès le 20 février 1793, selon l’ordre donné par le général Lacuée au commissaire ordonnateur de la 11ème division militaire, furent officiellement créées à la mi-mars 1793. Les courriers échangés en avril montrent que de nombreux problèmes de recrutement, d’organisation et de soldes de ces compagnies franches basques restaient à régler.
Lors de la déclaration de guerre, neuf de ces compagnies étaient engagées au sein de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port dont huit étaient stationnées sur le territoire de la commune de Saint-Jean-Pied-de-Port. L’état de situation de l’Armée des Pyrénées du 1er avril indique l’effectif total de 1 123 personnels pour ces huit compagnies. L’état de situation de l’Armée des Pyrénées Occidentales du 1er mai 1793, précise l’effectif de chacune de ces huit compagnies, de 150 à 154 hommes, soit 1254 au total à cette date, leur lieu de stationnement : Saint-Jean-Pied-de-Port, ainsi que les noms des commandants de chaque compagnie :
Compagnie Harispe
Compagnie Iriart17
Compagnie Berindoague
Compagnie Lassale18
Compagnie Sainte-Marie19
Compagnie Apestéguy
Compagnie Arnautena
Compagnie Harismendy
Les 9ème et 10ème compagnies, sans doute à cette date du 1er mai stationnées ailleurs dans le secteur de la division, étaient respectivement commandées par Joseph Matenotte, dit Lavictoire20 pour la compagnie parfois dénommée « compagnie d’Ossés » et par Saint-Pée pour la compagnie dite de Saint-Palais.

Les Compagnies Franches Basques dans les premiers combats d’avril et mai 1793

A cette date, la situation militaire était jugée grave sur la frontière des Pyrénées occidentales. L’armée espagnole de Guipuzcoa et Navarre, commandée par le Lieutenant Général Don Ventura Caro, l’ancien négociateur du Traité des limites, était forte de 18 000 hommes, avec une artillerie nombreuse. Lui faisait face l’« Armée des Pyrénées Occidentales », (A.P.O.), créée le 1er mai 1793, aux ordres du général Servan de Gerbey, qui commandait jusqu’alors l’armée des Pyrénées, avec son Quartier Général successivement installé à Bayonne, puis à Saint-Jean-de-Luz. Déployée dans le triangle Hendaye, Bayonne, Saint-Jean-Pied-de-Port, cette armée, comprenant à sa création 8 000 hommes, en majorité des jeunes recrues, formant 15 bataillons de volontaires et 18 compagnies franches, était articulée en deux divisions.
La division de gauche, qui tenait le secteur de Bidarray à Iraty, avec son P.C. à Saint-Jean-Pied-de-Port, était commandée par le général Lamoureux de la Genetière. Forte de six bataillons de volontaires et d’une dizaine de compagnies franches, elle avait un dispositif linéaire, très étalé, avec un seul bataillon en réserve dans la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, dispositif qui permettait de surveiller la frontière, mais non de la défendre en cas d’une réelle offensive espagnole. Huit des compagnies franches basques, représentant le 1er avril un effectif total de 1 123 hommes, étaient déployées dans le secteur de Saint-Jean-Pied-de-Port. L’état de situation de l’A.P.O. en date du 1er mai 1793 précise que quatre de ces compagnies franches appartenaient, avec un effectif total de 608 hommes, au « Corps d’Observation des Aldudes », constitué autour de six bataillons de volontaires, dont les 1er, 2ème et 4ème bataillons de volontaires des Basses-Pyrénées, campé dans la vallée éponyme.
Après l’engagement des premières hostilités, le 23 avril 1793, sous la forme d’une attaque impétueuse contre Hendaye, repoussée le jour même, les Espagnols s’emparèrent, dans les derniers jours d’avril, des villages d’Arnéguy et Ondarolle, qui furent repris par une contre-attaque à la baïonnette conduite par Harispe. En Mai, les Espagnols menèrent des actions de diversion et des coups de main dans les cols frontière et dans les vallées adjacentes. Les compagnies franches basques y connurent leurs premiers engagements où elles se distinguèrent. Le 10 mai 1793, un coup de main français mené par 200 hommes de ces compagnies franches appuyées par deux pièces d’artillerie, en représailles de l’investissement par les Espagnols de la fonderie de Banca, franchit la frontière au col d’Orgambide et incendia la fonderie royale d’Orbaïceta.
Le 23 mai, une attaque française fut lancée pour repousser les Espagnols installés à Ondarolle et Luzaide et les rejeter du Val Carlos. Elle fut menée par le 4ème bataillon de volontaires du Lot-et-Garonne, le 3ème des Landes et deux compagnies des Basses-Pyrénées, appuyés par une descente de la compagnie franche commandée par Harispe depuis les hauteurs de Château Pignon en direction du Val Carlos par la montagne. Le village d’Ondarolle fut enlevé, mais les Espagnols résistèrent à Luzaide jusqu’à l’intervention d’un canon de 4 descendu à bras par les ‘chasseurs’ basques depuis Château Pignon jusqu’à un ressaut rocheux dominant Ondarolle. Finalement, les Espagnols évacuèrent Luzaide.

Les Compagnies Franches Basques dans la bataille du 1er au 6 juin 1793

Reportant son effort principal du secteur côtier au secteur intérieur, le général don Ventura Caro prononça, à partir du 1er juin, une attaque en force contre les positions françaises qui tenaient le haut-plateau de Château Pignon (voir ci-dessus). Les premières « affaires » qui s’y déroulèrent les 1er juin et 2 juin, confirmant l’imminence d’une attaque en force espagnole, le général Servan renforça fortement le dispositif français du camp de Château Pignon. Il ramena de Baïgorry le 1er bataillon de volontaires des Basses-Pyrénées auquel il confia la garde de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Au cours de la matinée du 3 juin, alors qu’un brouillard épais couvrait cette zone montagneuse, aucun mouvement ennemi ne fut observé du côté de Château Pignon. Mais, dans l’après-midi du 3 juin, les Espagnols reprirent l’initiative en menant une action de diversion dans la vallée des Aldudes en direction de Baïgorry, avec pour objectif la fonderie de Banca. Débouchant du col de Lindus au nombre de 4 à 5 000 hommes, ils attaquèrent le camp d’Iramehaca situé en partie Sud de la crête séparant la Nive des Aldudes du ruisseau d’Hayra, tenu par les volontaires du 4ème bataillon des Basses-Pyrénées. Les troupes françaises assurèrent une belle défense de leurs positions et, après trois à quatre heures de combats, la nuit mit fin à l’attaque espagnole. A la réception du compte-rendu du lieutenant-colonel Mauco21, chargé avec son 4ème bataillon des Basses-Pyrénées, de la défense de la zone de Banca qui lui demandait du renfort, le général Delalain décida de prélever 200 hommes du 3ème bataillon de la Dordogne qui était à Ossés et de les porter sur Baïgorry ainsi que le dépôt du 9ème bataillon de la Gironde.
Le 4 juin à la pointe du jour, l’attaque recommença dans la vallée des Aldudes, avec plus de force et d’agressivité que la veille. Les éléments du 4ème bataillon des Basses-Pyrénées, qui tenaient le camp d’Iramehaca, débordés par le nombre et la vigueur de la poussée espagnole, furent contraints de se replier, avec leur chef de bataillon, le lieutenant-colonel Mauco, qui fut lui-même blessé à la tête au cours de l’action. Ils furent recueillis à hauteur des rochers d’Arrola par la compagnie franche basque de Baïgorry du capitaine Harispe, solidement installée sur le mont Arolla, ou Errola (907 m.), au dessus du village des Aldudes, dont le feu arrêta l’attaque espagnole. Les Espagnols furent contraints au repli, mais certains de leurs éléments, débordant la défense française, parvinrent à forcer le poste qui gardait la Fonderie de Banca qu’ils incendièrent.
Baïgorry étant ainsi menacé, le 1er bataillon des Basses-Pyrénées, qui gardait la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, y fut envoyé en renfort en fin de matinée du 4 juin, avec deux pièces de canon qui furent déployées sur les hauteurs d’Anhaux. Dès son arrivée à Baïgorry, le chef de bataillon Dujac contre-attaqua avec son bataillon et chassa avant la nuit les Espagnols de toutes les positions qu’ils avaient conquises. Au cours de l’action, un capitaine du bataillon fut tué et quelques hommes furent tués et blessés. Les Français firent 35 prisonniers dont 6 officiers, et s’emparèrent de mulets et de bagages. Simultanément, les Espagnols avaient mené une attaque de diversion contre le poste du col d’Ispéguy tenu par une moitié du 3ème bataillon de la Dordogne et deux compagnies franches basques, mais l’attaque fut repoussée par le lieutenant-colonel Verideau qui les commandait et l’ennemi forcé à se replier.
La journée du 5 juin se déroula dans le calme dans l’ensemble du secteur. Les unités restèrent en alerte. Le 6 juin à la pointe du jour, les forces espagnoles lancèrent leur attaque en force du camp de Château Pignon (voir plus haut). Ainsi, les quatre compagnies franches basques du « corps d’observation des Aldudes » participèrent activement au succès français lors des combats de juin 1793, menés dans cette vallée qui s’avance comme un doigt de gant entre le Baztan et le Val Carlos espagnols, que l’ennemi, très supérieur en nombre, cherchait à conquérir pour s’emparer de la fonderie de Banca.

Les Compagnies Franches Basques dans les combats de l’été 1793

Les compagnies franches basques continuèrent à se distinguer au cours des combats de l’été 1793. Les 1 et 2 juillet 1793, le camp établi par les Espagnols au col d’Ispéguy fut repris par de durs combats menés par le 1er bataillon de volontaires des B.P. et des compagnies franches basques, sans doute celles appartenant au « corps d’observation des Aldudes ».
Le 6 août, les Espagnols furent chassés du village des Aldudes, village aux mains des Espagnols qui avaient détruit et incendié la Fonderie de Banca, dont les habitants avaient fait cause commune avec l’ennemi. L’action principale, conduite par le général de brigade Delalain accompagné du Représentant du peuple Féraud, à la tête de détachements des bataillons de volontaires du camp retranché de Saint-Jean-Pied-de-Port et de compagnies franches basques, fut menée à partir de Baïgorry, par les attaques simultanées de trois colonnes :
  • Colonne de Gauche : 150 fusiliers du 2ème bataillon des Basses-Pyrénées, plusieurs compagnies de grenadiers et deux compagnies franches basques, dont celle d’Arnautena (et vraisemblablement celle d’Apestéguy),
  • Colonne du Centre : 150 fusiliers du 1er bataillon des Basses-Pyrénées et la compagnie franche d’Harismendy,
  • Colonne de Droite aux ordres du lieutenant-colonel Mauco : le 4ème bataillon des Basses-Pyrénées et la compagnie franche d’Harispe.
Le camp des Aldudes fut détruit, vingt prisonniers, dont un prêtre, y furent faits prisonniers au prix de quelques blessés légers. Le camp espagnol et les redoutes de Berdaritz furent également emportés.
Cette action principale avait été accompagnée d’une action secondaire, commandée directement par le général Dubouquet, combinant les attaques simultanées de trois colonnes : 1) en direction d’Arnéguy et Luzaide dans le Val Carlos, 2) en direction du plateau d’Errobi et du col d’Orgambidé, 3) en direction de Castel Pignon et de l’Alto Biscar, où l’ennemi avait réussi à conserver ses retranchements. Le lendemain 7 août, le général Dubouquet fit compte-rendu de ces attaques victorieuses auxquelles il avait participé.
Le 16 août 1793, la compagnie franche d’Harispe et un détachement du 1er bataillon des Basses-Pyrénées tuèrent trois ennemis et firent 13 prisonniers dans une contre-attaque qu’ils menèrent en réaction à une nouvelle incursion ennemie contre la Fonderie de Banca. Dans la nuit du 19 au 20 novembre, le citoyen Lavictoire, chef des ‘Chasseurs d’Ossés’, menait avec succès une action de surprise avec 200 de ses hommes, contre une grande garde ennemie à proximité du château d’Amaiour, « situé à 8 lieues d’Ossés » dit le compte-rendu.
Au 1er Septembre 1793, les dix compagnies franches basques comptaient un effectif total de 1 803 hommes :
  • Iriart : 182 ; Berindoague : 205 ; Sainte-Marie : 184 ;
  • Lavictoire : 211 ; Harispe : 165 ; Apesteguy : 160 ;
  • Arnautena : 170 ; Lassalle 184 ; Harismendy : 201 ;
  • Compagnie de Saint-Palais : 141.
A cette date du 1er septembre 1793, neuf de ces compagnies franches basques appartenaient au « Camp Retranché de Saint-Jean-Pied-de-Port », ce que confirme l’état de situation de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port du 20 octobre 1793. Le 21 septembre, elles reçurent l’ordre de se préparer à être passées en revue. Fin novembre, ces neuf compagnies franches basques étaient cantonnées à Saint-Jean-Pied-de-Port22, Saint-Michel, Saint-Jean-le-Vieux, Arnéguy, Saint-Etienne-de-Baïgorry23 et la Fonderie de Banca. Elles occupaient notamment les avant-postes du dispositif défensif centré sur la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port mis en place par le général Dubouquet24.

La Formation des Bataillons de Chasseurs Basques

Le 20 décembre 1793, se tint une réunion des commandants des compagnies franches basques sur convocation extraordinaire du Représentant du Peuple Féraud, pour étudier son projet de formation de bataillons à partir des compagnies franches basques, dont l’effectif total est alors de 1 725 hommes :
  • Les compagnies commandées par les citoyens Lavictoire et Sainte-Marie formeraient le noyau du 1er bataillon,
  • Les compagnies de Baïgorry et de la Fonderie de Banca : Harispe, Arnautena, Apesteguy et Harismendy formeraient le 2ème bataillon,
  • Les compagnies de Saint-Jean-Pied-de-Port : Lassale, Iriart et Berindoague formeraient le 3ème bataillon,
Les effectifs en seraient complétés par la réquisition des districts de Saint-Palais et d’Ustaritz, pour former trois bataillons destinés à constituer ultérieurement une demi-brigade. Le P.V. de cette réunion, portant la signature de tous les commandants de compagnie, fut contresigné par le Représentant du Peuple Féraud, le 30 Frimaire An 2 de la République unie et indivisible (20 décembre 1793). Ce P.V. fut approuvé par le général Muller commandant l’A.P.O., « d’autant qu’elles ne sont que l’exécution d’un décret qui veut que les compagnies franches soient réunies en bataillons ». Le 23 décembre, fut diffusé à Bayonne un Arrêté des Représentants du Peuple, Garrau, Pinet aîné et Monestier, portant organisation des 9 compagnies franches basques en 3 bataillons, qui reprenait les termes du P.V. ci-dessus. Le général-en-Chef était chargé de l’exécution du présent arrêt dans les plus courts délais25.
Ainsi, fin décembre 179326 et début janvier 1794, les neuf compagnies franches basques27 de la division de furent effectivement regroupées en trois bataillons, respectivement commandés :
  • Lavictoire, nommé adjudant-général chef de bataillon, nommé commandant du 1er bataillon, formé le 30 décembre 1793 ;
  • Harispe nommé commandant du 2ème bataillon, formé le 3 janvier 1794, qui fut promu adjudant-général chef de bataillon le 15 avril 1794, grade dont le brevet lui fut remis à Baïgorry par le général de brigade Mauco, adjoint au commandant de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port ;
  • Lassalle, également promu adjudant-général chef de bataillon, nommé commandant du 3ème bataillon, formé dans les premiers jours de janvier ?
Chacun de ces bataillons était articulé en neuf compagnies, soit huit compagnies de chasseurs de 89 hommes et une compagnie de carabiniers de 65 hommes. Chaque compagnie était encadrée par un capitaine, un lieutenant et un sous-lieutenant. Le 12 juin 94, une compagnie de chasseurs comprend : 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 3 sergents, 1 caporal fourrier, 6 caporaux, 6 anspessanes, 67 fusiliers et 2 tambours, soit 3 officiers et 86 fusiliers. Le 4 janvier 1794, l’effectif total des neuf compagnies basques faisant partie de la division de gauche, ou division de Saint-Jean-Pied-de-Port, était de 1 945 hommes.
Enfin, le 24 janvier 1794, un 4ème bataillon de chasseurs basques fut créé à Tardets, aux ordres d’un certain Bordarrampé, avec son recrutement en Soule. En effet, amendant les décisions prises sous sa présidence le 24 décembre, le Représentant du peuple Féraud décidait la création d’un bataillon à recrutement exclusif dans la vallée de Mauléon sans qu’il soit nécessaire d’y inclure la compagnie franche de la vallée de Barétous. L’arrêté des Représentants du Peuple du 8 Février 1794, signé du Représentant du Peuple Féraud décide la réunion de la compagnie franche de la vallée de Barétous à deux compagnies de la vallée d’Aspe pour former le noyau d’un bataillon, dès lors que le bataillon de Mauléon était déjà à effectif complet, soit 1 070 hommes selon la loi du 2 frimaire (22 novembre 1793). Ce bataillon fut, par la suite, essentiellement engagé en Haute-Soule, mais aussi dans la vallée de Barétous.
Le 30 janvier 1794 (11 Pluviôse An 2) furent finalement établis les P.V. de formation des quatre bataillons de Chasseurs Basques. L’appellation de « Chasseurs Basques » fut contemporaine de la fusion des compagnies franches basques en bataillons. Leur première mention sous cette dénomination apparait dans le tableau d’organisation de la division de gauche en date du 3 Février 1794, qui liste au titre de l’infanterie légère trois « Bataillons de Chasseurs Basques ». Le 26 février, un document faisait référence aux « chefs des bataillons de chasseurs basques ». Les archives de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port confirment ce changement d’appellation : son registre des Naissances-Mariage-Décès mentionne, en 1793, des « compagnies franches », puis, en 1794, des « bataillons de Chasseurs Basques » : le bataillon Harispe y est mentionné en février 1794, le 3ème bataillon de Chasseurs Basques y est cité le 29 mars 1794.

Les Bataillons de Chasseurs Basques dans la reprise de l’offensive du printemps 1794

Le secteur de Baïgorry était tenu en janvier 1794 par le 2ème bataillon, commandé par Harispe auquel le général Muller, commandant l’A.P.O., recommandait par lettre de « conserver Arrola malgré les difficultés ». Le 20 janvier, il s’empara des positions espagnoles qui contrôlaient le col d’Harietta où il fit 47 prisonniers et s’empara de 60 fusils. Le 3ème bataillon, commandé par Lassalle, était déployé autour de Saint-Jean-Pied-de-Port avec son P.C. à Saint-Michel. Le secteur de Bidarray était tenu par le 1er bataillon, commandé par Lavictoire, auquel le général Muller écrivait le 13 février pour le mettre en garde contre une possible attaque espagnole contre sa position et, le 18 février, pour insister sur l’importance du secteur qu’il tenait et lui recommander de conserver une posture défensive. Les activités ennemies à Orisson, Eropil, Urculu et à proximité de Château Pignon, dont rendit compte le général Delalain28 commandant la division de, Saint-Jean-Pied-de-Port, inquiétèrent le général Muller, également soucieux de connaitre les effectifs ennemis présents vers la fonderie royale d’Orbaiceta et la cité d’Ochagavia. Le 1er bataillon, commandé par Lavictoire connut alors un grave incident : la désertion de quarante-sept chasseurs basques, dans la nuit du 19 au 20 février 1794, qui rejoignirent en Espagne, avec armes et bagages, les rangs royalistes de la « Légion Royale des Emigrés » du marquis de Saint-Simon, dont, selon un renseignement, ils formèrent une compagnie implantée aux Aldudes. Cet incident provoqua la sanction de déportation prise par les Représentants en mission, Pinet et Cavaignac, contre quatre mille « habitants des communes infâmes de Sarre, d’Itsatsou, d’Ascain, des communes suspectes d’Espelette, d’Ainhoa et Souraïde », ainsi que la condamnation à mort, par la Commission Extraordinaire de Bayonne, le 11 mars, de quatre habitants d’Itxassou, dont l’aubergiste Domingo Garat chez qui ils avaient diné la veille de la désertion.
Au printemps 1794, l’Armée des Pyrénées Occidentales entra progressivement dans une campagne qui préparait la reprise générale de l’offensive prévue pour l’été 1794. L’A.P.O. comptait alors trois divisions opérationnelles29, basées respectivement à Saint-Jean-de-Luz, Saint-Pée-sur-Nivelle et Saint-Jean-Pied-de-Port. La division de gauche, celle de Saint-Jean-Pied-de-Port, comprenait, au titre de l’infanterie légère, trois « Bataillons de Chasseurs Basques », à l’effectif total de 2 512 hommes le 3 février, porté à 2 648 en avril. Initialement implantés à Bidarray, Baïgorry et sur les points clefs contrôlant la vallée des Aldudes, ils conservèrent pendant toute l’offensive leurs dépôts sur le territoire de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Ce fut alors que le général Mauco, qui avait pris le 25 avril le commandement de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port, lança la phase préliminaire visant à conquérir la base de départ de la future offensive, en s’emparant de la haute vallée de Baïgorry et de la vallée des Aldudes. Le 14 avril 1794, Harispe, à la tête de son bataillon, avait repris victorieusement le massif d’Arrola et, le 26 avril, les forges de Banca. Joseph Matenotte, dit Lavictoire, qui commandait le 1er bataillon de chasseurs basques, avait été promu général de brigade par la Convention le 15 avril 1794 et nommé commandant de l’Avant-Garde de la division. Le général Mauco décida de s’emparer des deux cols d’Ispéguy et de Berdaritz, séparant la vallée de Baïgorry de celle du Baztan, qui devaient constituer la ligne de débouché de l’offensive générale de l’été 1794. Cette attaque fut menée par la division de Saint-Jean-Pied-de-Port, les 3 et 4 juin 1794 :
  • Le chef de brigade Lefranc s’empara du col d’Ispéguy, avec deux colonnes attaquant en tenaille par les hauts et un simulacre d’attaque de face par des tirailleurs ;
  • Le général de Brigade Lavictoire qui attaquait le col de Berdaritz, ayant été dangereusement blessé dès le début de l’action, le chef de bataillon Harispe, qui marchait dans la colonne d’assaut à la tête de son 2ème bataillon de chasseurs basques, prit le commandement, poursuivit l’attaque du col, puis s’empara du village des Aldudes ;
  • Une attaque de diversion dirigée contre l’Alto Biscar depuis les villages d’Arnéguy et de Saint-Michel.
Témoins directs de la grave blessure du général Lavictoire et de l’assaut victorieux conduit par « le jeune Harispe », alors âgé de vingt-six ans, qui l’avait « remplacé dans son commandement », les Représentants du Peuple, Pinet et Cavaignac, l’élevèrent sur le champ, à l’intérieur même de la première redoute (119) de Berdaritz, au grade supérieur en le nommant adjudant-général-chef-de-brigade, afin de « le mettre à même de rendre de plus grands services à la République ». Tels furent les termes de leur rapport adressé à la Convention pour lui demander son approbation. Celle-ci ratifia le 16 juin 1794 la décision de promotion de Harispe.
Selon le rapport établi par le général Mauco, commandant la division, le 7 juin 1794, en son QG de Nive-Franche (Saint-Jean-Pied-de-Port) : « Le col d’Ispéguy, celui de Berdaritz et les Aldudes ont été emportés de vive force au pas de charge à la baïonnette en avant : 390 ennemis ont été faits prisonniers, parmi lesquels 22 officiers et 2 colonels. On leur a enlevé deux pièces de 8. L’espagnol repoussé par la division de gauche s’est retiré en désordre dans la vallée du Baztan après avoir perdu tout son bagage ». Signé : Le général commandant la division Mauco.
Ainsi, la blessure mortelle30 au combat du général Joseph Matenotte, dit Lavictoire, le 3 juin 1794, lors de l’attaque du col de Berdaritz entraina la promotion, sur le champ de bataille par les Représentants du Peuple, de l’adjudant-général-chef-de-bataillon Harispe au grade d’Adjudant-Général-Chef-de-Brigade et, simultanément, sa prise de commandement sur le terrain de l’avant-garde de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Consolidant les résultats obtenus lors de la prise des Aldudes, la division de Saint-Jean-Pied-de-Port procéda, le 10 juillet 1794, à l’attaque, menée par trois colonnes aux ordres des Chefs de Brigade Lefranc, Harispe et Philippon, du Camp des Emigrés, à Esnazu, à 2,5 kilomètres au Sud-Sud-ouest des Aldudes, dont elle s’empara : ce fut l’« Affaire du 22 Messidor ». Le marquis de Saint-Simon, ci-devant gouverneur de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, commandant la « Légion des Emigrés » fut blessé, son cheval, son porte-habits et sa croix de St-Louis furent pris, une centaine d’émigrés tués, 49 émigrés furent faits prisonniers les armes à la main, un nombreux bétail fut pris ainsi que de l’argent dont 6 000 livres en espèces ; les unités françaises déplorèrent 3 tués et treize blessés.

La Demi-Brigade de Chasseurs Basques

Entre temps, dix jours après la prise du col de Berdaritz, le 13 juin, une nouvelle décision avait achevé la réalisation du projet, présenté par le Représentant du peuple Féraud le 20 décembre 1793 : la création de la « Demi-brigade de Chasseurs Basques », par regroupement des trois premiers des bataillons de Chasseurs Basques, et la prise de commandement de cette brigade par le Chef de Brigade Harispe. En effet, les mêmes Représentants du Peuple près de l’Armée des Pyrénées Occidentales, Pinet aîné et Cavaignac, signèrent un décret, en date du 13 juin 1794, portant :
  • création de la « Demi-Brigade de Chasseurs Basques », par regroupement des 1er, 2ème et 3ème bataillons de chasseurs basques, dénommés bataillons de Harriet, de Harispe et de Lassalle, qui avaient été créés début janvier 1794, à partir des compagnies franches, officialisées pour les premières en novembre 1792, levées pour les suivantes en mars 1793,
  • nomination au commandement de la demi-brigade de Chasseurs Basques, du citoyen Harispe, promu adjudant-général-chef-de-brigade, que le général-en-chef de l’armée fera reconnaitre en cette qualité.
Selon les termes de la loi du 21 février 1793 qui avait décidé de leur formation, les demi-brigades, amalgamaient normalement un bataillon régulier et deux bataillons de volontaires. Chaque demi-brigade comportait une compagnie de canonniers, et 3 bataillons d’infanterie à 1 compagnie de carabiniers de 83 hommes et 8 compagnies de chasseurs de 123 hommes. Le commandant de demi-brigade était assisté d’un Poste de Commandement qui incluait sept officiers dont un officier de santé, deux officiers adjoints, un adjudant major, un quartier-maître trésorier et deux quartiers-maîtres adjoints.
Tel avait bien été le cas de la 5ème demi-brigade d’infanterie légère qui regroupait le 5ème bataillon d’infanterie légère, ex-bataillon de Chasseurs Cantabres, et deux bataillons de volontaires. Il en alla autrement de la demi-brigade de Chasseurs Basques qui ne comportait aucun bataillon régulier, mais uniquement trois bataillons de Chasseurs Basques. A sa création, le 13 juin 1794, la Demi-Brigade de Chasseurs Basques appartenait à la division de gauche, la division de Saint-Jean-Pied-de-Port commandée par le général Mauco.

Les DEMI-BRIGADES de CHASSEURS lors des OPERATIONS en ESPAGNE 1794-1795

Ainsi, à la fin du printemps 1794, l’état des corps d’infanterie légère de l’Armée des Pyrénées Occidentales fait apparaitre :
  • la 5ème demi-brigade d’infanterie légère : Chef de Brigade : Castillon – Commandant le 1er bataillon, ex Chasseurs Cantabres : Chef de bataillon Durand ; le 2ème bataillon : Chef de bataillon Martres, le 3ème bataillon : Chef de bataillon Lavallée ;
  • la 1ère demi-brigade de Chasseurs Basques : Chef de brigade : Harispe – Commandant le 1er bataillon: Chef de bataillon Martin Harrieta ; le 2ème bataillon : Chef de bataillon Arnautena ; le 3ème bataillon : Chef de bataillon Lassalle.
En début d’été 1794, l’Armée des Pyrénées Occidentales, commandée par le général Muller, à nouveau réorganisée et atteignant un effectif de 66 000 hommes, était articulée en quatre divisions opérationnelles. En effet, la division de Saint-Jean-Pied-de-Port venait d’être dédoublée pour donner naissance, d’une part à la 3ème division, dont le général Moncey, nommé général de division, avait pris le commandement le 9 juin 1794, d’autre part à une nouvelle division de Saint-Jean-Pied-de-Port, la 4ème division, dont le général Mauco conserva le commandement. La 5ème demi-brigade d’infanterie légère continuait à appartenir à la division de droite, la 1ère division commandée par le général Frégeville. La demi-brigade de Chasseurs Basques, quittant la division de Saint-Jean-Pied-de-Port, entra dans la composition de la 3ème division du général Moncey, dont elle constitua l’avant-garde. Ainsi le nom de Moncey fut-il également lié aux Chasseurs Basques puisqu’après avoir commandé une compagnie de Chasseurs Cantabres, puis un groupe de chasseurs incluant des Chasseurs Cantabres à côté de chasseurs volontaires, enfin le 5ème bataillon d’infanterie légère ci-devant Chasseurs Cantabres, il eut sous ses ordres la demi-brigade de Chasseurs Basques quand il prit le commandement de la 3ème division en juin 1794.
Pendant toute la campagne la 5ème demi-brigade d’infanterie légère, comme la demi-brigade de chasseurs basques, constituèrent les noyaux des avant-gardes de leur division d’appartenance, participant ainsi à tous les combats les plus rudes, changeant parfois de subordination en fonction des impératifs tactiques. Pendant toute cette offensive, le dépôt des Chasseurs Basques, avec un effectif de 400 hommes environ, resta au sein de la 4ème division sur le territoire de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Quant au 4ème Bataillon de Chasseurs Basques, placé sous les ordres du chef de bataillon Bordarrampé, il était incorporé à la mi-juin 1794 au « Commandement des Vallées » sous les ordres du général Marbot. Le 14 août, le bataillon prononça avec succès une attaque contre le village de Larrau et, le 15 juillet 94, fit échouer une attaque espagnole contre le poste de St-Engrâce tenu par trois compagnies de Chasseurs Basques.

L’Expédition du Bastan (23 juillet 1794)

Désormais, l’Armée des Pyrénées Occidentales se consacra à la préparation de la nouvelle phase d’offensive destinée à établir une tête de pont en territoire espagnol en s’emparant de la province du Guipuzcoa. L’offensive générale fut lancée le 24 juillet 1794, par trois divisions en échelon d’attaque, avec la 5ème demi-brigade au sein de l’avant-garde de la 2ème division du général Laborde et la demi-brigade de chasseurs basques au sein de l’avant-garde de la 3ème division du général Moncey. Elle était couverte face à Roncevaux par la 4ème division et flanc-gardée par le détachement des vallées qui comprenait le 4ème bataillon de chasseurs basques. Elle avait démarré le 23 juillet par l’attaque menée par la 3ème division contre la ligne des cols séparant la vallée des Aldudes de la vallée du Baztan. Le 25 juillet, le général Moncey rendait compte au général Muller de la prise du col et du fort de Maya ainsi que de la vallée du Bastan et de la ville d’Elissondo. Le succès final de l’offensive fut concrétisé par la prise de Saint-Sébastien le 5 août et de Tolosa le 9 août 1794.
Au cours des opérations, la composition et l’articulation des divisions d’attaque avaient connu plusieurs modifications successives, en s’adaptant aux circonstances des combats. Ainsi, le 2 août, la 3ème division du général Moncey, renforcée pour atteindre un effectif égal à celui des deux autres divisions réunies, incluait dans son avant-garde la 5ème demi-brigade d’infanterie légère en plus de la demi-brigade de chasseurs basques. Puis, le 17 août 1794, à la fin de l’offensive, comme début septembre, l’infanterie légère de la 1ère division du général Frégeville comprenait les 2ème et 3ème bataillon de la 5ème demi-brigade ainsi que le 1er bataillon de Chasseurs Basques, tandis que celle de la 3ème Division du général Moncey comprenait le 1er bataillon de la 5ème demi-brigade ainsi que les 2ème et 3ème bataillons de Chasseurs Basques. Entre temps, fin août, pendant quelques jours, ces trois unités furent, en raison des circonstances, transférées de la 3ème à la 2ème division.
Quant à la division des vallées, devenue la 5ème division, elle incluait le 4ème bataillon de Chasseurs Basques déployé dans la vallée de Mauléon, qui fut souvent engagée pour faire face à des incursions ennemies, par exemple le 6 septembre 1794, contre une attaque espagnole en vallée d’Aspe par 6 000 Espagnols commandés par le prince de Castelfranco, finalement repoussée par une contre-attaque du 4ème bataillon de Chasseurs Basques, qui, sous le commandement du Chef de Bataillon Darrampé, fut à nouveau victorieux le 23 septembre 1794.

L’Opération Viscarret (16 octobre 1794)

Appelé au commandement de l’A.P.O. le 1er septembre 1794, en remplacement du général Muller qui prenait sa retraite, le général Moncey, obéissant sans enthousiasme aux Représentants du Peuple, prépara une seconde phase d’offensive dont l’objectif était la prise de Pampelune. Ce fut l’« Opération Viscarret » qui visait à s’emparer de la Navarre à partir de la Biscaye récemment conquise, par une action convergente des 2ème division du général Delaborde, 4ème division du général Mauco et 5ème division du général Marbot, qu’il lança le 16 octobre 1794 de son QG déplacé à à Nive-Franche (Saint-Jean-Pied-de-Port). La demi-brigade de Chasseurs Basques commandée par Harispe s’illustra à nouveau durant cette offensive, au cours de laquelle elle formait avec les grenadiers du 80ème régiment d’infanterie commandés par La Tour d’Auvergne31, le futur « Premier Grenadier de la République », l’avant-garde de la 2ème division du général Delaborde. Bousculant tout devant elle, avança sans s’arrêter de jour comme de nuit « à un train d’enfer », ce qui lui mérita le surnom de « colonne infernale », elle s’engages dans la vallée du Baztan et s’empara du col de Velate, puis des villages d’Eugui, de Lanz et de Viscarret, sans cependant parvenir à déboucher vers Pampelune. Au cours de cette offensive, le 4ème bataillon de chasseurs basques, qui constituait l’avant-garde de la 5ème division, attaqua depuis la Haute Soule par le col de Larrau en direction d’Ochagavia dont il s’empara. Cette attaque fut accompagnée d’actions offensives limitées des 1ère et 3ème divisions de part et d’autre de Tolosa, afin d’y fixer les forces espagnoles. Mais l’opération échoua par manque de coordination entre les deux divisions d’aile qui échouèrent à refermer la nasse. Elle avait cependant réussi à s’emparer de l’ensemble des cols de Cize, dont celui de Roncevaux, et des fonderies d’Orbaïceta et d’Eugui. Les Espagnols parvinrent à retraiter par la vallée du rio Iraty et à se réorganiser devant Pampelune.
A la fin de cette offensive, fin octobre 1794 et jusqu’à la mi-novembre, la 1ère Division, du général Frégeville, comprenait les 2ème et 3ème bataillons de la 5ème demi-brigade et le 1er bataillon de la demi-brigade basque. La 3ème division, dite de « l’Avant-Garde » de l’armée, du général Delaborde, comprenait le 2ème bataillon de la demi-brigade basque et le 1er bataillon de la 5ème demi-brigade. La 4ème division du général Mauco comprenait le 3ème bataillon de la demi-brigade basque. La 5ème division comprenait le 4ème bataillon de chasseurs basques. Le 20 novembre, la 2ème division du général Marbot reçut en renfort le 1er bataillon de la 5ème demi-brigade provenant de la 3ème division.

La Prise des Quartiers d’Hiver 1794-1795

Début novembre 1794, le général en chef Moncey, dont le QG était à Viscarret le 17 novembre, décida de procéder à un mouvement rétrograde sur de meilleures positions pour hiverner. Les bataillons de chasseurs basques furent regroupés dans la région de Burguete, Zubiri sous les ordres du Chef de Brigade Harispe. Puis, de décembre 1794 à juin 1795, la demi-brigade de Chasseurs Basques fut à nouveau cantonnée dans les vallées de Saint-Jean-Pied-de-Port et de Baïgorry, et rattachée à la 4ème division, celle de Saint-Jean-Pied-de-Port, commandée par le général Mauco32. La 5ème demi-brigade d’infanterie légère se replia avec la 3ème division, puis son 2ème bataillon fut transféré à la 2ème division.
En décembre 1794, l’A.P.O. fut réorganisée et réarticulée en 6 divisions, afin de préparer l’offensive finale sur Pampelune prévue en début d’été 1795 : 1ère et 2ème divisions de droite, 3ème division dite de l’avant-garde, 4ème division du centre, 5ème division de gauche et 6ème division des Vallées. La totalité des bataillons de l’APO étaient, à la mi-avril 1795, regroupés en demi-brigades, à l’exception du 4ème Bataillon de Chasseurs Basques qui restait non embrigadé.
En décembre 1794, l’ensemble de la 5ème division, commandée par le général Mauco, à laquelle appartenait la demi-brigade de chasseurs basques aux ordres d’Harispe, fut regroupée autour de Saint-Jean-Pied-de-Port et dans la vallée de Baïgorry. Le 26 janvier 1795, Harispe reçut l’ordre de passer la revue de sa brigade qui, à nouveau, tenait les postes clefs d’Arrola, Ispéguy et Berdaritz. A la mi-février, les 1ère division, 2ème division et 4ème division de l’A.P.O. comprenaient chacune un bataillon de la 5ème demi-brigade d’infanterie légère, respectivement les 3ème, 2ème et 1er.
A la mi-mars 1795, une nouvelle réorganisation de l’A.P.O. a été menée, préalablement à l’offensive finale vers Pampelune : La 2ème division, commandée par le général Frégeville, avec son PC à Tolosa, comprenait alors les trois bataillons d’infanterie légère de la 5ème demi-brigade déployés en avant-postes, avec leur dépôt implanté à Renteria. La 5ème division, commandée par le général Mauco, dont le PC à implanté à Saint-Jean-Pied-de-Port, comprenait la demi-brigade de chasseurs basques, à trois bataillons, commandée par le Chef de brigade Harispe : le 1er bataillon à Urdos, le 2ème bataillon à Berdaritz et le 3ème bataillon à Baïgorry. La 6ème division dite des Vallées, commandée par le général de brigade Robert, avec son PC à Pau, comprenait le 4ème bataillon de chasseurs basques, déployé dans la vallée de Mauléon.

L’Offensive finale sur Pampelune

Après l’achèvement des longs préparatifs préalables à la reprise de l’offensive, l’Armée des Pyrénées Occidentales, dont les effectifs s’élevaient à 76 574 hommes, disposait de tous les moyens, en génie et en artillerie, nécessaires à l’exécution du plan de manœuvre du général-en-chef conduisant au siège de Pampelune. Moncey, qui avait implanté son QG à Saint-Jean-de-Luz, pouvait annoncer au Comité de Salut Public qu’il allait ouvrir la campagne.
L’A.P.O. engageait cinq divisions en premier échelon. Sans changement, la 2ème division, avec son PC à Tolosa, comprenait les trois bataillons de la 5ème demi-brigade d’infanterie légère. Mais elle incluait, en outre, la demi-brigade de Chasseurs Basques avec ses trois bataillons, commandée par le Chef de brigade Harispe, qui avait été transférée de la 5ème à la 2ème division. Quant au 4ème bataillon de chasseurs basques, dont le dépôt était resté dans le secteur de Mauléon, il avait rejoint, début mai, à l’extrémité droite du dispositif, la 1ère division, maintenant aux ordres du général Marbot, le précédent commandant de la 6ème division, dite des Vallées.
L’effort initial fut prononcé le 10 juin 795, par les deux divisions de droite. L’« Opération Irurzun », visait à séparer les forces espagnoles qui couvraient Pampelune, de celles qui défendaient Vitoria et Bilbao, en s’emparant du nœud routier d’Irurtzun. Le Général Willot placé à la tête de la 2ème division, préalablement renforcée, fut chargé de cette action qu’il mena par une attaque convergente de quatre colonnes. La 5ème demi-brigade marcha en tête de la première colonne et la demi-brigade de chasseurs basques en tête de la troisième colonne.
Le mouvement général de l’A.P.O. débuta le 28 juin avec le lancement de la deuxième phase. Les divisions de droite poursuivirent leur attaque contre Irurtzun, qui fut finalement emportée le 6 juillet par Willot, promu général de division sur le champ de bataille. Exploitant le repli de l’armée espagnole et la défection d’une partie de ses unités, Moncey qui voulait finir de pacifier tant l’Alava que la Biscaye, lança une attaque contre Vitoria au moment où tombait Bilbao. Le 2 juillet, la droite de l’A.P.O. bordait le cours de l’Ebre. La Convention témoigna sa satisfaction au général-en-chef et déclara que « l’APO ne cessait de bien mériter de la Patrie ».
Pour la dernière phase, l’attaque finale contre Pampelune, la demi-brigade de chasseurs basques fut réaffectée à la 5ème division du général Mauco. Destinée à attaquer depuis Saint-Jean-Pied-de-Port en direction de Pampelune par le Grand Chemin d’Espagne par Orisson, la division était massée en avant de Saint-Jean-Pied-de-Port sur la route de Roncevaux et en avant de Baïgorry dans la vallée des Aldudes. Dès le 2 juillet 1795, l’avant-garde de la division, commandée par le chef de brigade Harispe s’était portée en avant. Rapidement, les Représentants du Peuple rendirent compte du succès de l’attaque. Ce ne fut cependant que le 23 juillet que le rapport de la 5ème division indiquait que, selon les reconnaissances, l’ennemi aurait quitté Eugui et se serait replié sur Pampelune. Aussi, le 27 juillet, le Représentant du Peuple Meillan insista-t-il auprès du général Moncey sur l’importance de la prise de Pampelune pour faciliter les négociations franco-espagnoles de paix en cours. Le 28 juillet, les combats se déroulaient dans les faubourgs de Pampelune.
Le général Moncey fit effectuer des démonstrations de franchissement de l’Ebre à Miranda, mais il se préparait à franchir le fleuve vers Puenta-la-Reina et à couvrir ainsi le siège de Pampelune qu’il avait décidé d’entreprendre dès le franchissement réalisé. Les choses en étaient là lorsque, le 5 août à 4 heures du soir arriva la dépêche, datée du 30 juillet, qui annonçait la signature à Bâle le 22 juillet de la paix avec l’Espagne mettant fin aux hostilités et qui ordonnait à l’armée de suspendre toute action de guerre.

La Fin de le Guerre

La nouvelle interrompit la marche victorieuse sur la Navarre de la 5ème demi-brigade d’infanterie légère et de la demi-brigade de chasseurs basques, ainsi que du 4ème bataillon de chasseurs basques, engagés en avant-gardes de l’Armée des Pyrénées Occidentales.
Les opérations arrêtées, l’A.P.O. évacua rapidement les provinces espagnoles conquises. Dès le 10 août 1795, deux bataillons de la demi-brigade de chasseurs basques prirent la route de Bayonne. Le 14 août, les troupes se mirent en marche pour rentrer en France, mais déjà de nombreux volontaires quittaient l’armée sans que l’on puisse les retenir. Le 17 août, ordre fut donné au 4ème bataillon de chasseurs basques de quitter la 1ère division et de regagner Mauléon. Le mouvement des troupes vers la frontière et l’évacuation de l’Espagne se poursuivirent en août et septembre 1795.
Le traité d’alliance conclu entre le Directoire et le gouvernement espagnol le 14 septembre 1796, le traité de Saint-Ildefonse, assurait la paix à la frontière. Dès le 13 août, le Comité de Salut Public avait décidé de ne laisser sur la frontière que deux corps d’observation, chacun à 2 divisions qui occuperaient les places fortes des départements frontaliers. Le 24 août, Moncey reçut l’ordre de transférer toutes les autres divisions à l’Armée de l’Ouest. Les difficultés surgirent rapidement pour désigner les corps et former les divisions qui devaient rejoindre la Vendée. Immédiatement, Moncey écrivit une lettre au Comité de Salut Public pour demander que les bataillons de Chasseurs Basques ne soient pas transférés à l’Armée de l’Ouest.
La demi-brigade de Chasseurs Basques et le 4ème bataillon de Chasseurs Basques furent prévus pour entrer dans la composition de la nouvelle Armée des Pyrénées Occidentales, tandis que la 5ème demi-brigade d’infanterie légère faisait partie de la 2ème division commandée par le général Willot, destinée à l’Armée de l’Ouest. Ces deux demi-brigades reçurent leur ordre de mouvement définitif le 30 août. Le 3ème bataillon de la 5ème demi-brigade, le dernier à faire mouvement quitta Pasajes le 4 septembre. La 5ème demi-brigade d’infanterie légère démarra son mouvement en direction de Niort le 17 septembre. Les autres troupes partirent pour la Vendée mais elles furent décimées par les désertions et la maladie. La ville de Saint-Sébastien ne fut remise aux Espagnols que le 24 septembre.
A partir du 27 août 1795, la 5ème division, placée aux ordres du général Mauco, se déploya autour de Saint-Jean-Pied-de-Port où s’installa son PC. Elle devait comprendre 6 bataillons d’infanterie et la demi-brigade de chasseurs basques à trois bataillons :
  • le 1er à Saint-Laurent (Ispoure) à l’effectif de 960,
  • le 2ème à Baïgorry, à l’effectif de 693,
  • le 3ème à Saint-Jean-Pied-de-Port, à l’effectif de 700
L’effectif total de la division est de 7 608, dont 5 185 présents sous les armes. Les deux derniers bataillons de chasseurs basques parvinrent à Saint-Jean-Pied-de-Port le 6 septembre. La division y était entièrement déployée le 10 septembre.
Le général Moncey reçut l’ordre de se mettre à la tête de l’armée de Vendée, mais il refusa ce commandement de l’Armée de l’Ouest. Il fut nommé commandant de la 11e division militaire qui venait d’être créé à Bayonne le 28 août. Bientôt il y fut rejoint par le Chef de Brigade Harispe qui prit auprès de lui la fonction de chef d’état-major.

La Dissolution de l’Armée des Pyrénées Occidentales

L’Arrêté du Comité de Salut Public décidant la dissolution des deux armées des Pyrénées Occidentales et des Pyrénées Orientales fut diffusé le 16 septembre 1795. L’Armée des Pyrénées Occidentales fut officiellement dissoute à cette date. L’état de situation de l’A.P.O en date du 23 septembre 1795 donne la composition des trois divisions destinées à rejoindre l’Armée de l’Ouest. La 1ère division s’était mise en marche le 11 septembre 1795 pour Niort, les 2ème et 3ème divisions s’apprêtaient à la suivre :
  • La 1ère division, commandée par le général de brigade Dessein, comprenait cinq demi-brigades d’infanterie à 3 bataillons, soit quinze bataillons d’infanterie, pour un effectif totalde 8 113 hommes présents sous les armes ;
  • La 2ème division, commandée par le général de brigade Willot, comprenait la 5ème demi-brigade d’infanterie légère à 3 bataillons, à l’effectif de 3 512 hommes et quatre demi-brigades d’infanterie à 3 bataillons, soit douze bataillons d’infanterie, pour un effectif total de 7 616 hommes présent sous les armes ;
  • La 3ème Division, commandée par le général de brigade Deroque, comprenait trois demi-brigades d’infanterie à 3 bataillons et un bataillon isolé, soit dix bataillons, pour un effectif total de 5 015 hommes présents sous les armes.
L’état de situation du 23 septembre donne également la composition des quatre divisions qui restaient « dans cette armée » sur la frontière des Pyrénées :
  • La 4ème division, dite de Saint-Pée, commandée par le général de brigade Castelverd, comprenait une brigade d’infanterie à 3 bataillons, et la 22ème demi-brigade d’infanterie légère à 3 bataillons, soit un effectif total de 5 821 hommes, dont 1 982 présents sous les armes ;
  • La 5ème division dite de Saint-Jean-Pied-de-Port, commandée par le général de brigade Mauco, comprenait la demi-brigade de Chasseurs Basques, à trois bataillons:
    • Le 1er bataillon de Chasseurs Basques déployé à Saint-Laurent (Ispoure) (Eff. : 960)
    • Le 2ème bataillon de Chasseurs Basques déployé à Baïgorry (Eff. : 693)
    • le 3ème bataillon de Chasseurs Basques déployé à Saint-Jean-Pied-de-Port (Eff. : 700)
soit un effectif total de 2 455 hommes, dont 2 057 présents sous les armes ;
  • La 6ème division dite des Vallées, commandée par le général de brigade Sahuquet, dont le PC était à Pau, comprenait le 4ème bataillon de Chasseurs Basques implanté à Mauléon et la demi-brigade de Chasseurs de la Neste à 3 bataillons, soit un effectif total de 3 325 hommes, dont 2 013 présents sous les armes.
  • La 7ème division, dite des Côtes de l’océan, commandée par le général de brigade Desnoyers, avec son PC à Bordeaux, comprenait un bataillon d’infanterie, soit un effectif total de 860 hommes, dont 270 présents sous les armes.
Le 28 septembre, le QG de l’A.P.O. fut transféré à Bayonne. Elle était à cette date commandée provisoirement par le général Castelverd, en l’absence du général Moncey appelé à Niort en vue de ses futures fonctions à l’Armée de l’Ouest. Finalement, le 9 octobre, le Comité de Salut Public nomma le général de division Moncey commandant la 11ème division militaire. Le 10 octobre, était diffusé l’Arrêté du Comité de Salut Public portant dissolution des deux états-majors de l’Armée des Pyrénées Occidentales et de l’Armée des Pyrénées Orientales, et le 12 octobre 1795, l’Arrêté du Comité de Salut Public portant dissolution de l’Armée des Pyrénées Occidentales.

EPILOGUE

Chasseurs Cantabres comme Chasseurs Basques avaient apporté une contribution décisive à la victoire de l’Armée des Pyrénées Occidentales, depuis sa création le 1er mai 1793 jusqu’à sa dissolution finale le 15 octobre 1795. Les uns et les autres, constituant les avant-gardes des divisions opérationnelles de cette armée, avaient participé, en se couvrant de gloire, à toutes les batailles décisives durant la campagne contre l’Espagne sur les Pyrénées.
En réaction à la lecture du traité de Bâle et des ordres qu’il venait de recevoir de transférer des troupes à l’Armée de l’Ouest, le général Moncey signait, le 26 août 1795, en son Quartier Général de Saint-Jean-de-Luz, une lettre adressée au général Servan33, qui assurait une fonction d’inspecteur, dans laquelle il exprimait sa grande fatigue et demandait le commandement de la division de Bayonne. De manière très lucide, il écrivait :
« Dans les divisions restant, il n’est compris qu’une demi-brigade d’infanterie légère. Nous avons cependant 4 bataillons basques, … , bataillons que le diable n’arrachera pas de ses montagnes. La 5ème demi-brigade d’infanterie légère, ci-devant Cantabres, est désorganisée et n’a point de chef.
Les Chasseurs Basques sont à Bayonne. J’ai été forcé depuis la paix, sur les plaintes du général espagnol, de les retirer des avant-postes. Une partie, près de leurs foyers désertent leurs postes pour s’y rendre. Le Représentant du Peuple m’annonçant leur désertion m’observe que je ne devrais pas les laisser inactifs près de chez eux ».
En effet, les bataillons de Chasseurs Cantabres comme les bataillons de Chasseurs Basques étaient sortis exténués, voire exsangues, de cette campagne victorieuse.
La 5ème demi-brigade d’infanterie légère qui avait rejoint l’Armée de l’Ouest fut bientôt dissoute. La réorganisation des demi-brigades, dites de deuxième formation, fut décidée par arrêté du Directoire exécutif du 8 février 1796 qui réduisit le nombre des demi-brigades d’infanterie de ligne à 100 - puis porté à 110 par un amendement du 18 février 1796 - et des demi-brigades d’infanterie légère à 30. Ainsi, une nouvelle 5ème demi-brigade d’infanterie légère fut formée le 20 février 1796 qui rejoignit l’armée d’Italie.
La demi-brigade de Chasseurs Basques ne survécut que peu de temps. Dès le retour à la paix, elle fut minée par les désertions. La 11ème division militaire avait conservé les 4 bataillons de chasseurs basques, dont l’ensemble était commandé par le Chef de Brigade Harispe, ses bataillons respectivement par Harriet, Lasalle, Iriart et Bordarrampé. Les trois premiers, regroupés initialement à Saint-Jean-Pied-de-Port, furent répartis en janvier 1796 entre Saint-Jean-de-Luz, Saint-Jean-Pied-de-Port et Navarrenx, le 4ème restant à Mauléon, puis à Tardets. Les difficultés furent confirmées par « l’appel du général Moncey commandant en chef de la 11ème division militaire, aux Basques de la 1ère réquisition et à ceux qui ont abandonné leurs drapeaux » lancé le 16 mars 1796.
Avec la paix, le recrutement devenant difficile, le 4ème bataillon de Chasseurs Basques, initialement stationné à Tardets, fut incorporé dans la demi-Brigade de Chasseurs Basques le 20 juillet 1798. Puis, le 7 août 1798, les quatre bataillons de chasseurs basques furent réduits à un seul bataillon, déplacé sur Blaye en septembre 1798. En novembre 1798, Harispe parvint à reconstituer un second bataillon avec les conscrits basques de l’année. Fin 1800, les deux bataillons rejoignirent l’armée des Grisons en gardant leur dénomination de « Chasseurs Basques » et ils intervinrent dans la Valteline. A l’armistice, le 1er bataillon fut incorporé à la 15ème demi-brigade légère le 21 mai 1801 et le 2ème bataillon à la 17ème demi-brigade légère. Ainsi, les chasseurs basques qui s’étaient illustrés durant la campagne de 1793-1795 sur les Pyrénées furent définitivement dissous le 21 mai 1801. Telle fut la fin de l’épopée des Chasseurs Basques qui s’étaient illustrés pendant huit années, de 1793 à 1801. Quant au Chef de Brigade Harispe, il fut mis en congé le 23 mai 1801 et il regagna Saint-Etienne-de-Baïgorry à l’âge de 33 ans. Il fut rappelé à l’activité un an plus tard.
Quant au général Moncey, il fut relevé de ses fonctions de commandant de la 11ème division militaire, à la suite d’une dénonciation comme royaliste. Il fut réformé le 26 octobre 1797. Les officiers de la demi-brigade de Chasseurs Basques adressèrent une lettre au général Mauco pour regretter son départ. Ayant lui-même demandé au Directoire de reprendre du service, Moncey fut remis en activité pour reprendre, le 20 septembre 1799, le commandement de la 11ème division militaire, dont le QG fut transféré à Bordeaux en avril 1800.


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BIBLIOGRAPHIE

Résumé historique des campagnes de 1793, 1794 et 1795 dans les Pyrénées orientales (tome 1) et occidentales (tome 2) par C.L.M. Poinçot, chef d’escadron au corps d’état-major, sous la direction de M. le lieutenant-général Pelet : Bibliothèque du SHD GR 1 M 484-1 et 484-2.
La Citadelle et la Place de Saint-Jean-Pied-de-Port de la Renaissance à l’Epoque Contemporaine par le général de division (2s) Gérard Folio, Cahier du C.E.H.D. n° 25, Paris 2005.
Histoire de l’ancienne Infanterie Française (tome 1, 7 & 8/8), Par Louis Susane, Chef d’Escadron d’Artillerie : Paris, Librairie militaire de J. Corréard 1849 à 1853 : Bibliothèque du SHD A2g 18.
Les soldats de l’An II en Pays Basque (Bayonne 1988) par le général Jean Ansoborlo.
Histoire militaire de Bayonne 1789-1940 (Bayonne 1995) par le général Jean Ansoborlo.
Le Maréchal Comte Harispe - Portes Ouvertes sur les archives du Maréchal au château de Lacarre – 1ère période : 1793-1795, par le général Jean Ansoborlo, Bulletin SSLA de Bayonne n° 146 (année 1990), pages 331-382.
Ordonnance du Roy, au sujet du régiment Royal Cantabres, du premier Août 1749 : Bibliothèque du SHD A1d 33.
Trois Anciens des Chasseurs Cantabres, Montréal, Moncey, Schilt, par le général Louis Baratchart, Bulletin SSLA de Bayonne n° 155 (année 2000), pages 263-304.
Les Bataillons d’Infanterie de la République, Service des officiers de tous grades en date du 23 mai 1793 : Ref. : Bibliothèque du SHD Terre A2g 31 (Tomes 1 à 5) - Tome III : Les Bataillons d’Infanterie Légère de la République.
Contrôle de la Demi-Brigade de Chasseurs Basques en date du 21 Pluviôse An 8 (10 février 1800) : Archives S.H.D. du Château de Vincennes - Contrôle des Troupes - Document 16 Y C 428.
Historique de la 5ème Demi-Brigade d’Infanterie Légère (Ref. : Historique de 80ème Régiment d’Infanterie, 2ème partie : « 5ème Demi-Brigade d’Infanterie légère par le lieutenant Dein (1er juillet 1793-6 octobre 1796) » Bibliothèque du SHD 4 M 72.
Historique des Chasseurs Cantabres : Archives du SHD Terre GR 4 M 72.
Organisation de l’APO de 1793 à 1795 : Archives du SHD Terre GR XP 11.
Correspondances de l’APO (juin 1793 à octobre 1795) : Archives du SHD Terre GR B4 5 à 24.
Lettres de l’EM de l’APO en 1792-93 : Archives du SHD Terre GR B4 29, 31, 33, 35, 37.
Livre d’ordres de l’APO de 1793 à 1795 : Archives du SHD Terre GR B4 40, 41, 46, 47, 48, 116, 150, 151, 152, 153, 154.
Registre d’ordres de l’APO : Archives du SHD Terre GR B4 69, 70.
Rapports Militaires de l’APO en 1794 : Archives du SHD Terre GR B4 71, 76, 77, 79.
Cahier de correspondances de l’APO : Archives du SHD Terre GR B4 113.
Situation de l’APO de 1793 à 1795 : Archives du SHD Terre GR B4 166 à 179.

1 Capitaine de l’armée royale en garnison à Saint-Jean-Pied-de-Port en 1789, il fut nommé commandant de l’Armée des Pyrénées Occidentales en 1794, puis maréchal d’Empire en 1804.
2 Cette politique réformatrice fut malencontreusement accompagnée d’une réaction aristocratique consacrée par les décrets Ségur de 1781 qui exigèrent quatre quartiers de noblesse pour devenir officier dans l’armée royale.
3 Soldat armé d’une carabine, arme à canon rayé, arme nouvelle à cette époque, dotée d’une meilleure précision.
4 Le comte Jean de Montréal (1743-1807), issu d’une famille féodale implantée à Beyrie (64), mais originaire de la merindad de Sanguesa en Navarre, fut ultérieurement nommé maréchal de camp.
5 Il y prenait la relève d’un bataillon du « Régiment de Cambrésis Infanterie ».
6 Compte-Rendu du 1er juin 1793 : « Au camp sous Castel Pignon, signé : Noguez, le 1er juin, An 2 de la République ».
7 Il s’agit, selon toute vraisemblance, non de brouillard, mais de nuages d’altitude qui, accrochés aux sommets, couvrent fréquemment en cette période de l’année la zone des cols, interdisent toute visibilité et provoquent parfois des accidents de marcheurs et de pèlerins.
8 Compte-rendu en date du 6 juin du général de brigade Delalain, rapport du général Servan en date du 18 juin, compte-rendu du Représentant du Peuple Féraud en date du 23 Juin.
9 Dans les armées françaises, l’obusier fut l’objet, au camp de Meudon en 1793-94, d’expérimentations auxquelles participa le général de brigade Choderlos de Laclos, l’auteur des « Liaisons dangereuses ». L’obusier tirait en tir indirect des boulets creux explosifs, dénommés « obus », par opposition aux canons qui tiraient en tir direct soit des boulets pleins, soit des cartouches à mitraille.
10 L’épopée du futur maréchal d’empire Moncey remonte à cette bataille de Château-Pignon du 6 juin 1793. Une pièce de son dossier militaire porte que ce premier triomphe le fit nommer chef de bataillon par les compagnies à la tête desquelles il venait d’obtenir la gloire. Une autre indique : « Il fut promu par l’unanimité des suffrages de ses camarades au grade de Chef de Bataillon. Sa conduite estimable a su lui mériter le cœur de tout le monde. Les Chasseurs n’oublieront jamais la journée du 6 juin 1793, où sa valeur militaire, sa surveillance et sa prudence ont sauvé l’avant-garde qu’il commandait à Blanc-Pignon (sic). Jour mémorable pour eux ».
11 A titre d’exemple, la 39ème demi-brigade de l’A.P.O. fut formée à Baïgorry le 21 octobre 1793 par regroupement du 1er bataillon du 20ème Régiment d’infanterie (ex Cambrésis Infanterie, régiment ayant tenu garnison à Bayonne de 1785 à 1788) et des 1er et 2ème bataillons de volontaires des Basses-Pyrénées.
12 Lire à cet égard : Trois Anciens des Chasseurs Cantabres, Montréal, Moncey, Schilt, par le général Louis Baratchart, Bulletin SSLA de Bayonne n° 155 (année 2000), pages 263-304.

13 Le général Muller assumait la fonction de commandant-en-chef de l’A.P.O. depuis le 4 octobre 1793.
14 La Convention nationale succéda à l’Assemblée législative le 20 septembre 1792 et gouverna jusqu’en octobre 1795. Elle proclama la République, condamna Louis XVI à la peine capitale, créa le comité de Salut public en avril 1793 et envoya dans toute la France des représentants en mission qui galvanisèrent le patriotisme du pays.
15 Le traité des Pyrénées de 1659, qui avait déterminé un tracé général de la frontière, n’avait pas traité certaines situations particulières, auxquelles, déjà en 1614, les Capitulations royales n’avaient pas apporté de solutions satisfaisantes. L’accord de compromis, réalisé par le « Traité des Limites », signé le 27 août 1785 à Elizondo, avait tenté de régler les problèmes particuliers existant entre les vallées de Cize et Baïgorry, au Nord, et les vallées du Baztan, d’Erro, du Val Carlos et de Roncevaux au Sud. La délimitation de la frontière proposée, qui consacrait la séparation entre les deux Navarre et prévoyait la cession du Pays Quint, avait déchaîné des explosions de colère dans les populations des pays de Cize et de Baïgorry, qui n’acceptaient pas les termes du compromis ainsi réalisé. L’échange des ratifications n’ayant pas pu avoir lieu avant la Révolution, le traité n’était pas entré en vigueur en 1789.
16 La création de principe de la Garde nationale avait été prise par le décret du 13 juillet 1789. Son organisation fut précisée par la loi du 14 octobre 1791.
17 Un document d’état-civil de la municipalité de Saint-Jean-Pied-de-Port, cite en mars 1793, un certain « Arnaud Iriart, âgé de 34 ans, capitaine d’une compagnie franche ».
18 Un autre document d’état civil de la municipalité de Saint-Jean-Pied-de-Port cite le 7 mars 1793 un certain : « Joseph Lassalle, capitaine commandant une compagnie franche du canton ».
19 Le citoyen Sainte-Marie avait démissionné de ses fonctions d’officier municipal de Saint-Jean-Pied-de-Port.
20 Ancien soldat réformé de l’armée royale ayant été en garnison en la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, cité où il s’était retiré et établi comme maître-tailleur d’habits, Joseph Matenotte, dit Lavictoire, avait été nommé commandant de la garde Nationale de la ville le 3 août 1789.
21 Jean Mauco (1749-1827), né à Bayonne, soldat puis sergent-major dans l’armée royale de 1766 à 1776, date d’obtention de son congé, fut nommé commandant de la garde Nationale de Bayonne à sa création en 1789, et le 2 octobre 1792, lieutenant-colonel en second du 4ème bataillon de volontaires des Basses-Pyrénées, puis commandant de ce bataillon ; nommé provisoirement le 13 décembre 1793 général de brigade par les représentants du peuple, il fut promu général de division le 14 avril 1794, commandant de la division de gauche de l’A.P.O., formée à Saint-Jean-Pied-de-Port.
22 Le 15 janvier 1794, la municipalité décida de changer le nom de Saint-Jean-Pied-de-Port en « Nive-Franche ».
23 Saint-Etienne-de-Baïgorry prit à la même époque le nom de « Thermopile ».
24 En octobre 1793, Delalain fut nommé général de division et commandant de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port.
25 Le 24 décembre, fut diffusé un autre Arrêté portant formation de bataillons d’infanterie légère (six au total) à partir des compagnies franches des vallées d’Aspe, Ossau, Barétous, Mauléon, Barèges, Ozun, Cauterets, Aurois et Neste.
26 Le 31 décembre 1793, fut promulguée la Déclaration du Roi d’Espagne à la Nation Française en réaction à la mort de Louis XVI.
27 La dixième des compagnies franches basques, la compagnie franche de Saint-Palais alors déployée à Ascain, avait déjà été amalgamée, le 26 octobre 1793, à d’autres compagnies franches des 1ère et 2ème divisions pour former un bataillon d’infanterie légère dont l’effectif atteignait mille hommes.
28 Le général Delalain avait été nommé commandant de la division de Saint-Jean-Pied-de-Port le 19 octobre 1793 en remplacement du général Dubouquet.
29 En plus de ces trois divisions, l’A.P.O. comprenait alors le commandement des Quatre Vallées d’Aspe, d’Ossau, de Barétous et Moléon (sic), confié au général de brigade Robert.
30 23 juillet : CR du décès le 19 Prairial (7 juin 1794) du général de brigade Lavictoire, suite à la blessure reçue le 15 Prairial (3 juin) dans l’affaire des Aldudes.
31 Lors du déclenchement de la guerre en 1792, Théophile Malo Corret de La Tour d’Auvergne, capitaine en retraite âgé de cinquante ans, avait repris du service alors que nombre d’officiers nobles émigraient. Bonaparte lui décerna en 1800, deux mois avant sa mort, le titre de « Premier grenadier de la République ».
32 Dès le 9 Brumaire An 3 (30 octobre 1794), le général de brigade Lemaire, commandant l’artillerie à Nive-Franche (Saint-Jean-Pied-de-Port) donna l’ordre d’envoyer 49 chevaux de bât pour évacuer les munitions de guerre trouvées dans la fabrique d’Orbaiceta.
33 Le 9 Thermidor an 4 (27 juillet 1796), le général Servan fut nommé par le Comité de Salut Public, Inspecteur Général de toutes les Troupes des Armées des Pyrénées Orientale et Occidentale

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