I. Cadres géographique et historique
« Il
suffit de dire qu’elle est à l’entrée du passage de Roncevaux
pour juger de sa conséquence »
écrivait Vauban1,
Commissaire Général des Fortifications de Louis XIV légalement
depuis 1678, dans son mémoire sur la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port, daté du 6 décembre 1685. En ces quelques
mots d’une concision saisissante, Vauban affirmait que la situation
géographique de la cité lui conférait une importance stratégique
que l’histoire confirmait. Tous les rapports postérieurs des
ingénieurs
du Roy
des XVIIe et XVIIIe siècles, consultables dans les dépôts
d’archives, développent considérations géographiques et
historiques pour confirmer le bien-fondé des projets de rénovation
qu’ils présentent. Ils insistent d’abord sur la position de la
cité, au pied du col de Roncevaux, pour expliquer sa vocation
militaire et le rôle stratégique de sa citadelle. Pour eux, la
géographie expliquait la construction d’un château fort par les
rois de Navarre à l’époque médiévale, puis d’une citadelle
par les rois de France et de Navarre à l’époque des Temps
modernes. Une connaissance précise de l’environnement géographique
était également une préoccupation des rois de France, qui au XVIIe
siècle commandèrent à leurs géographes plusieurs études
spécifiques et de nombreuses cartes décrivant les itinéraires de
franchissement des Pyrénées. Nombre de ces documents sont conservés
dans les fonds d’archives. A cet égard, nous disposons notamment
d’études spécifiques sur les cols, ports et passages des monts
Pyrénées, ou les chemins d’Espagne, établis par les ingénieurs
géographes du Roy. L’un d’eux, le sieur Roussel, « capitaine
ingénieur et chevalier de Saint Louis »,
mérite une attention particulière. Roussel et La Blottière, tous
deux ingénieurs géographes et excellents topographes, sont les
auteurs d’une Carte
des Monts Pyrénées2,
en neuf feuilles levées en 1718-19, dont Roussel établit la partie
occidentale. Cette carte, publiée en 1725, est la première
représentation de l’ensemble de la frontière des Pyrénées. Elle
est à la fois un plan géométral et une vision panoramique du
massif pyrénéen, tel qu’il est vu par un observateur venant de
France, avec le Sud en haut de la carte. S’y ajoutent le Mémoire
concernant les monts Pyrénées
écrit par le même Roussel en 17183,
ainsi que les cartes et mémoires des ingénieurs Canut et Touros de
17534.
Conformément
à leur démarche humaniste, les ingénieurs rappellent dès les
premières pages de leurs mémoires, les événements historiques
passés qui confirment l’importance militaire de la place de
Saint-Jean-Pied-de-Port. Pour eux, l’histoire de la Navarre à la
fin du Moyen-Âge démontre son intérêt stratégique, tant pour la
défense de la frontière du royaume de France que pour le soutien
d’opérations offensives en direction de l’Espagne. Ils
justifient ainsi leurs projets de rénovation de la citadelle et
d’aménagement d’une place forte. Les événements historiques
des Temps modernes confirment leur analyse. Des travaux furent, en
effet, effectués tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, chaque
fois que la tension politique rendait nécessaire le renforcement de
la frontière, et interrompus lorsque la paix revenait. L’histoire
leur donna définitivement raison puisque la citadelle et la place de
Saint-Jean-Pied-de-Port jouèrent un rôle majeur lors des guerres de
la Révolution et de l’Empire. La frontière entre la France et
l’Espagne, stabilisée par le traité des Pyrénées de 1659 ne
connut, en effet, un calme définitif, dans son secteur occidental
comme dans son secteur oriental, qu’après la signature en 1856 du
traité de Bayonne. Sur la route du col du Somport, par exemple, la
construction du fort du Portalet, étudiée en 1837 et entreprise en
1845, fut poursuivie jusqu’en 1870. Un examen préalable du cadre
géographique et historique, dans lequel s’insère l’histoire de
la citadelle et de la place de Saint-Jean-Pied-de-Port, est donc
essentiel à sa compréhension.
11- SITUATION GEOGRAPHIQUE GENERALE
La
vocation militaire de Saint-Jean-Pied-de-Port découle directement de
sa position géographique5,
à quelques kilomètres au sud du col de Roncevaux, point de
franchissement majeur, historique et légendaire, dans la partie
occidentale de la chaîne des Pyrénées. La cité est située, « au
pied des grandes montagnes à l’entrée du fameux défilé de
Roncevaux, le seul passage un peu raisonnable qu’il y ait pour
entrer dans la Haute Navarre, depuis là jusqu’à Fontarabie »,
précisait Vauban6.
Les grandes lignes de cette situation géographique méritent d’être
ici rappelées.
La
cité se trouve à l’entrée du bassin que constitue le Pays de
Cize. Ce bassin, de moins de 200 mètres d’altitude, s’est creusé
dans les argiles bariolées et les marnes du trias supérieur. Il est
bordé à son Sud par la chaîne des Pyrénées dont les sommets
proches culminent vers 1500 mètres. Il est fermé à son Nord par
les montagnes de grès rouge du trias inférieur du Jara (812 m) et
de l’Arradoy (660 m). Ce bassin est formé par la confluence de
trois rivières torrentueuses d’égal volume, qui prennent leur
source dans les monts pyrénéens, dont elles descendent par des
vallées étroites et profondes. La première de ces rivières, celle
du centre, la Nive de Béhérobie prend sa source dans le massif
d’Errozate et, enrichie des eaux de l’Harchury venant du mont
Orisson par le ravin d’Ollaskua, descend par la vallée
d’Esterençuby vers Saint-Michel et Saint-Jean-Pied-de-Port qu’elle
traverse. Deux kilomètres en aval de la cité, elle reçoit sur sa
droite son premier affluent, le Laurhibar (souvent nommé rivière de
Saint-Laurent dans les documents anciens), descendant du mont
Mendibel, à l’orée de la forêt d’Iraty, par la vallée de
Béhorléguy, enrichi de l’Arzuby qui descend du massif de
l’Arradoy par la vallée de Jaxu. A peine, deux cents mètres en
aval, elle reçoit, sur sa gauche, son second affluent, la Nive
d’Arnéguy qui prend sa source en Espagne au mont Mendi Chipi dont
elle descend sous le nom de rio
Luzane
par le défilé du Val
Carlos.
Dès le plan de 16837,
le double confluent de ces trois rivières est dénommé « Trois
eaux ».
La Nive ainsi formée quitte le bassin de Cize par un étroit défilé,
resserré entre les monts du Jara et de l’Arradoy. Environ huit
kilomètres en aval, à proximité d’Ossés, la Nive s’enrichit
des eaux de la Nive des Aldudes, presque aussi abondante
qu’elle-même, qui provient de la vallée de Baïgorry, dont elle
sort par un étroit défilé, resserré entre les monts du Jara et
d’Iparla.
Au
XVIIe siècle, le bassin de la Nive des Aldudes fait partie, au plan
de la géographie humaine, du bassin de la Nive de Béhérobie.
Vauban prend bien en compte cette dimension de la vallée de
Saint-Jean-Pied-de-Port lorsqu’il décrit le site de la citadelle :
La
petite montagne, sur laquelle elle est assise, fait presque le centre
d’une assez jolie vallée formée par la rencontre de trois
rivières qui se joignent à quelques mille toises au dessous de la
place. Ces trois rivières sont la Nive, la Beorlaye (Nive de
Béhorléguy, ou Laurhibar) et l’Arnaye (Nive d’Arnéguy),
chacune desquelles forme une vallée en son particulier et, à la
jonction des trois, celle de Saint Jean pied de Port. Outre quoi il y
en a encore une quatrième au-dessous qui est belle et considérable.
Toutes les vallées sont fertiles et peuplées d’une vingtaine de
paroisses dont la plus éloignée n’est qu’à une lieue et demie
de Saint Jean, assez bon pays où il croît pain, vin, viande et
fourrage.
Il
convient, en effet, de considérer la géographie physique dans le
cadre des moyens techniques, notamment de communication, de l’époque
considérée. A l’époque des Temps Modernes comme au Moyen-Âge,
les vallées de Cize et de Baïgorry constituaient un ensemble
géographique et stratégique unique. Avant le percement de routes et
de voies ferrées en direction de Bayonne le long de la vallée de la
Nive, à travers les défilés franchis par cette rivière, l’accès
au Pays de Baïgorry se faisait normalement à partir du bassin de
Saint-Jean-Pied-de-Port, où parvenait la voie romaine. Les deux
vallées, qui ne sont séparées que par le col de Beraunberia, ou
col d’Anhaux, de faible altitude, situé entre les collines
d’Anhaux et celles d’Irouléguy, étaient initialement reliées
par un sentier qui franchissait la Nive au gué de Sainte-Eulalie
d’Ugange à Saint-Jean-Pied-de-Port. Des remparts de la citadelle
d’où l’horizon en direction de l’Ouest n’est barré que par
la crête d’Iparla, au-delà de la vallée de Baïgorry, celle-ci
se présente bien comme appartenant à l’ensemble géographique
dont la citadelle occupe la position stratégique centrale. Ce ne fut
qu’au milieu du XIXe siècle, quand furent construites route et
voie ferrée rejoignant directement par la vallée de la Nive chacun
de ces bassins à Bayonne, que l’unité géographique des deux
allées fut rompue.
La
Nive appartient au bassin du fleuve Adour. Après un parcours,
orienté du Sud-est au Nord-ouest, d’une cinquantaine de kilomètres
au delà de Saint-Jean-Pied-de-Port, elle rejoint à Bayonne le
fleuve Adour auquel elle apporte ses eaux. De nos jours, après les
travaux menés du XVIe au XVIIIe siècle, l’Adour se jette dans
l’océan Atlantique quelques kilomètres en aval de la ville de
Bayonne.
Ainsi
située au confluent des Nives, la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port
contrôle le débouché de nombreux cols permettant le franchissement
de la chaîne des Pyrénées8,
que l’on nomme les « Ports
de Cize »9.
Ils constituèrent une importante zone de passage entre les deux
versants des Pyrénées, selon toute vraisemblance dès l’origine
de l’humanité. Le principal d’entre eux est le « col
de Roncevaux »,
bien connu par l’histoire, ou plutôt le récit légendaire de la
mort du neveu de Charlemagne, le comte palatin Roland, préfet de la
Marche de Bretagne, qui, le 15 août 778, commandait l’arrière-garde
de l’armée de Charlemagne, qui fut mise en déroute dans le défilé
de Roncevaux. Ce col fut emprunté dans l’antiquité par la voie
romaine de Burdigala (Bordeaux) à Asturica Augusta (Astorga,
localité située à environ cinquante kilomètres au Sud-ouest de la
ville de Léon, dans la province du même nom en Espagne) via Aquae
Tarbellicae (Dax) et Pompaelo (Pampelune), décrite dans l’itinéraire
d’Antonin. Cet itinéraire a, à l’évidence, connu au cours des
siècles des évolutions dans le détail de son tracé tant pour la
traversée du bassin formé par la Nive et ses affluents, que pour le
franchissement de la chaîne pyrénéenne. En effet, les itinéraires
antiques étaient déterminés par les points de franchissement des
obstacles naturels, cols et gués. L’évolution des techniques a
conduit à leur évolution au cours des siècles. L’érection à
Urculu
d’un monument romain, ce trophée-tour d’époque augustéenne qui
domine le col d’Arnostéguy
(1236 m), suggère que l’itinéraire pré ou protohistorique
originel utilisait ce col. Les fonds cartographiques indiquent que la
voie romaine, devenue au Moyen-Âge le Chemin
de Saint Jacques de Compostelle
puis aux Temps modernes le ‘Grand
chemin d’Espagne’,
cheminait en crête depuis son départ de Saint-Jean-Pied-de-Port et
franchissait les Pyrénées au col de Bentarte
(1344 m.), tandis que la route actuelle construite au XIXe siècle
emprunte le Val
Carlos
et le col d’Ibaneta
(1057 m.). La dénomination historique de « col
de Roncevaux »
désigne donc successivement ces trois cols.
Les
« Ports
de Cize »,
les cols permettant d’accéder en Espagne à partir du bassin formé
par la Nive de Béhérobie
et ses affluents, sont nombreux. En 1700, l’intendant Le Bret, dans
son « Mémoire
sur la Navarre envoyé à Paris à M. le Dauphin »10
en dénombre une demi-douzaine où « les
mulets chargés passent toute l’année hors dans les grandes
neiges »,
et dont le « meilleur
avec plus de facilité même pour faire passer le canon est celui de
Saint-Jean-Pied-de-Port à la montagne d’Orisson, aux ruines
Château Pignon ».
L’ingénieur géographe Roussel identifie dans son mémoire écrit
en 171811
quatorze ports, ou passages, dont il précise le degré de viabilité,
qui communiquent entre la Basse et la Haute Navarre. Hors le col
emprunté par l’itinéraire principal, le « Grand
chemin d’Espagne »,
les officiers du génie du XIXe siècle qui se fondent sur les
enseignements des guerres de la Révolution et de l’Empire,
dénombrent une douzaine de cols définissant autant d’itinéraires
transfrontaliers utilisables par l’infanterie, certains par la
cavalerie, en empruntant les nombreux sentiers piétonniers et
muletiers utilisés par l’homme depuis les origines. A la fin du
XIXe siècle, les militaires ne comptent plus que neuf itinéraires
transfrontaliers.
De
fait, du point de vue strictement géographique, les cols permettant
de gagner l’Espagne à partir du bassin de la Nive, précisément
des Pays de Cize et de Baïgorry, sont multiples. Ils n’ont pas été
également utilisés à toutes les époques historiques et leurs noms
ont évolué. Du pic d’Orhy à l’Est à la Pena de Alba à
l’Ouest, puis en remontant vers le Nord le long de la crête
d’Iparla pour atteindre l’Artzamendi et le mont du Mondarrain, se
trouvent :
-
au Sud-ouest de Saint-Jean-Pied-de-Port, au-delà de la forêt d’Iraty, à laquelle on parvient par le col de Burdincurutcheta, les cols de Curutche, d’Errozate et d’Arlepoa12 ;
-
au Sud de Saint-Jean-Pied-de-Port, les cols d’Orgambide (ou Orbaïceta), d’Arnostéguy13, de Bentarte, d’Ibaneta ;
-
au Sud de Baïgorry, les cols de Lindus accessible depuis Banca, de Burdincurutcheta accessible depuis Urepel, d’Urquiaga (ou Urkiaga ou Ourtiargue) et Behordian accessibles depuis les Aldudes ;
-
parallèlement à la vallée de Baïgorry, les cols de Bustanberro, d’Acaldeguy (ou Eyharza), de Belaongo (ou Belaun), de Berdaritz (ou Verderitz), de Phagocelhay (ou Pago Zelhay), d’Elhorrieta, d’Ispéguy, d’Aintziaga, de Buztanzelhay, d’Astate, d’Harrieta ;
-
au Sud-ouest des villages de Bidarray et d’Itxassou, les cols de Lacho, d’Urritza (ou d’Atzatey), de Mehatche (ou Mehaxia), de Gorospil (ou col des Veaux), ainsi que le cours de la rivière Aritzacun, affluent de la Nive, également appelée Bastan, permettent de rejoindre le col d’Otxondo (ou de Maya)14.
Les
premiers de ces cols, du col de Curutche au col de Behordian,
débouchent, sur le versant Sud des Pyrénées, dans les vallées de
rivières torrentueuses appartenant au bassin de l’Ebre, fleuve se
jetant dans la mer méditerranée près de Tortosa, au Sud de
Barcelone. Ces vallées constituent autant d’accès à la ville de
Pampelune. Il s’agit d’Est en Ouest :
-
du rio Iraty qui, enrichi des eaux du rio Legarxa, forme le val d'Aezcoa ;
-
du rio Urrobi qui forme le val d’Arce ;
-
du rio Erro qui forme le val d’Erro ;
-
du rio Arga qui, enrichi du rio Ulzama, traverse Pampelune.
Les
cols suivants, du col de Bustanberro au col de Gorospil, permettent
de descendre dans la vallée du rio Baztan, affluent de la Bidassoa
qui se jette dans l’océan Atlantique à Hendaye. Cette vallée
permet également de gagner Pampelune en empruntant le col de Velate.
Mais elle constitue aussi une voie d’accès à Fontarabie, Irun,
San Sebastian et au port de Pasajes15.
Ainsi, la vallée des Aldudes possède l’avantage particulier de
permettre aussi bien un accès direct vers Pampelune qu’un accès à
rebours vers Fontarabie et les ports de la côte atlantique. Deux
autres cours d’eau encadrent le rio Baztan : la Nivelle qui se
jette dans l’océan atlantique à Saint-Jean-de-Luz et l’Urumea
qui fait de même à Saint-Sébastien.
Au
XXe siècle, trois de ces cols donnent passage à une route
goudronnée : celle de Saint-Jean-Pied-de-Port à Burguette et
Pampelune emprunte le col d’Ibaneta ; celle de Baïgorry à
Eznazu, Eugui et Pampelune passe par le col d’Urquiaga ; celle
de Baïgorry à Errazu et Elizondo franchit les Pyrénées au col
d’Ispéguy. Le chemin actuel des pèlerins de
Saint-Jacques-de-Compostelle a conservé l’itinéraire historique
par le col de Bentarte, que l’on nomme couramment « route
Napoléon ». Le bassin de Cize-Baïgorry constitue bien
ainsi une position stratégique au pied du col de Roncevaux et des
ports de Cize, dès lors que Saint-Jean-Pied-de-Port, situé en son
centre, contrôle tous les chemins venant d’Espagne, notamment les
itinéraires permettant d’agir militairement aussi bien vers
Pampelune que vers Fontarabie ou Pasajes.
Cette
position stratégique est d’autant plus importante que
Saint-Jean-Pied-de-Port fut toujours dans l’histoire une cité
frontalière. Elle était, à l’époque médiévale, chef-lieu de
la province d’outre-monts du royaume de Navarre, dont elle
protégeait face au nord la capitale Pampelune. Elle devint, dès la
réalisation de l’unité espagnole, un point clef de la couverture
face à l’Espagne, du royaume de Navarre réduit à la Basse
Navarre, puis du royaume de France et de Navarre. Leur frontière Sud
passant par la crête des Pyrénées, marquée par le col de
Roncevaux et les ports de Cize, était située à une quinzaine de
kilomètres au Sud de la cité. Roussel, en 1718, critique le tracé
de cette frontière qui ne suit pas exactement la ligne de séparation
des eaux entre les deux pays. Il regrette particulièrement que le
Val Carlos soit espagnol « par rapport à la forteresse de
Saint-Jean-Pied-de-Port qui en est à vue et où l’on ne saurait
faire aucun mouvement qu’une heure après les habitants du dit Val
Carlos n’en aient connaissance et n’en fassent usage en faveur de
leur nation ».
Le
retrait en 1530 de Charles Quint, roi des Espagnes, de la Basse
Navarre avait créé un état de fait qu’aucun traité ou accord
international n’avait entériné. Le traité des Pyrénées de 1559
ne régla pas ce problème frontalier qui ne trouva une solution
qu’au traité de Bayonne en 1856. Notamment la vallée des Aldudes
resta indivise entre la France et l’Espagne jusqu’à cette date
sur la base des conventions de 1556 et de 1614, puis des travaux
d’une commission internationale qui se réunit de 1784 à 179216.
Dès octobre 1536, Jean de Armendaritz étant capitaine-châtelain de
Saint-Jean-Pied-de-Port, un accord, une « facerie17 »,
fut conclu entre la vallée d’Aezcoa, le Pays de Cize, l’Ostabarret
(le Pays d’Ostabat) et la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port. Un
traité fut conclu en 1556, et des bornages réalisés de 1556 à
1557, entre le val Carlos, le val d’Erro, les Pays de Cize et de
Baïgorry. Une ordonnance du 18 septembre 1595 « de
Henry par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre »
fit suite à une requête des chanoines de Roncevaux relative à la
vallée des Aldudes. En 1603, fut rédigé un mémoire du chapitre de
Roncevaux relatif à Ibaneta où se rejoignaient les territoires de
Saint-Jean-Pied-de-Port, de Cize, d’Aezcoa, d’Erro, et la
montagne d’Astaviscara (Alto Biscar). D’août 1612 à mars 1613,
se tint une conférence préliminaire à la convention projetée
entre la France et l’Espagne. Les négociateurs étaient l’évêque
de Bayonne, Mgr Bertrand d’Echaux et l’évêque de Pampelune, Mgr
D. Prudencio de Sandoval. Les discussions furent difficiles. Louis
XIII et Philippe III firent nommer pour en finir le baron de
Vaucelles et D. Sancho de la Corda, marquis de Laguna, comme
plénipotentiaires. Sur la menace de la confiscation des territoires,
les Navarrais furent obliger d’accepter le traité et les
« Capitulations
royales »
signées le 22 septembre 1614, approuvées à Madrid le 21 novembre
et à Paris le 5 décembre 1614. Le 3 août 1615, les commissaires
chargés de l’exécution des conventions se réunirent à Arnéguy
pour procéder au bornage. En 1616, il fut établi un rôle des
terrains occupés légitimement. Le 16 juillet 1618, intervint la
signature d’une facerie entre Saint-Jean-Pied-de-Port, dont Pierre
Abinoriz était jurat, la vallée de Cize et la vallée d’Aezcoa.
Malgré les capitulations royales de 1614, un différend éclata dès
1633 entre les vallées françaises et le monastère de Roncevaux.
Tout
au long du XVIIIe siècle, la délimitation précise de la frontière
dans la région de Saint-Jean-Pied-de-Port et la vallée de Baïgorry
continua à poser problème. Le 16 septembre 1702 à Arnéguy, sur
une passerelle « internationale » jetée sur le
torrent, se tint une conférence où la France était représentée
par l’intendant de Lebret, le vicomte de Belzunce, le bailly de
Mixe, le vicomte de Méharein et le vicomte d’Echaux, pour régler
les problèmes de pâturage et de forêts entre les forges française
de Banca et espagnole d’Eugui, ainsi que de création d’une
nouvelle implantation aux Aldudes, où une première chapelle, bâtie
en 1512, avait été remplacée en 1572 par une chapelle plus grande
et, en 1688, par une église qui ne constitue alors pas encore une
paroisse. Une convention réunie en 1717, n’aboutit à rien. La
carte de Cassini, dont la feuille de Saint-Jean-Pied-de-Port, portant
le numéro 140, a été levée de 1770 à 1773, inclut la vallée du
Val Carlos dans le royaume de France, mais indique pour la région
des Aldudes : Pays indivis, Pays commun entre la
France et l’Espagne. Le mémoire sur Saint-Jean-Pied-de-Port en
basse Navarre de 1770 précise : « pays en contestation
entre les puissances voisines non obstant le traité des Pyrénées
et les capitulations royales ». Les contestations
continuèrent ainsi que les conflits, avec voies de fait et morts
d’homme, tant sur la frontière qu’en vallée des Aldudes, vers
Ondarolle et en forêt d’Iraty. Or la politique de Choiseul,
ministre de Louis XV, faisant de l’alliance avec l’Espagne le
pivot du « Pacte de Famille » conclu en 1761,
s’efforça de liquider les points litigieux de délimitation de
frontières. Ils firent l’objet de négociations, ébauchées en
1765, reprises en 1776-77, officialisées par la Commission de
Délimitation de 1784 à 92. Le Traité des Limites, ou
Traité d’Elizondo, signé le 27 août 1785, établit une
ligne de partage concrète entre la France et l’Espagne, donc entre
les deux Navarre dont il consacra la séparation. Ses treize articles
fixaient la frontière en forêt d’Iraty, réglaient les problèmes
particuliers des vallées de Cize et Baïgorry, notamment les droits
de pacage et le statut du « Pays Quint ». Ils
prévoyaient que le Bastan, le val d’Erro, le val Carlos et
Roncevaux seraient espagnols ainsi qu’Ondarolle et sa mine. Le
parlement de Navarre exprima des remontrances à leur sujet. La
Révolution empêcha la conclusion de la commission, l’échange des
ratifications et la mise en oeuvre du traité.
Le
traité de Paris qui, en 1815, mit fin aux guerres de l’Empire,
spécifia que l’on procéderait sans tarder à l’établissement
d’une frontière entre France et Espagne. Des négociations eurent
lieu en 1822 notamment, des rapports furent établis, comme en 1838,
des travaux cadastraux furent menés près de la redoute du col de
Lindus par exemple. La vallée des Aldudes resta indivise entre la
France et l’Espagne jusqu’au traité de Bayonne de 1856, signé
par Napoléon III et Isabelle II. Se fondant sur les conventions de
1556 et de 1614 ainsi que sur les travaux de la ‘Commission de
Délimitation’, notamment sur l’abornement effectué en 1785, ce
traité de Bayonne du 2 décembre 1856, ratifié respectivement dans
les capitales le 8 juillet et le 13 août 1857, régla définitivement
le problème de délimitation de la frontière entre France et
Espagne. La vallée des Aldudes allait à la France et le Val Carlos
à l’Espagne. Cette frontière ne satisfaisait pas les militaires18
dès lors qu’elle contournait la haute vallée de la Bidassoa et de
son affluent le Baztan et abandonnait aux Espagnols les défilés de
Maya et de Velate. Le bornage en fut achevé en 1863.
Cette
zone frontière était également convoitée car elle constitue un
enjeu économique. Sa richesse était d’abord pastorale, sinon
agricole. La croissance démographique s’accompagnait de la mise en
exploitation de nouvelles terres : aux Aldudes, par exemple,
qui, en 1752, ne constituait pas encore une paroisse. Cette richesse
agricole était importante pour le ravitaillement d’armées en
campagne. Vauban note que « Toutes
les vallées sont fertiles et peuplées d’une vingtaine de
paroisses dont la plus éloignée n’est qu’à une lieue et demie
de Saint Jean, assez bon pays où il croît pain, vin, viande et
fourrage ».
L’ingénieur Roussel précise que « tous
les fourrages qui se peuvent trouver dans les lieux ci-dessus lors
d’une année abondante pourraient fournir pendant deux mois près
de 400 chevaux ».
S’y ajoutent les moulins à eau, au nombre de sept dans les
environs immédiats de Saint-Jean-Pied-de-Port au milieu du XVIIe
siècle, et les fours à chaux19
au nombre de quatre à cette même époque. Sa richesse était aussi
forestière. Les forêts d’Iraty, d’Orion ou de Hayra
fournissaient des mâts de navire et le combustible pour les forges
et fonderies. Sa richesse était également minière, élément
capital pour la puissance militaire de ses souverains. La Navarre
comprenait de nombreux gisements de fer, de cuivre, de plomb
argentifère. Il suffit à cet égard de mentionner l’importance
des mines de cuivre et de plomb à Banca, des mines de fer à
Baïgorry, des forges de Banca ou d’Echaux dans la vallée de
Baïgorry, de la mine et de la fabrique d’Eugui au-delà d’Urepel,
au Sud du col d’Urquiaga, des mines d’Ondarolle dans la vallée
d’Arnéguy ainsi que de la fonderie d’Orbaïceta, plus
précisément de la Funderia
Reale
sur le cours du rio Legarxa 2,5 kilomètres au Nord du bourg
d’Orbaïceta, à laquelle les cols d’Arnostéguy et d’Orgambide
donnent accès. Vers 1375 déjà, Gaston Febus avait fait fondre dans
la région de Saint-Jean-Pied-de-Port des canons, arme nouvelle qui
commençait alors à remplacer les anciennes machines de siège et
les engins névrobalistiques. En 1702, une forge française est
attestée à Banca et une forge espagnole à Eugui. L’ingénieur
Canut écrit en 1753 : « L’itinéraire
passe devant les forges de Baïgorry fort renommées à cause de la
bonne qualité des canons qu’on y a fabriqués durant la dernière
guerre. Les forges ont fourni pour le service de la marine trois
mille canons de 4, 6 et 8 livres de balles »20.
Sur la carte levée par Touros en 175321,
les forges de Baïgorry sont indiquées à la sortie du village sur
la route des Aldudes, une demi lieue après le château d’Echaux.
Les fouilles effectuées à Saint-Jean-Pied-de-Port par Benoît
Duvivier en 1997-1999 concluent à l’occupation du site par un
atelier métallurgique vers le XVe siècle. Ces forges et fonderies
qui permettaient d’équiper les armées en campagne, notamment en
balles et boulets, furent un enjeu immédiat de tous les combats,
particulièrement lors des guerres de la Révolution et de l’Empire.
Ville frontière, contrôlant les débouchés du col de Roncevaux et
des ports de Cize ainsi qu’une zone riche en enjeux économiques,
Saint-Jean-Pied-de-Port était destinée à un rôle militaire.
Edifiée
deux kilomètres en amont du confluent de la Nive de Béhérobie et
de ses deux premiers affluents, Saint-Jean-Pied-de-Port se trouve
naturellement dominée par les deux lignes de crête séparant ces
trois cours d’eau. La citadelle est construite sur l’extrémité
de l’une d’entre elles, un éperon rocheux de calcaire et
d’ophite22,
étroit et long, qui commande le bassin de Cize23.
Selon les historiens locaux son nom originel serait Mendiguren,
« limite de montagne » Cet éperon est rattaché à la
chaîne des Pyrénées par les buttes de Cherrapo
et Harispuru
à Caro (299 et 282 mètres) qui appartiennent à la ligne de crête,
descendant du sommet d’Occabé
via le mont d’Handiamendy.
Cet éperon, d’une altitude de 233 m, extrémité de la ligne de
séparation des eaux entre le Laurhibar et la Nive de Béhobie,
domine d’environ 70 m le cours de la Nive (165 m au pont
d’Eyheraberry et 159 m au gué de Sainte-Eulalie) qui coule à une
distance horizontale de cent mètres. Son flanc Sud vers la Nive,
très raide et escarpé, est jugé inaccessible. Les flancs Ouest et
Nord qui descendent vers la ville sont moins raides mais encore
d’accès difficile. En revanche, en direction de l’Est, face à
la ligne de crête à l’extrémité de laquelle la citadelle est
construite, n’existe aucune défense naturelle. Sur ce flanc, la
ligne de crête s’élargit et prend la forme d’un faux plateau
d’une longueur d’environ 600 mètres, sur une largeur n’excédant
pas 150 mètres. En outre, à son extrémité, ce faux plateau se
relève et forme un ressaut de terrain, une petite éminence, d’une
altitude de 242 m, donc aujourd’hui située neuf mètres plus haut
que la citadelle, aux vues de laquelle elle masque l’ensellement
situé au-delà, où pouvaient se dissimuler les préparatifs d’une
attaque éventuelle et qui permettait une approche défilée et à
couvert, donc hors des vues des guetteurs. Ce masque qui donne une
facilité d’accès par ce flanc, non vue de la citadelle, à un
assaillant éventuel, constitue pour elle une vulnérabilité
certaine. Aussi les ingénieurs militaires nomment-ils ce front qui
fait face à cette direction dangereuse: « le
front d’attaque ».
Ce
ressaut de terrain, dénommé « mont
Saron »
sur les cartes anciennes, est aujourd’hui appelé Gastellumendy.
Cette dénomination pose question. Elle n’apparaît pas dans les
documents antérieurs à ceux de la Révolution. Gastellumendy
signifiant en langue Basque « la montagne du château »,
devait en toute rigueur désigner le mont sur lequel était bâti le
château fort médiéval, mont qui, comme nous le verrons plus loin24,
se trouvait au centre de la place d’armes de la citadelle actuelle.
Ce mont, arasé depuis, était alors le point le plus haut de
l’éperon, ce qu’il n’est plus aujourd’hui. Vauban lui donne
six toises, douze mètres, de plus que le niveau de la place d’armes
de la citadelle. On peut donc estimer son altitude d’origine à 245
mètres ce qui pourrait expliquer le fait que la dénomination de
Gastellumendy
se soit déplacée au fil du temps vers le point devenu le plus haut
à la suite des modifications topographiques provoquées par l’homme
au XVIIe siècle.
La
seconde ligne de hauteurs dominant Saint-Jean-Pied-de-Port, le mont
de Curutchamendy, culmine sur l’autre rive de la Nive de
Béhérobie, à une altitude de 290 mètres, supérieure donc de 45
mètres à l’altitude initiale du centre de la citadelle et de 57
mètres de son altitude actuelle, qui s’en trouve ainsi dominée et
« commandée » à une distance de mille mètres à
son Ouest. Ce mamelon est situé à l’extrémité de la ligne de
crête qui sépare les eaux de la Nive de Béhérobie de celles de la
Nive d’Arnéguy et qui rejoint la chaîne des Pyrénées au pic de
Leizar Atheka, via le pic d’Orisson. Cette
domination, ce « commandement » selon les termes
d’époque, n’était pas un défaut majeur à l’époque de la
construction de la citadelle, compte tenu des caractéristiques en
portée de l’artillerie de l’époque. Il constituait cependant
déjà un inconvénient à l’époque de Vauban qui le souligne,
comme le fit après lui M. de Salmon en 1718. Le rapport de 1770 fait
encore de même : « de la hauteur de la Croix on peut
voir tout ce qui se passe dans la place » mais il précise,
en reprenant les mots de Vauban, que ces hauteurs sont « assez
éloignées pour en être médiocrement incommodées par leurs
commandements ». Ce jugement est alors sans aucun doute
optimiste car, depuis le milieu du XVIIIe siècle, l’accroissement
de la portée des canons a transformé cette domination en un défaut
grave qui conduisit trois ans plus tard, le rédacteur du projet de
1773, à proposer la construction d’un ouvrage extérieur important
sur ce mamelon de Curutchamendy.
La
position stratégique de Saint-Jean-Pied-de-Port au pied du col de
Roncevaux, explique l’importance militaire de la cité. L’éperon
rocheux dominant la cité, sur laquelle est construite la citadelle,
occupe un emplacement favorable au débouché des ports de Cize, à
l’entrée du bassin de confluence des Nives. Il permettait, à
l’époque médiévale, d’interdire les accès au col de Roncevaux
à toute menace venant d’Aquitaine ou de Gascogne. Selon les
critères et avec l’armement du début du XVIIe siècle, il
permettait de contrôler dans de bonnes conditions, les débouchés
vers la France de ce même col. Mais il est évident, comme le
reconnaissent les ingénieurs militaires à partir du milieu du
XVIIIe siècle, que le mamelon de Curutchamendy eut mieux
convenu dès lors que l’artillerie avait, au cours de ce siècle,
accrû sa portée. Ce défaut devint rédhibitoire lorsque
l’artillerie connut de nouvelles améliorations au siècle suivant.
Aussi, le XIXe siècle vit-il naturellement la fin du rôle militaire
et stratégique de la place de Saint-Jean-Pied-de-Port.
12- Les CHEMINS TRAVERSANT SAINT-JEAN-PIED-de-PORT
La
cité de Saint-Jean-Pied-de-Port commandait les débouchés des ports
de Cize, voies traditionnelles trans-pyrénéennes dès l’époque
protohistorique. Elle fut donc très tôt dans l’histoire traversée
par l’itinéraire majeur de franchissement des Pyrénées
occidentales, passant par le col de Roncevaux. L’histoire et la
tradition nous apprennent qu’il fut ainsi successivement emprunté,
dans l’antiquité et le haut Moyen-Âge par la voie romaine de
Bordeaux à Astorga, puis au Moyen-Âge par la route du pèlerinage
de Saint-Jacques-de-Compostelle et enfin, à l’époque moderne, par
le Grand chemin d’Espagne. Il est donc intéressant de
préciser le tracé et l’importance de ces itinéraires à travers
les époques dans leur traversée de Saint-Jean-Pied-de-Port et du
Pays de Cize.
Les
fouilles récentes de J.-L. Tobie25
ont établi que c’est à Saint-Jean-le-Vieux qu’il fallait placer
l’Imus
Pyrenaeus,
le « Bas des Pyrénées », de l’itinéraire d’Antonin,
qui fut dès le 1er
siècle, une des principales stations de la voie romaine reliant
Bordeaux à Astorga. D’Imus
Pyrenaeus,
la voie romaine menait à Summus
Pyrenaeus,
le « Haut des Pyrénées », l’un des ports de Cize, que
l’on situe au col de Bentarte. Après avoir été empruntée par
les légions, cette voie romaine fut très certainement utilisée par
l’armée de Charlemagne lors de son retour d’Espagne. La chanson
de Roland, écrite quelques siècles plus tard, le manuscrit de la
Bodleian library d’Oxford ayant, selon les spécialistes, été
rédigé entre 1100 et 1125, cite par deux fois « les
grands ports de Cize »,
en son chant LX, le songe prémonitoire de Charlemagne, et en son
chant CCX, la prière du roi Charles devant le corps de Roland.
Le
Guide
du Pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle26
d’Aymery Picaud, dont la rédaction connue la plus ancienne date de
1139 sous le nom de Codex
Calixtinus,
cite les ports de Cize ainsi que Saint-Jean et
Saint-Michel-Pied-de-Port. Dans ce Codex
de Saint Jacques de Compostelle,
qui forme le cinquième livre du Liber
Sancti Jacobi,
ouvrage dédié à la gloire de l’apôtre saint Jacques le Majeur
dont le plus ancien exemplaire connu se trouve aujourd’hui dans les
archives du chapitre de la cathédrale à
Saint-Jacques-de-Compostelle, on peut lire :
Dans
ce pays, il y a de mauvais péagers, à savoir auprès des ports de
Cize, dans ce bourg appelé Ostabat, à Saint-Jean et
Saint-Michel-Pied-de-Port [...]. Dans le Pays basque, la route de
Saint-Jacques franchit un mont remarquable appelé Port de Cize ... .
Ce mont est si haut qu’il paraît toucher le ciel » [...].
« Près de ce mont, vers le Nord, est une vallée appelée le
Val Carlos, dans laquelle se réfugia Charlemagne ... C’est par là
que passent beaucoup de pèlerins allant à Saint-Jacques, quand ils
ne veulent pas gravir la montagne. [...].se réunissant à Ostabat et
après avoir franchi le col de Cize, elles rejoignent à Puente la
Reine celle qui traverse le Somport.
Le
choix du site de la citadelle tendrait à confirmer l’hypothèse
selon laquelle la voie romaine, puis la route du haut Moyen-Âge
passait par Saint-Michel-Pied-de-Port et non par Saint-Jean, qui dans
le texte cité ci-dessus, daté de 1139, n’est pas appelé
‘Pied-de-Port’. Les routes se sont d’abord articulées autour
des gués, puis plus tard autour des ponts. Avant que les rivières
ne soient canalisées par la main de l’homme, les uns et les autres
étaient peu nombreux. Les gués nécessitaient des zones où le
cours de la rivière était lent et peu profond, mais surtout où les
approches, les rives et le lit étaient stables, durs et non
marécageux. Quant aux ponts, ils ne pouvaient être établis qu’en
des points où la rivière était étroite et où les rives hautes et
rocheuses constituaient des piles naturelles, entre lesquelles il
était possible d’établir un tablier initialement en bois, puis en
maçonnerie en forme d’arche en plein cintre. Comme nous le
verrons, le château fort médiéval navarrais s’élevait à
l’emplacement aujourd’hui occupé par la citadelle sur le mont
Mendiguren. Or, si cette route avait alors eu le tracé actuel de la
route de Roncevaux, qui conduit de Saint-Jean-le-Vieux à Orisson en
traversant Saint-Jean-Pied-de-Port, il est hautement probable que le
choix royal se serait porté sur le mont de Curutchamendy, et non sur
celui de Mendiguren. L’étude de la carte, rapportée à l’armement
de l’époque, permet d’avancer l’hypothèse selon laquelle à
l’époque de la construction du château fort royal de
Saint-Jean-Pied-de-Port, au XIIe siècle au plus tard, la route
d’Espagne à partir d’Imus
Pyrenaeus
gagnait directement le village de Saint-Michel-Pied-de-Port où se
trouvait un gué dont le dallage a été repéré. Elle franchissait,
à hauteur de l’actuel village de Zaro, la ligne de crête à
l’extrémité Nord-nord-ouest de laquelle était érigé le château
fort chargé d’en assurer la sécurité. Le village de
Saint-Michel, où commençait le chemin en forte pente menant aux
ports de Cize s’appelait alors tout naturellement
Saint-Michel-Pied-de-Port. Cet itinéraire direct d’Imus
à Summus
Pyrenaeus
par le territoire de la commune de Zaro et le village de
Saint-Michel-Pied-de-Port semble donc bien antérieur à celui
passant par Saint-Jean. C’est postérieurement à la construction
du château que l’itinéraire modifié passa par Saint-Jean, où il
franchit ensuite la Nive avant d’aborder un nouvel itinéraire en
pente moins forte que le précédent en direction des mêmes ports de
Cize. Saint-Jean devint alors Saint-Jean-Pied-de-Port. Cette
hypothèse tendrait à confirmer celle formulée par M. B.
Duhourcau27.
Pour
atteindre Saint-Jean-le-Vieux, le chemin médiéval en provenance de
Bayonne, héritier de la voie romaine, passait par les landes
d’Hasparren, les hôpitaux d’Irissary et d’Aphat-Ospital.
Autrefois la route vers l’Espagne par la côte était redoutée à
cause des larges estuaires fangeux de l’Adour, de la Nivelle et de
la Bidassoa, qu’il fallait traverser en bac. Pour éviter ces
passages coûteux, dangereux et insalubres, la route intérieure
était alors préférée. Le chemin venant de Pau et Navarrenx par
Saint-Palais arrivait en Pays de Cize par Ostabat, où trois chemins
de Compostelle se rejoignaient, et par la trouée de Gamarthe. Le
point le plus élevé franchi par la chaussée moyenâgeuse,
héritière de la voie romaine, en passant de la vallée de la
Bidouze à celle de la Nive, est marqué par la croix de Galcetaburu.
Au-delà de Saint-Jean-Pied-de-Port en direction de Pampelune, le
grand chemin passait en crête sur la ligne de séparation des eaux
entre les Nives de Béhérobie et d’Arnéguy, à flanc des
montagnes d’Orisson (1064 m) et d’Hostatéguy (1142 m). Deux
haltes en jalonnaient le tracé, la première celle de
Sainte-Madeleine-la-Recluse (aujourd’hui la maison Erreculus), la
seconde celle de la chapelle et du cabaret de Sainte-Madeleine
d’Orisson en contrebas du pic éponyme. Le grand chemin
franchissait la chaîne des Pyrénées par le col de Bentarte au pied
du pic de Leizar-Atheka (1409 m), puis rejoignait l’abbaye de
Roncevaux par le col de Lepoeder entre le Mendi Chipi (1506 m) et
l’Orzanzurieta (1570 m).
Le
tracé des voies ancestrales répondait à des normes de construction
et de sécurité, qui nous sont devenues étrangères. Il évitait
les cours inférieurs des rivières où le niveau des eaux rendait
les gués dangereux et où l’on rencontrait des zones marécageuses
insalubres. Il s’écartait des vallées encaissées, sujettes au
ravinement et aux crues, où la création de chemins carrossables
aurait supposé d’importants terrassements. Il contournait les
zones de dense végétation ou de forêts propices au vandalisme. Les
chemins de crête en région vallonnée et terrain découvert étaient
donc privilégiés.
Les
rapports et les cartes établis tant au XVIIe qu’au XVIIIe siècle
confirment qu’à cette époque, la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port
constituait un important carrefour d’itinéraires, à égale
distance des villes frontalières majeures de France et d’Espagne.
Située à quatre lieues de l’abbaye de Roncevaux qui est sur le
grand chemin des voitures, elle est à huit lieues de Bayonne et
autant de Navarrenx, dix lieues d’Oloron, treize de Pau, dix de
Pampelune, autant de la redoute d’Hendaye ou de celle de
Fontarabie, quinze de Jaca, cinq de Saint-Palais et aussi cinq de
Mauléon au pays de Soule, « toutes
grandes lieues du pays de 5/4 d’heure de chemin au pas ordinaire du
cheval »28.
Pampelune est alors à deux jours de marche de
Saint-Jean-Pied-de-Port.
Ces
documents confirment que Saint-Jean-Pied-de-Port était, au XVIIe
siècle, traversé par la route principale reliant la France à
l’Espagne. Ils en précisent le tracé en vallée de Cize ainsi que
les dénominations de l’époque. Du Nord, plus précisément
d’Aquitaine et du Béarn, y arrivait le Grand
chemin de Bayonne et Navarrenx.
Le Chemin
de Bayonne
empruntait l’itinéraire par Saint-Pierre d’Irube et Irissary
dénommé sur les cartes actuelles Route
impériale des cimes
ou Route
Napoléon.
La jonction de ces deux chemins s’effectuait à Lacarre, mais une
autre branche du Chemin
de Bayonne
passant par le village de Jaxu, rejoignait le Chemin
de Navarreinx
sous les murs du château Laréa
à Ispoure. De Saint-Jean-Pied-de-Port, repartait vers le Sud le
Grand
chemin d’Espagne par Orisson et Roncevaux.
Au-delà de Roncevaux, il prenait le nom de Grand
chemin de Roncevaux à Pampelune
Tous les mémoires précisent qu’il était alors le seul itinéraire
permettant aux voitures, aux charrois et à l’artillerie de
rejoindre Pampelune, ce que confirme encore le mémoire de 1773 qui
le qualifie de « seul
débouché de l’ennemi pour de l’artillerie ».
Dans son mémoire29
daté de 1718, Roussel précise en parlant de Roncevaux :
Il
n’y a pas de port plus facile et plus fréquenté que celui-ci dans
les Pyrénées. C’est la route la plus ordinaire de Paris à Madrid
ainsi que de plusieurs provinces des deux royaumes en ce que les
chaises et même les carrosses y passent sans être démontés,
lorsque les neiges en sont fondues. En l’année 1708, le sieur
CLAUDON commissaire d’artillerie y fit passer pour l’armée de
S.A.R. trente pièces de canon de 24 et de 16. Ainsi en temps de
guerre, l’ennemi pourrait avoir le même avantage s’il nous était
supérieur. Le chemin ordinaire pour aller de Saint-Jean-Pied-de-Port
à Roncevaux est de quatre à cinq heures et d’environ une heure de
plus pour le Val Carlos.
Chemin
propre à l’artillerie et aux voitures, que l’on parviendrait à
rendre très beau avec fort peu de réparations. Deux voitures
peuvent y passer de front et il y a plus d’un emplacement où l’on
pourrait faire parquer un convoi de retour qui rencontrerait un
convoi chargé. Dans tout ce chemin, on ne trouve d’habitation qu’à
Orisson qui n’est qu’un méchant et pauvre cabaret. Le château
Pignon n’existe plus. La maison de la conférance n’est que
l’emplacement où elle avait été bâtie lors du passage de
Madame31.
Sa sûreté exigerait un retranchement ou un ouvrage au delà de
Château pignon sur la partie la plus haute.
La
carte établie par l’ingénieur Touros, conservée à la
bibliothèque de l’Arsenal32
complète, à la même date de 1753, cette description du grand
chemin d’Espagne par Roncevaux. Cette carte indique une chapelle à
Orisson en plus du cabaret du même nom servant de halte pour les
voyageurs, un bâtiment dénommé « La
Conférance »,
au-delà de Château Pignon juste avant le col de Bentarte et au-delà
de celui-ci, sur le versant espagnol un ouvrage fortifié, en forme
de château fort, portant le nom d’Altobiscar33
sur les pentes du mont Mendi Chipi (1506 m), en face du mont
Orzanzurieta (1570 m).
Ces
documents indiquent qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles,
Saint-Jean-Pied-de-Port contrôlait également les débouchés d’un
itinéraire secondaire reliant la France à l’Espagne, le chemin de
Roncevaux par le Val
Carlos,
chemin praticable uniquement à cheval ou à pied. Après avoir
franchi par un gué la Nive de Béhérobie en contrebas de l’église
Sainte-Eulalie, dans le quartier d’Ugange, ce chemin remontait vers
Roncevaux en suivant le cours de la Nive d’Arnéguy. Salmon indique
dans son mémoire de 171834 :
« Il
y a deux chemins qui vont à Pampelune : on passe toutes sortes
de voitures et d’artillerie par celui de Roncevaux et, à l’égard
de l’autre par le Val Carlos, il n’est que pour passer à cheval
et à pied et non pour des voitures mais ces chemins sont quelquefois
impraticables en hiver lorsque les ports ou passages son bouchés par
la grande quantité de neige qui y tombe ».
L’ingénieur Canut ajoute dans son mémoire de 175335 :
« L’autre
chemin existant qui passe par le moulin de Lasse, Arnéguy et la
Bente de Gorotgaray n’est praticable que par les mulets et les
chevaux, mais il serait profitable d’en faire un chemin pour les
voitures à roues ».
En effet, un mémoire sur les communications établi vers 177336
précise que cet itinéraire est carrossable jusqu’à Arnéguy :
« La
route par le Val Carlos n’est praticable que par les gens à pied
et les chevaux qui peuvent y passer en tous temps, n’étant pas
fermée par les neiges dans aucune saison. Le chemin peut se couper
facilement dans plusieurs endroits. On peut aller en voiture
seulement jusqu’à Arnéguy ».
La carte de Touros de 1753 indique cet itinéraire secondaire passant
par les villages de Lasse et Arnéguy, le Val
Carlos,
le village de Luzaide et le cabaret de Gorotgaray, ou Gorosgaray,
(Venta
Gorotgaray
des cartes actuelles). Elle mentionne un autre itinéraire secondaire
de même importance que celui du Val Carlos : il s’agit d’un
chemin permettant de relier Baïgorry à Roncevaux en remontant du
village de Banca dans la vallée de la Nive des Aldudes jusqu’au
pied du mont Sorhogain et en franchissant la chaîne pyrénéenne par
le col de Lindus, chemin également praticable uniquement à pied ou
à cheval. L’ingénieur Canut rédige, la même année un mémoire
relatif à ce chemin d’Espagne par Baïgorry, « pour
servir à l’itinéraire de Monseigneur le Marquis de Paulmy, alors
secrétaire d’Etat à la guerre »37.
Les
études géographiques de Roussel et de Touros répertorient et
décrivent tous les itinéraires, y inclus ceux d’accès plus
difficile dont ils précisent qu’ils ne sont praticables qu’à
pied ou à mulet : « Tous
ces chemins jusqu’aux véritables frontières d’Espagne ne sont
praticables que pour les mulets »38,
qui font communiquer la Basse et la Haute Navarre. Les distances de
Saint-Jean-Pied-de-Port à Roncevaux varient selon l’itinéraire de
quatre à cinq lieues et demie. Pour Roussel, « Les
ports ou passages qui communiquent de la Basse Navarre à la Haute,
sont au nombre de quatorze »
et il en donne les noms et décrit chacun d’eux en détail en en
précisant le degré de viabilité ainsi que les distances et les
durées de voyage. D’autres documents du XVIIIe siècle ne citent
que de huit à dix itinéraires permettant de relier les vallées de
Cize et Baïgorry à la Haute Navarre.
Les
rapports des ingénieurs militaires du XIXe siècle confirment les
données de leurs prédécesseurs, en se fondant sur l’expérience
militaire acquise au cours des guerres franco-espagnoles de la
Révolution et de l’Empire. La cité de Saint-Jean-Pied-de-Port
permettait bien de contrôler le Grand
chemin d’Espagne par Roncevaux,
seul praticable par les convois et l’artillerie39.
Ce chemin suivant la ligne de crêtes par le col de Bentarte,
amélioré par Napoléon, resta la route principale de Bayonne à
Pampelune jusqu’en 1881. Il était déjà devenu peu praticable en
1890. La cité permettait également d’assurer un certain contrôle
des nombreux sentiers, piétonniers et muletiers, également
praticables en temps de guerre par l’infanterie, qui conduisaient
d’Espagne en France par les cols, ou ports,
de Cize, dont ils citent également le nombre de quatorze. Ils
ajoutent des considérations tactiques en considérant trois zones de
franchissement de la chaîne des Pyrénées, comprenant chacune
plusieurs cols, respectivement à Iraty, à Bentarte et à Ispéguy,
qui permettaient de descendre vers Saint-Jean-Pied-de-Port,
respectivement par les vallées du Laurhibar, de St-Michel et de
Baïgorry.
Les
cartes des XVIIe et XVIIIe siècles précisent les tracés de ces
itinéraires dans Saint-Jean-Pied-de-Port. Le « Grand
chemin de Bayonne et Navarreinx »
regroupait les chemins, « praticables
en tout temps et à toutes sortes de voitures et d’artillerie »,
arrivant respectivement de ces deux villes. Il franchissait le
Laurhibar par un pont, déjà en pierre au XVIIe siècle, à deux
arches, nommé « pont
de Saint-Laurent »
précise Salmon, situé à deux cents mètres environ en amont de
l’actuel pont Saint-Laurent d’Ispoure. Il poursuivait en ligne
droite vers Saint-Jean-Pied-de-Port par un chemin suivant le tracé
de la rue Sainte-Eulalie et de l’avenue Renaud actuelles. Il
entrait dans la ville haute par la « porte
de Bayonne »,
porte de France aujourd’hui. Il traversait la cité par les rues
actuellement de France et de la citadelle, franchissait la Nive au
pont Notre Dame et empruntait la rue d’Espagne actuelle pour
quitter la ville par la « porte
d’Espagne ».
Prenant alors le nom de « Grand
chemin d’Espagne par Orisson et Roncevaux »,
il continuait en direction du col de Bentarte (Roncevaux), par la
route des crêtes que nous appelons aujourd’hui « Route
Napoléon » ou « Route de ‘l’artillerie ».
Améliorée par le génie de l’armée impériale, il resta la route
principale de Bayonne à Pampelune jusqu’en 1881, puis devint
rapidement peu praticable, ce qu’elle était devenue dès 1890. Un
autre itinéraire, de moindre importance, permettait de parvenir à
l’actuelle Porte Saint-Jacques depuis Saint-Jean-le-Vieux par La
Madeleine, après avoir franchi le Laurhibar par un pont situé
environ quatre cents mètres en aval du pont actuel de La Madeleine.
Au XVIIe siècle, le pont Notre Dame semble de construction récente
car le plan de l’atlas de 167640
indique encore, pour quitter la cité, un chemin partant de la rue de
la citadelle à mi-pente et passant derrière le chevet de l’église
Notre Dame pour rejoindre le pont « romain »
d’Eyheraberry en suivant le cours de la Nive. Après avoir franchi
ce pont, le chemin poursuivait directement vers l’Espagne par
Orisson en rejoignant l’itinéraire précédemment décrit, que
nous appelons ‘route Napoléon’. Dans les dernières années du
XVIIIe siècle un projet, qui ne connut pas de suite, vit le jour du
côté espagnol : la traduction d’un « Conseil
d’Espagne »41
nous apprend qu’il envisageait le remplacement du chemin passant
par Roncevaux, par un chemin à construire par le col de Velate et la
vallée du Baztan.
Au
XIXe siècle, le Grand chemin de Bayonne et Navarreinx, fut
dénommé « Route impériale n°133 » de 1804 à
1815 puis, à nouveau, à partir de 1851, et, entre-temps, « Route
royale n°133 ». Durant la première moitié du XIXe
siècle, bien que dégradée, cette route de Pampelune à Bayonne par
Orisson et Château Pignon, restait en usage et continuait à être
réputée praticable par l’artillerie et les voitures. Ce ne fut
qu’à partir de 1840, que la route historique par Roncevaux fut
progressivement supplantée par la grande route côtière Bayonne -
Saint-Jean-de-Luz - Irun, alors de construction récente. Elle devint
alors la route principale entre la France et l’Espagne. A la même
époque, une route nouvelle reliant Bayonne et
Saint-Jean-Pied-de-Port fut percée le long du cours de la Nive. Elle
supplanta en importance la route historique passant par Hasparren et
Irissary. Dès 1841, puis à nouveau en 1848, il est fait mention
d’un projet espagnol de nouvelle route depuis Pampelune à travers
les Pyrénées par Arnéguy. En 1860, ce projet se concrétisait
puisque le « Grand chemin d’Espagne » était
devenue la « vieille route de Pampelune par Roncevaux »
et une nouvelle route, appelée alors « Route impériale de
Bordeaux en Espagne », qui passait par Arnéguy et le Val
Carlos, apparaît sur les cartes. Quittant Saint-Jean-Pied-de-Port
par la porte d’Espagne, cette route continuait en ligne droite
pendant une centaine de mètres sur l’itinéraire ancien, puis
empruntait l’actuel chemin de Mayorga pour rejoindre le tracé de
la route d’Arnéguy actuelle à la sortie du village d’Uhart-Cize.
Cette route de Pampelune par Arnéguy, Luzaide, le val Carlos et de
col d’Ibaneta entrée en service en 1881, était qualifiée de très
large route en 1890. Cependant son rôle resta secondaire par rapport
à la route côtière qui était devenu l’itinéraire
transfrontalier majeur. Finalement, un pont neuf fut construit sur la
Nive à Saint-Jean-Pied-de-Port en 1905, qui permettait à la route
d’Espagne d’éviter les rues étroites de la vieille cité.
Ainsi,
dès l’antiquité, tout au long du Moyen-Âge puis des Temps
modernes et jusqu’au milieu du XIXe siècle, la cité de
Saint-Jean-Pied-de-Port fut le point de convergence des routes venant
d’Aquitaine et du Béarn vers l’Espagne. En partait l’itinéraire
principal de franchissement des Pyrénées occidentales, itinéraire
qui empruntait le col de Roncevaux et qui était praticable par les
voitures et carrosses ainsi que par l’artillerie. En partait
également un faisceau d’une douzaine d’itinéraires secondaires,
piétonniers et muletiers donc utilisables en temps de guerre par
l’infanterie, qui remontaient les vallées et franchissaient les
monts pyrénéens par les nombreux cols, ou ports de Cize.
Saint-Jean-Pied-de-Port fut dès l’origine des temps un point-clef,
une position stratégique sur une voie de communication majeure de
l’Europe. Mais, les sciences et les techniques en rapide évolution
à l’Epoque contemporaine ayant rendu possible la construction
d’une route côtière plus rapide joignant Bordeaux à Madrid par
Bayonne et Irun, la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port perdit en fin de
XIXe siècle son rôle commercial en même temps que son importance
militaire et stratégique.
13- La PLACE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT et l’HISTOIRE de NAVARRE
De
la position géographique de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port au
pied des ports de Cize, nommément du col de Roncevaux, découlent sa
valeur stratégique et sa vocation militaire. Sa situation au
débouché de cet itinéraire majeur et au point de convergence de
ces nombreux itinéraires secondaires, lui confère la capacité de
contrôler, éventuellement d’interdire les franchissements de la
chaîne pyrénéenne. Elle explique le rôle que tint la cité dans
l’histoire du royaume de Navarre, puis du royaume de France. Elle
justifie que les rois de Navarre y aient construit à l’époque
médiévale un château fort. Les rapports établis par les
ingénieurs ne manquent pas de rappeler les événements historiques
qui confirment son importance militaire et stratégique et, donc,
démontrent le bien-fondé des travaux de construction et de
rénovation qu’ils préconisent. Lors de l’établissement de son
mémoire par Vauban en décembre 1685, du château fort de
Saint-Jean-Pied-de-Port ne subsiste plus que le donjon, dont il dit
seulement qu’il est « assez logeable ». Se pose
alors la question de l’histoire de ce château fort, de sa
naissance jusqu’à cette date de 1685.
Pour
Vauban, les murailles sont « dit-on
bâties dès le règne et par les ordres de Charlemagne ».
Pour Salmon, « Garcia
Ximenes, premier Roy de Navarre, qui fut élu Roy par les peuples
après en avoir chassé les Mores, la rétablit en l’année 716
dans l’endroit où elle est aujourd’hui ainsi qu’il se voit
dans l’histoire de Navarre écrite par Chapuy ».
Les ingénieurs militaires du XIXe siècle reprennent ces thèses.
Les publications d’histoire régionale42
permettent aujourd’hui de mieux connaître l’histoire de ce vieux
royaume pyrénéen et d’ainsi mieux apprécier le rôle qu’y joua
Saint-Jean-Pied-de-Port ainsi que les conditions de construction de
son château fort au Moyen-Âge, puis de sa citadelle aux Temps
modernes.
Les
Maisons navarraises
Fondé
au IXe siècle par la première « Maison de Navarre », le
royaume de Pampelune entra véritablement dans l’histoire au Xe
siècle avec la fondation par Sanche I Garcia (905-925), de la
seconde « Maison de Navarre » qui régna jusqu’en 1234.
A partir de l’an Mille, le royaume s’étendit au nord des
Pyrénées avec Sanche III le Grand (1000-1035), dont l’une des
gloires est d’avoir favorisé la pénétration de la réforme
clunisienne dans ses États et les débuts des pèlerinages à
Saint-Jacques de Compostelle. Sous son règne, en 1032, la Navarre
s’agrandit par héritage des pays de Cize et de Baïgorry. Cette
province ainsi navarraise devint la sentinelle avancée du royaume
sur le versant Nord de la chaîne des Pyrénées, qui lui permettait
notamment d’assurer la sécurité des itinéraires de pèlerinage.
Au Moyen-Âge, les rois de Navarre désignaient cette région par
l’expression tierra,
ou mieux tierras,
de
ultra-puertos
ou encore l’Ultra-Puertos.
Cette province d’outre-ports, ou d’au-delà des cols, constitua
la châtellenie de Saint-Jean-Pied-de-Port, siège du
capitaine–châtelain, « Châtelain
de Saint-Jean-Pied-de-Port, garde de la terre d’outre-ports ».
Ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que fut employée
l’expression de sexta
merindad,
terme impropre car si la Navarre se composait, au sud des Pyrénées
de cinq merindades43,
la province d’outre-ports ne fut jamais une merindad.
Les
successeurs immédiats de Sanche III le Grand s’impliquèrent dans
les luttes pour la suprématie entre les royaumes ibériques, la
lutte contre les musulmans, la Reconquista, mais aussi dans
des conflits avec le duché d’Aquitaine pour la possession du port
de Bayonne. Cet antagonisme s’accrut quand l’Aquitaine devint
anglaise à la suite du mariage, à Bordeaux en 1152, d’Aliénor
d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt, comte d’Anjou et du Maine,
duc de Normandie, héritier par sa mère du trône d’Angleterre,
sur lequel il monta en 1154 sous le nom de Henri II. Ce mariage
provoqua un long conflit entre le roi de France et le roi
d’Angleterre, que les historiens appellent parfois « la
première guerre de Cent ans » qui ne prit fin qu’en 1214
au lendemain de l’échec du débarquement de Jean sans terre à La
Rochelle et de la victoire de Philippe Auguste à Bouvines.
Le
roi de Navarre, Sanche VI le Sage (1150-1194) se trouva impliqué
dans ce conflit au cours duquel il perdit Bayonne et le Labourd. En
janvier 1177, une révolte de nobles gascons et navarrais contre les
Anglais, et peut-être, les exactions auxquelles ils soumettaient les
pèlerins de Compostelle, conduisirent le comte de Poitiers et duc
d’Aquitaine, le futur Richard Coeur de Lion, fils aîné d’Aliénor
d’Aquitaine et de Henri II Plantagenêt, à mener sur les confins
pyrénéens une expédition punitive. Entrant en campagne après
avoir célébré les fêtes de Noël 1176 à Bordeaux, il s’empara
de Dax et Bayonne. Il termina cette action en attaquant le château
de ‘San
Per’,
Saint-Pierre, établi sur la motte féodale de Saint-Jean-le-Vieux,
qu’il rasa et brûla. Il pacifia ainsi la route du pèlerinage,
imposa la paix aux nobles navarrais révoltés et résolut la
question des relations entre le duché d’Aquitaine et le royaume de
Navarre en en délimitant la frontière. Enfin, se liant d’amitié
avec Sanche VI de Navarre, il négocia son mariage avec sa fille
Bérangère de Navarre44,
la propre soeur du futur Sanche VII le Fort, qu’il épousa à
Limassol, capitale de l’île de Chypre, le 12 mai 1191, sur la
route de la troisième croisade qu’il conduisait avec Frédéric
Barberousse et Philippe Auguste, à la suite de la prise de Jérusalem
par Salah-ed-Din
(Saladin) en 1189. Cependant dans la péninsule ibérique, une autre
croisade se poursuivait, la Reconquista.
Sanche VII le Fort (1194-1234), fut l’un des artisans de la
victoire de Las
Navas de Tolosa
remportée sur les troupes maures Almohades le 16 juillet 1212 par
les rois de Castille, d’Aragon et de Navarre, qui constitua une
étape décisive de la reconquête. Sanche VII le Fort qui avait
épousé Clémence, fille du comte de Toulouse Raymond VI, mourut
sans héritier en 1234. Sanche VII le Fort, dont le gisant se trouve
à l’abbaye de Roncevaux, fut ainsi le dernier roi de la dynastie
navarraise.
C’est
à cette époque qu’apparaît en royaume de Navarre la première
mention d’un château fort, château royal et non féodal, à
Saint-Jean-Pied-de-Port. Elle remonte selon les auteurs à 1189 ou à
1194. En 1189, un certain Martinus Chipia (Martin le Petit)
tenait la terre de Cize de Sanche VI le Sage, sans que ses fonctions
soient précisément connues. Un acte daté de 1194, signé de Sanche
VII le Fort (1194-1234), constitue la première mention de
l’installation de son capitaine-châtelain. Le constructeur en
serait alors Sanche VI le Sage (1150-1194), sous le règne duquel les
territoires de Ultra-Puertos prêtèrent définitivement hommage à
la couronne de Navarre. C’est par ailleurs en 1191, par son mariage
avec Bérangère de Navarre que Richard III Cœur de Lion, roi
d’Angleterre avait abandonné définitivement les pays de Cize et
d’Irissary à la Navarre.
Il
est couramment admis que la destruction du château de San Per
provoqua la décision de Sanche VI le Sage d’ériger sur le mont
‘Mendiguren’, un nouveau château chargé de défendre la
frontière nouvellement définie de son royaume. Mais l’hypothèse
de l’existence d’une forteresse royale antérieure, que Sanche
III le Grand (1004-1035) aurait établie dès son acquisition des
Pays de Cize et Baïgorry, n’en est pas pour autant à exclure. En
toutes hypothèses, il reste avéré qu’à la fin du XIIe siècle,
Saint-Jean-Pied-de-Port, capitale de la châtellenie d’Outre-Ports
du royaume de Navarre, concentrait les pouvoirs militaires et civils
avec sa forteresse royale régulièrement entretenue, le sceau royal,
les moulins royaux, les officiers royaux et sa garnison.
Les
Maisons françaises
A
partir du XIIIe siècle, le royaume de Navarre fut gouverné par des
rois appartenant à des familles françaises, apparentées à la
couronne de France. En effet, la mort sans héritier en 1234 de
Sanche VII le Fort entraîna un changement de dynastie. Le trône
échut à son neveu, Thibaud IV, comte de Champagne, fils de sa sœur,
Blanche de Navarre. Il prit la couronne de Navarre sous le nom de
Thibaud I (1234-1253) et fonda ainsi la dynastie champenoise. Après
avoir participé à une croisade avec le roi de France, il se
consacra à son royaume dont il eut à défendre et à renforcer la
frontière Nord contre les tentatives d’empiétement anglais. Ses
successeurs poursuivirent sa politique. En 1276, au début du règne
de Jeanne I de Navarre (1274-1305), le roi de France, Philippe III le
Hardi (1270-1285), mena une « courte guerre de Navarre ».
Le roi de Navarre Henri I le Gros (1270-1274), également comte de
Champagne étant mort le 22 juillet 1274 à Pampelune, lui avait
succédé sa fille Jeanne de Navarre, née en 1273. La régence était
assurée par la veuve du roi, Blanche d’Artois, nièce de Saint
Louis. Redoutant la turbulence des barons navarrais ainsi que
l’avidité des royaumes de Castille et d’Aragon, elle se réfugia
en France avec sa fille. Le futur Philippe le Bel fut fiancé à
l’héritière de Navarre. Blanche d’Artois céda la régence de
Navarre à Philippe III. Le Sénéchal de Toulouse, Eustache de
Beaumarchais, venu en Navarre recueillir l’hommage des barons, dut
faire face à une révolte et s’enfermer dans la citadelle de
Pampelune. Philippe le Hardi envoya Robert d’Artois avec une forte
armée. En 1276, il écrasa la révolte et la Maison de France
s’installa en Navarre.
La
dernière descendante de la dynastie champenoise, Jeanne I reine de
Navarre, en épousant en 1284 le futur roi de France, Philippe le
Bel, provoqua l’union de la Navarre à la France sous les règnes
successifs de leurs trois fils, de 1314 à 1328 : Louis X le
Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel. A la mort de ce
dernier, la Navarre recouvra son indépendance. Sa nièce Jeanne,
fille de Louis X de Hutin et petite fille de Jeanne I et de Philippe
le Bel, hérita en 1328 de la couronne de Navarre, sous le nom de
Jeanne II. Quant à la couronne de France elle échut alors à
Philippe VI de Valois, préféré à Edouard III d’Angleterre, ce
qui provoqua le déclenchement de la « Guerre de Cent ans »
en 133745.
Le
mariage de la reine de Navarre, Jeanne II (1328-1349), avec le comte
Philippe d’Evreux entraîna l’accession au trône d’une
nouvelle dynastie, celle des Evreux-Navarre. A ce moment de reprise
de la guerre franco-anglaise, la frontière Nord du royaume de
Navarre, directement menacée, devait être défendue, donc
fortifiée. Cette menace sur la Navarre était d’autant plus forte
que les rois de Navarre étaient également impliqués dans cette
nouvelle guerre de Cent ans, en leur qualité de comtes d’Evreux et
pair de France, propriétaires du Cotentin, de Cherbourg et de
forteresses dans la vallée de la Seine. L’armée navarraise se
trouva ainsi engagée en Normandie dans les batailles de la guerre de
Cent ans, où les Navarrais s’acquirent une réputation de
combattants redoutables. Charles II (1349-1387), que les Français
surnommèrent « le Mauvais », qui avait succédé à
l’âge de dix-huit ans à sa mère Jeanne II et avait épousé en
1353 une fille du roi de France, Jean II le Bon (1350-1364), resta
durant les douze premières années de son règne éloigné de son
royaume où le suppléait son frère cadet Louis qui se révéla être
un excellent régent. Finalement l’armée navarraise subit une
cruelle défaite à Cocherel, près de Vernon, en 1364 face à
Duguesclin.
Charles
II, après s’être réconcilié avec le roi de France, Charles V
(1364-1380), se consacra à son royaume, que son appartenance à la
péninsule ibérique rendait partie prenante aux conflits proprement
hispaniques. Il se laissa entraîner dans les luttes entre les
royaumes de Castille et d’Aragon notamment la guerre de deux Pedro
en 1361-1363, Pierre I de Castille et Pierre IV d’Aragon. Puis il
s’impliqua dans la guerre civile en Castille en soutenant le roi de
Castille, Pierre le Cruel (1350-1369), contre Henri de Transtamare,
son frère bâtard, lui-même soutenu par Duguesclin. Ce fut au cours
de cette guerre que les « Grandes compagnies » de
Duguesclin passèrent par la Navarre pour se rendre en Espagne et que
Duguesclin, initialement battu et fait prisonnier en 1366 à Najera,
fut incarcéré au château vieux de Bayonne. Finalement, en 1369,
Henri de Transtamare s’empara définitivement du trône de Castille
sous le nom de Henri II (1369-1379). Malgré le mariage de son fils
Charles avec Léonor de Castille, fille de Henri II, Charles II dut
accepter en 1379 le traité de Briones qui fut une sévère
capitulation, mais établit la paix avec la Castille comme il l’avait
fait précédemment avec l’Aragon. Après avoir cultivé l’alliance
avec le Béarn dont le souverain, Gaston Febus de Foix-Béarn avait
épousé sa sœur, Charles II en devint l’adversaire en recueillant
en Navarre sa soeur répudiée ainsi que des nobles béarnais,
notamment Jean de Béarn, capitaine de Lourdes et sénéchal de
Bigorre, rebelles à leur souverain. Au cours de cette période
conflictuelle, la Navarre souffrit alors sièges et pillages du fait
des bandes armées des deux camps qui la traversèrent. Finalement,
malgré les aspects détestables de cette politique, mais grâce à
ses alliances diplomatiques et ses liens matrimoniaux, le royaume de
Navarre fut sous le règne de Charles II, durant la seconde moitié
du XIVe siècle, projeté sur la scène internationale. Son fils et
successeur, Charles III le Noble (1387-1425), qui eut comme son père,
un long règne de trente huit ans, s’appliqua à vivre en paix avec
les royaumes voisins, notamment avec la France. Il s’attacha à la
prospérité et à la sécurité de son royaume.
Ainsi,
au cours de la seconde moitié du XIVe siècle et du premier quart du
XVe siècle, sous les règnes successifs de Charles II (1349-1387) et
de Charles III (1387-1425), la Navarre dut faire face à des
impératifs de sécurité dans un contexte général de prospérité.
Dès 1360, une grande campagne de reconstruction fut conduite sous la
direction de l’infant Louis, frère de Charles II et régent du
royaume, qui s’employa à en renforcer les frontières et
poursuivit la politique de construction de bastides, La
Bastide-Clairence par exemple, initiée par Philippe le Hutin.
Charles II et plus encore, son fils, Charles III le Noble firent
rebâtir la plupart de leurs châteaux et de leurs fortifications46.
Soixante et onze châteaux en 1280, quatre-vingt-treize vers 1350
furent pris en charge par le trésor royal. Dix d’entre eux,
généralement placés en des lieux stratégiques comme
Saint-Jean-Pied-de-Port, Tudela, Monreal, Sanguesa ou Estella furent
spécialement fortifiés, sous la responsabilité d’officiers
royaux commis à cette responsabilité. Le plus grand soin fut
réservé à la construction de ces châteaux qui étaient également
des résidences royales. Ainsi, le roi de Navarre, Charles II
écrivait en 1367 dans la lettre affranchissant les habitants de
Saint-Jean-Pied-de-Port de plusieurs redevances que la cité était
« la
clef de son royaume »47.
La correspondance de Charles II, citée par A. Saint-Vanne48,
confirme combien cette place était conséquente aux yeux de ce
souverain. E. Goyhenetche49
cite d’importants travaux effectués au château de
Saint-Jean-Pied-de-Port en 1378. Dans le même temps, Charles II en
améliorait l’armement en faisant forger ses premiers canons par
Mahomet de Burgos ou par le Gascon Perrin de Bordeaux. On peut donc
raisonnablement penser qu’aux alentours de 1425, le château fort
et la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port, défendant la frontière Nord
du royaume, étaient en excellent état de défense.
Cependant,
en cette fin de Moyen-Âge déjà, des dissensions entre nobles
navarrais avaient nécessité l’intervention royale. Le 2 avril
1384, Charles II de Navarre convoqua les factieux, les familles de
Gramont, de Luxe et de Beaumont dans la chapelle Sainte-Marie
à Saint-Jean-Pied-de-Port. Une trêve fut établie et tous se
soumirent à la sentence royale rendue à Pampelune le 23 février
1385. Une chapelle propitiatoire, appelée chapelle de la Paix
sous l’invocation de Saint-Antoine fut construite sur la crête
dominant le col d’Osquich pour célébrer cet événement.
Les
conflits dynastiques et la guerre civile navarraise
La
Navarre fut heureusement épargnée par les derniers combats de la
guerre franco-anglaise dite de « Cent ans ». Elle ne fut
pas concernée par la contre-offensive menée en 1449 dans les
provinces de Soule et de Labourd, au nom du roi de France Charles VII
(1422-1461), par Gaston IV de Foix-Béarn. Après la prise de Bayonne
en 145150
et celle de Bordeaux en 1453, puis la victoire décisive de Castillon
en 1453 sur les Anglais, la guerre de Cent ans prit fin en 145351.
Mais, dès la mort de Charles III en 1425, le royaume de Navarre
avait sombré dans les revendications dynastiques. Elles rallumèrent
les luttes intestines entre les grands féodaux du royaume et elles
dégénérèrent progressivement. Avant même la fin de la guerre de
Cent ans, dès 1451, au moment où la place de Bayonne tombait, la
guerre civile éclata en Navarre.
En
effet, depuis la mort de Charles III en 1425, une grande incertitude
planait sur l’avenir de la Navarre. Charles III ayant perdu ses
fils légitimes encore enfants, sa fille Blanche hérita de la
couronne navarraise. Or elle était mariée à Juan d’Aragon,
héritier de la couronne du royaume voisin d’Aragon, avec la clause
que les deux royaumes resteraient distincts et que leur premier fils
serait roi de Navarre. Or, en 1441, à la mort de Blanche, le prince
consort Juan d’Aragon s’empara de la couronne en lieu et place de
son fils l’infant Charles, prince de Viane et héritier légitime.
Juan conserva la couronne de Navarre lorsqu’il devint roi d’Aragon
en 1458. La guerre civile s’ajouta en 1451 à ce conflit
dynastique. Elle éclata entre, d’une part, les Beaumont, d’origine
française liés à la maison d’Evreux et alliés aux seigneurs de
Luxe, qui soutenaient l’héritier légitime, le prince de Viane
Charles, et, d’autre part, les Gramont d’origine gasconne, liés
aux vicomtes de Dax et alliés aux vicomtes de Béarn et à la
famille Navarra-Peralta, qui soutenaient Juan II d’Aragon. La paix
revint provisoirement après la mort de Charles de Viane en 1461, car
Juan II d’Aragon absorbé par les affaires de Catalogne et du
Roussillon, laissa gouverner en Navarre sa fille Eléonore, soeur
cadette de Charles, elle-même mariée à Gaston IV de Foix-Béarn,
le vainqueur des Anglais au cours des derniers combats de la guerre
de Cent ans en Soule et Labourd.
Durant
cette guerre civile, entre 1451 et 1461, le château fort de
Saint-Jean-Pied-de-Port changea plusieurs fois de mains. Louis de
Beaumont étant capitaine-châtelain de Saint-Jean-Pied-de-Port, la
cité fut initialement du parti du prince de Viane. Elle passa dans
le camp de Juan d’Aragon sous l’influence de François de
Gramont. Au début de la guerre, le baron Jean de Luxe s’empara du
château. Juan II d’Aragon fit travailler des Bretons en mai 1451 à
miner le château de Saint-Jean-Pied-de-Port dont le siège fut
confié à Gaston IV de Foix-Béarn, comte de Foix et vicomte
suzerain de Béarn, auquel le roi Juan envoya en renfort « quelques
couleuvrines, poudres à canon et autres artilleries ». Le
siège fut long et Juan n’entra dans la ville que le 2 janvier
1452. En mars 1455, les partisans du Prince de Viane commandé par
Louis de Beaumont s’emparèrent de Saint-Jean-Pied-de-Port. Le
prince de Viane en nomma Gracian de Luxe capitaine-châtelain, mais
la place fut à nouveau reprise par Gaston de Foix-Béarn et Gracian
de Gramont en fut nommé capitaine-châtelain. Au cours de ces
campagnes, l’armée de Gaston de Foix-Béarn était renforcée de
« menue et grosse artillerie ». Le récit de la
prise du château de Garris, près Saint-Palais, qui changea
également de mains à plusieurs reprises, narre l’emploi de deux
grosses serpentines ainsi que le tir de « force traits de
canons, de serpentines et de couleuvrines ». Finalement en
1461, suite aux négociations entre Charles, prince de Viane, et Juan
d’Aragon, son père, la place forte de Saint-Jean-Pied-de-Port fut
remise au roi Juan qui nomma Gracian de Gramont capitaine-châtelain.
Charles
de Viane se tourna vers Louis XI qui venait de succéder le 22
juillet 1461 à son père Charles VII sur le trône de France. Mais
il mourut le 23 septembre 1461. Juan II d’Aragon (1458-1479) décida
alors d’associer à la solution du problème navarrais Henri IV de
Castille (1454-1474) et Louis XI de France (1461-1483). L’histoire
a retenu l’entrevue du 12 avril 1462 entre Louis XI, Gaston IV de
Foix-Béarn et Juan II roi d’Aragon et de Navarre, entrevue dite du
pont d’Osserain, entre Béarn et Soule, chacun ainsi ne quittant
pas son pays. Juan conserva la couronne de Navarre jusqu’à sa mort
en 1479, à l’âge de 81 ans. Eléonore, alors veuve de Gaston de
Foix-Béarn, fut alors proclamée reine mais elle mourut la même
année. La couronne de Navarre échoua alors successivement à
François Febus52,
comte de Foix et vicomte de Béarn, petit-fils d’Eléonore, puis à
sa soeur Catherine de Foix-Béarn, mariée à Jean d’Albret. En
dépit de cette trêve, la guerre civile se prolongea jusqu’à
l’usurpation du royaume navarrais par les rois catholiques au début
du XVIe siècle
Vraisemblablement
construit dans le dernier quart du XIIe siècle par Sanche VI le
Sage, sans exclure l’hypothèse de son établissement par Sanche
III le Grand peu après l’an Mille, le château fort de
Saint-Jean-Pied-de-Port, sans doute alors récemment rénové, se
trouvait en parfait état en 1425 lors du décès de Charles III le
Noble. Mais la Navarre entra à partir de 1451, dans une guerre
dynastique et civile, qui coïncida avec les débuts de l’emploi de
l’artillerie sur les champs de bataille et lors des sièges.
Disposant de boulets métalliques depuis 1430 environ, elle était
capable d’infliger de graves dégâts aux murailles des châteaux.
Or durant cette guerre, le château de Saint-Jean-Pied-de-Port fit
l’objet de plusieurs sièges victorieux avec emploi de mines et
d’artillerie, « quelques
couleuvrines, poudres à canon et autres artillerie pour récupérer
le château »53.
A la fin du XVe siècle, il avait ainsi subi sans aucun doute des
dommages et des dégâts importants, compte tenu des armes employées
par les belligérants. Peut-être, avait-il aussi fait l’objet de
réparations d’urgence et de travaux de renforcement, selon les
normes de l’époque.
14- La PLACE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT et la PARTITION de la NAVARRE
Le
XVIe siècle fut une nouvelle période difficile pour le royaume de
Navarre en raison des visées expansionnistes et hégémoniques des
souverains espagnols. Déjà affaibli par ses propres divisions, il
connut l’invasion par les armées des souverains de Castille et
d’Aragon, qui l’amputèrent de sa partie sud-pyrénéenne. Le
mariage en 1469 de Ferdinand d’Aragon (1479-1516), le fils de Juan
II, avec Isabelle de Castille (1474-1504) avait uni les deux plus
puissants royaumes d’Espagne. Régnant en Castille depuis 1474, ils
avaient achevé la reconquête de la péninsule ibérique, avec la
prise de Grenade en 1492 et acquis le titre de « Rois
catholiques ». Ils laissèrent initialement régner en Navarre,
toujours intacte dans ses frontières, François-Febus (1479-1483),
puis Catherine de Foix-Béarn (1483-1494), et enfin son époux, Jean
III d’Albret (1494-1516). Mais, durant le règne de ce dernier, en
l’an 1512, Ferdinand II d’Aragon envahit la Navarre qu’il
annexa en 1515, parachevant ainsi la continuité géographique de son
royaume. Il marquait ainsi le terme fatal de la crise qui menaçait
la dynastie navarraise depuis le milieu du XVe siècle. Un siècle
plus tard, la partie nord-pyrénéenne de la Navarre, qui avait
finalement préservé son indépendance, fut rattachée au royaume de
France à la suite de l’accession du roi de Navarre au trône de
France.
Ferdinand
II, roi d’Aragon, qui assumait la royauté en Castille en lieu et
place de sa fille Jeanne la Folle depuis le décès en 1504 de son
épouse Isabelle I la Catholique54
voulut parachever l’unité espagnole. Il décida donc d’usurper
la Navarre que son père Juan II d’Aragon n’avait pas réussi à
conserver. Cette campagne militaire s’insérait dans le cadre
général des guerres dites d’Italie, initiées en 1494 par le roi
de France Charles VIII (1483-1498) et poursuivies par ses
successeurs, Louis XII (1498-1515) puis François I (1515-1547),
pendant 35 ans, qui opposaient notamment le roi d’Aragon,
propriétaire du royaume de Naples et de Sicile, au roi de France.
Ainsi, dès mars 1512, Ferdinand II, s’alliant avec Henri VIII
d’Angleterre, prépara une expédition conjointe contre Bayonne et
l’Aquitaine. En gage de la neutralité revendiquée par la Navarre,
il exigea que les trois places d’Estella, Maya et
Saint-Jean-Pied-de-Port lui soient livrées et que le passage par les
cols de Roncevaux et de Roncal soit autorisé à son armée pour
attaquer la France. Ferdinand II donna le commandement de son armée
à son cousin Frédéric Hernandez de Tolède, duc d’Albe, qu’il
nomma Lieutenant Général. Cette armée comprenait six mille
fantassins, mille chevaux bardés, quinze cents chevaux légers et
vingt pièces d’artillerie pour forcer les places de résistance.
Ainsi forte de dix mille espagnols, l’armée espagnole se massa à
Vitoria, tandis que neuf mille Anglais débarquaient en Guipuzcoa.
Alors, le roi de France, Louis XII guerroyait en Italie où, le 11
avril 1512, son armée, sous les ordres du jeune Gaston de Foix qui y
fut mortellement blessé, remportait la victoire de Ravenne sur la
Ligue et l’Espagne. En Juillet 1512, fondant son usurpation sur le
refus de Jean III d’Albret, roi de Navarre, d’obtempérer à ses
exigences, Ferdinand, fort de la complicité des Beaumontais, donna
au duc d’Albe l’ordre d’envahir la Navarre. Ce fut pour le
royaume de Navarre, le début d’une période de près de vingt ans
de destructions et de misères aggravées par la peste de 1518-1519.
L’armée castillane était organisée en trois corps, commandés
respectivement par le comte de Lérin et les capitaines Rainfray et
Villalva. Son artillerie était aux ordres de Don Diégo de Vera. A
l’issue d’une campagne éclair de conquête de la Navarre
sud-pyrénéenne, Pampelune tomba le 25 juillet. Jean III d’Albret
et Catherine de Foix se replièrent au château de Sauveterre, puis à
Orthez. Afin de parachever son œuvre en annexant la partie
nord-pyrénéenne de la Navarre, l’armée du duc d’Albe franchit
le col de Roncevaux et elle s’empara de Saint-Jean-Pied-de-Port en
août 1512. Elle poursuivit ensuite vers Monjelos, où Villalva
s’installa, le 10 septembre 1512, avec 3 000 hommes. Le duc d’Albe
arriva à Saint-Jean-Pied-de-Port en septembre. Tenant à conserver
la cité comme une porte ouverte, une « tête
de port »,
sur la France, il décida de la renforcer en y faisant exécuter des
travaux dont, dit-on, la construction d’un fort et de bastions, et
en y faisant venir de Roncevaux l’artillerie de don Diego de Vera.
Une bonne partie de la population sembla accepter le fait accompli de
l’annexion.
Les
rois de Navarre tentèrent de reconquérir leur royaume à quatre
reprises, successivement en 1512, 1516, 1521 et 1527. A peine chassé
de son royaume, Jean III d’Albret prépara sa première campagne de
reconquête et lança une première contre-offensive dès l’automne
1512. Une lettre de Louis XII, roi de France lui apprit le 24
septembre la venue d’une armée française de secours, aux ordres
du comte d’Angoulême, le dauphin de France, le futur François I.
L’aile gauche en était concentrée à Sauveterre, sous le
commandement de La Palice, le centre à Peyrehorade aux ordres de
Longueville et l’aile droite à Bayonne aux ordres de Lautrec.
L’armée castillane du duc d’Albe occupait Mongelos et
Saint-Jean-Pied-de-Port. Jean III d’Albret envoya un manifeste en
forme d’ultimatum à la noblesse, aux jurats des villes et à la
population du royaume. La contre-offensive navarraise fut menée à
partir du 24 septembre avec ces trois corps. Sous la pression, le duc
d’Albe se replia sur Pampelune où il s’enferma, en laissant une
garnison de mille hommes à Saint-Jean-Pied-de-Port. Le 3 novembre
Jean d’Albret mit le siège devant Pampelune avec 20.000 hommes et
50 canons, mais l’assaut mené le 27 novembre échoua. Devant la
menace représentée par une armée de secours castillane, il leva le
siège en se repliant sur Bayonne où il parvint le 6 décembre 1512.
Au cours de cette campagne, Saint-Jean-Pied-de-Port avec sa citadelle
dont la garnison comprenait 800 fantassins, 200 lances, les 21 canons
de Diego de Vera et 6 mois de vivres, resta espagnole. Après cet
échec, la conférence de Bayonne déboucha sur la signature par
Lautrec, gouverneur de Guyenne, représentant Louis XII, le 1er
avril 1513 au château d’Urtubie, d’une trêve d’un an,
laissant à Jean III d’Albret la Basse-Navarre moins la place forte
de Saint-Jean-Pied-de-Port, dont Diego de Vera était nommé
capitaine et gouverneur. Villalva renforça la garnison de
Saint-Jean-Pied-de-Port, dont Gonçalvo d’Avalos devint
capitaine-châtelain et gouverneur. Il la fit porter à 1200 soldats
de pied, ou fantassins, et 600 arquebusiers, mais il mit l’artillerie
à l’abri en la conduisant à Pampelune. Un ingénieur Pedro
Malpasa veilla sur les fortifications.
Le
23 mars 1513, les députés de Saint-Jean-Pied-de-Port jurèrent
fidélité au nouveau maître. A Ostabat, le 5 juin 1514, devant le
marquis de Comares, vice-roi et capitaine général du royaume de
Navarre, une dizaine de chevaliers bas-navarrais prêtèrent serment
à Ferdinand roi d’Aragon et de Navarre, moyennant conservation de
leurs privilèges. Parmi eux : Jean de Belzunce, Bertrand
d’Armendaritz, vicomte de Méharin, François seigneur
d’Armendaritz, Jean seigneur d’Aphat. Le 31 octobre 1514, les
Cortes de Basse-Navarre réunis en l’église d’Huarte
(Uhart-Cize), en présence du vice-roi de Navarre, Diego Hernandez de
Cordoba et du gouverneur de la place de Saint-Jean-Pied-de-Port,
Gonçalvo d’Avalos, jurèrent fidélité au roi Ferdinand. Les
jurats de Saint-Jean-Pied-de-Port étaient Pierre de Jassu, Gil de
Logras et Oger de Echazar. Le seigneur de Luxe ayant mobilisé pour
les rois légitimes, Ferdinand fit raser le château de Garris par
une colonne d’infanterie commandée par Villalva et un corps de
trois cents lances aux ordres de Sandoval à l’automne 1514. Le
seigneur de Luxe dut alors rendre hommage au roi Ferdinand. En 1514,
on pouvait estimer la région soumise. Aussi, en juillet 1515,
Ferdinand ayant réuni les Cortes de Castille et de Navarre à
Burgos, incorpora la Navarre au royaume de Castille et se proclama
« roi des deux Navarres », « rex utriusque
Navarrae ». Il désigna son petit-fils Charles, le futur
Charles Quint, comme héritier des royaumes de Castille et Navarre.
La Navarre conservait ses fors et le roi était représenté à
Pampelune par un vice-roi. En 1514 Pierre de Suhescun était bayle de
Saint-Jean-Pied-de-Port.
De
son côté, Jean III d’Albret accomplit un dernier acte de
suzeraineté dans la partie septentrionale de la Basse Navarre où il
exerçait encore l’autorité en 1515. A la suite du ralliement de
Jean de Luxe au roi Ferdinand d’Aragon, Jean III d’Albret ordonna
la remise du château de Luxe, tenu, au nom du seigneur de Luxe, par
le capitaine Jean de Saint-Jaime d’Ostabat, qui prêta serment à
Jean d’Albret le 16 août 1515 à Saint-Palais. Le 10 novembre, le
commissaire du roi de Navarre, Jean de Tardets, seigneur d’Arangoiz,
prit possession, du château dont l’armement comprenait trois
fauconneaux d’artillerie pesant 180 livres chacun et quatre
arquebuses avec les projectiles et la poudre nécessaires. En 1516,
le roi de Navarre en renforça la garnison.
Le
roi de France François I (1515-1547) et Jean III d’Albret
conclurent, le 23 mars 1515, une alliance qui prévoyait le
recouvrement de la Navarre. En 1516, après la mort de Ferdinand
d’Aragon, roi « des Espagnes », survenue le 3
février, Jean III d’Albret prépara une nouvelle offensive. Il mit
le siège devant Saint-Jean-Pied-de-Port. Il s’empara de la cité,
mais non de la citadelle dont il dut finalement lever le siège après
la défaite des gros de son armée qui s’étaient engagés dans les
vallées de Roncevaux et du Roncal. Jean III d’Albret mourut le 17
juin 1516, peu après cet échec, laissant la couronne de Navarre à
son fils Henri II âgé de quatorze ans. En 1516, Pierre de Suhescun
était encore bayle de Saint-Jean-Pied-de-Port tandis que Fadrique de
Acuna était vice-roi et capitaine général du royaume de Navarre.
Le
fils de Jeanne la Folle, Charles de Habsbourg accéda en 1516 au
trône d’Espagne sous le nom de Charles I (1516-1556), puis il fut
élu empereur du Saint Empire en 1519 sous le nom de Charles Quint
(1519-1556). L’élection impériale provoqua entre François I et
Charles Quint une rupture, puis une guerre dont la Basse Navarre
profita pour se soulever en 1520 en faveur de son souverain légitime
le jeune Henri II d’Albret (1516-1555). Celui-ci avait le soutien
de François I dont il devint le beau-frère quelques années plus
tard. En 1521 à l’âge de 19 ans, il entreprit la reconquête de
son royaume. A la tête d’une armée franco-béarno-navarraise
forte de 12 000 hommes, commandée par André de Foix, seigneur
d’Asparros, il se présenta le 12 mai 1521 devant
Saint-Jean-Pied-de-Port. Il réussit le 15 mai, après trois jours de
siège, à enlever de force la ville et le château. Le 16, il se
rendit maître de Château Pignon55.
Il poursuivit vers Tudela
dont il s’empara et attaqua la ville de Pampelune. C’est au cours
de cet assaut qu’Ignace de Loyola qui servait parmi ses défenseurs,
reçut la blessure qui fut à l’origine de sa conversion. Pampelune
fut prise le 19 mai, mais son château continua à résister. André
de Foix, à la tête de l’armée franco-navarraise, poursuivit son
avance en direction de la Rioja, dont il assiégea la capitale
Logrono. Mais il dut en abandonner le siège à la suite de
l’intervention d’une armée castillane de secours, qui lui ferma
toute possibilité de retraite à hauteur de Pampelune. Décidant
alors de livrer bataille, il fut battu à Noain, quatre kilomètres
au sud de Pampelune, le 30 juin 1521 par le duc d’Albe qui
reconquit alors toute la Navarre. André de Foix fut fait prisonnier
par François de Beaumont. Son armée battue dut évacuer la Navarre
et se replier sur Bayonne. La cité de Saint-Jean-Pied-de-Port subit
alors un siège de vingt jours conduit par Diego de Vera durant
lequel les 300 hommes de la garnison commandée par le capitaine Juan
de Cote périrent. Le 15 septembre 1521, une armée franco-gasconne
de secours aux ordres de l’amiral Guillaume Gouffier de Bonnivet
tenta une dernière diversion en investissant Fontarabie qui se
rendit le 18 octobre après douze jours de siège. Ainsi, en 1521, la
Navarre fut momentanément reconquise par Henri II de Navarre soutenu
par le roi de France, mais rapidement à nouveau perdue.
Après
ce nouvel échec de reconquête de son royaume, Henri II réunit en
1522 les États Généraux de Navarre, réduite à la Basse Navarre,
en l’église de Saint-Palais. Il prêta serment devant les États
Généraux à nouveau réunis en 1523. Le 26 novembre 1524, il
institua la chancellerie de Navarre à Saint-Palais. Ainsi, alors que
Saint-Jean-Pied-de-Port avait été la capitale de la province située
au Nord des Pyrénées, la châtellenie d’outre-ports, parfois
appelée la sixième merindad, du royaume dont Pampelune était
la capitale, Saint-Palais devint à partir de 1524 la capitale du
royaume de Navarre, réduit à sa partie nord-pyrénéenne, la
Basse-Navarre. Ainsi, Henri II conservait les attributs de la royauté
en érigeant la Basse-Navarre en « royaume de Navarre »,
avec Saint-Palais comme capitale. Mais Charles Quint qui avait
installé un vice-roi de Navarre à Pampelune, lui dénia ce titre de
roi de Navarre.
A
partir de 1523, François I se désintéressa de la cause navarraise.
Cependant, malgré les échecs successifs de 1512, 1516 et 1521,
Henri II de Navarre resta constant dans sa volonté de reconquête de
son royaume. Saint-Jean-Pied-de-Port avait été évacué par les
Espagnols en 1522. Nommé par son beau-frère, François I,
lieutenant général en Guyenne, Henri II mit cette province à
contribution en préparant les approvisionnements d’une armée de
120 000 hommes. Une revue, une « montre », des
compagnies mises sur pied en 1522-23 en confirme les effectifs. Le 11
novembre 1523, l’empereur Charles Quint adressa un ultimatum à
François I et à Henri II auquel il intimait de se désolidariser du
roi de France et de livrer passage à l’armée espagnole à travers
la Basse Navarre. Dans sa réponse du 25 novembre 1523, Henri II
exigea le recouvrement de son royaume. En octobre et novembre 1523,
une armée espagnole d’une vingtaine de milliers d’hommes
stationnait à Roncevaux en vue d’une invasion du sud de la France,
du Béarn et des terres de Henri II. Initialement retardés par la
résistance de Château Pignon, ils s’emparèrent de
Saint-Jean-Pied-de-Port en janvier 1524 et reprirent toute la Basse
Navarre. En 1523 également, une incursion espagnole s’empara de
Saint-Jean-de-Luz qui fut brûlé. Philibert de Chalon, prince
d’Orange, bloqua Fontarabie qu’il finit par reconquérir le 29
février 1524. Afin de décourager toute tentative de soulèvement,
il envahit le Labourd qu’il dévasta. Mais son assaut inopiné
contre Bayonne échoua après quatre jours d’attaques infructueuses
grâce à la réaction héroïque de la population et de la garnison
commandée par Lautrec. Il poursuivit enfin jusqu’à Bidache dont
il incendia le château. A la suite de cette attaque, les
fortifications de Bayonne subirent des travaux d’amélioration
importants pour mieux les protéger contre l’artillerie, qui
durèrent jusque vers 1545.
Son
alliance avec François I entraîna Henri II dans les guerres
d’Italie où il fut fait prisonnier en même temps que le roi de
France à la bataille de Pavie le 24 février 1525. Son frère
Charles, nommé lieutenant général du royaume entreprit de réunir
sa rançon de cent mille écus d’or. Mais Henri II réussit à
s’échapper fin 1525 du château de Pavie où il était interné et
évita ainsi le paiement de cette rançon. François I, au terme de
sa captivité à Madrid, rentra dans son royaume en traversant la
Bidassoa le 15 mars 1526. La rançon de François I, douze cent mille
écus, fut rassemblée dans une tour du Château-vieux de Bayonne
sous la garde du maréchal de Montmorency. En 1527, Henri II épousa
Marguerite d’Angoulême, soeur de François I.
La
même année, il entreprit une nouvelle tentative de reconquête de
son royaume. Saint-Jean-Pied-de-Port fut repris, au nom de leur
suzerain Henri II, par le bâtard d’Albret et le seigneur de Luxe,
qui après s’être allié aux envahisseurs en 1523 rejoignit donc
son roi légitime pour cette dernière entreprise de reconquête de
la Navarre. L’armée de Fernand de Sandoval, lieutenant général
de Charles Quint, réoccupa la ville et exigea un serment de fidélité
de l’assemblée de la ville le 28 septembre 1527 abjurant leur
serment à Henri II. En cette année 1527, Pierre d’Armendaritz,
était bayle de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Le
traité de Cambrai, ou « Paix des Dames » qui mit fin aux
guerres d’Italie fut conclu le 3 août 1529 entre François I qui
renonçait à l’Italie et Charles Quint qui renonçait à la
Bourgogne. Quatre ans après leur père, les enfants de France
revinrent par le même chemin de la Bidassoa. Eléonore de Castille,
soeur de Charles Quint qui devait épouser François I aux termes du
traité de Cambrai, les accompagnait. Après avoir passé la nuit à
Saint-Jean-de-Luz, la reine de France fut accueillie à Bayonne le 2
juillet 1530.
Finalement,
après ces tentatives successives de reconquête de la Navarre par
Henri de Navarre, Charles Quint fut convaincu de la précarité de
son occupation de la Basse Navarre. Il en jugeait la défense trop
risquée en raison des difficultés de franchissement des Pyrénées.
Aussi en 1530, faisant preuve de réalisme stratégique il se résolut
à abandonner définitivement la Basse Navarre et
Saint-Jean-Pied-de-Port à Henri II d’Albret. Charles Quint est
réputé en avoir alors démantelé les fortifications. Quant à
Bernard Detchepare, curé de Saint-Michel-le-Vieux et vicaire général
de l’évêque de Bayonne dans la châtellenie de
Saint-Jean-Pied-de-Port, auteur du premier livre en langue basque, il
eut alors à rendre des comptes à la justice du roi de Navarre pour
collaboration avec l’occupant castillan et fut incarcéré,
semble-t-il lors de l’abandon définitif de la ville de
Saint-Jean-Pied-de-Port par les Espagnols.
Charles
Quint, soucieux de confirmer son propre bon droit, voulut le
confirmer par le mariage de son fils, le futur Philippe II, avec
Jeanne d’Albret, fille de Henri II de Navarre. François I
craignant que les nombreuses et riches possessions des Albret en
Guyenne ne deviennent espagnoles, obtint de sa soeur que la petite
Jeanne soit envoyée à la cour de France. Il l’enferma, pour la
protéger, au château de Plessis-lès-Tours. Finalement, après une
nouvelle demande de Charles Quint en vue du mariage de Jeanne avec le
futur Philippe II devenu veuf en 1546, et après le décès de
François I en 1547, son fils Henri II de France projeta le mariage
de Jeanne d’Albret, âgée de vingt ans, avec son cousin Antoine de
Bourbon, duc de Vendôme, lui-même âgé de trente ans. Ce mariage
qui eut lieu en 1548, provoqua une réaction immédiate de la cour de
Madrid, qui craignait que le royaume de Navarre ne soit revendiqué
par Jeanne, épouse d’un prince français. Charles Quint rassembla
à Pampelune les Etats de Navarre qui décernèrent à son fils
Philippe le titre de Roi de Navarre.
Ainsi,
après 1530, du royaume de Navarre qui avait existé depuis le IXe
siècle, ne subsistait au sud des Pyrénées qu’un royaume de
Navarre avec sa capitale Pampelune, où un vice-roi préservait la
fiction d’un État autonome. Au nord demeurait un autre royaume,
réduit à une vallée et quelques bourgades constituant la
châtellenie de Saint-Jean-Pied-de-Port, et le titre de roi de
Navarre. A la mort de Henri II, en 1555, sa fille Jeanne d’Albret,
épouse d’Antoine de Bourbon, en hérita. Jeanne III (1555-1572)
d’Albret et son époux Antoine de Bourbon visitèrent
Saint-Jean-Pied-de-Port en 155656
où ils mirent en place une forte garnison. Finalement en 1572, leur
fils, Henri de Bourbon-Navarre, qui prit alors le nom de Henri III de
Navarre, leur succéda avant de devenir en 1589 Henri IV, roi de
France.
Entretemps,
Philippe II d’Espagne avait repris en 1558, contre le roi de France
Henri II, la guerre recommencée dès 1536 et momentanément arrêtée
en 1557 par la trêve de Vaucelles. Franchissant la Bidassoa, les
troupes espagnoles s’emparèrent de Saint-Jean-de-Luz et envahirent
le Labourd. Antoine de Bourbon, qui séjournait alors à la cour de
France voulut profiter de l’aide du corps expéditionnaire français
qui était dépêché en Guyenne, pour récupérer le royaume de son
épouse. Cette tentative, mal préparée, échoua dès janvier 1559.
Lors des pourparlers qui suivirent entre la France et l’Espagne,
les revendications navarraises qui se heurtèrent à un roi d’Espagne
intraitable, furent passées sous silence. Le 3 avril 1559, Henri II
roi de France (1547-1559) et Philippe II roi d’Espagne signèrent
le traité de Cateau-Cambrésis qui mettait fin définitivement aux
guerres d’Italie, ces guerres qui avaient opposé maisons de France
et d’Autriche depuis 65 ans (1494-1559). Il mettait un terme au
rêve italien et confortait les frontières de la France qui
conservait les conquêtes de Henri II notamment les trois évêchés,
Metz, Toul et Verdun, ainsi que Calais par le traité signé la
veille avec Elisabeth, nouvelle reine d’Angleterre. Le traité de
Cateau-Cambrésis instaura un équilibre entre les nations
européennes qui constitua leur charte jusqu’au traité de
Westphalie en 1648. L’une des clauses prévoyait le mariage de
Philippe II, veuf de Marie Tudor, avec Elisabeth de Valois, fille de
Henri II et de Catherine de Médicis. Antoine de Bourbon reçut la
mission d’escorter la princesse Elisabeth de France en Espagne en
vue de son mariage. C’est ainsi que, venant de Bordeaux où elle se
trouvait le 21 décembre 1559, Elisabeth passa Noël au château de
Pau avec son jeune cousin Henri de Navarre. Le lendemain, le cortège
dirigé par Antoine de Bourbon et comprenant Henri de Navarre, âgé
de six ans, partit pour l’Espagne, fort de l’escorte à cheval de
la jeune princesse et de plusieurs centaines de mulets portant la
suite et les bagages. Il parvint à Saint-Jean-Pied-de-Port le 31
décembre, puis franchit le col de Roncevaux dans une tempête de
neige. Ce fut au cours de cette traversée qu’à flanc du mont
Hostatéguy, le 6 janvier 1560, la voiture de la future reine
d’Espagne versa. En 1970, les bergers nommaient encore ce
lieu-dit : « Karrosa-Uzkali » :
la « voiture renversée »57.
Plus
de deux siècles plus tard, les ingénieurs militaires français
faisaient encore référence à ces conflits, internes et externes,
des dernières décennies du royaume de Navarre quand ils voulaient
démontrer l’importance stratégique de la position de
Saint-Jean-Pied-de-Port. Le Mémoire
sur Saint Jean Pied de Port en basse Navarre
de 177058,
probablement rédigé par Sicre de Cinq-Mars, rappelle ces combats du
XVIe siècle, autour de la place de Saint-Jean-Pied-de-Port, entre le
roi de Navarre et le conquérant espagnol :
Rien
ne prouve mieux l’utilité de cette place que l’histoire des
guerres faites dans le royaume, les divers efforts que Jean d’Albret,
Henry du même nom et Antoine de Bourbon ses légitimes successeurs,
firent pour le recouvrement en entier de leurs états; les manoeuvres
et artifices que Ferdinand Roy d’Aragon et Charles Quint
employèrent dès l’an 1510, et opposèrent pour conserver leur
usurpation, font connaître tous les passages dont on fit usage
pendant la guerre à travers cette partie des Pyrénées. De tous ces
passages, le plus mémorable est sans contredit celui de Roncevaux
par la défaite entière de l’avant-garde du Roy Jean d’Albret,
commandée par Pierre de Navarre en 1516 et par la brillante campagne
que fit Asparaut en 1520 où, après avoir fait la conquête de la
Haute Navarre, la perdit par son ambition. C’est par trois de ces
passages, ceux d’Yron (Irun), de Roncevaux et de la vallée
d’Aspe que, en 1522, l’armée espagnole aux ordres de Don
Velasco, connétable de Castille, divisée en trois corps ravagea le
Béarn, la Soule, la Basse Navarre, le pays de Labourd et fit le
siège de Fontarabie où le comte de Lude fit briller la nation
française dans l’art de la défense des places.
Les
archives du Génie datant du XIXe siècle mentionnent la prise du
château par Ferdinand d’Aragon en 1512 et sa reprise par Henri
d’Albret en 1521. Il est donc hautement vraisemblable que la cité
et la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port subirent, au cours de
cette période de 1512 à 1530 des dommages très importants du fait
de ces combats, avec emploi d’artillerie en plein essor pendant les
guerres de la Renaissance. Ces destructions se produirent aussi bien
au cours des offensives de conquête de la Navarre par les souverains
espagnols, Ferdinand d’Aragon puis Charles Quint, que lors des
tentatives de reconquête par les rois de Navarre, Jean III puis
Henri II d’Albret, au cours desquelles la cité et la citadelle
subirent de nombreux sièges, dont plusieurs victorieux. Dans une
lettre du 17 mars 1523, citée par l’abbé P. Haristoy59,
Henri II de Navarre mentionne la « disromption
des murs de la ville et de la tour de Saint-Jean-Pied-de-Port ».
Aussi des travaux de réparation et de renforcement du château fort
médiéval de Saint-Jean-Pied-de-Port, ou au moins d’aménagements
d’ouvrages de campagne destinés à le renforcer en prenant en
compte l’arme nouvelle de l’artillerie avaient sans doute été
entrepris tant par les souverains espagnols conquérants que par les
rois de Navarre quand ils en reprirent le contrôle temporairement en
1521 puis définitivement en 1530. On sait que Charles Quint recruta
des ingénieurs italiens. Antonio de Manrique, duc de Najera,
vice-roi de Navarre depuis 1516 est réputé avoir fait construire
une nouvelle citadelle à Pampelune. Les historiens rapportent
l’exécution de travaux à Saint-Jean-Pied-de-Port dès 1512 avec
la construction de « bastions »,
plutôt des « bastillons »
à cette date, mais aussi que Charles Quint fit démanteler la
citadelle avant de l’abandonner en 1530. Les sources étudiées ne
donnent aucune information sur les travaux éventuellement effectués
à cette époque, ni sur ceux éventuellement réalisés par la
dynastie d’Albret pour renforcer la place de
Saint-Jean-Pied-de-Port, dans le cadre d’un probable souci de
sécurisation de la frontière sud de leurs États quand ils en
reprirent le contrôle en 1530 ou lorsque la guerre reprit entre
François I et Charles Quint en 1536. On sait cependant que, dès
1543, Henri II d’Albret fit entreprendre, sous la direction de
l’ingénieur napolitain Fabrice Siciliano, ingénieur à la solde
de François I qui avait travaillé aux fortifications de Bordeaux et
Dax, la modernisation des fortifications de Navarrenx, bastide créée
en 1302 par Marguerite de Foix. En l’entourant ainsi d’une
enceinte bastionnée à la mode italienne, Henri II choisissait de
faire de Navarrenx, en Béarn, la place forte principale et l’arsenal
de ses États ainsi que le symbole de ses ambitions politiques. Des
bastions furent également ajoutés à cette époque aux
fortifications de Bayonne et Dax. Aucune source, non plus, ne
mentionne de décision de travaux à la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port, lors de la visite royale de 1556.
La
Navarre connut enfin une guerre de religion de 1560 à 1572. Les
sources sont tout aussi silencieuses sur les dommages que la cité et
la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port subirent alors. Ce conflit
s’insérait dans le cadre plus général de la guerre de religion
qui sévissait en France. L’avènement de François II (1559-1560)
sur le trône de France, aboutissant au triomphe des Guise, rejeta
définitivement Jeanne d’Albret dans l’hérésie. Le jour de Noël
1560, Jeanne III, reine de Navarre depuis 1555, abjura le
catholicisme et se donna à la religion réformée tandis qu’Antoine
de Bourbon, son époux, opta définitivement pour la religion
catholique. Il devint alors lieutenant-général du royaume de
France, troisième personnage de l’État après le roi et la reine
mère, ce qui entraîna en 1561 la séparation du couple. Jeanne
d’Albret, animée dès lors d’un prosélytisme acharné, voulut
imposer sa religion aux Bas Navarrais par les armes. Elle montrait
ainsi une conception autoritaire du pouvoir non conforme aux
traditions politiques navarraises. La Basse Navarre, soutenue en
sous-main par l’Espagne, s’insurgea contre les ordonnances de
Jeanne III d’Albret, visant à imposer la religion réformée dans
ses États. En 1562, la France également s’embrasa. Antoine de
Bourbon fut tué d’un coup d’arquebuse au siège de Rouen le 17
novembre 1562. Henri de Navarre, âgé de neuf ans, nommé gouverneur
et amiral de Guyenne, resta à la cour de France où il résidait.
En
Navarre, le seigneur Antoine de Gramont, nommé gouverneur en 1563,
adhéra à la religion réformée et seconda de toutes ses forces la
politique religieuse de la reine de Navarre. Des incidents
d’hostilité aux huguenots se déclenchèrent à
Saint-Jean-Pied-de-Port en 1564, mais le capitaine-châtelain de
Lalanne se rallia à la souveraine. Un affrontement général
devenait inévitable en Navarre. Aussi, durant le voyage à travers
le royaume de France que Catherine de Médicis fit entreprendre en
1564 au jeune roi Charles IX (1560-1574), qui venait d’atteindre sa
majorité, pour tenter d’apaiser l’anarchie générale, et auquel
participait Henri de Navarre, l’étape de Bayonne fut
particulièrement importante. Leur séjour, marqué par une visite du
roi d’Espagne, Philippe II, accompagné de son épouse Elisabeth de
Valois, soeur du roi, et de son ministre le duc d’Albe, se
prolongea de fin mai au 12 juillet 1565. La rencontre qui échoua
dans sa tentative de pacification, fut suivie d’une recrudescence
de la guerre de religion entre Basques et Béarnais.
Finalement
en 1566 à l’âge de treize ans, Henri retourna en Navarre auprès
de sa mère. En 1567, Jeanne III d’Albret prit les mesures les plus
strictes pour imposer la réforme dans ses États, en y interdisant
l’exercice de la religion catholique et en rétablissant les édits
les plus intolérants. Cette décision provoqua un nouveau
soulèvement d’une partie de ses sujets, plus particulièrement en
Basse Navarre, traditionnellement catholique. Le comte de Luxe leva
l’étendard de la révolte et prit la tête des principaux
gentilshommes de Basse Navarre, dont le vicomte d’Echaux, les
seigneurs d’Uhart-Mixe, d’Armendaritz, de Domezain, de Camou. Ils
firent le serment d’une ligue catholique en septembre 1567 à
Saint-Palais et, par le manifeste de Saint-Michel-le-Vieux le 24 mars
1568, ils déclarèrent prendre les armes pour la défense de la
religion catholique. Devenue le refuge des protestants navarrais,
Navarrenx fut assiégée par une armée catholique en 1569, à
laquelle sa garnison protestante opposa une résistance victorieuse.
La
reine de Navarre, de La Rochelle où elle se trouvait en 1569, envoya
une armée de secours, aux ordres de Montgomery, qui reconquit le
château de Mauléon et la Soule. Elle occupa ensuite le château de
Garris et s’empara, le jeudi lendemain des Cendres de 1570, de
Saint-Jean-Pied-de-Port où les chefs catholiques: Andaux, Domezain
et Armendaritz s’étaient réfugiés. Il est rapporté qu’au
cours de cette assaut, l’église paroissiale Sainte-Eulalie
d’Ugange et l’église d’Uhart furent brûlées par les troupes
béarnaises tandis que la chapelle Notre-Dame-du-bout-du-pont fut
transformée en écurie. Le baron de Luxe, reprenant les armes avec
les seigneurs d’Andaux et de Domezain, s’empara de
Saint-Jean-Pied-de-Port, puis du château de Garris près de
Saint-Palais. Le capitaine de Lalanne, maître de camp de son
infanterie, fut envoyé par la reine Jeanne III de Navarre pour
calmer les mutins. Ceux-ci le retinrent prisonnier au château de
Garris. C’est alors qu’Henri de Navarre eut son baptême du feu à
l’âge de quinze ans et accomplit son premier exploit. Jeanne
d’Albret envoya, en effet, son fils s’emparer du château de
Garris. Il poursuivit les assiégeants avec une telle ardeur qu’il
les refoula au-delà de Saint-Jean-Pied-de-Port jusqu’au Val Carlos
en Espagne. De retour à Saint-Jean-Pied-de-Port, il y prononça sa
première harangue politique, traduite en Basque par un certain
Etchard. Il rappela à l’ordre les Bas Navarrais, mais il leur
confirma aussi les droits que leur conféraient les fors60
qu’il promit de respecter. Il s’engagea à ne pas leur imposer la
religion protestante. Il réussit ainsi à restaurer l’ordre et à
ramener la paix en Basse Navarre.
La
paix de Saint-Germain mit provisoirement fin en 1570 à la guerre de
religion en France. Cependant elle se poursuivit encore deux années
en Navarre sous le règne de Jeanne III. Le capitaine-châtelain de
Saint-Jean-Pied-de-Port, Lalanne rétabli dans ses fonctions de
châtelain, s’évertua, mais en vain, d’y implanter la religion
réformée. Jeanne III d’Albret-Navarre fit paraître en 1571 la
traduction en Basque du nouveau testament. Bertrand de la Mothe
Fénelon servit de médiateur, au nom du roi de France, et obtint le
retour en grâce des chefs des révoltés moyennant leur soumission à
la reine Jeanne. Le cahier des Etats paraphé à La Rochelle le 7
mars 1571 en conseil privé de la reine Jeanne atteste de la ruine
consécutive aux incendies, pillages, saccages et meurtres provoqués
par ces guerres de religion. En réponse, la reine promit d’autoriser
l’exercice de la religion catholique sans restriction, de réduire
les garnisons, mais maintint la saisie des biens ecclésiastiques.
Dans le souci de conforter la paix, Catherine de Médicis fit alors
le projet de marier sa fille Marguerite de Valois avec Henri de
Navarre. Quelques jours avant la cérémonie, le 9 juin 1572, Jeanne
III d’Albret mourut à Paris pendant qu’Henri gagnait Paris où
le 18 août, nouveau roi de Navarre, il épousa Marguerite de Valois
en dépit de l’opposition des Guise. L’attentat contre Coligny le
22 août fut suivi le 24 août 1572 par le massacre de la Saint
Barthélemy. Charles IX mourut le 30 mai 1574 et son frère Henri III
(1574-1589) lui succéda sur le trône de France.
Finalement
Henri de Navarre réussit à quitter Paris en février 1576. Après
la mort de Jeanne III d’Albret en 1572, Henri III de Navarre,
soucieux de ramener paix et tranquillité en son royaume, rétablit
progressivement la liberté de culte en Navarre. La situation
commença à s’apaiser grâce à son esprit tolérant. Devenu Henri
IV de France, après avoir reconquis la France et y avoir rétabli
l’ordre, il restaura le culte catholique en Basse Navarre en 1594.
La paix intérieure revint totalement en Basse Navarre après la
promulgation de l’édit de Nantes le 13 avril 1598, bien que de
jure cet édit ne s’appliquait pas dans le royaume de Navarre.
Ainsi
peut-on raisonnablement conclure qu’au moment où Henri III de
Navarre devint roi de France, à l’issue d’une période aussi
troublée pour le royaume de Navarre, le château fort de
Saint-Jean-Pied-de-Port avait subi des dégâts importants, voire été
quasiment ruiné. En effet, au cours de la succession des guerres
dynastiques, internes, externes et religieuses, qui marquèrent les
XVe et XVIe siècles, il s’était le plus souvent trouvé en
première ligne de conflits dont il avait même été souvent
l’enjeu. Il avait ainsi subi de nombreux sièges, pour certains
victorieux. Il avait ainsi changé de mains à plusieurs reprises, à
une époque où l’artillerie naissante provoquait des dommages
graves aux fortifications médiévales. Il avait probablement fait
l’objet de réparations sommaires et de renforcements partiels de
ses fortifications, incluant l’adjonction d’ouvrages nouveaux
dans le style du XVe ou du XVIe siècle pour permettre l’emploi de
canons. Au moment où Saint-Jean-Pied-de-Port allait devenir une
place française, son château fort avait certainement un pressant
besoin de restaurations et de rénovations, voire d’une
reconstruction complète, alors que l’architecture médiévale,
pour s’adapter aux conditions nouvelles de la bataille, commençait
à laisser place à de nouveaux types de fortifications, nées au
cours des guerres d’Italie.
15- La PLACE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT et l’HISTOIRE de FRANCE
La
position stratégique de Saint-Jean-Pied-de-Port au pied du col de
Roncevaux, au débouché de l’itinéraire principal transpyrénéen
reliant les royaumes de France et d’Espagne justifiait la
construction d’une citadelle par les rois de France sur
l’emplacement même du château fort médiéval des rois de
Navarre. Les documents étudiés sont silencieux sur les projets et
les réalisations, tant de Henri de Navarre quand il devint Henri IV
de France en 1589, que de son fils Louis XIII, ou des reines ayant
assuré les régences, Marie de Médicis et Anne d’Autriche.
Cependant, dès le rattachement de la Basse Navarre à la France en
1589, comme tout au long du XVIIe siècle, l’état des relations
internationales, notamment la tension persistante entre la Maison de
France et la Maison de Habsbourg, engendra autant d’événements
historiques qui justifiaient la décision de construire une citadelle
à Saint-Jean-Pied-de-Port, puis de la restaurer ou de la rénover
comme ce fut le cas après son inspection par Vauban en décembre
1685.
Le
règne de Henri IV61
Henri
III de Bourbon-Albret, roi de Navarre depuis la mort de sa mère
Jeanne d’Albret en 1572, et héritier de la couronne de France
depuis le décès du duc d’Alençon en 1584, devint roi de France
lors de l’assassinat d’Henri III de France. L’extinction de la
branche des Valois en 1589, en provoquant l’accession au trône de
France d’Henri III de Navarre, finalement couronné Roi de France
en 1594 sous le nom d’Henri IV, lia définitivement les deux
royaumes de Navarre et de France. L’annexion formelle de la Basse
Navarre à la France ne fut consacrée qu’en 1620 par le Traité
d’Union de Louis XIII, fils d’Henri IV et de Marie de Médicis,
épousée en secondes noces en 1600 . Cependant, dès 1589,
Saint-Jean-Pied-de-Port contrôlait de fait la principale voie
d’invasion de la France à partir de l’Espagne.
Après
la mort successive des quatre derniers Valois, dont les trois fils de
Henri II, dont le dernier, Henri III, fut finalement assassiné en
1589, Henri de Navarre devint l’héritier du trône de France et
fonda ainsi la dynastie des Bourbon. Alors âgé de 36 ans, il était
déjà un capitaine et un politique éprouvé. Roi de Navarre depuis
1572, il était aussi vicomte souverain de Béarn et comte de Foix.
La souveraineté du Béarn était reconnue depuis Gaston Febus. Mais,
en 1589, Henri IV, roi de droit, que la ligue refusait de reconnaître
et que certains protestants contestaient, dut reconquérir son
royaume62,
ville par ville et province par province, abjurer la religion
réformée et se convertir au catholicisme, le 25 juillet 1593 à
Saint-Denis. Il put alors se faire sacrer à Chartres, le 27 février
1594, avant de faire son entrée à Paris, le 22 mars, et de
s’installer au Louvre, tandis que les soldats espagnols quittaient
la ville. Il commença alors son véritable règne à l’âge de 41
ans, avec pour premier objectif de mettre un point final aux luttes
religieuses et aux guerres civiles. Il régla donc le problème posé
par les Protestants dont la liberté de conscience, déjà reconnue
par l’édit de Poitiers de 1577, fut confirmée par l’édit de
Nantes signé le 13 avril 1598, qui leur donnait quelques places de
sûreté.
Tout
en rétablissant l’autorité royale à l’intérieur ainsi que la
paix religieuse et civile, Henri IV devait encore assurer son
rayonnement en Europe en luttant contre les Habsbourg. Son second
objectif fut donc de mettre fin à la guerre étrangère et de
vaincre les Espagnols. Dès 1589, Henri IV eut à défendre ses
droits face à Philippe II d’Espagne (1556-1598). Celui-ci
revendiquait la couronne de France pour sa soeur Isabelle,
petite-fille par sa mère du roi de France Henri II. Il maintint sa
revendication malgré le sacre de Henri de Navarre le 25 février
1594 comme roi de France. Dissipant l’équivoque, Henri IV le 17
janvier 1595, déclara officiellement la guerre à l’Espagne. En
réponse, les armées de Philippe II attaquèrent sur tous les
fronts, en Provence, en Lyonnais et en Bourgogne qu’Henri IV libéra
par la folle victoire de Fontaine-Française sur le connétable de
Castille. Mais les Espagnols réussirent à s’emparer d’Amiens
par surprise. Henri IV assiégea la ville et la reprit malgré
l’intervention d’une armée de secours espagnole. La paix avec
l’Espagne fut établie par le traité de Vervins, le 2 mai 1598,
deux semaines après l’édit de Nantes. Les clauses confirmèrent
celles du traité de Cateau-Cambrésis conclu en 1559 entre Henri II
de France et Philippe II d’Espagne. Elles redonnaient à la France
ses frontières de 1559 et restauraient un certain équilibre entre
les puissances européennes. Ainsi, Henri IV apparaissait bien comme
le vainqueur et le pacificateur, à l’intérieur comme à
l’extérieur. Le 15 juillet 1600, Henri IV épousa Marie de Médicis
qui arriva à Lyon le 2 décembre. Le dauphin, le futur Louis XIII
naquit le 27 septembre 1601. Entretemps, une courte guerre avec le
duc de Savoie permit à Henri IV d’acquérir Bresse, Bugey,
Valromey et le Pays de Gex. Il paracheva ainsi la paix en consolidant
la frontière Est par le traité de paix signé à Lyon avec la
Savoie le 17 janvier 1601. Le Rhône devenait frontière du royaume
de France, de Lyon à Genève.
Après
avoir ainsi, en 1598, clos à la fois la guerre étrangère par la
paix de Vervins et la guerre civile par l’édit de Nantes, Henri IV
consacra la deuxième partie de son règne à affirmer son autorité
et consolider les frontières de son royaume. Par un édit de 1607,
Henri IV, « roi de France et de Navarre », réunit
son ancien domaine à la couronne de France. Mais, n’osant aller
contre le voeu des habitants, il excepta Béarn et Navarre des
mesures qu’il prît pour réunir à la couronne de France ses
autres possessions. Il avait déjà montré, dès 1582, étant encore
Henri III de Navarre, son souci de maintenir le droit ancestral du
franc-alleu, la pleine propriété des terres communes, bois et
pâturages. Dans ces dix années de paix intérieure et extérieure,
Henri IV réussit à rendre à la France sa prospérité et son rang
en Europe. Il redressa admirablement le royaume épuisé par les
guerres. Il remit en ordre l’économie et la société avec l’aide
de son ministre Sully qui assainit les finances et réorganisa
l’État. Il mena une grande politique de travaux et de
constructions, créant en fait le style Henri IV/Louis XIII qui marie
pierres, briques et ardoises. Soucieux de renforcer les frontières
de son double royaume, il décida de fortifier les villes faisant
face aux axes de pénétration afin de faire obstacle aux
envahisseurs éventuels. Ne voulant plus confier le soin des
fortifications aux autorités urbaines, Henri IV créa la
surintendance des fortifications qu’il confia en 1600 à Sully.
Le
besoin de renforcer la frontière des Pyrénées se révélait
pressant. En effet, malgré la paix de Vervins, l’Espagne, soutenue
jusqu’à la cour de France par un parti espagnol actif, continua à
susciter intrigues et troubles. Ce fut la « guerre
couverte » selon l’expression d’époque. Les relations
avec l’Espagne alternaient entre périodes de détente et périodes
de tension avec levées de troupes et mouvement d’unités à la
frontière, ou autour de Pampelune comme de 1602 à 1605, ou à
nouveau en 1609. Dès 1598, la ville de Bayonne fit appel à
l’ingénieur militaire Jean Errard, alors occupé à fortifier La
Rochelle, qui établit en date du 28 avril 1599 un projet d’enceinte
fortifiée bastionnée de la ville. La construction du bastion
Lachepaillet, en face du cloître de la cathédrale, commença en
1602. M. de Gramont était alors gouverneur de Bayonne et M. de la
Force gouverneur du Béarn. La priorité fut donnée en 1606 par
Henri IV aux travaux du port de Socoa où travailla Benedit de
Vassalieu. La mort de Henri IV en 1610 entraîna l’arrêt des
travaux à Bayonne au bastion de Lachepaillet qui ne fut achevé
qu’en 1625. Aucun document ne signale de projet de fortification à
Saint-Jean-Pied-de-Port, ce qui ne manque pas d’étonner dès lors
que Henri IV connaissait l’importance des ports de Cize qu’il
avait empruntés et l’état du château fort autour duquel il avait
guerroyé, lorsqu’il n’était encore qu’héritier du trône de
Navarre.
A
partir de 1604 Sully constitua des réserves d’or et des stocks
d’artillerie, d’armes et de munitions à l’Arsenal en vue d’une
guerre. Un réel apaisement se fit avec une période de négociations
de 1607 à 1608, lorsque Henri IV assuma la médiation conduisant le
28 janvier 1609 à la conclusion d’une trêve de douze ans entre
Espagne et Pays-Bas. Mais, la mort du duc de Clèves sans héritier
en mars 1609, posant le problème de la succession des duchés de
Clèves et de Juliers, provoqua une grave crise internationale car
Espagne et Autriche revendiquaient sa succession, ce que la France ne
pouvait tolérer car cette appropriation était contraire aux
intérêts des princes allemands, ses alliés. Face aux risques de
guerre avec l’Empire et l’Espagne, en 1609 les Espagnols
renforcèrent Pampelune, Henri IV se prépara à entrer en campagne.
Trois armées furent constituées, la première aux ordres de
Lesdiguières destinée à attaquer la Lombardie, la seconde aux
ordres de La Force devait rejoindre le Béarn pour attaquer
l’Espagne, la troisième dont le souverain devait prendre la tête
devait se porter sur les Pays-Bas. En avril 1610, il conclut un pacte
avec le duc de Savoie contre l’Espagne en vue d’évincer les
Espagnols d’Italie et séparer les Habsbourg d’Autriche de ceux
d’Espagne. A la fin du printemps 1610, le roi fit faire mouvement à
ses armées. La guerre devait éclater en mai et le roi rejoindre les
armées lorsque Henri IV mourut assassiné par Ravaillac le 14 mai
1610. Marie de Médicis assura la régence.
Le
règne de Louis XIII63
Le
jour même de la mort de Henri IV le 14 mai 1610, Marie de Médicis
fut nommée régente. Louis XIII qui prorogea son pouvoir en la
nommant chef du conseil, lorsque sa majorité fut déclarée le 2
octobre 1614, n’assuma le pouvoir royal qu’en 1620.
Au
plan de la politique extérieure, la régente, Sully une fois évincé,
provoqua un renversement d’alliance. Elle conduisit une politique
espagnole, opposée à celle de Henri IV et de ses prédécesseurs.
Dès le 26 janvier 1612, elle annonça un double mariage espagnol,
d’une part celui de Louis XIII avec l’infante d’Espagne dona
Ana, fille aînée de Philippe III (1598-1621), d’autre part celui
du prince des Asturies, le futur Philippe IV (1621-1665) avec
Elisabeth, la fille aînée d’Henri IV et Marie de Médicis. Les
fiançailles, célébrées simultanément à Paris et Madrid le 25
mars 1612 devaient permettre le retrait de l’Espagne des
territoires navarrais relevant de la couronne de France. Dès son
accession au trône, Louis XIII avait confirmé la volonté de son
père de maintien en Navarre du droit ancestral du franc-alleu, la
pleine propriété des terres communes, bois et pâturages. En avril
1611, il s’était engagé à respecter, le For et Coutume Général
du royaume de Navarre. Cependant un problème de délimitation de la
frontière se posait entre les habitants de la vallée de Baïgorry
et ceux du val d’Erro sur les pacages de la vallée des Aldudes64.
D’août 1612 à mars 1613, se tint la conférence préliminaire à
l’établissement d’un projet de convention. Les négociateurs
étaient l’évêque de Bayonne, Monseigneur Bertrand d’Echaux et
l’évêque de Pampelune, Monseigneur Don Prudencio de Sandoval. Les
discussions déjà difficiles furent retardées en 1613 par la
mauvaise volonté espagnole à satisfaire les rectifications de
frontière demandées par la France. Le vice-roi de Navarre menaça
même de faire démolir à coups de canon le château fort de
Saint-Jean-Pied-de-Port. Le commandeur Brûlart de Sillery,
plénipotentiaire chevronné de Henri IV, envoyé alors par la reine
en Espagne pour régler cette affaire, réussit pleinement son
ambassade. Louis XIII et Philippe III firent nommer pour en finir le
baron de Vaucelles et Don Sancho de la Corda, marquis de Laguna,
comme plénipotentiaires. L’irritante question de la frontière
franco-espagnole en Navarre fut ainsi enfin résolue. Le traité et
les Capitulations
royales
signées le 22 septembre 1614, furent approuvés à Madrid le 21
novembre et à Paris le 5 décembre 1614. Les douze articles fixaient
des lignes limitant les droits respectifs de pacage des troupeaux et
de coupe des bois par les habitants des diverses vallées.
Les
capitulations ainsi signées, Villeroy, ministre français des
Affaires étrangères, mena à leur conclusion le double mariage de
Louis XIII avec l’infante Dona Ana, Anne d’Autriche, et de
l’infant Philippe avec Elisabeth de France. La reine Marie de
Médicis put alors décider le voyage du roi en Guyenne malgré
l’opposition des princes et des huguenots. Le roi de France gagna
Bordeaux et le roi d’Espagne Burgos, où les mariages furent
célébrés par procuration le dimanche 18 octobre 1615. Le 9
novembre, se déroula l’échange des princesses au milieu de la
Bidassoa. Mgr d’Echaux accompagna Elisabeth de France, qui allait
épouser le futur Philippe IV d’Espagne, cependant qu’Anne
d’Autriche traversait en même temps la Bidassoa pour devenir reine
de France. Le 25 novembre 1615, le mariage de Louis XIII et d’Anne
d’Autriche fut célébré en la cathédrale Saint-André de
Bordeaux. Médicis par sa mère, mais Habsbourg par sa grand-mère
maternelle, Louis XIII se mariait à son tour avec une Habsbourg.
Louis
XIII assuma à partir de 1620 la réalité du pouvoir royal. Il fit
d’abord la paix avec sa mère à Angers le 8 août 1620 après
avoir, le 7 avril, dispersé ses partisans à la bataille des ponts
de Cé. Ensuite il voulut rétablir l’autorité royale face aux
protestants. Pour cela, il mena trois campagnes successives contre
les Huguenots en 1620, 1621 et 1622. Il entendit d’abord faire
respecter sa volonté de rétablir le culte catholique en Béarn
malgré l’opposition des calvinistes. Il s’agissait simultanément
de rétablir l’autorité du roi sur le Béarn et la Navarre dont
les États résistaient de toutes les manières au pouvoir royal. Le
gouverneur, Monsieur de la Force, résistait également à l’autorité
du roi et la rébellion protestante s’aggravait. Le souci de Louis
XIII n’était pas tant de lutter contre une religion que contre les
désordres politiques qu’elle provoquait. La propre grand-mère de
Louis XIII, Jeanne III d’Albret, y avait proscrit la religion
catholique. Henri IV avait échoué dans sa politique de restauration
de la religion catholique et de restitution de ses biens au clergé
catholique. Comme la Navarre, le Béarn, principauté souveraine
depuis Gaston Febus, n’était rattaché à la couronne de France
que par l’union personnelle voulue par Henri IV. La décision de
réunion de ses possessions, qu’il avait prise en 1607, ne
concernait que ses possessions françaises rattachées alors au
domaine royal, mais elle excluait la Navarre et le Béarn. Ainsi,
l’édit de Nantes ne s’y appliquait pas et le culte catholique
n’y était pas rétabli. Un arrêté du conseil du 25 juin 1617
avait ordonné la mainlevée des biens ecclésiastiques et leur
restitution. Les calvinistes du Béarn s’y refusaient, soutenus en
cela par les huguenots qui, rassemblés à Loudun en 1620,
demandaient la révocation de l’arrêté. Aussi, une fois la paix
établie avec sa mère, Louis XIII conserva son armée à la tête de
laquelle il gagna Bordeaux en traversant les provinces protestantes
de Poitou, Aunis et Saintonge. Le 19 septembre 1620, Louis XIII étant
à Bordeaux, le gouverneur de La Force se soumit, mais le conseil
souverain de Pau refusa d’enregistrer l’arrêté de restitution
des biens de l’église. La campagne dite ‘du Béarn’ se déroula
entre le 7 octobre 1620, date du départ du roi de Bordeaux et le 25
octobre 1620, date de son retour à Bordeaux. Le 15 octobre, le roi
étant à Pau où il était arrivé la veille à la tête de sa
cavalerie et de sa garde, les magistrats qui avaient refusé
d’enregistrer l’arrêté de restitution, demandèrent son pardon
dans la cour du château. Le 17 octobre, Louis XIII marcha sur
Navarrenx, symbole de la résistance protestante qui ne pouvait à
ses yeux rester la citadelle potentielle d’un parti rebelle. La
garnison protestante qui ne dépassait pas 250 hommes se rendit. Le
roi destitua le gouverneur octogénaire, Monsieur de Salles, nommé
en 1569 par Jeanne d’Albret. Ce pseudo-siège victorieux eut un
grand retentissement. Le 19 octobre 1620, de retour à Pau, Louis
XIII confirma les privilèges, les Fors des États de Navarre qui,
eux-même lui prêtèrent serment de fidélité. Simultanément, il
promulgua le rattachement définitif à la France, du Béarn et du
royaume de Navarre, réduit de fait à la Basse-Navarre depuis 1530.
Les États de Navarre et le conseil souverain de Béarn s’unirent
en un parlement dit « de Navarre » siégeant à Pau. Le
20 octobre, Louis XIII assista à la procession en l’honneur du
rétablissement de la religion catholique qui se déroula devant le
château, cinquante ans, à deux jours près, après l’entrée le
18 octobre 1570 du sieur de Montgomery qui y avait banni la messe au
nom de Jeanne d’Albret. Ayant ainsi réglé, en cinq jours, les
affaires de Béarn et de Navarre, Louis XIII repartit pour Bordeaux,
puis Paris où il arriva le 7 novembre. Ainsi par l’Acte d’Union
publié à Pau le 19 octobre 1620, Louis XIII proclama l’unification
des deux royaumes. Le royaume de Navarre et la vicomté souveraine de
Béarn étaient définitivement intégrés au royaume de France.
L’autorité du roi de France sur la Navarre devait donc y être
logiquement affirmée par la construction d’une forteresse royale.
De même, la frontière du royaume de France étant ainsi établie
sur les Pyrénées, le problème de sa défense face à l’Espagne
se posait avec une acuité accrue. L’établissement d’un ouvrage
fortifié moderne destiné à barrer la route de Pampelune à
Bordeaux par Roncevaux, déjà nécessaire devenait indispensable.
Mais,
inquiets du sort de leurs frères béarnais, les huguenots français
se réunirent en assemblée à La Rochelle le 24 décembre 1620.
Bravant le roi, ils demandèrent le rétablissement du statu quo
ante en Béarn et le retrait des troupes royales de Guyenne. Les
guerres de religion de Louis XIII commençaient. Elles nécessitèrent
deux nouvelles campagnes successivement en 1621 et 1622, puis, à
partir de 1625, le siège de La Rochelle. Début 1621, pour soutenir
leurs coreligionnaires béarnais, les réformés de la Guyenne et du
Languedoc avec à leur tête le duc de Rohan et son frère Soubise se
soulevèrent contre Louis XIII et déclenchèrent une guerre civile
sanglante. Les révoltés prirent Privas et renforcèrent leurs
murailles à Alès, Montauban, Nîmes où Antoine de Baudan conduisit
les travaux, et surtout à Montpellier où Pierre de Conty de la
Mothe d’Argencourt, cousin de Baudan, construisit une nouvelle
enceinte remparée et bastionnée. Le roi, décidé à rétablir son
autorité, conduisit, en avril et mai 1621, une campagne en Poitou.
Il s’empara de Saint-Jean d’Angély, le 24 juin, après un siège
difficile. Il fit mener une nouvelle campagne en Béarn, en septembre
et octobre 1621, par le duc d’Epernon. Devant Montauban, mis en
état de défense par Monsieur de La Force, l’armée du roi échoua
fin 1621 après un long siège malheureux durant lequel mourut de
Luynes.
En
mars 1622, le roi se remit en campagne dans le Poitou et s’empara
de l’île de Ré, Royan et Sainte-Foy. Il poursuivit son offensive
en Languedoc, couvert face à la place forte protestante de La
Rochelle, par une armée placée aux ordres de Louis de Bourbon,
comte de Soissons, nommé lieutenant général des armées du roi en
Aunis et Saintonge. Pendant le blocus de La Rochelle de mai à
novembre 1622, l’ingénieur italien Pompeo Targone (1575-1630),
placé par Louis XIII auprès du comte de Soissons comme « conducteur
des machines et ouvrages », construisit deux forts de part
et d’autre de la baie, reliés par une chaîne et une estacade,
dont le fort Louis, petit fort carré en maçonnerie à quatre
bastions aux flancs perpendiculaires aux courtines, entouré d’une
seconde enceinte étoilée à huit branches. Le roi s’empara de
Moissac, Agen, Nègrepelisse, Saint-Antonin, Toulouse, Carcassonne,
Béziers. La ville de Montpellier, investie en août 1622 par l’armée
royale forte de 14 000 hommes et de 36 canons, tint cinquante jours
malgré les tirs d’artillerie incessants (10 000 coups tirés) et
se rendit affamée le 19 novembre. M. de La Force finit par faire sa
soumission et fut nommé maréchal. Finalement, la paix de
Montpellier le 18 octobre 1622, mit fin à la campagne, rétablit la
paix intérieure avec les protestants et marqua la disgrâce de
Condé. Elle confirmait l’édit de Nantes, mais réduisait la
puissance des huguenots qui conservaient La Rochelle et Montauban
comme places de sûreté. Pierre de Conty d’Argencourt passa au
service de Louis XIII dont il devint l’ingénieur préféré. Il
fut nommé peu après directeur des fortifications pour les provinces
d’Aunis, Poitou, Saintonge, Guyenne, Béarn et Navarre car il est
attesté qu’il occupait cette fonction en 1625. Quant au duc
d’Epernon, il devint gouverneur de Guyenne, fonction qu’il
exerçait en 1633.
Mais
cette paix ne résolut rien au fond. La révolte reprit en 1625 alors
que Louis XIII et Richelieu étaient engagés dans les affaires
d’Italie. La prise de La Rochelle, place forte ultime des
protestants, y mit fin en 1628. Le souci du roi Louis XIII était
l’unité nationale, politique et religieuse afin d’organiser le
royaume et d’assurer sa puissance en Europe. Dès 1623, la paix
intérieure provisoirement assurée par les campagnes de 1620 à
1622, le roi put se consacrer à la politique étrangère. Or lors de
la conclusion de la paix de Montpellier, un conflit généralisé
menaçait en Europe où la guerre de Trente ans sévissait depuis
1618. La guerre restait en effet le climat normal de l’époque
baroque. De 1598 à 1635, sans que la France soit engagée dans un
quelconque conflit ouvert, l’activité militaire fut constante avec
des prises d’armes localisées tant à l’intérieur avec les
Grands ou les Protestants, qu’à l’extérieur contre les alliés
et protégés de l’Espagne. L’hostilité de l’Espagne restait
une constante malgré les traités et les mariages de 1615. La
monarchie espagnole agissant directement, ou en sous-mains, dans
toutes les affaires susceptibles de nuire à l’autorité royale,
soutenait les révoltes qui se produisaient en France.
L’incident
de la Valteline, couloir alpin d’importance stratégique, montra la
fragilité de la politique espagnole de la France. Le problème était
la maîtrise des cols alpins par lesquels les deux branches des
Habsbourg, d’Autriche et d’Espagne, qui s’étaient partagé
l’Empire de Charles Quint, pouvaient faire transiter leurs troupes
et menaçaient ainsi d’encercler le royaume de France. La
Valteline, vallée alpine formée par la rivière Adda qui se jette
dans le lac de Côme, constituait une voie d’accès à travers les
Alpes reliant le Milanais espagnol au Tyrol autrichien par la vallée
de l’Inn et au bassin du Rhin qui redescend vers le lac de
Constance en passant par Chur. Elle permettait donc la traversée
vers le Tyrol aux troupes espagnoles cantonnées en Italie. Cette
vallée était le lieu de croisement de la ‘route influence’
espagnole reliant la Méditerranée à Anvers, le chemin des Tiercos
espagnols, et de la route française reliant la Bourgogne à Venise.
Elle appartenait à l’évêché catholique des Grisons allié de
longue date de la France.
Début
1621, mourut Philippe III d’Espagne, père de la reine de France,
Anne d’Autriche. Peu avant sa mort, il avait, le 25 avril 1621,
signé par le traité de Madrid, un accord rétablissant le statu quo
ante qui prévoyait le retrait des troupes espagnoles du couloir de
la Valteline où elles s’étaient installées et avaient établi
des forts. Mais, dès 1622, ce traité ne fut appliqué ni par les
Autrichiens, ni par les Espagnols, dont le nouveau roi Philippe IV
(1621-1665) et son ministre le ‘Conde-Duque’ Olivares se
refusaient à respecter l’attitude de modération scellée à
Madrid. Aussi la décision de Louis XIII de rappeler Richelieu,
cardinal depuis 1622, au conseil du roi le 29 avril 1624, marqua la
reprise de la politique traditionnelle de la France d’abaissement
de la Maison d’Autriche, notamment de lutte contre l’Espagne, qui
avait été celle de Henri IV. Il s’agissait de rompre le « chemin
de ronde » constitué par Les Habsbourg autour de la France
et dont Henri IV avait commencé de desserrer l’étreinte.
Lors
du retour de Richelieu65
en avril 1624 au conseil dont il devint le chef en août, la première
affaire de politique étrangère qui se posa fut donc celle des
relations avec l’Espagne qui menaçait la sécurité de la France.
La France renouvela ses alliances avec Venise et la Savoie.
Simultanément, en 1624 également, la France fit alliance avec les
Provinces-Unies soucieuses de se libérer du joug espagnol, ainsi
qu’avec les princes protestants allemands. Enfin, son souci de
reprendre l’initiative se manifesta ostensiblement par l’alliance
avec l’Angleterre concrétisée par le projet de mariage
franco-anglais, de Henriette-Marie de France, 3e
fille de Henri IV et sœur de Louis XIII, avec l’héritier du trône
d’Angleterre. Engagées dès février 1624, les tractations
débouchèrent sur la signature du contrat de mariage le 10 novembre
1624. Le mariage fut célébré en mai 1625, au moment où Charles I
(1625-1649) venait de succéder comme roi d’Ecosse et roi
d’Angleterre, à son père Jacques I (1603-1625), lui-même fils de
Marie Stuart.
La
question de la Valteline avait été momentanément réglée par le
traité de Madrid du 25 avril 1621, qui avait rendu la vallée aux
Grisons et remis les forts à la garde du Pape. Mais en septembre
1622, l’Espagne ne respectant pas sa parole avait occupé ces
forts. En septembre 1624, la France se décida à l’action.
Soucieux de montrer sa force au roi d’Espagne, Richelieu proposa à
Louis XIII de faire occuper la Valteline par des troupes françaises
pour couper les communications entre l’empereur et le roi
d’Espagne. Engagée dès novembre, l’occupation de la Valteline
était complètement réalisée en février 1625. Finalement, après
de difficiles négociations avec le pape, la Paix de Monçon/Monzon
fut finalement conclue avec l’Espagne le 5 mars 1626, qui lui
fermait le passage de la Valteline.
Le
rapprochement avec l’Espagne entraîna en 1627 une brouille avec
l’Angleterre. Le 20 mars 1627, par le traité de Madrid, la France
fit alliance avec l’Espagne contre l’Angleterre qui apporta son
soutien aux protestants français à nouveau en rébellion. Louis
XIII, devant la reprise de la révolte protestante en 1625, qui
reprenait La Rochelle pour base, assembla une forte armée devant La
Rochelle. Le 10 septembre 1627, les troupes royales commencèrent le
siège de la ville de La Rochelle, qui se termina le 30 octobre 1628.
Les protestants se soumirent finalement à l’édit d’Alès du 18
juin 1629, qui leur ôta leurs places de sûreté.
A
partir de 1630, poursuivant la reprise de la politique d’Henri IV
d’abaissement des Habsbourg, la France de Louis XIII, et de
Richelieu, s’engagea progressivement, dans la guerre de Trente ans
(1618-1648) contre la maison d’Autriche. Cette guerre, qui avait
débuté par la « défénestration de Prague » le 23 mai
1618, avait eu pour origine un conflit religieux allemand. Elle
dégénéra en une guerre politique européenne. A la suite de la
défaite des Suédois à Nordlingen en 1634, Louis XIII déclara
solennellement la guerre au roi d’Espagne, Philippe IV, le 19 mai
1635. Ainsi, la guerre « couverte » avec l’Espagne
devint « ouverte ». Les hostilités débutèrent
dès 1635 par des succès initiaux en Belgique, Allemagne et Italie
du nord, suivis de quelques échecs. Richelieu invita le roi dont il
connaissait la piété mariale à faire un voeu à la Vierge pour la
victoire de ses armes. Le sursaut national ainsi obtenu et les
travaux de fortification effectués n’empêchèrent pas de nouveaux
succès espagnols, ni la « surprise de Corbie » le 7 août
1636, qui ouvrit aux Espagnols la route de Paris. L’an 1636 fut
ainsi à la fois l’année du Cid et l’année de Corbie. La
contre-offensive menée par le roi à partir du 13 septembre permit,
le 9 novembre, la reprise de Corbie. En décembre 1636, la guerre fut
déclarée à la France par l’empereur d’Allemagne Ferdinand II.
Ferdinand III lui succéda le 15 février 1637.
Si
les combats se déroulèrent essentiellement sur les frontières Nord
et Nord-est de la France, le problème de la défense de la frontière
pyrénéenne se posa également. Dès 1635, la guerre déclarée à
l’Espagne par Richelieu fit craindre pour le sort de la place de
Saint-Jean-Pied-de-Port. Les Espagnols rassemblèrent des troupes à
Pampelune et dirigèrent de l’artillerie vers le secteur
frontalier. En réponse, Gramont fit envoyer quatre canons à
Saint-Jean-Pied-de-Port en mars 1636. Début septembre, peu après la
surprise de Corbie, une triple menace espagnole se développa,
maritime au Boucau à l’embouchure de l’Adour, terrestre sur la
Bidassoa qu’ils franchirent vers d’Hendaye et Saint-Jean-de-Luz
qu’ils occupèrent, menaçant Bayonne, terrestre également sur
Saint-Jean-Pied-de-Port par le déploiement à Roncevaux d’un corps
fort de 8.000 hommes, 2.000 chevaux et vingt canons aux ordres du
marquis de Los Velez, vice-roi de Navarre. Le 8 septembre, Gramont,
gouverneur de Bayonne, vint à Saint-Jean-Pied-de-Port, accompagné
du vicomte d’Echaux, du baron d’Armendaritz et du sieur N. Lanau,
ingénieur ordinaire de Sa Majesté, pour prendre des mesures
de renforcement de défense de la ville et de Château Pignon.
Gramont revisita Saint-Jean-Pied-de-Port le 1er octobre.
Au lendemain de la prise de Saint-Jean-de-Luz en décembre, la menace
sur Saint-Jean-Pied-de-Port des troupes massées vers Burguette
subsista, mais le front resta calme. Gramont renforça la garnison de
deux compagnies prélevées sur la garnison de Bayonne, celles des
capitaines Vignau et du Munein. La menace persista durant l’année
1637, notamment en mars et juin. La place de Saint-Jean-Pied-de-Port
fut alors considérée comme bien fortifiée bien que manquant
d’artillerie et d’approvisionnements. Gramont visita à nouveau
en juin la place où il nomma comme « son lieutenant » M.
de Landresse, qui a été mis à sa disposition l’année
précédente. Il y dépêcha l’ingénieur ordinaire du Roy
Louis Demilhet, en poste à Bayonne, depuis 1627 au moins, où il
était chargé de l’entretien des fortifications, pour y construire
les moulins à bras nécessaires en cas de siège. En octobre 1637,
le corps espagnol, qui avait envahi le Labourd l’année précédente,
décimé et repoussé par les actions de guérilla menées par les
populations basques, se retira. La cité de Saint-Jean-de-Luz fut
reprise par les Français en 1637. En 1638, les opérations
militaires reprirent sur la frontière d’Espagne, menées par six
armées dont celle de Longueville sur les Pyrénées. Sur ce front,
les opérations furent décevantes, malgré le 2 juillet la prise de
Pasajes par la marine française, puis, en août, la victoire
navale française devant Guéthary de M. de Sourdis sur l’escadre
espagnole de La Corogne, commandée par Lopes de Hoces, qui fut
anéantie. Mais, malgré le débarquement de renforts qui s’en
suivit, le prince de Condé, le père du « grand Condé »,
dut abandonner le siège de Fontarabie, le 12 septembre 1638, son
armée forte de douze mille hommes s’étant débandée devant la
sortie furieuse de la garnison espagnole forte de sept mille hommes.
Cet échec de la contre-offensive française sur Fontarabie renouvela
en 1639 l’état d’alerte à Saint-Jean-Pied-de-Port où Gramont
engagea ses propres deniers pour en améliorer à nouveau les
ouvrages de fortification. Des travaux furent également nécessaires
à Bayonne où les murs des bastions n’avaient pas résisté aux
trépidations provoquées par les salves d’artillerie. En 1639, le
fort du Figuier et Fontarabie furent finalement pris à la suite d’un
second siège auquel participa l’ingénieur Pierre d’Argencourt.
La situation avait été chaude sur la frontière des Pyrénées,
mais il n’y eut finalement pas d’entreprise espagnole dans le
secteur des ports de Cize et contre Saint-Jean-Pied-de-Port. Après
cette chaude alerte à la frontière, des travaux de fortification
furent poursuivis, par exemple en 1540 au bastion du Nard à Bayonne.
L’année
1640 fut en Espagne marquée par le grand soulèvement contre
Philippe IV. La même année, le royaume du Portugal recouvrit son
indépendance et les Catalans choisirent le roi de France comme comte
de Catalogne. La puissance espagnole vacillait. Pour 1642, fut
décidée une offensive majeure contre l’Espagne avec une attaque
du Roussillon en profitant de la révolte catalane. Louis XIII
s’empara de Collioure, puis investit Perpignan le 9 mai 1642.
L’année se termina par le succès de la conquête du Roussillon
qui devint français le 15 septembre. Ces événements conduisirent à
la décision de conduire des travaux de fortification à Bayonne en
1643 où intervint l’ingénieur Bernard Duplessis-Besançon. Le roi
Louis XIII mourut le 14 mai 1643 après avoir annoncé la victoire de
Rocroi, huit jours avant qu’elle ne survienne. Après la victoire
du duc d’Enghien, le futur « grand Condé » (1621-1686)
sur les Tercios espagnols à Rocroi, le 19 mai 1643, l’armée
française s’empara de la rive gauche du Rhin.
Le
règne de Louis XIV66
Malgré
le traité de Westphalie qui, en 1648, mit fin à la guerre de Trente
ans, les hostilités continuèrent avec l’Espagne onze années
supplémentaires, jusqu’en 1659. Elles furent marquées par des
combats à la frontière espagnole et dans le Nord de la France,
surtout à partir de 1655 et, plus encore, de 1657 lors de la
conclusion de l’alliance franco-anglaise contre l’Espagne.
Finalement, la victoire de Turenne contre les Espagnols en 1658 à la
bataille des Dunes aboutit à la paix. Il fallut pour y parvenir, 24
conférences du 13 août au 7 novembre 1659, qui se déroulèrent
dans l’île des Faisans, ou « île de la Conférence »,
située sur la Bidassoa au « Pas de Béhobie ». Les
plénipotentiaires étaient les premiers ministres des deux
monarques : Mazarin, qui séjourna ainsi à Saint-Jean-de-Luz de
fin juillet à novembre 1659, et don Luis de Haro. Le Traité
des Pyrénées
fut signé le 7 novembre 1659. Il stipulait l’annexion par la
France du Roussillon, de la Cerdagne, de l’Artois et de nombreuses
places en Flandres. Il définissait avec l’Espagne une frontière
rejetée sur la ligne de crête des Pyrénées. Son article 42
stipulait que « les
monts Pyrénées qui avaient anciennement divisé les Gaules des
Espagnes, seront désormais la division des deux royaumes ».
S’il réglait ainsi dans son principe le problème de définition
de la frontière des Pyrénées, il laissait subsister des zones
contestées comme le pays des Aldudes « en
contestation entre les Puissances voisines nonobstant le traité des
Pyrénées et les capitulations royales 67».
Ainsi le traité des Pyrénées n’excluait pas toutes les causes de
tension avec l’Espagne. Il prévoyait enfin, pour consacrer la
paix, le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne
Marie-Thérèse, qui fut célébré à Saint-Jean-de-Luz, le 9 juin
1660. Dès l’été 1663, le chevalier de Clerville, ingénieur
du Roy
et futur commissaire général des fortifications, vint inspecter les
travaux effectués au fort d’Hendaye.
Louis
XIV commença son règne de monarque absolu à la mort de Mazarin en
1661. Bien que commençant peu après ce traité de paix majeur avec
l’Espagne, son règne fut marqué par quatre grandes guerres, dans
lesquelles l’Espagne était chaque fois partie prenante :
*
1667-1668 : Guerre de Dévolution contre l’Espagne qui se
termina par le traité d’Aix-la-Chapelle (1668), repoussant la
frontière du Nord par l’annexion de l’Artois et des Flandres
espagnoles, avec plusieurs places fortes dont Lille, alors que depuis
François I la frontière était sur la Somme ;
*
1672-1678 : Guerre de Hollande contre la Triple Alliance
(Angleterre, Hollande, Suède), qui se termina en 1678 par les
traités de Nimègue, consacrant l’apogée de la puissance de la
France en Europe, qui se fit confirmer la possession de la
Franche-Comté, précédemment propriété des Habsbourg d’Espagne
du fait du mariage de la fille de Charles le Téméraire avec
Maximilien de Habsbourg, et qui acquérait plusieurs places des
Pays-Bas, reculant ainsi ses frontières Nord et Est ;
*
1688-1698 : Guerre de la Ligue d’Augsbourg, dans laquelle la
promulgation en 1685 de l’édit de Fontainebleau révoquant l’Edit
de Nantes, poussa l’Europe protestante, jusqu’alors alliée de la
France, à se joindre à la coalition conduite par l’Angleterre et
conclue autour des Habsbourg d’Espagne et d’Autriche ; la
France isolée résista plus difficilement à ses adversaires qui
représentaient l’Europe entière, Danemark et Empire Ottoman
exceptés. Malgré la dévastation du Palatinat en 1689 et de
brillants succès aux Pays-Bas et en mer, Louis XIV ne put disloquer
la ligue d’Augsbourg et fut contraint de signer en 1697 le peu
avantageux traité de Rijswijck, par lequel la France cédait toutes
ses acquisitions postérieures à 1679, Strasbourg excepté, dont le
Luxembourg et plusieurs places des Pays-Bas ;
*
1702-1713 : Guerre de Succession d’Espagne, provoquée par
l’acceptation du trône d’Espagne par Philippe V, petit-fils de
Louis XIV, à la mort sans enfant en 1700 de Charles II (1665-1700)68,
qui fut difficile pour la France ; elle prit fin au Traité
d’Utrecht en 1713, qui n’enlevait à Louis XIV aucune conquête,
hors des possessions nord-américaines.
Entre
les guerres de Hollande et de la ligue d’Augsbourg, c’est-à-dire
pendant les dix années allant de 1678 à 1688, la politique des
« Réunions » opérées en pleine paix par Louis
XIV, dont celle en 1681 de Strasbourg entraîna en 1683-84 un conflit
supplémentaire avec l’Espagne ; le 26 octobre 1683, le roi
d’Espagne Charles II, qui possédait les Pays-Bas et le Luxembourg,
lassé de la politique d’expansion territoriale de la France,
déclara la guerre à Louis XIV, son beau-frère ; dans la
logique de la prise de Strasbourg, Louis XIV mit, à partir de
décembre 1683, le siège devant la forteresse du Luxembourg qui,
attaquée par Vauban le 28 avril, capitula le 4 juin 1684 ;
Vauban la fortifia alors en réparant tous les ouvrages espagnols
pouvant être intégrés dans son projet et il construisit des
casernes pour éviter les inconvénients pour les soldats de la vie
en « garni » ; cette politique des
« Réunions », suivie de la révocation de l’édit
de Nantes entraîna, en 1688, la seconde coalition et la guerre de la
Ligue d’Augsbourg.
Ces
guerres, auxquelles l’Espagne étaient toujours partie prenante
avaient révélé la vulnérabilité de la frontière des Pyrénées,
à laquelle la guerre de Succession d’Espagne69
conféra une nouvelle priorité. Le roi d’Espagne Charles II, mort
sans héritier le 1er
novembre 1700, légua par testament sa couronne au duc d’Anjou,
second petit-fils de Louis XIV. Après de longues réflexions, le roi
de France fit connaître sa décision le 16 novembre en présentant
son petit-fils comme le roi d’Espagne, Philippe V. Au printemps
1701, Louis XIV qui se faisait partout le protecteur des intérêts
espagnols, pouvait estimer avoir fait le bon choix. Mais, le 7
septembre 1701, Guillaume d’Orange et l’empereur Léopold I
signèrent un traité. Le 15 mai 1702, les Alliés, impériaux,
anglais, piémontais, hollandais, portugais, déclarèrent à Louis
XIV une guerre qu’il n‘avait pas voulu. La guerre connut
plusieurs phases : des succès peu significatifs en 1702-03, de
graves revers de 1704 à 1709, conduisant à l’épuisement de 1709
à 1712, pour finir en un sursaut salvateur par la victoire de Denain
en 1712. Les théâtres d’opérations multiples inclurent l’Espagne
de 1704 à 1709, où le duc de Berwick, maréchal de France, reçut
en 1704 le commandement des troupes françaises envoyées par Louis
XIV en renfort à Philippe V. La victoire de Berwick à Almanza en
Espagne le 25 août 1707 permit à Philippe V de rentrer à Madrid
d’où il avait été chassé et de s’établir sur son trône. La
partie essentielle de cette guerre se joua sur la frontière Nord de
la France, où Villars contraignit l’adversaire à revenir à la
guerre de siège. Le vent tourna en 1710. Vendôme envoyé en Espagne
avec de nouveaux renforts fit capituler Stanhope dans Brihuega et
défit Starhemberg à Villaviciosa le 10 décembre 1710. Après la
victoire de Villars à Denain le 24 juillet 1712, l’Angleterre
traita à Utrecht le 11 avril 1713. Le nouvel empereur, Charles VI,
poursuivit la guerre. L’Espagne fut complètement libérée par la
reprise de Barcelone par Berwick en septembre 1713 tandis que Villars
s’emparait de Fribourg. L’empereur signa la paix à Rastadt le 6
mars 1714. Philippe V (1700-1746) conservait la couronne d’Espagne,
mais Louis XIV dut céder plusieurs places sur la frontière Nord.
Les
traités de Rijswijck (1697) et d’Utrecht (1713) correspondirent à
un recul de la France qui sortit de ces guerres ruinée.
Le
règne de Louis XV70
En
1715, Louis XV succéda à son arrière grand-père, à l’âge de
cinq ans. La régence fut assurée par Philippe d’Orléans, puis, à
sa mort en 1723, par le duc de Bourbon, jusqu’en 1726 bien que
Louis XV soit déclaré majeur dès 1723. En politique extérieure,
le régent craignait la revendication du trône par Philippe V
d’Espagne, fils du Grand Dauphin de Louis XIV, qui n’avait
renoncé au trône de France que contraint et forcé: cette
renonciation était une clause essentielle du traité d’Utrecht
(1713). Un Bourbon étant sur le trône d’Espagne, les Espagnols
semblaient être devenus nos alliés naturels, mais la cour de Madrid
restait opposée à la France. Renonçant à l’alliance espagnole,
le régent s’allia avec l’Angleterre et la Hollande, en signant
la triple alliance anglo-franco-hollandaise au traité de La Haye le
4 janvier 1717, qui devint quadruple en août 1718 avec l’adhésion
de l’empereur. L’ambassadeur espagnol à Paris, Cellamare, qui
avait essayé de conspirer contre le régent, fut renvoyé de France.
Philippe V réclama la succession de Louis XV s’il venait à
décéder. Entraîné par les Anglais, le régent déclara la guerre
à l’Espagne le 6 janvier 1719. Vingt-six mille hommes, soit 33
bataillons et 63 escadrons, commandés par ce même maréchal de
Berwick qui avait aidé Philippe V à reconquérir son royaume,
furent envoyés à la frontière pour pénétrer en Espagne. Trente
mille autres hommes surveillaient les nombreux cols des Pyrénées.
Portant l’effort principal sur la Biscaye, l’armée française
franchit la Bidassoa le 21 avril 1719. Le marquis de Cilly s’empara
de Béhobie et de Pasajes, devenu un grand arsenal maritime qu’il
incendia. Berwick lui-même dirigea le siège de Fontarabie, qui fut
pris le 17 juin, puis celui de Saint-Sébastien dont la citadelle ne
capitula que le 17 août. Il conquit l’ensemble du Guipuzcoa,
tandis qu’une escadre anglaise s’emparait de Vigo. L’armée
française se porta ensuite en Catalogne. La France fut ainsi
rapidement vainqueur, la paix fut conclue au traité de Londres le 17
février 1720. Philippe V renonça au trône de France, évacua la
Sicile et la Sardaigne et adhéra à la quadruple alliance le 20 mai
1720.
En
outre la France et l’Espagne signèrent le 27 mars 1721 un traité
défensif avec garantie réciproque de leurs possessions. Un double
mariage franco-espagnol fut convenu pour resserrer l’alliance entre
les deux pays et affermir la bonne entente entre les deux branches de
la maison des Bourbon. Il s’agissait, d’une part, de marier
l’infante d’Espagne Marie Anne Victoire, la fille unique de
Philippe V, âgée de trois ans, à Louis XV, alors âgé de onze
ans, et, d’autre part, son fils aîné, le prince des Asturies à
l’une des filles de Philippe d’Orléans, le régent de France. Le
dimanche 14 septembre 1721, le conseil de régence et le jeune roi
Louis XV donnèrent leur accord. Le duc de Saint-Simon fut chargé
d’aller en Espagne chercher la future femme de Louis XV. Il quitta
Paris le 23 octobre. Le contrat de mariage du roi Louis XV et de
l’infante fut signé à Madrid le 25 novembre 1721. Le cérémonial
d’échange se conforma à celui pratiqué lors du mariage de Louis
XIV et Marie-Thérèse en 1660 et de Charles II d’Espagne avec
Marie-Louise d’Orléans en 1679. La cérémonie se déroula le 9
janvier 1722 à midi dans une belle maison en bois bâtie au milieu
de la Bidassoa dans l’île des Faisans, ou île de la Conférence.
Le 2 mars 1722, la petite infante entra officiellement dans Paris
accueillie par son fiancé qui lui offrit une poupée. Elle fut
installée au Louvre pour y être élevée à la française.
De
1722 à 1725, s’ensuivit une période d’embellie dans les
relations franco-espagnoles. Elle fut brutalement interrompue en mars
1725, par le renvoi de l’Infante Reine. Devenant régent en 1723,
le duc de Bourbon qui désirait voir naître un héritier au trône,
résolut de marier le roi au plus vite. Mais Louis XV était fiancé
à la petite infante d’Espagne qui résidait à la cour de France.
En 1725, elle n’avait encore que sept ans, son fiancé âgé de
quinze la dédaignait. Le mariage n’était pas possible avant sept
à huit ans. En 1725, le cardinal de Fleury étant nommé premier
ministre, la décision de rupture du mariage espagnol de Louis XV
prévu par le traité de 1720, fut prise. Le 1er mars 1725
fut dépêché à Madrid le courrier annonçant le renvoi de la trop
jeune infante dont le départ fut fixé pour avril. Le 31 mars 1725
fut décidé, sans plus attendre, le mariage du roi à la pieuse
Marie Leszczynska, de sept ans plus âgée que lui, fille de
Stanislas, roi détrôné de Pologne. Partie de Paris le 5 avril,
l’infante refranchit la Bidassoa le 17 mai. Ce renvoi brutal
provoqua la fureur de Philippe V. Rappelant son ambassadeur et
expulsant celui de Louis XV, il rompit les relations diplomatiques.
Il s’en suivit une longue période de froid entre les deux maisons
des Bourbon, qui fit même craindre une guerre entre les deux
royaumes. Une telle remise en cause de la quadruple alliance
constituait en outre une menace de guerre entre, d’une part,
l’Espagne et l’Empire d’Autriche et, d’autre part, la France,
l’Angleterre et la Prusse liées par la ligue dite de Hanovre
depuis le 3 août 1725. Les menaces de guerre s’aggravèrent en
1726, et entraînèrent de la part de la France la prise de mesures
militaires de précaution. En 1727, furent signés à Paris les
préliminaires de paix qui aboutirent au traité de Séville.
A
part la courte guerre franco-espagnole de 1719 et la brusque tension
internationale des années 1725-26, la France connut la paix de 1715
à 1733. Malgré son désir de paix et en dépit de son souci de
poursuivre le redressement des finances et de confirmer le retour de
la prospérité en France, le cardinal Fleury, ministre de 1725 à sa
mort en 1743, engagea la France dans la guerre de succession de
Pologne (1733-1735) qui fut un échec. La fin de cette guerre
entraîna un rapprochement de la France et de la cour d’Espagne
qui, devant les menaces anglaises, rechercha son appui. Marie-Anne de
Neubourg reine douairière d’Espagne, veuve de Charles II, quitta,
en 1738, l’Espagne pour Bayonne où fut construit pour elle le
château de Marracq. Un arrangement matrimonial fut la première
étape de la réconciliation. Dès septembre 1738, il fut convenu que
Madame Première, Marie-Louise Elisabeth, fille aînée de Louis XV
née le 14 août 1727, épouserait son oncle l’infant Don Philippe,
second fils de Philippe V et d’Elisabeth Farnèse. Le 23 août
1739, le marquis de La Mina, ambassadeur extraordinaire de Philippe V
vint demander sa main et les fiançailles furent célébrées le 25
août. Le 31 août, Madame, tout juste âgée de douze ans, partit en
carrosse pour la cour d’Espagne. Elle passa à Bayonne le 8
octobre, à Saint-Jean-Pied-de-Port le 10 et franchit la frontière à
Roncevaux le 13 octobre 1739. A cette occasion et selon la tradition
de tels échanges, on construisit une maison en bois sur la frontière
au col de Bentarte, la « maison
de la conférance »
portée sur les cartes71.
Le 25 octobre, Madame arrivait à Alcala où son mariage fut célébré
dans l’heure. Elle eut son premier enfant le 31 décembre 1741. Le
traité d’Aix-la-Chapelle de 1748, qui mit fin à la guerre de
succession d’Autriche commencée en 1741, attribua à Don Philippe
le duché de Parme.
Durant
la période de paix qui sépara ce traité du début de la guerre de
sept ans en 1756, Louis XV fit poursuivre sa politique de grands
travaux qui incluait un effort de rénovation des fortifications aux
frontières. La mort, en 1743, du marquis d’Asfeld, directeur
depuis 1715 du département des fortifications, entraîna le
rattachement du département au secrétariat d’État à la guerre
ainsi qu’une relance du renforcement des frontières. C’est ainsi
que le marquis de Paulmy, secrétaire d’État à la guerre, vint à
Bayonne et inspecta la place de Saint-Jean-Pied-de-Port durant l’été
1753. Le traité de Paris, signé le 10 février 1763 entre la
France, l’Espagne, le Portugal et l’Angleterre, qui mettait fin à
la guerre de Sept Ans, marqua le début d’une nouvelle ère de
réorganisation des armées et de renforcement des défenses aux
frontières. Le dernier grand projet concernant la place de
Saint-Jean-Pied-de-Port date ainsi de 1773 pour 1774.
En
1774, à la mort de Louis XV, dont les deux fils étaient déjà
décédés à cette date, c’est son petit-fils, Louis XVI, qui lui
succéda. Quinze ans plus tard, la Révolution française
transformait la frontière pyrénéenne avec l’Espagne en une zone
de combats au cours desquels la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port
joua un rôle important.
L’état
de conflit qui prévalut entre les royaumes de France et d’Espagne,
donc sur la frontière des Pyrénées, dès la désignation de Henri
de Navarre comme roi de France justifiait pleinement, dès les
premières années du XVIIe siècle, la construction d’une
citadelle royale à Saint-Jean-Pied-de-Port au pied du col de
Roncevaux. La persistance des tensions et des guerres couvertes, ou
ouvertes, dont la guerre de Trente ans, jusqu’à la signature du
traité des Pyrénées, et au-delà durant la première moitié du
XVIIIe siècle, justifiait la poursuite de la fortification de la
frontière pyrénéenne. Elle rendait donc nécessaire des travaux
afin de rénover, de moderniser et de renforcer cette citadelle.
Cependant, la situation interne de cette partie du royaume marquée,
dès les premières années du règne de Louis XIII, par la rébellion
des protestants béarnais et la signature de l’acte d’union des
royaumes de Navarre et de France, peut aussi expliquer la décision
de construction de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il
apparaît, en effet, que le souci de défense de la frontière n’en
fut pas la seule raison. Si Salmon en 1718 se plaît à souligner
qu’à cette date les habitants de Saint-Jean-Pied-de-Port sont
fidèles et attachés au Roy en bons sujets, le rapport de 1770
rappelle que l’esprit rebelle de la population, le manque de
fidélité à son souverain légitime et les séquelles des guerres
de religion avaient constitué autant de raisons d’établissement
de cette citadelle que le souci de renforcer la frontière avec
l’Espagne :
Les
différentes révoltes fomentées par les principaux de la noblesse
du pays durant le veuvage de la Reine Jeanne et la minorité de Henry
IV qui par un édit de 1607 réunit son ancien domaine à la couronne
de France, la démarche imprudente des jurats de Saint Jean envers le
duc de Medinaceli dans le temps de trouble, l’esprit de parti que
l’établissement de la religion protestante occasionnait dans ce
canton prouvent bien la nécessité de cette place de guerre. Les
Pyrénées, revenues quelques années après la barrière de France
et d’Espagne par le traité de paix de même nom, cette place est
devenue plus nécessaire tant pour tenir les esprits soumis à leur
véritable souverain que pour avoir en sûreté un dépôt de
munitions de guerre et de bouche pour une guerre offensive sur une
frontière ennemie de la France jusque au commencement de ce siècle72.
* * *
Ainsi,
de par sa situation géographique au pied du col de Roncevaux et des
« ports de Cize » qui l’encadrent, la cité de
Saint-Jean-Pied-de-Port occupe une position stratégique au débouché
du principal point de franchissement de la chaîne pyrénéenne dans
sa partie occidentale. Placée au carrefour d’importants
itinéraires en provenance de France et du Béarn, elle commande,
depuis l’établissement de la voie romaine de Burdigala à
Astorga, la voie majeure de pénétration vers Pampelune et
l’Espagne. Elle contrôle une zone frontière convoitée entre la
Navarre et la Guyenne anglaise au Moyen-Âge, entre la Navarre, puis
la France, et l’Espagne à partir de la Renaissance. La géographie
détermine la vocation militaire de la cité. Les événements
historiques et politiques expliquent les conditions et les étapes de
la construction d’un château fort, puis d’une cité et enfin
d’une citadelle ainsi que les raisons des choix effectués. Au
Moyen-Âge, les rois de Navarre y édifièrent un château fort afin
de défendre leur province d’outre ports face à la Guyenne
anglaise. Erigé sur un éperon rocheux qui commande l’accès au
col de Roncevaux, il n’en contrôle qu’imparfaitement le
débouché. La succession des conflits dynastiques, internes,
religieux et externes qui conduisirent à la disparition du royaume
de Navarre, suggère que cette forteresse était quasiment ruinée
lorsque la Basse Navarre, abandonnée par Charles Quint, revint en
1530 à Henri II d’Albret, son roi légitime. La frontière resta
une région convoitée entre Espagne et Navarre pendant les guerres
d’Italie. Elle devint une zone de conflits dès l’accession du
roi de Navarre au trône de France en 1589. Ainsi, ce site,
stratégiquement vital à la défense du royaume de Navarre face à
l’Aquitaine anglaise, resta capital pour la sécurité du royaume
de France face à la couronne d’Espagne. La construction d’une
citadelle à Saint-Jean-Pied-de-Port au début du XVIIe siècle,
s’imposa pour des raisons de continuité historique et de politique
tant intérieure qu’extérieure. Après un siècle et demi de
guerres en Navarre, son rôle premier fut d’asseoir la souveraineté
du roi de France sur la Navarre, d’affirmer la primauté de la
religion catholique, de contrôler la population et de maintenir la
paix. L’état de guerre quasi permanent, qui s’établit entre les
Habsbourg d’Espagne et les Bourbon dès l’accession d’Henri IV
au trône de France et se poursuivit sous les règnes de Louis XIII
et de Louis XIV, imposait d’interdire à l’envahisseur espagnol
potentiel l’usage du couloir de pénétration que constituent les
ports de Cize, dont le col de Roncevaux. Cette construction
s’inscrivait dans la politique des rois de France et de leurs
ministres, successivement Henri IV et Sully, puis Louis XIII et
Richelieu, de fortification des frontières de la France. Mazarin
poursuivit cette politique à partir de 1643, que Louis XIV, dont
Vauban fut le maître d’oeuvre, porta à son paroxysme. Quelles
qu’aient pu être les raisons principales ayant motivé la
construction de sa citadelle et le choix de son site, c’est bien
dans un souci de défense des frontières de la France qu’elle fut
rénovée et maintenue en état à partir du règne de Louis XIV.
Mais, dominée par quelques hauteurs avoisinantes, elle se révéla
moins adaptée à ce rôle à mesure qu’au XVIIIe siècle, la
portée des canons s’allongea. Elle pouvait également constituer
la base de rassemblement et de soutien logistique d’opérations
offensives françaises en direction de Pampelune. Selon les époques,
selon leur contexte historique ou politique, l’une ou l’autre de
ces fonctions revêtait une plus grande importance, ce qui permet
d’expliquer les choix faits et les priorités données lors des
travaux de construction, ou de rénovation, rendus nécessaires par
la persistance de la menace tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles.
Bien que la frontière des Pyrénées restât alors un théâtre
secondaire d’opérations, la cité et la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port se trouvèrent à plusieurs reprises placées
en première ligne.
1
Cf. source manuscrite n° 04-a.
2
Cf. sources cartographique n° 37.
3
Cf. source manuscrite n° 03 et source cartographique n° 37.
4
Cf. sources manuscrites n° 17, 18, 19, et source cartographique n°
32.
5
Voir planche n° 1.
6
Cf. source manuscrite n° 04-a.
7
Cf. sources cartographique n° 23.
8
Voir planche n° 2.
9
Le mot de « port », est synonyme de « col »
dans toutes les Pyrénées ; exemple : le « Somport ».
10
Cité par l’abbé Haristoy, Cf. bibliographie n° 35.
11
Cf. source manuscrite n° 03.
12
En outre, le col d’Orgambideska permet de rejoindre Larrau et la
Haute Soule à partir de la forêt d’Iraty.
13
Ce col est appelé en langue basque par les bergers : Hiru
Burietak soit « Les trois têtes » ; il est en
effet en « tête » de trois rivières : la Nive de
Béhérobie, le rio Iraty et le rio Urobi.
14
L’accès actuel au col d’Otxondo depuis la France se fait par la
route venant d’Aïnhoa, qui franchit la frontière à Dancharia.
15
Pasajes, ou Pasaia en langue basque, situé à l’embouchure du rio
Oyartzun en face de Saint Sébastien, était le plus grand port de
la province de Guipuzcoa jusqu’à l’époque contemporaine ;
proche de Saint Sébastien, il est remarquablement abrité car situé
au fond d’une baie ne communiquant avec la mer que par un étroit
goulet.
16
Cf. A. de Saint-Saud, bibliographie n° 43.
17
Voir glossaire.
18
Cf. Lieutenant-colonel Strasser, bibliographie n° 45.
19
Le calcaire extrait de carrières était transformé en chaux par la
chaleur de ces fours en forme d’œufs ; mélangée à de
l’eau et du sable, la chaux servait de mortier.
20
Cf. source manuscrite n° 18.
21
Cf. source cartographique n°32.
22
Ophite: roche résistante de la famille des marbres, de couleur
verte rayée de filets jaunes entrecroisés, datant du Trias
supérieur.
23
Voir planche n° 3.
24
Voir infra chapitre III, paragraphe 31: ‘Le château médiéval’.
25
Cf. Pierre Bidart, bibliographie n° 29.
26
Publié par Jeanne Vielliard, texte latin du XIIe siècle, édité
et traduit en français d’après les manuscrits de Compostelle et
de Ripoli. Pau 1984, cinquième édition, librairie philosophique J.
Vrin.
27
Cf. B. Duhourcau, bibliographie n° 32.
28
Une lieue est, dans le royaume de France, égale à 2 000 toises,
soit 3,898 Km; mais Vauban précise que les lieux du pays, ailleurs
appelées « lieues de Navarre », « sont
fort grandes » ; le géographe Roussel, en 1718,
précise que la lieue du pays est égale à 3 000 toises, soir
5,847 Km. La lieue de Navarre vaut donc une lieue française et
demie, soit près de six kilomètres au lieu d’un peu moins que
quatre.
29
Cf. source manuscrite n° 03.
30
Cf. source manuscrite n° 17.
31
Cet événement sera mentionné dans le paragraphe consacré au
cadre historique : voir infra § 15.
32
Cf. source cartographique n°32.
33
Les cartes actuelles mentionnent un lieu dit ‘Alto Biscar’ sur
un mouvement de terrain à un kilomètre au Nord-est du col
d’Ibaneta, soit à quatre kilomètres et demi au Sud-ouest du col
de Bentarte ; de fait, le nom d’Altobizcar est une autre
dénomination du Mendi Chipi, de même que l’Orzanzurieta est
souvent appelé « Alto-Napoléon » par les
Espagnols, peut-être en raison de la redoute édifié à son
sommet, sans doute lors des guerres napoléoniennes.
34
Cf. source manuscrite n° 04-b.
35
Cf. source manuscrite n° 17.
36
Cf. source manuscrite n° 04-e.
37
Cf. source manuscrite n° 18.
38
Cf. source manuscrite n° 03.
39
Une source indique que le col d’Orgambide fut aussi franchi par de
l’artillerie en 1793 (Cf. Bibliographie n° 43)
40
Cf. sources cartographique n° 31.
41
Cf. source manuscrite 04-e.
42
Cf. bibliographie n° 29 à 48.
43
Dès le dernier tiers du XIII° siècle, le royaume de Navarre est
divisé en provinces, les merindades: Ribera (Tudela), Olite,
Estella, Sanguesa, Montagnes (Pamplona), confiées à des merinos ;
s’y ajoute donc la province d’Outre-ports où le
capitaine-châtelain assume les fonctions de merino.
44
Le couple n’eut pas d’enfant ; veuve en 1199, Bérangère
fut faite en 1203, comtesse douairière du Maine par Philippe
Auguste et fonda le 25 mars 1229 l’abbaye cistercienne de la
Piété-Dieu à l’Epau, près du Mans où elle fut inhumée le 23
décembre 1230 et où son gisant est visible dans la salle
capitulaire.
45
La guerre de Cent ans dura de 1337, date de la confiscation du duché
de Guyenne par Philippe VI de Valois, à 1453 ; avec une
première phase de défaites pour la France qui au traité de
Brétigny en 1360 céda au roi d’Angleterre, Edouard III, le quart
du royaume et une seconde phase commençant à la folie de Charles
VI qui survint en 1392, elle s’acheva, après la brève
intervention de Jeanne d’Arc (1429-1431) par la contre-offensive
française de reconquête du royaume terminée par la victoire de
Castillon en 1453.
46
Cf. B. Leroy, bibliographie n° 37.
47
Cf. P. Haristoy, bibliographie n° 35 (op. cit.).
48
Cf. A. Saint-Vanne, bibliographie n° 44.
49
Cf. E. Goyheneche, bibliographie n° 34.
50
Dès la reprise de Bayonne, Charles VII fit entreprendre la
construction d’une nouvelle forteresse de style médiéval, le
‘château neuf’.
51
Cette année 1453 fut à double titre une année capitale dans les
rapports entre puissances européennes ; outre la fin de la
guerre tricentenaire entre France et Angleterre, elle vit l’entrée
dans le concert des puissances européennes, de la Turquie Ottomane
qui s’empara de Constantinople le 29 mai 1453.
52
En 1290, la maison de Foix était devenue par alliance vicomte de
Béarn; le plus célèbre des comtes de Foix et vicomte de Béarn
avait été Gaston Febus (1331-1391), grand capitaine et grand
chasseur. Pau était devenue capitale du Béarn en 1464, à la place
d’ Orthez qui avait elle-même évincé Morlaàs en 1194.
53
Cf. P. Narbaitz, bibliographie n° 39.
54
Le titre de « rois catholiques » leur avait été
conféré par le pape Alexandre VI après la prise de Grenade en
1492.
55
La tradition locale veut que le pouvoir castillan ait construit
Château Pignon (Castel Penon) pour défendre les ports de Cize dès
la conquête de la Navarre à partir de 1512. Cependant, une Carte
des chemins d’Espagne, établie par Touros en 1753,
appartenant à la collection Paulmy (cote Arsenal, MS 6440, document
181) indique deux châteaux situés vis-à-vis, l’un à Château
Pignon, l’autre sur l’Alto Biscar, que Touros nomme
« Arlabiscarta ». Ceci suggère l’hypothèse de
l’existence à la frontière de deux forteresses, l’une
espagnole, sur l’Alto Biscar, l’autre navarraise à Château
Pignon, que les Navarrais qui parlaient Castillan auraient appelé
« Castel Penon ».
56
En janvier 1556, Charles Quint avait abdiqué de son autorité sur
ses possessions espagnoles en faveur de son fils Philippe II.
57
Cité par le pharmacien et historien local Jean Etchevers dans La
route des crêtes de Saint-Jean-Pied-de-Port à Roncevaux,
Bayonne 1973.
58
Cf. source manuscrite n° 04-c.
59
Cf. Abbé Haristoy, bibliographie n° 35 (op. cit.).
60
Voir glossaire.
61
Cf. J.P. Babelon, bibliographie n° 02.
62
Sa sœur, Catherine de Navarre, assuma la régence en Navarre et
Béarn.
63
Cf. P. Chevallier, bibliographie n° 04 et V.L. Tapie, bibliographie
n° 10.
64
Cf. source manuscrite n° 20.
65
Entré au conseil en 1616, comme secrétaire d’état pour
l’intérieur et pour la guerre, Richelieu souffrit de disgrâce
après l’assassinat de Concini en 1617. Bertrand d’Eschaux,
évêque de Bayonne, fidèle protecteur ecclésiastique de
Richelieu, le servit auprès du roi pendant sa disgrâce.
66
Cf. Ph. Erlanger, bibliographie n° 06.
67
Cf. source manuscrite n° 04-c.
68
Charles II, le roi d’Espagne, était doublement proche parent de
Louis XIV, fils d’Anne d’Autriche, tante de Charles II, et mari
de Marie-Thérèse, sa demi-sœur.
69
La guerre de succession provoqua en 1704 la perte par l’Espagne de
Gibraltar, au profit de l’Angleterre qui acquit officiellement le
rocher au traité d’Utrecht de 1713.
70
Cf. M. Antoine, bibliographie n° 01.
71
Cf. source cartographique n° 32.
72
Cf. source manuscrite n° 04-c.
Commentaires
Enregistrer un commentaire