Edifices de Saint-Jean-Pied-de-Port

EDIFICES RELIGIEUX et BÂTIMENTS PUBLICS

de la CITE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT


INTRODUCTION

Située au débouché du « Col de Roncevaux », à l’entrée du bassin formé par la confluence, en un lieu dénommé « Les Trois Eaux », de trois rivières torrentueuses, dont la Nive de Béhérobie, qui descendent des monts pyrénéens, la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port, carrefour de routes conduisant à Bayonne, Pau et Pampelune, est une commune d’environ mille cinq cents âmes, regroupée autour de son hôtel de ville et de son église paroissiale. Elle comprend aujourd’hui, au pied de la citadelle baroque érigée par Louis XIII sur les ruines du château-fort des rois de Navarre, une ville haute protégée par une muraille médiévale, une ville basse sur la rive opposée de la Nive, entourée d’un mur d’enceinte du XIXème siècle, et un quartier résidentiel qui, englobant le hameau originel d’Ugange, s’est développé au XXème siècle depuis la ville haute jusqu’à la gare alors de construction récente.

Ainsi constituée, la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port est, tant au plan de l’histoire de ses édifices religieux et de ses bâtiments publics, que de l’organisation de sa vie communale et paroissiale, le produit d’une histoire originale pluri-centenaire qui se déroula au sein d’abord du royaume de Navarre, puis du royaume de France.

CADRE HISTORIQUE et GEOGRAPHIQUE

Le Hameau d’Ugange

Le noyau primitif de l’actuelle cité de Saint-Jean-Pied-de-Port était le hameau d’Ugange qui se situe en contrebas de la porte de France, au croisement de l’avenue Renaud menant à la gare et de la rue Sainte-Eulalie. Sa naissance découle de l’existence sur la Nive de Béhérobie, d’un gué qu’empruntait le chemin partant de la station romaine d’Imus Pyranaeus, sur le site de l’actuel village de Saint-Jean-le-Vieux, en direction de la vallée de Baïgorry et de celle dénommée le « Val Carlos ». De part et d’autre de ce gué, se faisant face sur chacune des rives opposées, se créèrent les deux hameaux d’Ugange et d’Uhart, chacun autour de sa propre église, Sainte-Eulalie à Ugange et Saint-Martin à Uhart-Cize. Sur la voie romaine reliant Burdigala (Bordeaux) à Astorga dans la province de Léon en Espagne, Imus Pyranaeus était la dernière station avant le franchissement de la Nive de Béhérobie au gué du village de Saint-Michel-Pied-de-Port, puis des Pyrénées par l’un des « ports », ou cols, de Cize, qui prit au Moyen-Âge l’appellation mythique de « Col de Roncevaux ».

Quant au château fort de Saint-Jean-Pied-de-Port, il fut érigé au XIème, ou au XIIème siècle, afin de sécuriser l’ancienne voie romaine, devenue alors l’axe de communication majeur transpyrénéen du royaume de Navarre. Son existence est attestée sous le règne du roi de Navarre Sanche VI le Sage (1150-1194) lorsque, en 1189, il en nomma comme gouverneur1 Martin Chipia, ou Martinus Chipia (Martin le Petit). Dès 1022, le roi de Navarre Sanche III le Grand (1001-1035) avait étendu son autorité sur les « pays », de Cize, de Baïgorry, d’Ossés, d’Arberoue, d’Irissary et d’Iholdy, situés au Nord de la chaine des Pyrénées, qui, relevant jusque-là du duché de Gascogne, furent alors engagés au roi de Navarre par le duc de Gascogne, Sanche Guillaume. Ainsi, le royaume de Navarre commença à s’agrandir de ce qui devint sa province nord-pyrénéenne et ultérieurement la « Basse-Navarre ». Ainsi, la première hypothèse serait que Sanche III le Grand aurait édifié un château-fort royal navarrais, peu après l’An Mille, sur le lieu-dit Mendiguren (‘limite de montagne’), qui prit alors le nom de Gastellumendy (‘mont du château’).

La seconde hypothèse serait que ce château-fort royal aurait été construit immédiatement après la destruction du château de Saint-Jean-le-Vieux à la fin du XIIème siècle, lors de l’une des interventions du roi d’Angleterre sur les confins navarrais. En janvier 1177, Richard2, le fils du roi d’Angleterre Henri II Plantagenet, alors comte de Poitiers, entreprit une expédition militaire destinée à rendre plus sûrs les chemins de Saint Jacques de Compostelle. On racontait en effet que les pèlerins étaient détroussés dans les cols pyrénéens par des seigneurs brigands, basques et navarrais. Ainsi, Richard, partant de Bordeaux où il avait célébré le Noël 1176, s’empara de Dax, puis de Bayonne. Parvenant en Pays de Cize, il prit d’assaut le château de San Per (Donapetria ou Saint-Pierre) qui s’élevait sur la motte dominant l’établissement romain d’Imus Pyranaeus, dans lequel s’était réfugié un groupe de chevaliers navarrais. Il détruisit le château ainsi que l’église voisine de Saint Pierre d’Usacoa, situés tous deux sur le site du village actuel de Saint-Jean-le-Vieux. A l’issue de cette expédition, Richard retourna à Poitiers au début de février 1178.

A la fin du XIIème siècle et au début du XIIIème siècle, le roi de Navarre, Sanche VII le Fort (1194-1234) agrandit ses possessions nord-pyrénéennes: en 1194, le vicomte de Dax fit hommage au roi de Navarre pour les pays de Mixe et d’Ostabarret ; en 1196, le vicomte de Tartas, en 1203, le seigneur de Gramont, en 1228, le seigneur de Luxe se reconnurent vassaux du roi de Navarre. En plus de celui déjà édifié à Saint-Jean-Pied-de-Port, la région se couvrit de châteaux-forts: ceux d’Echaux3 à Baïgorry, d’Espelette, de Guiche, de Mondarrain à Itxassou, d’Ustaritz, de la Moulary à Viellenave sur Bidouze, château original de la famille de Gramont, connu en 1244 sous le nom de château du Mont-Aigu. En Espagne, après avoir tenté de s’entendre avec le dernier grand souverain Almohade, Sanche VII le Fort fut l’un des artisans de la victoire de Las Navas de Tolosa remportée en juillet 1212 sur les Maures par les rois de Navarre, de Castille et d’Aragon. Cette victoire effaça pour les Navarrais les défaites précédentes, dont la perte dès 1200 des provinces basco-navarraises au profit de la Castille. Mort en 1234 dans son château de Tudela, Sanche VII le Fort fut enterré dans la chapelle de l’abbaye de Roncevaux.

En cette époque troublée, périodes de paix et de guerre alternaient. Bérangère de Navarre, fille aînée de Sanche VI le Sage et sœur de Sanche VII le Fort, épousa, en 1191 à Chypre, Richard Cœur de Lion duc d’Aquitaine et roi d’Angleterre, alors en route pour la troisième croisade. Par ce mariage, Richard abandonna définitivement les pays de Cize et d’Irissary au roi de Navarre, Sanche VI. En installant en 1194, à Saint-Jean-Pied-de-Port un nouveau châtelain qui commandait sur tous ces « pays », Sanche VII fit de la cité le siège de la châtellenie d’Outre-Ports, qui défendait les accès Nord aux ports de Cize, et officialisa de fait la constitution de la province nord-pyrénéenne de son royaume, la « merindad » de Saint-Jean-Pied-de-Port, future « merindad de Ultra Puertos », ou province d’au-delà des « ports », ou cols, du royaume de Navarre.

La Ville de Saint-Jean-Pied-de-Port

Dans les années qui suivirent l’édification d’un château-fort royal navarrais sur l’éminence de Mendiguren, une « ville neuve » s’édifia sur ses pentes. Elle se développa le long d’une rue descendant de l’entrée du château-fort vers la Nive, dénommée rue San Per, ainsi que d’une rue perpendiculaire rejoignant le hameau primitif d’Ugange. Cette ville neuve prit le nom de Saint-Jean, en se plaçant sous la protection de Saint-Jean-le-Baptiste. Ce nom était déjà porté par l’église Saint-Jean-Baptiste d’Urrutia, dont il ne reste aujourd’hui que quelques ruines, existant sur le territoire de l’actuel village de Saint-Jean-le-Vieux, en face du château et de l’église Saint-Pierre, sur la rive opposée de la rivière Laurhibar. Selon J.B. Orpustan4, l’ancienne paroisse Sainte-Eulalie d’Ugange, qui avait initialement un conseil commun avec la paroisse Saint-Martin d’Uhart et ne formait donc pas une entité autonome, fut englobée dans la ville nouvelle de Saint-Jean, ville également dénommée Sanctus-Johannes de Cisera, ou Saint-Jean-de-Cize.

La description faite de la ville de Saint-Jean dans son traité de géographie terminé vers 1154, par le géographe arabe Idrissi : « jolie petite ville bâtie sur une éminence, on y remarque une église très belle et très fréquentée » qu’il qualifie de « sentinelle avancée » tendrait à accréditer la première hypothèse, celle de l’édification du château-fort vers l’an 1025 et de la création de la ville de Saint-Jean dès le milieu du XIème siècle.

A la fin du XIIème siècle, la ville de Saint-Jean, chef-lieu de la châtellenie d’Outre-Ports, la future Merindad de Ultra Puertos, concentrait les pouvoirs militaires et civils avec sa garnison, sa prison, sa forteresse régulièrement entretenue, le sceau royal et les officiers royaux. Ce fut, semble-t-il, après la victoire de Las Navas de Tolosa en 1212, que Sanche le Fort entoura la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port d’une muraille5 percée de plusieurs portes. Le quartier d’Ugange fut maintenu hors les murs tandis que le quartier compris à l’intérieur de la muraille prenait le nom de « quartier Sainte-Marie ». En 1309, un Irumberi, de la famille du château d’Irumberry de Saint-Jean-le-Vieux, était gardien de la châtellenie de Saint-Jean-Pied-de-Port.

L’édification du château-fort sur le mont de Mendiguren entraina la création de plusieurs variantes de l’itinéraire conduisant les voyageurs et les pèlerins à partir d’Imus Pyranaeus vers les cols pyrénéens. La première de ces variantes, au lieu de gagner le gué de Saint-Michel-Pied-de-Port par la voie directe passant par Harrieta et le village de Çaro, se dirigeait vers le château-fort établi sur le mont de Mendiguren, dont elle recherchait la protection, puis remontait le cours de la Nive pour rejoindre le gué de Saint-Michel-Pied-de-Port. La construction, au pied du château-fort, en ce lieu aujourd’hui appelé « Eyheraberry », d’un pont en bois sur la rivière Nive au dernier passage resserré entre des berges rocheuses qui lui servaient de piles, à l’entrée du bassin de Saint-Jean-de-Cize, permit de créer une nouvelle variante qui rejoignait directement les ports de Cize par la ligne de crête à partir de Saint-Jean-de-Cize. Ce pont fut ultérieurement remplacé par un pont en maçonnerie en dos d’âne de style roman à une seule arche en plein cintre, pont dénommé depuis par déformation linguistique « pont romain ».

L’adoption préférentielle de ce dernier itinéraire par les pèlerins et les voyageurs qui passaient précédemment par Saint-Michel-Pied-de-Port entraîna une modification des appellations des villages. Vers 1250, Saint-Jean était devenu Saint-Jean-Pied-de-Port6, tandis que Saint-Michel-Pied-de-Port avait pris le nom de Saint-Michel-le-Vieux, cité en 1287. De même, selon Clément Urrutibehety7, Saint-Pierre d’Usacoa était appelé Saint-Pierre-le-Vieux dans les statuts de Roncevaux de 1287, puis, inspiré par l’église Saint-Jean d’Urrutia, prit le nom de Saint-Jean-le-Vieux, pour la première fois, en 1479. Quant à J.B. Orpustan, il explique que le nom de Saint-Jean-le-Vieux (en 1264 : Sant Iohan lo vieyll) qui remplaçait à cette époque la dénomination de Saint-Pierre d’Usacoa, indiquait l’abandon du rôle de site principal et fortifié sur la voie du col de Roncevaux, tenu par ce lieu depuis l’époque romaine au profit de la nouvelle ville fortifiée de Saint-Jean-Pied-de-Port, mais sans aucun lien avec un lieu de culte dédié à Saint Jean. De fait, le village de Saint-Jean-le-Vieux regroupait les deux paroisses médiévales distinctes de Saint-Pierre d’Usacoa et de Saint-Jean d’Urrutia, situées de part et d’autre du cours du Laurhibar, tout en absorbant la commanderie Saint-Blaise d’Aphat-Ospital, dépendant de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, la chapelle Sainte-Foy et la commanderie d’Arsoritz, située sur le plateau de Zabalza, appartenant à Roncevaux, ainsi que la chapelle de Sainte-Magdeleine « la Récluse » et son prieuré, « Priorenea », dépendant des Prémontrés de Lahonce.

Au XIIIème siècle, la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port continua son développement au pied de son château-fort navarrais. Une charte de 1257 du bayle et des douze jurats, scellée du sceau de la ville, parle de « ville haute », le quartier Sainte-Marie, et de « basse ville », le quartier d’Ugange selon toute vraisemblance. La ville était organisée selon un plan de bastide de part et d’autre de la rue principale, appelée Rue Sant Per (1294) dans sa partie haute et bientôt rue Sainte-Marie dans sa partie inférieure. Ce bourg neuf, initialement dénommé « Burgus Maior Sancti Petri », (1293), adopta, dès 1294, l’appellation de « Burgo mayor de Sant Johan ».

Au XIIIème siècle, Thibaud Ier, gendre et successeur de Sanche VII le Fort, conféra à la ville les coutumes de Bayonne. Un moulin royal fut édifié hors les murs sur la chute d’eau existant un peu en aval de la cité fortifiée. Pour certains historiens, la première référence au moulin de Saint-Jean-Pied-de-Port daterait de 1258. A. de Saint-Vanne8 cite une ordonnance signée par le roi Thibaut I, en date du 19 septembre 1236, qui confirme un privilège accordé le 4 novembre 1220 concernant les « moulins royaux de Saint-Jean-Pied-de-Port ». Un second moulin, en effet, fut construit sur la rive opposée de la rivière, la Nive, où se développait le village d’Uhart. Une passerelle dite « des deux moulins » les reliait. Ces moulins royaux figurent bien sur les sources cartographiques étudiées, mais elles ne fournissent à leur sujet aucune information complémentaire. La ville tenait un marché hebdomadaire, référencé depuis 1258, pour lequel, les jurats demandèrent au roi la construction d’une halle, qui débuta en 1342. Saint-Jean-Pied-de-Port était le principal centre commercial de l’ensemble de l’Ultrapuertos. Les artisans y étaient nombreux, dont un grand nombre de bouchers et de cordonniers, mais aussi des fabricants de lances et d’arbalètes. Cette prospérité conduisit Charles II, en 1386, à décider d’y établir un Hôtel de la Monnaie, en plus de celui existant à Saint-Palais depuis 1351. A la fin du XIIIème siècle, la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, chef-lieu de la Merindad d’Ultrapuertos, appelée la 6ème Merindad du royaume à la fin du Moyen-âge, prospérait.

Au XIVème siècle, la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port, qui comptait alors 63 « feux », ou foyers, souffrit d’incendies dont un très grave au début du siècle. Elle subit de graves destructions dans la seconde moitié du XVème siècle lors de la guerre civile navarraise, puis au XVIème siècle, d’abord lors de la conquête de la Navarre par le roi « des Espagnes », puis lors des guerres de religion, à l’issue desquelles elle semble avoir été reconstruite : à l’exception de celui de la maison Arkanzol daté de 1510, les linteaux des maisons de la ville haute, le quartier Sainte-Marie, portent des dates postérieures à 1584. Quant au XVIIème siècle, les inscriptions des maisons de l’actuelle rue de la citadelle montrent qu’il fut une ère de prospérité pour la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port. En 1692, le curé de la paroisse y compte 76 maisons.

Le faubourg de Saint-Michel

Lorsque les techniques de construction le rendirent possible, un pont, initialement en bois, fut construit sur la Nive dans l’axe de la rue Sainte-Marie, ce qui entraîna une nouvelle modification de l’itinéraire vers les cols pyrénéens qui, abandonnant le pont romain d’Eyheraberry, emprunta ce nouveau pont pour poursuivre en ligne droite vers le col de Roncevaux. Cet itinéraire reliant la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port à Pampelune, la capitale du royaume de Navarre, prit l’appellation de « Grand Chemin de Pampelune par Roncevaux ». La cité de Saint-Jean-Pied-de-Port poursuivit son extension en construisant des maisons le long de cet itinéraire, qui devint une rue dénommée « de Saint-Michel ». Englobant les maisons avoisinantes, se créa ainsi un faubourg au-delà du pont, sur la rive gauche de la Nive, qui devint le « faubourg Saint-Michel », en face du quartier Sainte-Marie

La date de création de ce faubourg reste difficile à établir car l’interprétation des archives est délicate. Certains historiens pensent que ce faubourg existait déjà au milieu du XIIIème siècle : mais la « ville haute » et la « basse ville », mentionnées dans la charte de 1257 sont plus vraisemblablement le quartier de Sainte-Marie et le quartier d’Ugange, dont certains plans anciens tendent à prouver que le projet de l’enserrer d’une muraille exista. De même, une rue de Saint-Michel antérieure, qui aurait bifurqué depuis le bas de la rue de Sainte-Marie en direction du village éponyme, pourrait avoir existé sur la rive droite de la Nive avant la construction de ce pont, comme le suggère un autre plan ancien.

Le faubourg Saint-Michel s’était établi sur le territoire de la paroisse d’Uhart, à laquelle il continua d’appartenir, et dont le curé conserva toutes ses prérogatives religieuses et d’état-civil à l’égard des habitants de ce faubourg. Dans les registres des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse d’Uhart, il se dit : « Curé de la paroisse d’Uhart et de la rue de Saint Michel à Saint-Jean-Pied-de-Port ». Mais, par dérogation à la norme et au droit coutumier qui voulaient que la division administrative médiévale de base soit la paroisse, ce faubourg fut administrativement considéré comme une extension de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port, et son administration assurée par les jurats de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port dont il fut considéré comme un quartier.

La construction de ce nouveau pont sur la Nive provoqua l’aménagement, dans l’enceinte de la cité, d’une porte supplémentaire qui y donnait directement accès. Afin d’en assurer la défense, elle fut fortifiée en adoptant le schéma d’une « Tour-Porte » de plan à peu près carré à trois étages, percée à sa base d’une porte ogivale, renforcée d’une herse. Dénommée initialement « Porte de Nive », ultérieurement « Porte Notre-Dame », parfois « Porte d’Espagne », elle assura la fonction de beffroi de la cité.

Les dates les plus anciennes connues de construction en maçonnerie des ponts sur la Nive sont l’année 1640 pour le pont d’Eyheraberry et 1661 pour le pont Notre-Dame. Vauban confirme en 1685 l’existence en ce lieu « d’un pont de pierre assez bien fait ». Ce pont figure sur la carte de Desjardins de 1645, ce qui pourrait confirmer sa construction en 1634, conclusion récente de chercheurs régionaux. Mais si l’on considère le style de sa construction et surtout celui de la tour-porte qui, selon toute vraisemblance lui est contemporaine, il s’agit en 1634 de la reconstruction d’une œuvre dont la facture, certes postérieure aux autres portes de la ville, remonte à la fin du XIIIème siècle ou au début du XIVème siècle. Le journal du pèlerin allemand Hermann Künig von Vach, en 1495, qui parvient à Saint-Jean-Pied-de-Port par la chapelle et la porte Saint-Jacques, et descend jusqu’au pont sur la Nive, précise que la ville « est divisée en trois quartiers ». Il confirme donc qu’à cette date de 1495, la ville comportait un troisième « quartier », le faubourg Saint-Michel, et que le nouveau pont existait bien. Par ailleurs, les récits de la prise de Saint-Jean-Pied-de-Port, à l’issue d’un long siège, lors de la lutte pour le trône de Navarre qui opposa au milieu du XVème siècle Charles, prince de Viane, auquel sa mère Blanche avait laissé la couronne de Navarre en mourant en 1441, et son père, le roi Jean II d’Aragon, se termina par l’occupation de la « tour de la chapelle Sainte-Marie » le 2 mai 1452. Il ne peut s’agir que de la « Tour-Porte » mentionnée ci-dessus, qui existait donc en 1452. La construction du nouveau pont sur la Nive et de la Tour-Porte associée remonterait donc au moins à la première moitié du XVème siècle. La partie supérieure de cette tour fut reconstruite au XVIIème ou au XVIIIème siècle à une époque de forte expansion de la ville.

Pour l’ensemble des trois quartiers composant la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, Vauban décompte en 1685, 115 maisons auxquelles il faut ajouter 28 à 30 emplacements précédemment construits. En 1718, M. de Salmon décompte 100 maisons, 15 masures et 25 emplacements constructibles.

Si la date de création du faubourg de Saint-Michel reste difficile à établir, il était encore en pleine expansion au début du XVIIème siècle. L’engagement en 1635 de Louis XIII dans la Guerre de Trente Ans fit craindre pour la place de Saint-Jean-Pied-de-Port9 dont les défenses furent renforcées. Autour du faubourg de Saint-Michel fut alors érigée une enceinte en ouvrages de campagne dont la limite Sud suivait les actuelles rues de la Fontaine et de la Liberté, tandis que le projet de Vauban de 1685 prévoyait la construction d’un mur d’enceinte situé quelques 75 mètres plus au Sud, ce qui prouve qu’entre les deux dates, soit en un demi-siècle, le faubourg s’était nettement étendu. Les travaux de construction de ce mur d’enceinte renforcé de tours bastionnées, conduits avec une extrême lenteur, furent arrêtés par la signature du Traité d’Utrecht qui, en 1713, mit fin à la Guerre de Succession d’Espagne. Ce fut seulement un siècle plus tard, par mesure de précaution face aux guerres carlistes, qu’un mur d’enceinte fut finalement réalisé, de 1842 à 1848, autour du faubourg de Saint-Michel, nouvellement appelé alors « Faubourg d’Espagne ».

Les EDIFICES RELIGIEUX de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT

L’Eglise Sainte-Eulalie d’Ugange

Le hameau d’Ugange, initialement construit autour d’une chapelle, dédiée à Sainte Eulalie, fut érigé en une paroisse, la paroisse de Sainte-Eulalie d’Ugange. Le nom de sa titulaire, martyre de l’église de Mérida en Catalogne sous Dioclétien au IVème siècle, rattache cette église à la première évangélisation venue de la vallée de l’Ebre. Au IIIème siècle, saint Saturnin avait converti la Navarre et son disciple saint Firmin était devenu évêque de Pampelune. De nombreuses églises de la Basse-Navarre sont dédiées à des saints et saintes de l’église ibérique primitive comme sainte Eulalie, la sainte vénérée par les pèlerins de Compostelle.

La paroisse de Sainte-Eulalie d’Ugange est mentionnée en 1253, mais le patronage de Sainte-Eulalie et le style du portail de cette église témoignent d’une origine antérieure, vraisemblablement de la fin du XIème siècle. Après la construction de la muraille autour de la ville haute, le quartier de Sainte-Marie, l’église paroissiale se trouva hors de l’enceinte. Elle fut ainsi souvent dénommée : « Sainte-Eulalie au faubourg d’Ugange ». Un plan d’époque baroque lui donne, dans la mesure où les échelles semblent respectées, des dimensions de 25 toises par 5 toises, soit 50 mètres par 10 mètres, soit des dimensions comparables à celles données par les mêmes plans à la chapelle Saint-Jacques, mentionnée plus loin. Selon l’abbé P. Haristoy10, elle avait une abside à pans coupés et une chapelle latérale sur son côté droit, le côté de l’évangile. Elle était entourée d’un cimetière et semble avoir été accompagnée d’un hôpital pour les pèlerins. Elle s’érigeait à l’emplacement de l’actuelle maison de retraite Toki Eder, construite sur ses vestiges en adoptant un plan rectangulaire : de l’église, il reste quelques pans de mur et une porte romane en plein cintre, avec trois tores11 pleins, des chapiteaux à petits crochets et des bases romanes typiques d’un roman primitif, qui confirme la période de construction à la fin du XIème siècle. Cette porte romane, déplacée et restaurée lors de récents travaux de réhabilitation de la maison de retraite, en est aujourd’hui la porte d’entrée.

L’église Sainte-Eulalie resta église paroissiale jusqu’à la Révolution. Cependant, dès le XVIIème siècle, elle était jugée bien vétuste et nécessitait une restauration. En 1694, la dot de la benoîte de Sainte-Eulalie servit à y entreprendre des réparations. Désaffectée lors de la Révolution, elle servit d’école des filles, puis on y construisit un hospice lorsque le vieil hôpital existant dans le quartier Sainte-Marie fut abandonné.

La Chapelle Sainte-Marie

Ce fut semble-t-il également après la victoire de Las Navas sur les Maures en 1212 que Sanche VII le Fort fit construire en action de grâce, dans la ville neuve, la ville haute, en bordure de Nive, la chapelle Sainte-Marie, dont le mur Sud était intégré à la muraille d’enceinte. L’église Sainte-Eulalie, située hors les murs, continua d’être l’église paroissiale, dont dépendait cette chapelle Sainte-Marie également desservie par le clergé paroissial. Le bourg de Saint-Jean-Pied-de-Port, qui appartenait comme tout le Pays de Cize au diocèse de Bayonne, comptait ainsi deux lieux de culte : l’église Sainte-Eulalie et la chapelle Sainte-Marie.

Comme l’église paroissiale, la chapelle Sainte-Marie était entourée de son propre cimetière et elle disposait d’un hôpital, construit le long de la Nive, à main-droite dans la rue y conduisant depuis la porte appelée successivement « des deux moulins », « du marché » et aujourd’hui « de Navarre ». Parfois appelé le « vieil hôpital », cet édifice qui assura l’accueil des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle pendant tout le Moyen-Âge, remplissait cette fonction aux XVIème et XVIIème siècles pour les « pèlerins passants ». Ce rôle d’hôpital fut repris par l’hospice construit sur les ruines de l’ancienne église Sainte-Eulalie lorsque celle-ci fut désaffectée au début du XIXème siècle.

La dénomination de cette chapelle évolua, après la construction du pont sur la Nive, en « Chapelle Notre-Dame-du-Bout-du-Pont ». Elle joua un rôle actif dans les remous qui marquèrent l’histoire de la Navarre à la fin du Moyen-Âge. Essayant de conjurer la division au sein de son royaume, Charles II le Mauvais, roi de Navarre, obtint que les familles ennemies des Luxe et des Gramont y signent la paix, le 2 avril 1384, en sa présence. En l’honneur de cette trêve, le roi de Navarre fit ériger une chapelle propitiatoire, appelée « chapelle de la Paix », sous l’invocation de Saint-Antoine sur la crête dominant le col d’Osquich, aux confins de la Navarre et de la Soule. Presque deux siècles plus tard, en 1570, Jeanne III d’Albret, reine de Navarre (1555-1572), qui, convertie au calvinisme, avait proscrit la religion catholique dans ses états dès 1566, envoya une armée, placée aux ordres de Montgomery, envahir la Basse-Navarre, insurgée contre la religion réformée. Cette armée s’empara de Saint-Jean-Pied-de-Port le jeudi lendemain des Cendres de 1570, dont elle incendia l’église Sainte-Eulalie d’Ugange et saccagea la chapelle Notre-Dame-du-Bout-du-Pont qu’elle transforma en écurie. Le seigneur de Larréa12, nommé capitaine-châtelain de la ville s’évertua, pendant les deux années qui suivirent, d’en convertir la population.

Cette chapelle jouait également un rôle dans la vie politique. Lorsqu’une assemblée des habitants de Saint-Jean-Pied-de-Port était nécessaire pour préparer une réunion des députés du Pays de Cize, elle se tenait en la chapelle Notre-Dame-du-Bout-du-Pont. Tel fut le cas en 1507 pour préparer le renouvellement de la sentence arbitrale entre les vallées de Cize et de Salazar de 1445, ou, en 1558, en vue de la ratification de la facerie entre le pays de Cize et le val d’Ahezcoa. De même, jusqu’en 1750, les Etats de Navarre, lorsqu’ils se tenaient à Saint-Jean-Pied-de-Port, se réunissaient en la chapelle Sainte-Marie. Par la suite, ces sessions se tinrent dans la maison Irrumberry, puis à partir de 1758 dans la maison Mendiry, qualifiée d’hôtel. Il en fut ainsi jusqu’en 1789. Au début de la Révolution française, les assemblées des habitants de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, qui reçut alors le nom de « Nive-Franche », se réunirent dans la chapelle Notre-Dame-du-Bout-du-Pont.

Ce fut en effet durant les années 1793-94, sous la Terreur, que l’esprit révolutionnaire se manifesta plus particulièrement à Saint-Jean-Pied-de-Port. La chapelle Notre-Dame-du-Bout-du-Pont devint le Temple de la Raison. L’assemblée municipale prit le 3 juillet 1794, la décision d’ériger un autel de la Patrie en gazon sur la place d’Eyheraberry, sur le terrain du ci-devant Pré du Lieutenant du Roy, pour célébrer les fêtes décadaires. Le 28 novembre 1795, malgré l’opposition de l’assemblée au projet, l’église de la commune, l’église paroissiale Sainte-Eulalie, fut transformée en arsenal.

L’Eglise Notre-Dame du Bout du Pont

Jusqu’à la Révolution, Notre-Dame-du-Bout-du-Pont n’eut rang que de chapelle. Ce fut en application du concordat de 180113, qu’elle devint église paroissiale, sous le nom d’église Notre-Dame-du-Bout-du Pont, lors de la reprise du culte en 1803. Les limites des paroisses rejoignirent alors celles des communes : ainsi la paroisse de Saint-Jean-Pied-de-Port s’agrandit du faubourg Saint-Michel, sur la rive opposée de la Nive, qui devint le « quartier saint-Michel », tandis que la paroisse d’Uhart-en-Cize perdait le dit faubourg.

L’église Notre-Dame-du-Bout-du-Pont se présente comme un bel édifice d’architecture résolument navarraise14. Elle est orientée en direction du Sud-Est et non rigoureusement de l’Est en raison de sa position parallèle au cours de la Nive. Face au visiteur, elle dresse en façade son grand mur-pignon droit en grès rouge violacé de forme triangulaire, bâti en appareil moyen régulier de moellons taillés, dans lequel s’ouvre en partie haute un oculus rond. Il présente de nombreuses traces de reprise laissant deviner l’existence d’une autre porte d’entrée dans l’axe de l’actuel latéral gauche. Son portail d’entrée, lui-même fruit d’une reprise, qui en reste la pièce maîtresse, est, avec ses nombreuses moulures, une œuvre du gothique rayonnant du XIVème siècle. Dans le large ébrasement d’un arc cintré surbaissé, les colonnettes, accolées deux par deux, ont encore souvent sur leur fût la petite baguette, ou listel, caractéristique de l’époque. Avec quelques perles ou denticules, leurs socles dessinent quelques ressauts triangulaires. Les hauts chapiteaux effilés aux rebords en cupules des colonnettes intérieures confirment elles aussi le XIVème siècle avec leurs grappes, feuilles de vigne, lierre découpé et un cul-de-lampe douloureux à la naissance de la première voussure. Cet ensemble qui fut remanié et restauré vers 1869-1870, après les dégâts provoqués par les ans et par la Révolution, a cependant conservé l’aspect d’ensemble du XIVème siècle. L’arc de la porte, visiblement refait fut alors doté de trilobes se terminant par des enroulements munis de minuscules petites têtes à la terminaison des rouleaux. A la naissance de ce feston, sont visibles, d’une part deux femmes en robe, voile sur la tête, style du XIVème siècle, d’autre part, un homme accroupi. Au-dessus court une petite corniche droite à rosaces réunies par un petit cordon sinueux. Au tympan, se trouvent des tores entre deux gorges creuses, avec une plate moulure couverte de rosaces. La plaque du tympan est vide d’origine, ou depuis la Révolution. Un arc surbaissé à claveaux réguliers recouvre la profondeur du portail.

L’intérieur de l’église, ample et vaste, sans transept, bâtie en style gothique rayonnant, présente trois nefs : une nef principale très large et deux bas-côtés étroits, ainsi qu’un chœur polygonal, de style ogival du XIVème siècle à cinq quartiers accusés, dont les supports associent des colonnettes rondes aux tailloirs polygonaux des chapiteaux et dont les bases sont moulurées en hauteur. Aux quartiers des voutains, les nervures ne comportent qu’une ogive centrale entre deux plates gorges. Les fenêtres, toutes placées en hauteur, toujours dans le style du XIVème siècle avec meneau médian, sont surmontées d’un cercle redenté reposant sur deux petites arcatures trilobées avec un meneau médian. Les montants des baies étroites qui rythment les travées sont appareillés en pierres alternées d’inégale largeur, à la navarraise, sans meneau intérieur, se terminant par un petit arc brisé. De part et d’autre du chœur polygonal, au-dessus des autels latéraux aux chevets plats, deux ouvertures en forme de triangles curvilignes ont reçu des vitraux aux armes de la Navarre, soit les chaines, et de la ville, soit Saint Jean Baptiste qui en était le patron ancien, vêtu de peaux de bête, tenant une croix à banderole et protégeant le beffroi de la ville.

Les nefs comportent un ensemble élancé de piliers et de colonnes en grès rose, sans autre décor que la recherche de la ligne. A l’entrée du chevet, se dressent deux piles rondes, dont le chapiteau n’est qu’une saillie débordante. A la travée suivante, deux supports avec une pile centrale à deux colonnes accolées. Vers la porte deux pilastres à ressauts rectilignes faits, ou adaptés, pour supporter la tribune du fond, l’église comportant deux étages de tribunes15. Sur chacun des bas-côtés, il est une colonne engagée flanquée de deux plus petites avec des chapiteaux polygonaux à peine épannelés, ou des pilastres montés par assises à ressauts droits.

L’immensité de la nef nécessite des murs épais et de grands contreforts extérieurs droits à petit glacis terminal précédant le toit couvert d’ardoises. Le joli chevet à cinq pans coupés, qui borde la Nive, est du style gothique rayonnant du XIVème siècle. Au Moyen-Âge le mur latéral de l’église également en grès rouge qui s’élève au-dessus de la Nive devait être surmonté d’un chemin de ronde. La moulure qui court horizontalement aux deux tiers de sa hauteur le long de ce mur pourrait souligner la séparation entre deux époques de construction, l’ancienne muraille en partie basse et la surélévation en partie haute lors d’une première reconstruction de l’église. A la base de ce mur sont visibles les vestiges de quelques enfeus probables.

Depuis sa construction au XIIIème siècle, l’église Notre-Dame-du-Bout-du-Pont a subi de nombreuses altérations et plusieurs restaurations. Au début du XXème siècle, les murs intérieurs de l’église étaient crépis et peints en blanc tandis que les piliers étaient décorés. En 1948, les grands piliers et quelques pierres d’angle du chœur furent ravalés. En 1988, en cinq mois de chantier, tous les murs intérieurs ont été décrépis, sablés et jointoyés, laissant découvrir les reprises de construction. Leur observation, confirmée par celle des murs extérieurs et du mur-pignon de façade, fait apparaître plusieurs étapes de reconstructions importantes, avec des surélévations successives et de nets changements de styles, ou de modes, de construction, trois au moins. Les fenêtres originelles ont été partiellement rebouchées et transformées en autant de niches dans lesquelles ont pris place des statues de saints. Les fenêtres construites pour leur succéder ont été rallongées lors d’une restauration ultérieure. Trois beaux enfeus, sépultures sans doute des seigneurs de Navarre, ont également été découverts dans les bas-côtés. En application des directives du Concile pour la célébration de l’Eucharistie, le chœur fut modifié à la fin du XXème siècle et un autel en pierre rouge fut alors placé face à l’assistance des fidèles.

L’église actuelle fut sans doute précédée d’une église primitive érigée au début du XIIIème siècle dont les parties basses des murs actuels de la nef ont subsisté. Pour l’architecte A. Saint-Vanne, le caractère des soubassements de l’église semble bien faire remonter la construction de cet édifice au XIIIème siècle, car l’on est bien en présence de l’architecture cette époque. Les premières assises remonteraient à l’église primitive construite par le roi Sanche VII le Fort, après la victoire de Las Navas de Tolosa en 1212. De l’église du XIIIème siècle, il ne reste que les soubassements et une partie de la façade. Entre cette église primitive, sans doute de style roman navarrais, et l’église du gothique rayonnant du XIVème siècle, l’hypothèse d’une église intermédiaire de style gothique originel reste donc hautement probable.

La façade offre aujourd’hui au sommet de son grand mur-pignon triangulaire une petite croix moderne, remplaçant visiblement un élément architectural ancien. Selon l’abbé P. Haristoy, il s’agirait de son clocher, brûlé et saccagé par les huguenots, qui fut restauré en 1868-69 selon son style primitif. Les photographies du début du XIXème siècle confirment que l’église Notre-Dame-du-Bout-du-Pont disposait bien, jusqu’à l’incendie de 1936, d’un clocher de petite taille16 construit au sommet du mur-pignon de façade à la verticale du portail. Suite à cet incendie, le beffroi qui jouxtait l’église devint alors, en 1936, le clocher de l’église. Ce beffroi contigu était initialement surmonté d’une flèche aigue à huit pans, que la foudre avait incendiée le 27 août 1915. Une petite couverture à deux eaux lui succéda jusqu’en 1936, lorsqu’elle fut remplacée par la toiture à quatre pans, qui subsiste à ce jour.

Ainsi donc, l’église de Saint-Jean-Pied-de-Port offre aujourd’hui, sur les bases d’une architecture romane typiquement navarraise et à la suite de restaurations successives, la beauté du gothique rayonnant du XIVème siècle, qui survit également dans l’allure d’ensemble du grand portail, de son chevet et de son ample nef.

La Chapelle Saint-Jacques

Une autre chapelle, indépendante de la paroisse existait à Saint-Jean-Pied-de-Port jusqu’à la Révolution. Cette chapelle, sous le vocable de « Saint Jacques », était située au sommet de la rue en pente dite « chemin de St-Jacques » autrefois « rue Scalapuria », qui prolonge la rue de la citadelle, à une centaine de mètres au-delà de la porte percée dans la muraille de la cité médiévale. Située au pied du château-fort, cette chapelle était vraisemblablement au Moyen-Âge la paroisse du « bourg militaire ». Indépendante de l’église Sainte-Eulalie, elle était desservie par un prêtre prébendier : le 16 mars 1749, est noté le décès de « Jean d’Arralde, prêtre et prébendier de la prébende de Saint-Jacques, âgé de 66 ans ».

Cette chapelle était contigüe à une porte, également dénommée « Saint-Jacques » ouverte dans la muraille, qui ceignait le bourg militaire. Cette chapelle et cette porte Saint-Jacques, qui sont clairement indiquées sur les plans de Saint-Jean-Pied-de-Port établis aux XVIIème et XVIIIème siècles, se trouvaient au croisement des actuels « chemin de Saint-Jacques » et « chemin de la citadelle ». Leur emplacement est aujourd’hui marqué d’une croix en fer forgé. Toutes deux furent dérasées lors de la Révolution française au motif qu’elles empiétaient sur le glacis de la citadelle. Au XIXème siècle, le nom de « Porte Saint-Jacques » fut reporté sur la porte de l’enceinte médiévale de la cité, porte qui perdit alors son nom initial de « Porte d’Haraconcia17 ». Une autre variante de l’itinéraire reliant Saint-Jean-le-Vieux à la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port y aboutit, celui qui passe par la chapelle de La Madeleine où un pont lui permet de franchir le Laurhibar.

Une chapelle fut aménagée dans les bâtiments de la citadelle à la suite de l’inspection de Vauban en décembre 1685. La fonction d’aumônier de la citadelle était également une fonction distincte de la paroisse. Le 15 octobre de l’an 1712, est enregistré le décès de « Noble Pierre d’Anciondo, prestre, ancien aumônier de la citadelle de Saint-Jean, âgé de 80 ans environ, inhumé en l’église Notre-Dame-du-Pont » ; le 22 novembre 1751, survint le décès de Jean de Mendiry, prêtre, aumônier de la citadelle, âgé d’environ 75 ans, inhumé en l’église Sainte-Eulalie, auquel succède le prêtre d’Arralde, avant qu’il ne devienne en 1753 curé et prêtre-major de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port.

Le Curé et Prêtre-major de la Ville de Saint-Jean-Pied-de-Port

La paroisse de Saint-Jean-Pied-de-Port était desservie par plusieurs prêtres, trois à l’époque moderne, dont un curé et un vicaire. La présentation à la cure de Saint-Jean-Pied-de-Port appartint longtemps à l’abbaye de Roncevaux. Le titulaire était vicaire-général et « official » de l’évêque de Bayonne pour le pays de Cize. A ce titre, à défaut de l’évêque de Bayonne, il présidait les Etats de Navarre quand ils se réunissaient en pays de Cize. La mainmise de Roncevaux sur le Pays de Cize et sur la vallée de Charles, ou Val Carlos, s’acheva au XIIIème siècle. L’organisation était encore en place au moment de l’adoption des statuts de Roncevaux en 1287, qui reprenait des dispositions antérieures.

Le curé de la paroisse Sainte-Eulalie de Saint-Jean-Pied-de-Port portait le titre de prêtre-major de la ville, titre encore usité en 1897. Selon l’abbé P. Haristoy, il tenait ce titre de l’appellation de bourg-major, donné à la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il avait également en charge l’hôpital de la ville, dont il était le prieur. Le document d’état-civil le plus ancien disponible aux archives départementales nous apprend qu’à partir de 1689, le curé et prêtre-major de la paroisse de Saint-Jean-Pied-de-Port est « Noble Jean Louis de Lascor, curé et prêtre-major de l’église paroissiale de Sainte-Eulalie de Saint-Jean et de Notre-Dame-du-Pont, son annexe ». En 1720, il signe le registre des baptêmes et mariages :

« Je, curé et prestre-major de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, ay donné la bénédiction nuptiale et célébré le mariage avec les cérémonies accoutumées de l’église d’Ugange, entre…

Signé : d’Olhagaray Lascor, Prestre Major

Son successeur, Noble Dominique d’Olhagaray Lascor, curé et prêtre major de Saint-Jean-Pied-de-Port, qui décède subitement le 27 mai 1753, à l’âge de 63 ans, est inhumé en l’église Notre-Dame. Lui succède « d’Arralde, prêtre », précédemment aumônier de la citadelle, qui reste en fonction comme « prêtre major de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, curé de l’église de Sainte-Eulalie d’Ugange et de la chapelle Notre-Dame-du-Bout-du-Pont » jusqu’à son décès et son inhumation en l’église Sainte-Eulalie en 1778. A partir de 1780, le nouveau curé et prêtre-major est le « Sieur Dagorret », bientôt remplacé par le prêtre-major Marithourry, auquel succède, en janvier 1786, le prêtre-major Eliçagaray, mais, à partir de 1788, le vicaire Pol, qui signe les actes en tant que « vicaire officiant » assure toutes les cérémonies, ce jusqu’en 1790.

L’église Sainte-Eulalie et la chapelle Notre-Dame, disposaient chacune d’une benoite dont on retrouve les traces dans les documents d’état-civil, ou les archives notariales qui conservent les « Traités de Benoîterie » établis entre la nouvelle benoîte et les Maîtres de Maison de la paroisse18. Ainsi, décède, le 4 mai 1691, Dominique d’Esquira, benoite de l’église Sainte-Eulalie, inhumée dans l’église Sainte-Eulalie, et le 9 août 1693, Catherine d’Etchebers, benoite de l’église Notre-Dame-du-Pont, inhumée dans l’église Notre-Dame-du-Pont. En 1725 et 1726, Marguerite de Cestau est benoite de l’église Notre-Dame-du-Bout-du-Pont. Le 6 juin 1744, Marie de Caillava, benoite de l’église Sainte-Eulalie, est inhumée au cimetière de Sainte-Eulalie. Le 4 février 1763, le corps de Jeanne d’Orçaizteguy, benoite de l’église Sainte-Eulalie à Saint-Jean-Pied-de-Port, décédée la veille à l’âge de 72 ans environ, est inhumé au cimetière de la dite église. Le 5 avril 1778, le corps de Françoise Goyenetche, « benoite de l’église Notre-Dame de Saint-Jean-Pied-de-Port, décédée d’hier au quartier de la rue de Saint-Michel d’icelle, âgée de 90 ans environ », est inhumé dans le cimetière de l’église Sainte-Eulalie. Le 20 janvier 1789, la « benoite de Sainte-Eulalie » (dont le nom n’est pas cité) est mentionnée comme témoin d’une inhumation.

Les cérémonies d’enterrement des habitants du quartier Sainte-Marie et du faubourg d’Ugange se déroulaient indifféremment dans l’église Sainte-Eulalie ou la chapelle Notre-Dame et leur inhumation se faisait dans le cimetière correspondant où se trouvait le caveau familial. La noble famille de Logras, marquis d’Olhonce à partir de 1758, avait sa sépulture familiale dans le cimetière de la chapelle Notre-Dame-du-Bout-du-Pont, soit quasiment en face de leur demeure, leur « palacio », situé dans la partie basse de la rue Sainte-Marie.

Les habitants du faubourg de Saint-Michel étaient normalement enterrés et inhumés à Uhart-en-Cize et les cérémonies étaient assurées par le curé de cette paroisse. Mais lorsqu’un habitant décédé du faubourg de Saint-Michel appartenait à une famille dont le caveau était en l’église Sainte-Eulalie ou en la chapelle Notre-Dame-du-Bout-du-Pont, la levée de corps était effectuée à son domicile du faubourg de Saint Michel par le clergé d’Uhart-en-Cize qui conduisait le cortège funèbre jusqu’au pont de l’église où le curé de Sainte-Eulalie prenait, si l’on peut dire, le relais pour la cérémonie à l’église Sainte-Eulalie, ou dans la chapelle Notre-Dame, et l’inhumation dans le cimetière attenant : A titre d’exemple, il est inscrit au registre des inhumations de la paroisse Sainte-Eulalie :

« L’an 1784, le 24 novembre, le corps de … … , habitant en la rue de Saint-Michel de la présente ville, décédé hier après avoir reçu les sacrements de la Sainte Eglise, a été conduit suivant l’usage au milieu du pont de Notre-Dame de cette ville par le sieur Ondicola, vicaire d’Uhart, et inhumé par moi soussigné au cimetière de Sainte-Eulalie d’Ugange avec les cérémonies usitées, en présence de … … … . Signé : Marithoury, Prêtre-Major ».

Ce protocole était, de fait, celui qui s’appliquait pour tout décès survenu hors de la paroisse de résidence du défunt. Le samedi 14 juillet 1770,

« le corps de Messire Jean Valentin, baron de Lalanne, chevalier de l’Ordre Militaire de Saint-Louis, châtelain capitaine garde des ports de Navarre, Lieutenant du Roy en la citadelle et ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, décédé la nuit dernière à la citadelle, âgé de 67 ans environ, a été transporté à la nef de l’église Sainte-Eulalie de cette paroisse conformément au prescrit du rituel diocésain page 228, et de là au bout du pont de Saint-Laurent, où le soussigné (Darralde prêtre-major) l’a remis au prieur de La Magdeleine et curé de Saint-Laurent (d’Ispoure) pour être inhumé dans l’église de cette dernière paroisse aux sépultures du château de Lalanne ».

SAINT-JEAN-PIED-de-PORT RESIDENCE EPISCOPALE

La « Maison des Evêques »

Traversant en pente forte le « quartier Sainte-Marie », l’actuelle rue de la citadelle est bordée de maisons des XVIème et XVIIème siècles aux portes en plein cintre à grands claveaux et linteaux sculptés. En partie haute de la rue, au numéro 39, l’attention est attirée par une curieuse maison, qui abrite aujourd’hui le point d’information des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il s’agit de la « Maison Laborde », visitée dans les années 1930 par la professeure Gilberte Reicher19. L’année 1584 gravée au-dessus de sa porte sur rue rappelle la date de restauration, voire de reconstruction, de cette maison après que, en 1567 au cours des guerres de religion, les troupes protestantes béarnaises aient saccagé et incendié Saint-Jean-Pied-de-Port, détruisant une grande partie de ses bâtiments. Typiquement navarraise avec sa porte sur rue en plein cintre, avec son dispositif typiquement navarrais de pierres en éventail, cette maison dispose d’un premier étage à pans de bois en encorbellement reposant sur des murs gouttereaux en grès rose. Sa façade principale, la façade orientale qui donne sur les jardins la séparant du bâtiment qui lui fait suite, porte de nombreuses fenêtres sur deux étages, les supports à torsades et les toits à auvents à la mode de la Navarre espagnole.

Cette maison, connue sous l’appellation de « Maison des évêques », témoigne du statut de résidence épiscopale qui s’attacha à Saint-Jean-Pied-de-Port au tournant du XIVème au XVème siècle, lors du « Grand Schisme d’Occident ». Elle fut, en effet, rebâtie à l’emplacement de l’habitation de trois évêques successifs dépendant du pape d’Avignon, lui-même soutenu par le roi de Navarre Charles III le Noble.

Le Grand Schisme d’Occident

Au XIIIème siècle, la cour pontificale itinérante séjournait successivement dans les différentes villes des états pontificaux. A l’aube du XIVème siècle, Bertrand de Got, l’archevêque de Bordeaux, élu pape sous le nom de Clément V (1305-1314) fixa en 1309 sa résidence à Avignon. Les six papes, également français, élus à sa suite conservèrent cette ville comme lieu de résidence de 1309 à 1377.

Le dernier d’entre eux, le Pape Grégoire XI (1370-1378), qui avait dès son avènement décidé de ramener à Rome le siège de la papauté, quitta Avignon en septembre 1376 pour Rome, où il fit son entrée le 17 janvier 1377. Ayant ainsi rétabli la papauté au Vatican, Grégoire XI y mourut le 27 mars 1378. Le conclave, comprenant les seize cardinaux présents à Rome, se réunit au Vatican le 7 avril. Sous la pression du peuple romain qui exigeait un pape italien, il élit Urbain VI qui fut couronné le 18 avril, jour de Pâques, et maintint son siège au Vatican. Mais devant ses maladresses, treize cardinaux français quittèrent Rome en dénonçant les conditions de l’élection d’Urbain VI. Après avoir reçu une lettre de soutien du roi de France Charles V, ils élirent à l’unanimité le 20 septembre 1378 un second Pape, Clément VII (1378-1394), qui fut couronné le jour de la Toussaint. Celui-ci, quittant l’Italie, établit son siège à Avignon le 20 juin 1379. Ainsi, l’Eglise catholique eut à sa tête deux Papes, élus par les deux conclaves rivaux, l’un à Rome, l’autre à Avignon, redevenue résidence papale, non plus celle d’un pape indiscuté, mais d’un pape contesté par la moitié de la Chrétienté qui, elle, reconnaissait l’autre pape, celui résidant à Rome. Ainsi fut instauré ce que les historiens nomment : le « Grand Schisme d’Occident » qui dura de 1378 à 1417.

Alors, dans le contexte de la Guerre de Cent ans, toute la chrétienté se divisa. Les rois de France, de Castille, d’Ecosse et de Navarre rallièrent le pape Clément VII installé à Avignon, tandis que l’empereur d’Allemagne, le roi de Hongrie, les rois italiens et le roi d’Angleterre reconnaissaient le pape installé à Rome, Urbain VI.

L’empereur imposa en 1414 la réunion du Concile de Constance qui, en 1417, élit un pape unique Martin V et déposa le successeur de Clément VII : Benoit XIII qui refusa ce verdict. Réfugié dans sa Catalogne natale, il mourut « Pape » en 1422 à l’âge de 94 ans. Quant à Martin V, pape unique élu le 11 novembre 1417 par le concile de Constance, il ne s’établit à Rome qu’à l’été 1420. Ainsi, après 39 ans de division et malgré la résistance de Benoit XIII, l’unité du catholicisme fut finalement reconstituée en 1417 par l’élection de Martin V qui installa la papauté à Rome.

La Résidence des « Evêques de Bayonne »

Durant ce Grand Schisme d’Occident, Saint-Jean-Pied-de-Port était devenu résidence épiscopale, celle de trois « évêques de Bayonne » successifs de l’obédience du pape d’Avignon.

Le diocèse de Bayonne, qui comprenait le Labourd, partie de l’Aquitaine possession du roi d’Angleterre, et la Basse-Navarre, partie du royaume de Pampelune, se trouvait divisé entre ces deux souverains. Bayonne et le Labourd restèrent par la volonté du roi d’Angleterre sous la juridiction de l’évêque soumis à Rome, tandis que le pape d’Avignon avec l’accord du roi de Navarre, Charles III le Noble, nomma un évêque pour la partie navarraise du diocèse. Cet évêque s’établit dans la cité la plus importante de la Navarre d’Outre-Monts, la capitale de la « merindad de Ultra Puertos » : Saint-Jean-Pied-de-Port qui devint alors, non siège épiscopal, mais résidence des évêques « dits de Bayonne » placés sous l’obédience de la papauté d’Avignon.

Tel fut son statut de 1383 à 1417, alors que trois évêques se succédaient à Saint-Jean-Pied-de-Port. A la mort, en 1383, du franciscain Pierre d’Ordaich, qui était évêque de Bayonne depuis 1371, le pape de Rome le remplaça par Barthélémy d’Arribeyre20, tandis que le pape d’Avignon, Clément VII nommait à cette fonction Pierre de Zumalaga, moine franciscain, qui rejoignit Saint-Jean-Pied-de-Port avec quatre des douze chanoines du chapitre bayonnais qui avaient pris son parti. A sa mort en 1384, Clément VII lui désigna comme successeur, le 12 février 1384, le moine augustin Bernard Garcias d’Eugui, confesseur des rois de Navarre, qui, à ce titre, assista au sacre à Pampelune de Charles III le Noble en 1387. A sa mort en 1409, Benoit XIII nomma comme évêque, le 3 juillet 1409, un frère mineur Guillaume Arnaud de Laborde, également confesseur du roi de Navarre.

Ce fut cet évêque, Guillaume Arnaud de Laborde, que Charles III, roi de Navarre, désigna pour siéger au Concile de Constance, qui, se tenant de 1414 à 1418, mit fin au schisme et régla la question de la dualité de papauté. Il décida notamment que dans les diocèses ayant deux évêques, ils administreraient conjointement le diocèse jusqu’à la mort de l’un d’entre eux et que l’autre serait alors le seul évêque reconnu. C’est ainsi que le dernier des trois évêques qui se succédèrent à Saint-Jean-Pied-de-Port, Guillaume Arnaud de Laborde fut reconnu par le concile unique évêque de Bayonne à la mort, en 1417, de l’évêque siégeant à Bayonne, Pierre de Mauloc. Ayant reçu l’assentiment du roi d’Angleterre, Guillaume Arnaud de Laborde retourna à Bayonne pour y être intronisé, le 29 octobre 1417, unique évêque du diocèse. Il emmena avec lui les quatre chanoines de son siège de Basse-Navarre dont les successeurs devaient être aussi d’origine navarraise. Le nombre des chanoines, ainsi monté à seize, fut ramené à douze par extinction progressive.

Le 21 octobre 1417, Saint-Jean-Pied-de-Port cessa d’être résidence épiscopale, ce qu’elle était depuis 1383. Guillaume-Arnaud de Laborde resta évêque de Bayonne jusqu’en 1444, lorsqu’il permuta avec Guicharnaud de la Sègue, évêque de Dax, qui vit Bayonne, en août 1451, tomber aux mains du roi de France Charles VII.

Les BÂTIMENTS PUBLICS de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT

La Prison dite « des Évêques »

En continuant de monter la rue de la citadelle au-delà de la « Maison des Evêques », dont il est séparé par un large jardin, s’élève un bâtiment emblématique de la ville, de construction typiquement médiévale, inscrit au catalogue des monuments historiques le 14 janvier 1941, malencontreusement dénommé : « Prison des évêques ». Cette dénomination, attribuée à ce monument par dérision, fait peser sur lui une fausse énigme. En effet, ce bâtiment fut partiellement une prison, mais il n’eut jamais aucun rapport avec les évêques, sinon celui de sa proximité avec leur ancienne résidence. Dans les années 1920, un huissier local, Sauveur Harruguet, associa par humour la voisine « Maison des évêques » et les « cellules » de ce bâtiment pour créer cette dénomination ambigüe de « Prison des évêques ».

Les recherches archéologiques menées dans les années 1990 ont mis en évidence sur ce site deux bâtiments distincts:

  • L’un dans le jardin de l’actuelle « Maison Laborde », dont il ne subsiste qu’un pan de mur en bel appareil de grès rose, percé d’une porte ogivale, en partie enterrée, et de trois meurtrières : sans doute le vestige d’une ancienne maison forte, construite à la fin du XIIIème siècle qui fut abandonnée à la suite d’un incendie à l’extrême fin du XIVème siècle.

  • L’autre, l’actuelle « Prison des évêques », datant du XIIIème ou du XIVème siècle, s’ouvre sur la rue de la citadelle par une porte en plein cintre doublée d’une lucarne barreaudée, avec une fenêtre à meneaux au 1er étage. Il comporte une entrée au pavage de galets, qui communique avec un corps de garde et un vaste couloir donnant accès à des cellules disciplinaires, et à un escalier exigu conduisant en soubassement à une vaste salle souterraine voûtée en ogive d’époque médiévale s’appuyant sur les vestiges latéraux du premier bâtiment. Le mur du fond de cette salle, actuellement muré, était percé d’une grande porte en plein cintre et de deux fenêtres. Jouissant d’un faible éclairement, d’une bonne inertie thermique et d’une bonne ventilation, cette salle devait servir d’entrepôt, sans doute le siège d’une bourse des marchands. De nombreuses marques lapidaires, dites de tâcherons, sont visibles dans les pierres de la voûte.

La vocation carcérale du bâtiment est avérée aux XVIIIème siècle, ce que confirme un plan de 1776 qui indique que ce bâtiment était la prison de la ville, ainsi que les archives d’état-civil qui nous apprennent le décès, le 31 mai 1717, de Gracianne d’Archiet, femme du sieur de Laplume, geôlier de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, ou, en 1724, d’un détenu de la prison de Saint-Jean-Pied-de-Port, ainsi que, le 10 juin 1747, d’un habitant d’Ossés, âgé de 25 ans, détenu dans la prison de Saint-Jean-Pied-de-Port. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, notamment sous la Révolution, particulièrement en 1795, la vocation carcérale de ce bâtiment fut affirmée plus encore, ce qui l’amena à conserver ce nom de prison. Cette fonction est confirmée par plusieurs plans d’époque ainsi que par l’écriteau « Dépôt de Sûreté » encore fixé à l’entrée du bâtiment à l’orée du XXème siècle.

La Maison de Ville

Antérieurement, sans doute dès sa construction au Moyen-Âge, mais avec certitude aux XVIIème et XVIIIème siècles, ce bâtiment était la « Maison de Ville », c’est-à-dire qu’il était le lieu de réunion des jurats de la cité, de la « jurade », qu’il abritait l’administration de la ville. Les fonds d’archives de l’époque moderne attestent ce fait : Tel est le cas du plan du sieur Masse21, établi à l’occasion des travaux conduits dans la citadelle après l’inspection de Vauban de 1685, qui indique qu’en 1689, ce bâtiment de la rue de la citadelle était bien la « Maison de Ville ». Certains plans plus anciens, comme celui de l’atlas de 167622 indiquent que « la Maison de Ville » était antérieurement établie dans la « Porte de Bayonne », vraisemblablement au premier étage de cette porte que nous appelons aujourd’hui « Porte de France », qui était alors une tour-porte profonde à doubles vantaux, sans doute renforcée d’une herse, semblable à l’actuelle tour-porte Notre-Dame. La proximité de cette Maison de Ville et de l’église Sainte-Eulalie a sa propre logique : le hameau d’Ugange ayant été le noyau initial de la ville, la maison de ville s’était naturellement installée, lors de la construction de la muraille, dans la salle d’armes sise au premier étage de la porte de l’enceinte la plus proche de l’église paroissiale où se tenaient jusqu’alors les réunions, d’abord de l’assemblée des maîtres de maison, puis de celle des jurats qui lui succéda.

Sous l’ancien régime, du Moyen-Âge à la Révolution, la ville était gérée par l’assemblée des jurats, la jurade, élue chaque année parmi les habitants. Cette assemblée, l’équivalent de l’actuel conseil municipal, pouvait aussi s’appeler « Corps de Ville ». Elle siégeait dans la « Maison de Ville », dénomination ancienne de la mairie, ou de l’hôtel de ville. Le nombre des jurats varia tout au long des siècles. Au XIIème siècle, selon Clément Urrutibehety23, existaient à Saint-Jean-Pied-de-Port conformément au « For » de Bayonne, douze jurats qui disposaient de pouvoirs de justice civile, de police et de finances. En effet, selon la coutume des villes nouvelles, Saint-Jean-Pied-de-Port avait reçu un privilège de fondation, un « For », en l’occurrence celui de Bayonne, qui fut renouvelé par Philippe d’Evreux en 1329, à la demande insistante des habitants, car le For initial avait brûlé. Les jurats étaient au nombre de 7 en 1359, 12 en 1376, 11 en 1398, 6 au XVème siècle, 5 par la suite. Ces jurats commandaient, lorsqu’elle prenait les armes, la compagnie de milice de cent hommes mise sur pied par la ville. La jurade était présidée par le « premier jurat », lui-même élu par les jurats.

Au Moyen-Âge, les jurats de Saint-Jean-Pied-de-Port, chef-lieu de la châtellenie, avaient, outre leurs prérogatives de justice civile dans la cité, pouvoir de justice criminelle sur tout le territoire de la châtellenie, comprenant les Pays de Cize, Baïgorry et Ossés ainsi que les villages d’Iholdy et Armendaritz24. Le registre des Baptêmes, Mariages et Sépultures de 1720 à 1757 est, en principe chaque année, contresigné par les jurats : … « Nous jurats de la ville de Saint Jean pié de port, juges civils et criminels d’icelle et juges criminels de toute la Châtelainie, … . ».

Le capitaine-châtelain de Saint-Jean-Pied-de-Port, gardien des Ports de Cize et gouverneur du château, exerçait initialement les pouvoirs de police sur la châtellenie. Mais un document du XVème siècle atteste que le pouvoir royal attribua alors aux jurats de la ville des droits et des pouvoirs spécifiques, distincts des droits et pouvoirs de son représentant, le capitaine- châtelain. En pleine guerre de succession à la couronne et de rivalité entre Agramontois et Beaumontois, l’établissement d’une prison fut accordé au bayle, aux jurats et à la communauté de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port. Cette autorisation fut donnée par lettres signées à Pampelune le 6 avril 1445 par Charles, prince de Viane, héritier présomptif de la couronne de Navarre, et « lieutenant pour le seigneur roi son redoutable père ». La concession d’une prison fut confirmée par le roi Jean II d’Aragon en septembre 1450 à Pampelune. La coexistence dans le même bâtiment de la Maison de Ville, lieu de réunion des jurats, et de la prison civile répond à cette logique. Dès lors que le maire et les jurats avaient pouvoir de justice criminelle, il semble raisonnable que la prison ait été placée sous leur autorité et donc implantée dans la Maison de Ville.

La détresse financière de Louis XIV l’amena, en 1692, à créer des offices de « Maire » pour assumer les fonctions jusqu’alors dévolues au premier jurat. Le maire restait nommé par les jurats, eux-mêmes élus par les bourgeois, mais, dans les grandes villes, cette nomination était confirmée par le roi. Ainsi, jusqu’à la Révolution, les quatre villes de Basse-Navarre eurent des maires nommés, ou confirmés, par commissions royales et non plus élus. Le conseil de ville comprenait alors un maire et quatre jurats.

Le sieur Jean de Gaillardon acheta le premier office de maire de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il exerçait cette fonction le 12 avril 1731, jour du mariage de sa fille Marie avec « Guillaume de Dupin d’Astouil, avocat au Parlement de Bordeaux et secrétaire en chef de l’intendance d’Auch », originaire de la paroisse de Gigean dans le diocèse de Montpellier. A cette date, M. Jean de Gaillardon, « conseiller du Roy et maire perpétuel de de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, syndic général du royaume de Navarre et délégué de Monsieur l’Intendant », résidait avec son épouse, Dame Catherine de Saint-Martin, dans le faubourg de Saint-Michel de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, faubourg qui dépendait alors de la paroisse d’Uhart.

Son successeur fut M. Jean d’Albinonitz, jusqu’alors avocat de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, fonction qu’il exerçait en 1725, qui est devenu « Avocat au Parlement, Conseiller du Roy, maire de Saint-Jean-Pied-de-Port, juge civil, criminel et politique d’icelle et juge criminel de toute la châtellenie » en 1736, 1737 et 1738. Les derniers maires de Saint-Jean-Pied-de-Port avant la Révolution furent M. Bertrand de Guiroye, avocat au Parlement de Navarre, maire de Saint-Jean-Pied-de-Port de 1776 à 1786, puis M. Henri de Fargues, négociant en laines, maire de Saint-Jean-Pied-de-Port de 1787 à 1790. L’Ordre du Roy désignant M. Fargues comme maire en novembre 1786 est transcrit dans le registre des délibérations municipales de la ville :

« De par le Roy,

Sa Majesté étant informée de la vacance d’une partie des places municipales de la Ville de Saint-Jean-Pié-de-Port, et jugeant à propos de pourvoir au remplacement des officiers municipaux de la dite ville qui sont actuellement en exercice, elle a sur les témoignages qui lui ont été rendus (… mots manquants …) et de la bonne conduite des sujets ci-après nommés, fait choix de leurs personnes pour remplir les places municipales de la dite ville, savoir :

  • Le sieur Fargues, négociant, celle de maire

  • Le sieur Borda, notaire, celle de lieutenant du maire

  • Le sieur Laborderie, entrepreneur de tabac, celle de premier jurat,

  • Le sieur Dufourq, fils, celle de second jurat,

………………………..

Fait à Versailles, le 26 novembre 1786

Signé l’original Louis

Et plus bas le duc de Breteuil.

M. Henri Fargues, démissionnaire de son mandat le 14 novembre 1790, est remplacé par M. Jean d’Amestoy, jusqu’alors officier municipal, qui, élu le 19 décembre, prête serment le 22 décembre 1790. A la mort de ce dernier, M. Henri Fargues, élu par l’assemblée générale des citoyens, redevient maire de Saint-Jean-Pied-de-Port le 22 novembre 1791, après une interruption de fonction de onze mois.

La Mairie de Saint-Jean-Pied-de-Port

Au XVIIIème siècle, avant la Révolution, l’assemblée communale se réunissait dans une salle située au 1er étage du beffroi, la « Tour-porte » construite à l’entrée du pont Notre-Dame conduisant au faubourg de Saint-Michel. Cette salle, dont l’accès se faisait par l’église, existe encore et on peut y accéder par l’escalier qui mène aux tribunes, en franchissant la petite porte percée à gauche. On trouve d’abord le logement de l’ancienne benoite, puis une seconde porte fait pénétrer dans cette salle où, au siècle dernier, se trouvait encore une belle table ancienne sur laquelle s’accoudèrent et signèrent sans doute les jurats de la ville.

Dès les années 1780, un autre lieu fut recherché comme salle de réunion des jurats que celle du 1er étage du beffroi de la cité, sans qu’aucune décision ne soit prise avant la Révolution. Le 15 janvier 1794, la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port prit le nom de Nive-Franche. La nouvelle de ce changement de nom fut accueillie avec transport par la population. L’assemblée communale arrêta que ses réunions auraient désormais lieu dans la maison voisine du beffroi, « le vieil hôpital », appelée dorénavant « Maison  Commune », qui appartenait au citoyen Bertrand Jaureguizahar, reclus à Orthez, dont les biens furent mis sous séquestre le 5 août 1794. En 1795, la « Maison  Commune » y était installée. Quant à l’hôpital, il avait été implanté dans l’église Sainte-Eulalie depuis qu’elle avait été désaffectée au début de la Révolution. Le 15 messidor An IV (3 juillet 1796), la commune décréta le vieil hôpital établissement public et projeta d’y aménager au 1er étage une salle pour la justice de paix. Le vieil hôpital fut réquisitionné par l’armée en 1813.

Finalement, rien ne se fit avant 1825, bien que la ville continuait à avoir besoin d’un local pour les réunions de l’assemblée communale et les audiences de justice de paix. L’idée était alors d’aliéner le vieil hôpital à des particuliers qui en deviendraient propriétaires en s’engageant à construire les salles, finalement au nombre de deux, nécessaires à l’administration municipale. La nouvelle mairie y fut finalement inaugurée en 1840, comprenant un vestibule, une salle d’archives à gauche et une salle de délibérations à droite, toutes salles avec fenêtres sur la Nive. Ce fut donc en 1840, que la salle de réunion du conseil municipal de Saint-Jean-Pied-de-Port fut transférée du beffroi, ou « Porte de la Nive », dans le bâtiment de l’ancien hôpital dans la rue de l’église.

EPILOGUE : L’HOTEL de VILLE de SAINT-JEAN-PIED-de-PORT

Un siècle plus tard, en 1935, la municipalité acheta la maison alors appelée « Maison Mansart » sur la place du marché, maison dont la construction datait du XVIIème siècle. C’était un bel hôtel particulier de style Louis XIV, à l’harmonieuse façade, au rythme classique en grés rose, à la toiture d’ardoises à la française, à la charpente de toit brisé avec combles à la Mansart25 et aux belles lucarnes, qui lui vaut son appellation courante au XXème siècle de « Maison Mansart ». Elle possédait des portes intérieures à caissons très pures de ligne et des fenêtres à tabatières ainsi que de très belles cheminées avec des moulures en relief. Elle avait été construite de 1704 à 1707 par un riche commerçant de Saint-Jean-Pied-de-Port, David de Fouré26, qui était depuis 1693 fermier des trois moulins de la ville. La famille Fourré l’occupa jusqu’en 1776, date du décès du dernier membre de la famille. Jusqu'à la Révolution, cette maison fut appelée « maison de Fourré » ou « maison Fourré-enia », du nom de son constructeur. Au début du XXème siècle, elle était devenue l’hôtel Apestéguy qui, mise en vente, fut acquise par la commune en 1935. Elle abrita pendant la guerre les autorités d’occupation allemandes, puis brièvement à la libération un commandement militaire, dont les sentinelles furent un temps des tirailleurs sénégalais. Elle fut aménagée par l’architecte bayonnais Saint-Vanne en vue d’y installer l’administration municipale. Depuis le début des années 1960, elle est devenue l’Hôtel de Ville de Saint-Jean-Pied-de-Port.


DOCUMENTS ANNEXES : Extraits de Mémoires sur Saint-Jean-Pied-de-Port

Mémoire de Mr de Salmon sur la ville et la citadelle de Saint Jean Pied de Port, 1718

1- Origine de la Ville

« Saint Jean Pied de Port est la ville capitale de la Basse-Navarre et, lorsque la haute et la basse Navarre étaient unis sous un même souverain, cette ville était la sixième et dernière Merindade du Royaume, qui est un terme qui signifie juridiction. ...............................

6- Habitants,

Il y a environ 500 habitants dans la ville de tout âge et de tout sexe; ils sont courageux et laborieux, guerrier prenant volontiers les armes pour leur défense, fidèles et attachés au Roy en bons sujets, l’esprit vif mais d’une fortune des plus médiocres, n’ayant aucun commerce dans le pays.

Il y a 100 hommes en état de porter les armes, y compris les chefs de famille et ce nombre forme une compagnie qui a le magistrat pour chef et qui commandée par les jurats lorsque dans le besoin elle prend les armes.

Il y a aussi dans l’étendue de la chastellenie 14 compagnies de milice de 50 hommes chacune, tirées des 25 paroisses voisines pour s’opposer pendant la guerre aux incursions de l’Espagne, elles existent en temps de paix comme en temps de guerre et sont toujours prêtes à prendre les armes aussi tôt qu’elles en reçoivent les ordres et elles marchent et sont sous le commandement du châtelain du Pays qui, autrefois était commandant du château qui était à l’endroit où la citadelle est située et commandait aussi dans toute la chastellenie.

7- Clergé et son revenu

Il y a un prêtre, que l’on nomme prêtre-major qui est curé de la partie de la ville à la droite de la Nive qui est le quartier Sainte Marie. Il est aussi curé du faubourg d’Ugange et cela ne fait qu’une unique paroisse; dont l’église Sainte Eulalie au dehors de l’enceinte de la ville est l’église paroissiale. Le revenu de ce curé non compris le casuel monte par an à 700 Livres. L’autre partie de la ville quartier de Saint Michel est de la paroisse et village de Huart où il n’y a de même qu’un curé dont le revenu est à peu près égal à celui de l’autre paroisse. Il y a deux autres prêtres dans ces paroisses qui ont des prébendes laïques de 100 Livres et 200 Livres de revenu. Il s’y trouve cinq ou six autres prêtres qui n’ont d’autre revenu que leurs patrimoines et leur casuel qui n’est pas considérable.

L’église dans la ville quoiqu’elle soit grande n’est qu’une simple chapelle pour la commodité du public. Le curé d’Ugange est chargé de la faire desservir étant pour le soulagement de sa paroisse. Il n’y a aucun de religieux ni de religieuse dans la ville. …………………. .

8- Magistrat, sa juridiction, son revenu et ses privilèges

Les deux quartiers de la ville, quoique de paroisses différentes d’Ugange et de Huart ne font qu’une même juridiction sous le même magistrat. Le magistrat se compose d’un maire qui en titre et permanent, quatre jurats qui changent tous les ans, qui sont élus par les bourgeois qui ont été jurats et cette élection se fait le premier de l’an. Il y a un procureur du Roy en titre dans le siège qui reçoit des patentes de Sa Majesté. Il y a aussi un greffier qui tient ce greffe à ferme des fermiers généraux du domaine. Le corps du magistrat est juge civil et criminel dans la ville et juge criminel dans toute l’étendue de la chastellenie qui est composée des villes de Baïgorry, Osses, Iholdy, Armendarry, Irissary et Pays de Cize. Le magistrat a pouvoir de juger à mort et les appels sont relevés au Parlement de Navarre qui est scéant à Pau. Ces privilèges sont aussi anciens que la ville, et lui furent accordés par les premiers Roys de Navarre et toujours confirmés depuis en considération de la fidélité des habitants et des services qu’ils ont rendus dans toutes les occasions.

Mémoire de Canut27 concernant la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port et sa citadelle, 1753

-5- Clergé

Le clergé consiste en un seul prêtre major de la moitié de la ville et du faubourg du Gange ou Ugange. Il y a un curé au faubourg d’Uhart qui l’est aussi de la partie de la ville qui est à la rive gauche de la Nive. Le revenu du prêtre major avec le casuel ne va pas à 900 Fs sur quoi il entretient un vicaire. Le curé d’Uhart vaut plus de 1 200 Fs, il entretient aussi deux vicaires. Il y a encore deux autres prêtres qui ont des prébendes laïques de 2 à 300 Fs de rente, ce qui fait en tout six prêtres pour la ville et les faubourgs.

L’église paroissiale de la ville est dans le faubourg du Gange qui se nomme Sainte-Eulalie. Il y a aussi une chapelle dans la ville qui est plus grande que la paroisse, où on fait également l’office, fêtes et dimanches, l’église paroissiale d’Uhart et une chapelle des pénitents au faubourg Saint-Jacques. Il y a un aumônier à la citadelle à qui le roi donne 300 Fs par an.

6° Magistrats

Il y a dans la ville quatre jurats qui sont élus tous les ans par les anciens jurats. Cette élection se fait le premier janvier de chaque année. Ils sont juges civils et criminels de la ville et de toute la châtellenie pour le criminel seulement. Celle-ci est composée des vallées de Baïgorry, Osses, Iholdy, Armandaritz et Irissary. Ils ont droit de juger à mort et les appels sont relevés au Parlement de Pau. Cette ville possède cette juridiction depuis la création du royaume de Navarre: elle lui a été confirmée par les rois de France depuis l’union des deux couronnes.

ILLUSTRATIONS : 

Carte Postale de Saint-Jean-Pied-de-Port vers 1900


Carte de Cassini de Saint-Jean-Pied-de-Port (1770-1773)

 

BIBLIOGRAPHIE

La Citadelle et la Place de Saint-Jean-Pied-de-Port de la Renaissance à l’Epoque Contemporaine, par le général de division (2s) Gérard Folio, Cahier du C.E.H.D. n° 25, Paris 2005 ;

Saint-Jean-Pied-de-Port - Souvenirs historiques et religieux, par M. l’abbé P. Haristoy, Curé de Ciboure, Pau 1897, réimprimé à Nîmes par les éditions Lacour en 1992 ;

La Voie Romaine de Bordeaux à Astorga dans sa traversée des Pyrénées, par Louis Colas, professeur agrégé au lycée de Bayonne, Juillet 1913 ;

Monographie de la Ville et des Fortifications de Saint-Jean-Pied-de-Port, par A. Saint-Vanne, architecte ordinaire des monuments historiques, Imprimerie A. Foltzer, Bayonne 1913 ;

Saint-Jean-Pied-de-Port, par le général Henri Richter, Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne, n° 15, 1935 ;

Saint-Jean-Pied-de-Port en Navarre, par Gil Reicher (Professeure Gilberte Guillaumie-Reicher), Edition Delmas Bordeaux 1938 ;

Saint-Jean-Pied-De-Port en Basse-Navarre, l’histoire et l’archéologie, par René Cuzacq, Ed. J. Lacoste, Mont-de-Marsan 1960 ;

Le Pays Basque par E. Goyheneche, Pau 1979 ;

La famille de Fourré et la construction de la maison Mansart par Robert Poupel, Bulletin SSLA de Bayonne n° 139 (année 1983), pages 109 à 116 ;

Guide historique et pittoresque de Saint-Jean-Pied-de-Port, par Bernard Duhourcau, , Ed. Harriet, Bayonne 1985 ;

Les Chemins de Saint-Jacques en Pays Basque, par Bernard Duhourcau, Ed. Curutchet, Bayonne 1986 ;

Les fortifications de Saint-Jean-Pied-de-Port aux XVIIe et XVIIIe siècles - Documents et chronologie, par Pierre Hourmat et Robert Poupel, Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne, n° 140, 1984 ;

La Navarre au Moyen Age, par Béatrice Leroy, Ed. Albin Michel, Paris 1984 ;

Le Royaume de Navarre - Les hommes et le pouvoir, XIIIe-XVe siècles, par Béatrice Leroy, Ed. J&D, Biarritz 1995 ;

Le Pays de Cize, ouvrage collectif sous la direction de Pierre Bidart, Editions Izpégi, Baïgorry 1991,

La Basse-Navarre héritière du royaume de Navarre, par Clément Urrutibehety, Editions Atlantica, Biarritz 1999 ;

Les Noms des Maisons Médiévales en Labourd, Basse-Navarre et Soule, par Jean-Baptiste Orpustan, Editions Izpegi, Saint-Etienne-de Baïgorry 2000 ;

La Papauté à Avignon, par Yves Renouard, Editions Jean-Paul Gisserot, Paris 2004 ;

Dictionnaire des châteaux-forts des Pyrénées occidentales, Par Bonnefous et Deloffre ;

Archives d’Etat-Civil de la Commune de Saint-Jean-Pied-de-Port :

  • B.M.S. de 1688 à 1757,

  • B.M.S. de 1757 à 1790 ;

Recueil des plans des places de France, Tome III : Recueil des plans des places de Navarre, Languedoc, Provence et Dauphiné en l’état qu’elles sont présentement, ce qui est rouge marque les ouvrages faits, ce qui est jaune ceux qui sont projetés et ceux auxquels l’on travaille cette année MDCLXXVI (année 1676) : Page 4 : Saint Jean Pié de Port (Bibliothèque Nationale de France, Département des manuscrits, Site de la bibliothèque de l’Arsenal, Manuscrit MS 419) ;

Recueil de cartes et plans dressés par le sieur Masse (Bibliothèque du génie (ex-bibliothèque du dépôt des fortifications, Cote in folio 131K), Page 90 : Plan de la citadelle de Saint Jean Pied de Port en l’état qu’elle était en 1689 ;

CARTE TOPOGRAPHIQUE de St IAEN de PIET de PORT en BASSE NAVARRE, par le Sr Desjardins, ingénieur et géographe du Roy, lieutenant de Monsr du plessis de Besançon, commandant pour le service de sa Majesté dans le chasteau d’Auxonne (I.G.N. Chemise n° 115 - A).



    • * * *




1 Les gouverneurs du château-fort, d’abord cités comme « Tenentes », furent ensuite désignés comme « châtelains » ou « capitaines-châtelains gardiens des ports de Cize ».

2 Fils de Henri II Plantagenet (1133-1189), roi d’Angleterre depuis 1154 et d’Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), précédemment épouse de Louis VII (1120-1180) roi de France de 1137 à 1180 dont elle divorça en 1152, Richard I, Cœur de Lion (1157-1199), investi du duché d’Aquitaine par son père Henri II, depuis 1169 avec le titre de comte de Poitiers, régnait sur des états continus de la Manche aux Pyrénées avec l’Anjou, la Normandie, le Maine et l’Aquitaine, pour lesquels il était vassal du roi de France, Louis VII, auquel il rendit hommage à Montmirail en 1169. Proclamé duc d’Aquitaine en 1172 à St Hilaire de Poitiers, il fut mandaté, fin 1174 (il eut vingt ans en 1177), par son père Henri II pour mater une révolte des barons aquitains soutenus par le comte de Toulouse et pacifier l’Aquitaine, raid de pacification au cours de laquelle il gagna le surnom de « Cœur de Lion ». Il épousa Bérangère de Navarre, fille de Sanche VI le Sage et sœur de Sanche VII le Fort, à Limassol, capitale de l’île de Chypre, le 12 mai 1191, en route pour la 3ème croisade qu’il conduisait avec Philippe-Auguste et Frédéric-Barberousse. Sa sœur, Aliénor, épouse d’Alphonse VII de Castille, donna naissance à Blanche de Castille, la future épouse de Louis VIII (1223-1226) et mère de Saint Louis (1226-1270).

3 Un descendant de cette famille vicomtale, Bertrand d’Echaux (1556-1641), qui fut aumônier d’Henri IV, évêque de Bayonne, puis archevêque de Tours, fut plénipotentiaire pour le tracé de la frontière franco-espagnole en 1612-1613 et joua un rôle important dans le retour en grâce de Richelieu auprès de Louis XIII.

4 Voir Bibliographie.

5 A la même époque Philippe II Auguste, roi de France de 1180 à 1223, entoura sa capitale Paris d’une enceinte fortifiée.

6 Sont documentées les appellations de Sanctus Johannes-in-Pede-Portus, ou de-Pede-Portus en 1234, San Juan-del-Pie-de-Portus en 1253, Sant Johan-deu-Pe-deu-Port en 1268.

7 Voir Bibliographie.

8 Voir Bibliographie.

9 L’an 1636 fut à la fois l’année du Cid et celle de la « Surprise de Corbie » : l’entrée de Louis XIII dans la « Guerre de Trente Ans » en 1635 débuta par quelques succès initiaux, bientôt suivis de quelques échecs dont la prise de la place de Corbie le 7 août 1636 qui ouvrait aux Espagnols la route de Paris ; Corbie fut reprise en novembre ; cependant, Saint-Jean-de-Luz fut prise en décembre 1636, quant au siège de Fontarabie, il fut levé par le Prince de Condé, le père du « Grand Condé », le 12 septembre 1638.

10 Voir Bibliographie.

11 Tore : moulure pleine, à profil courbe, qui forme une sorte de boudin de pierre assez épais ; il existe plusieurs sortes de tore : en amande, à bec, à listel.

12 La famille Lalanne, seigneur de Larréa, possédait le ‘Palacio de Larréa’ dans le village d’Ispoure.

13 Le Concordat fut signé entre le premier consul et le pape Pie VII le 15 juillet 1801. Quant à la célébration de la fête de l’Assomption établie par Louis XIII et supprimée par la Révolution française, Napoléon, né le 15 août 1769 à Ajaccio, la rétablit en 1806 en fixant cette fête nationale de la « Saint Napoléon » au 15 août, date anniversaire de la signature du Concordat.

14 La présente description se fonde essentiellement sur les travaux de l’architecte A. Saint-Vanne : voir bibliographie.

15 Le second étage de tribunes aurait été construit lors des travaux de restauration menés vers 1869-1870 par le curé Belçaguy, originaire de Saint-Jean-de-Luz, curé-doyen à Saint-Jean-Pied-de-Port de 1858 à 1892.

16 Voir reproduction de carte postale jointe.

17 Sans doute, dérivation de « Harako Concha »qui signifie soit « en direction de la coquille (de Saint-Jacques) », soit « en direction de la cuvette (s’étendant entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Saint-Jean-le-Vieux).

18 Tel était également le cas dans les villages environnants : par exemple dans les archives de l’étude de Maître J.B. Etcheverry, notaire à Saint-Jean-Pied-de-Port, le 5 janvier 1871 : Traité de benoîterie entre les maitres de maison de la commune d’Ahaxe et la nouvelle benoîte Marianne Gorostiague.

19 Voir Bibliographie

20 A la mort de Barthélémy d’Arribeyre, en 1392, lui succéda à Bayonne le franciscain espagnol Garsias Mensez, jusqu’alors évêque de Cordoue, qui mourut en 1405. Innocent VII le remplaça par Pierre de Vernet (1406-1416), chanoine de Bayonne. A la mort de ce dernier en 1416, le pape Jean XXII le remplaça par Pierre de Mauloc qui mourut rapidement, dès 1417.

21 Voir Bibliographie

22 Voir Bibliographie

23 Voir Bibliographie.

24 Le village d’Irissary dépendait de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

25 La paternité de ce type de charpente est attribuée à l’architecte François Mansart (1598-1666).

26 Selon, l’abbé P. Haristoy, vers 1750, le sieur Fourré, négociant à Saint-Jean-Pied-de-Port, expose aux états de Navarre que sa maison a été choisie pour loger les reines, les princesses, les ambassadeurs qui traversent la ville, qu’elle sert de lieu de séance aux états: il demande une indemnité de 1 000 livres et obtient 200 livres.

27 Jean-Marie de Canut, ingénieur en chef des fortifications de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, est alors résidant en cette ville, où le 16 juin 1753 a lieu le « baptême de Pierre Basile, fils de Jean-Marie de Canut, chevalier de l’Ordre Militaire de Saint-Louis, ingénieur en chef des fortifications de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port et de Dame Françoise Lalande de Luc, originaire du diocèse de Daqs, conjoints résidant en la présente ville ».

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