2015. La contre-offensive du Maréchal Soult sur Pampelune
Le
Maréchal Soult à Bayonne et Saint-Jean-Pied-de-Port
(12 au 30
juillet 1813)
Article publié par le Bulletin de la Société des sciences lettres et arts de Bayonne, n° 170, année 2015
INTRODUCTION
En
l’année 2013, le bicentenaire de la contre-offensive menée par le
Maréchal Soult, de Saint-Jean-Pied-de-Port vers Pampelune, en
juillet 1813, aurait, à plusieurs égards, mérité d’être
célébré. Le 21 juillet 1813, Nicolas Soult, maréchal d’Empire,
arrivant de Bayonne, parvenait à Saint-Jean-Pied-de-Port, où il
installait son Quartier Général au château d’Olhonce. Quatre
jours plus tard, le 25 juillet 1813 à l’aube, il lançait, en
direction de Pampelune, la contre-offensive de l’Armée des
Pyrénées, dont il venait de prendre le commandement. Cette
contre-offensive, qui visait à rattraper le grave échec subi à
Vitoria, un mois plus tôt le 21 juin 1813, constitua l’ultime
tentative de reprise de l’initiative, au cours des derniers jours
de la guerre que les armées napoléoniennes menaient en Espagne
depuis octobre 1807.
C’est
le 1er juillet à Dresde, alors qu’il cherchait à tirer
avantage de ses récents succès, que Napoléon apprit la cuisante et
humiliante défaite que son frère Joseph, roi d’Espagne, avait
essuyée, à Vitoria, dix jours plus tôt, le 21 juin 1813. A cette
nouvelle, Napoléon, entré dans une violente colère, destitua son
frère Joseph, limogea le maréchal Jourdan, son major-général, et
décida de renvoyer en Espagne le maréchal Soult1.
Par décret signé à Dresde le 6 juillet 1813, il le nomma
« Lieutenant de l’Empereur, Commandant-en-chef de l’armée
en Espagne et sur les Pyrénées ». Soult quitta Dresde dès
le 1er juillet 2013, le jour même de la décision de
l’Empereur. Le 6 juillet, il était à Paris. Le 12 juillet, il
arrivait à Bayonne pour y prendre son commandement. La veille, 11
juillet, l’émissaire de l’Empereur avait signifié sa
destitution au roi Joseph, alors à Saint-Pée-sur-Nivelle, au
quartier d’Ilbarron, où il s’était installé le 8 juillet avec
sa cour, arrivant de Vitoria par Pampelune et les cols de Velate et
d’Otsondo. Après sa destitution, Joseph s’installa au château
de Marracq à Bayonne, d’où il gagna ensuite Bagnères-de-Bigorre,
puis Barèges.
Empruntant
la voie transpyrénéenne historique, mythique et légendaire, du
Grand Chemin d’Espagne par Orisson et Roncevaux, la
contre-offensive de Soult fut la dernière grande bataille de la
Guerre d’Espagne du Premier Empire, la ‘Guerre d’Indépendance’
des Espagnols. Dans l’histoire millénaire des conflits livrés sur
cette voie, elle constitua le dernier épisode guerrier majeur, vingt
ans exactement après les durs et sanglants combats de la Convention.
Elle atteignit un paroxysme dans la violence guerrière, en termes de
volume des forces engagées, d’importance des pertes, morts et
blessés, d’ampleur des dommages causés aux populations locales.
Nos aïeux, habitants des pays de Cize et de Baïgorry, en furent les
témoins directs ; nombre d’entre eux y participèrent comme
gardes nationaux ou civils réquisitionnés ; tous en subirent
les conséquences, souvent désastreuses pour leurs biens ou leurs
personnes.
-1- Le MARECHAL SOULT à BAYONNE (12 juillet 1813)
Lors
de l’arrivée du maréchal Soult à Bayonne, le 12 juillet, les
trois armées françaises d’Espagne, qui ont été défaites à
Vitoria2,
sont déployées en rideau défensif sur la frontière, depuis le
cours de la Bidassoa et les monts pyrénéens jusqu’à la forêt
d’Iraty. Par ailleurs, une garnison de 3 500 hommes a été
laissée aux ordres du général Cassan dans la citadelle de
Pampelune, le général Rey s’est enfermé dans la place de
Saint-Sébastien avec 3 000 hommes, le brigadier Lameth a fait
de même avec 1 500 hommes dans le port de Santona3
sur la côte cantabrique. De son QG installé à Lesaca, au Sud de
Vera, Wellington décide de terminer la campagne de 1813 sur les
Pyrénées en s’emparant de ces trois places fortes de Pampelune,
Saint-Sébastien et Santona, et de ne poursuivre son offensive en
territoire français qu’au printemps suivant.
11- Dispositif des armées d’Espagne à l’issue de la retraite de Vitoria
L’armée
du Portugal, du général Reille, est installée défensivement sur
la Bidassoa, de Vera à Hendaye, où elle a relevé la division de
réserve du général Lhuillier, commandant d’armes de la place de
Bayonne, qui y avait installé les unités territoriales dont il
disposait4.
L’armée du Centre, du général Drouet d’Erlon s’est déployée
entre San Esteban et Elizondo, elle se trouve en pointe du dispositif
français. Malgré le soutien de l’armée du Midi, elle a été
repoussée sur la frontière par les avant-gardes anglaises de
Wellington qui ont immédiatement occupé le col de Maya, tandis que
des unités portugaises se sont emparées du col d’Ispéguy.
L’armée du Midi, du général Gazan, a reflué de Pampelune vers
Saint-Jean-Pied-de-Port, où elle est arrivée le 26 juin, en
empruntant le Grand Chemin d’Espagne par Orisson et Roncevaux,
tout en se livrant au pillage. La conduite des soldats de cette armée
a été scandaleuse dans toutes les communes du Pays Basque. Elle a
été l’objet de plaintes au préfet de Vanssay qui, lui-même en
tournée à Saint-Jean-Pied-de-Port le 11 juillet, a été le témoin
de leurs actes d’indiscipline. Sur ordre du maréchal Jourdan,
l’armée du Midi s’est déployée, le 1er juillet, sur
la Nive et la Nivelle de Cambo à Saint-Pée, avec son PC à
Ustaritz, tout en maintenant une division, commandée par le général
Conroux, dans la place de Saint-Jean-Pied-de-Port, avec des unités à
Arnéguy, Anhaux, Baïgorry et au mont Arrola.
La
garnison de Saint-Jean-Pied-de-Port ne comprend alors qu’un dépôt
de cent chasseurs pyrénéens et le bataillon d’élite des gardes
nationaux du département des Basses-Pyrénées, qui y est basé
depuis 1811. Le chef de ce bataillon de gardes nationaux qui assurait
la garde des ports de Cize, le chef de bataillon Lalanne, rend compte
dans un rapport au général Lhuillier, commandant d’armes de la
place de Bayonne, qu’après avoir préservé du pillage l’abbaye
de Roncevaux, il a dû évacuer la fonderie royale d’Orbaiceta sans
emporter vers Saint-Jean-Pied-de-Port les projectiles qui y étaient
stockés.
Quant
à l’armée du Nord du général Clauzel, qui n’a pas participé
à la bataille de Vitoria, elle est dispersée en Navarre où elle
assure la sécurité des communications dans cette province où
l’hostilité de la population à l’égard des armées françaises
est particulièrement grande et où les guérilleros navarrais,
notamment les bandes d’Espoz y Mina, mènent des actions de
guérilla, souvent avec succès, contre les troupes françaises.
Après avoir appris la défaite de Vitoria, le général Clauzel, le
30 juin, a regroupé l’armée du Nord autour de Saragosse. Il
parvient à échapper à Wellington qui cherchait à détruire cette
armée, et à effectuer sa retraite vers la France par Jaca, puis le
col du Somport. Immédiatement, Espoz y Mina occupe Tudela et
Saragosse. Après avoir reçu, le 8 juillet, l’ordre du roi Joseph
qui craint une menace sur les ports de Cize, de poursuivre vers
Saint-Jean-Pied-de-Port, dès son arrivée à Bedous en vallée
d’Aspe, il est parvenu à Tardets le 12 juillet5.
12- La réorganisation de l’armée des Pyrénées
Nommé
« Lieutenant de l’Empereur, commandant en chef de l’armée
en Espagne et sur les Pyrénées », Soult arrive à Bayonne
le 12 juillet 1813, soit six mois après avoir quitté l’armée du
Midi. Il trouve sur les Pyrénées un ensemble de forces regroupant
70 000 baïonnettes environ et 50 canons, réparti entre les
quatre armées décrites ci-dessus. Il réorganise immédiatement cet
ensemble de forces, en application d’un décret également signé à
Dresde, en une seule armée articulée en trois corps d’armée. Le
commandement de ces trois corps d’armée est confié aux anciens
commandants d’armée, Reille, Drouet d’Erlon et Clauzel, ramenés
aux grades de lieutenants-généraux et directement subordonnés à
Soult. Le quatrième commandant d’armée, Gazan, devient le chef
d’état-major de Soult, fonction qu’il exerçait auprès de lui à
l’Armée du Midi, en Andalousie, jusqu’en début 1813, avant
d’assurer sa succession lors de son départ.
Le
soin est laissé à Soult de choisir les commandants de division et
d’organiser ses forces selon les principes suivants :
divisions d’infanterie à 6 000 hommes, articulés en 5 ou 6
bataillons avec deux batteries d’artillerie à pied, divisions de
cavalerie avec une batterie d’artillerie à cheval, en réserve
d’armée deux batteries à cheval et plusieurs batteries
d’artillerie de gros calibre. Sur ces principes, Soult met sur pied
dix divisions d’infanterie et deux divisions de cavalerie,
constituant trois corps d’armée, chacun à trois divisions
d’infanterie et un régiment de cavalerie légère : le corps
Reille avec les divisions Foy, Maucune et Lamartinière, le corps
Drouet d’Erlon avec les divisions Darmagnac, Abbé et Darricau, le
corps Clauzel avec les divisions Conroux, Vandermaesen et Taupin. S’y
ajoutent une division d’infanterie de réserve, commandée par
Villatte, et les deux divisions de cavalerie.
Au
total l’armée, ainsi reconstituée, comprend 72 000 hommes, 8 500
chevaux et 140 canons, auxquels s’ajoutent 4 500 non combattants.
Les matériels ont été fournis par la 10ème division
militaire de Toulouse et la 11ème de Bordeaux.
L’artillerie nécessaire a été trouvée dans l’arsenal de
Bayonne. Mais cette armée reste qualitativement faible : les
troupes sont démoralisées et surtout indisciplinées, les unités
sont en sous-effectifs et surtout sous-encadrées. Malgré ses
efforts énergiques, Soult ne parvient que très partiellement à
rétablir une certaine discipline.
En
ce 12 juillet 1813, quels itinéraires s’offrent au maréchal
Soult, parvenu à Bayonne, pour faire franchir la barrière des
Pyrénées à son armée et l’engager offensivement en Espagne ?
13- Géographie physique et Humaine : Le franchissement de la barrière des Pyrénées
Les
cartes de Cassini, datant de la réédition de 18156
dont nous disposons, montrent qu’à cette date, deux itinéraires
carrossables partant de Bayonne permettent à des convois militaires
de gagner l’Espagne, l’un par le Pas de Béhobie, l’autre
par les Ports de Cize :
-
Le premier itinéraire carrossable, situé en zone littorale, dénommé « Route de Paris à Madrid », quitte Bayonne par la Porte d’Espagne en direction de Burgos et Madrid, par Saint-Jean-de-Luz et Urrugne. Il nécessitait précédemment une rupture de charge au Pas de Béhobie, où le franchissement de la Bidassoa se faisait, à gué ou en gabarres. Mais, dans les années 1795 à 1801, un pont en bois y a été établi à l’emplacement du gué, 50 mètres en amont de l’Isle de la Conférance. Cet itinéraire, en totalité pavé ou empierré au moins sur son parcours français, qui constituait la « Ligne d’Opérations » de l’armée d’Espagne, a été largement amélioré depuis son engagement militaire en péninsule ibérique à l’automne 1807 ;
-
Le second itinéraire carrossable, dénommé « Chemin de Saint-Jean-Pied-de-Port », suit le tracé de l’ancienne voie romaine en ligne de crête entre Nive et Adour. Quittant Bayonne par la Porte de Mousserole, il passe par Saint-Pierre d’Irube, Helette et Lacarre, jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port, où il franchit la Nive de Béhérobie par un pont, bâti en pierre au moins depuis 1650. Poursuivant, sous le nom de « Grande Route d’Espagne », par la ligne de crête qui sépare les Nives de Béhérobie et d’Arnéguy, jalonnée par la « chapelle d’Orisson » et « Château Pignon », il franchit les Pyrénées au col de Bentarte avant de redescendre vers Roncevaux7, et Burguete. Jusqu’en 1800, cette « Grande Route d’Espagne »8 avait été la seule voie transpyrénéenne empruntable par les carrosses, les charrois, les convois et l’artillerie. Erigé sur ordre personnel de Napoléon en 1808 en seconde ligne de communications de l’armée d’Espagne, il a été maintenu en bon état, mais il a perdu sa prééminence.
D’autres
itinéraires, praticables seulement à cheval ou à pied, abondamment
décrits par les ingénieurs géographes du 18ème siècle
et du début du 19ème siècle permettent le
franchissement de la partie occidentale des Pyrénées. Ce sont :
-
le chemin venant de Sare qui emprunte le col d’Otsondo, ou de Maya, pour gagner Elizondo, puis poursuit, par le col de Velate, jusqu’à Pampelune,
-
le chemin de Saint-Jean-Pied-de-Port à Burguete par le Val Carlos et le col d’Ibañeta9, simple chemin muletier, souvent non sécurisé,
-
le chemin de Mauléon à Ochagavia par le port de Larrau et la vallée de Roncal,
-
le chemin d’Oloron à Jaca, puis Saragosse, par la vallée d’Aspe et le Somport, où, malgré son étroitesse, le courrier de Saragosse est passé deux fois par semaine pendant la guerre d’Espagne.
Enfin,
les multiples sentiers de bergers et de contrebandiers, empruntant
les cols, ou « ports », notamment en Pays de Cize et de
Baïgorry, permettent à des unités d’infanterie allégées, et
bien guidées de pénétrer en Espagne, en franchissant les Pyrénées
par des itinéraires détournés.
Pour
l’armée de Soult, l’absence de cartographie détaillée autre
que la carte de Cassini, est aggravée par la difficulté de
communication avec les guides locaux, qui parlent des dialectes
basques, mais peu le Français ou le Castillan. Les difficultés
d’orientation en zone montagneuse, aggravées par des conditions
météorologiques exécrables, expliquent nombre des erreurs commises
par l’armée de Soult lors de son engagement en direction de
Pampelune.
14- L’espace géostratégique des Pays de Cize et Baïgorry
Au
début du 19ème siècle, les deux vallées de Cize et de
Baïgorry, autour de la citadelle baroque de Saint-Jean-Pied-de-Port,
construite sous Louis XIII, constituent un seul espace géographique
fermé de tous les côtés par des barrières montagneuses,
entrecoupées de cols. La carte de Cassini montre que cet espace est
situé au débouché de deux itinéraires carrossables majeurs qui se
rejoignent à Lacarre, la « Route de Bayonne »,
d’une part, la « Route de Pau », ou « Chemin
de Navarreinx », d’autre part, en provenance
respectivement de chacune des deux divisions militaires de Bordeaux
et Toulouse. Le territoire français était sous l’Empire divisé
en vingt divisions militaires dont, dans la zone frontière des
Pyrénées, la 10ème à Toulouse10
et la 11ème à Bordeaux, capables de fournir à des
armées en campagne les subsistances à partir de leurs ressources
agricoles, et les équipements à partir de leurs arsenaux, dont
celui de Bayonne profondément rénové en 1794-95.
L’engagement
de la guerre d’Espagne par Napoléon, en octobre 1807, avait fait
de cet espace géographique une zone de transit incessant de troupes
allant et revenant d’Espagne. Il avait provoqué la militarisation
de la frontière et de ses habitants engagés dans la garde
nationale. Cependant, aucun combat ne s’y était déroulé malgré
l’insurrection en Navarre espagnole. En revanche, les troupes de
l’armée d’Espagne en retraite après la cuisante défaite de
Vitoria, s’étaient abattues comme un fléau sur les campagnes du
pays Basque durant la première quinzaine de juillet. Les combats qui
s’ensuivirent entre juin 1813 et avril 1814, provoquèrent dans
toute la zone frontalière un nouveau paroxysme guerrier qui
atteignit un niveau encore jamais connu de sauvagerie et de misère.
Cet
espace géographique des Pays de Cize et Baïgorry était ainsi
susceptible de devenir la base opérationnelle et logistique d’une
armée s’engageant offensivement en l’Espagne. Les itinéraires
franchissant les Pyrénées permettaient cet engagement, soit
directement vers la place forte de Pampelune, soit, à rebours par la
vallée du Baztan vers la place forte de Saint-Sébastien et les
ports de la côte atlantique, dont Pasajes11.
Cet espace a donc bien pour le maréchal Soult, un intérêt
géostratégique.
15- La manœuvre du maréchal Soult
Selon
les instructions qu’il a reçues, le maréchal Soult est tenu de
« prendre sans délai les mesures nécessaires pour sauver
Saint-Sébastien, Santoña, Pampelune et Pancorbo (15 Km
S.W. de Miranda del Ebro), de reprendre l’offensive à cet effet
et de rentrer en Espagne le plus tôt possible »12
Les
13 et 14 juillet, Soult effectue des reconnaissances le long de la
Bidassoa. Il en fait effectuer sur les chemins carrossables directs
de Saint-Jean-de-Luz à Saint-Jean-Pied-de-Port. Clarke, ministre de
la guerre, lui a recommandé d’agir en priorité sur
Saint-Sébastien. Mais Soult, après réflexions et hésitations,
espérant obtenir l’effet de surprise, opte pour une action
prioritaire vers Pampelune, en utilisant la place forte de
Saint-Jean-Pied-de-Port comme base de sa contre-offensive. Sa
manœuvre a un double objectif : attaquer Pampelune en force
pour en faire lever le blocus subi par le général Cassan et
provoquer ainsi un relâchement de la pression sur Saint-Sébastien,
où le général Rey subit le siège mené par Wellington. Dans une
phase ultérieure, Soult prévoit d’attaquer en direction de
Saint-Sébastien par une attaque à revers menée depuis Pampelune.
16- Le nouveau redéploiement de l’armée des Pyrénées
Ses
structures de commandement une fois établies et sa manœuvre ainsi
décidée, Soult redéploye son dispositif. Il concentre les gros de
son armée dans les pays de Cize et Baïgorry, tout en masquant sa
manœuvre par un dispositif de couverture sur la Bidassoa. Pour ce
faire, les 18 et 19 juillet, il déploie la division de réserve
Villatte, renforcée d’une vingtaine de pièces d’artillerie, sur
la Bidassoa de Sarre à la mer, face aux débouchés de Vera.
Les
premiers ordres de Soult sont pour Clauzel, afin de lui confirmer
l’ordre de rallier Saint-Jean-Pied-de-Port. Arrivant de la vallée
d’Aspe, Clauzel y parvient dès les 15 et 16 juillet avec les deux
divisions Vandermaesen et Taupin. Il y prend sous ses ordres la
division Conroux qui tient la région de Saint-Jean-Pied-de-Port et
de Baïgorry. Recentrée sur Baïgorry, la division Conroux met en
place des avant-postes face au col d’Ispéguy et à la fonderie des
Aldudes et elle s’installe fortement avec deux bataillons sur le
mont Arrola en avant de Banca, au-dessus des Aldudes. Quant aux
gardes nationaux, ils poussent des reconnaissances vers le mont
Lindus. Le 18 juillet, la division Vandermaesen s’installe à la
chapelle d’Orisson, avec un bataillon en deçà de Château Pignon
qui connaît des engagements avec les postes avancés du camp anglais
du Leizar Atheka et de l’Alto Biscar. La division Taupin déploie
ses bataillons dans la vallée de la Nive d’Arnéguy, prêts à
soutenir la division Vandermaesen. Clauzel effectue des
reconnaissances vers le Lindus et l’Alto Biscar qu’il constate
être solidement tenus. Il admet qu’il faut quatre à cinq jours de
travail pour rendre le Grand Chemin d’Espagne praticable à
l’artillerie.
Soult
a attendu l’arrivée de Clauzel à Saint-Jean-Pied-de-Port, pour
faire commencer les marches de concentration. Les trois divisions du
corps de Reille disposées de Sarre à Hendaye, où elles ont été
relevées par la division Villatte, reçoivent l’ordre de faire
mouvement vers Saint-Jean-Pied-de-Port, le 18 juillet. Les trois
divisions du centre de Drouet d’Erlon restent déployées dans la
région d’Aïnhoa, Itxassou et Espelette.
17- La situation logistique en Pays de Cize-Baïgorry
Cette
concentration de forces sur la frontière et à
Saint-Jean-Pied-de-Port à partir du 15 juillet pose de graves
problèmes de ravitaillement et de transport. Les services de
subsistance, déjà pris au dépourvu par la retraite de Vitoria,
sont désorganisés, car le ravitaillement d’une armée sur le
territoire français n’est pas prévu. Les capacités du
département se révèlent insuffisantes et les mesures prises pas à
la hauteur de la situation. Le 11 juillet, veille de l’arrivée de
Soult à Bayonne, le préfet de Vanssay, venu d’urgence à
Saint-Jean-Pied-de-Port où rien n’était prévu pour ravitailler
le corps de Clauzel à son arrivée le 15 juillet, dresse le constat
de l’incapacité de l’administration de la guerre à assurer le
service des vivres. A cette date, le sous-préfet de Mauléon,
Detchepare, s’est déjà installé à Saint-Jean-Pied-de-Port. Les
Pays de Cize et Baïgorry sont frappés de réquisitions
considérables en rations, voitures bouvières et chevaux ou mulets
de transport.
A
son arrivée à Bayonne le 12 juillet, l’un des premiers ordres de
Soult est de faire acheminer sur Saint-Jean-Pied-de-Port cent mille
rations. La réorganisation de l’armée devait en faciliter le
ravitaillement. De fait, il n’en est rien. Vidal de la Blache
écrit : « L’exécution des Services des Subsistances
donna les plus grands mécomptes. Soult considérait comme
indispensable d’entrer en opérations avec une avance au moins de
quatre jours de vivres. Mais la fabrication du biscuit ne fut pas
achevée à Bayonne avant le départ des troupes de Reille qui
arrivèrent à Saint-Jean-Pied-de-Port en portant dans leurs sacs,
faute de moyens de transport, de la farine mouillée. Les troupes de
Drouet d’Erlon en position à Ainhoa ne recevaient même pas
quotidiennement les vivres du jour. A Saint-Jean-Pied-de-Port régnait
un désordre inexprimable. La viande, l’avoine, les fours
manquaient à la fois. Les bœufs rassemblés pour atteler
l’artillerie attiraient l’attention des cuisiniers. Il fallait
défendre contre les soldats, les parcs de voiture et le bétail, et
même les maisons particulières que les soldats dévalisaient
pendant que leurs hôtes, le fusil à la main, faisaient dans les
montagnes leur service de gardes nationaux. »
-2- Le MARECHAL SOULT à SAINT-JEAN-PIED-de-PORT (21 juillet 1813)
Le
maréchal Soult quitte Bayonne le 20 juillet 1813. Arrivant à
Saint-Jean-Pied-de-Port le 21 juillet au matin, il installe son
quartier général au château d’Olhonce13,
au pied du mouvement de terrain sur lequel est bâtie la citadelle.
Ce château se dresse à mi-parcours du chemin menant de
Saint-Jean-Pied-de-Port au village de Saint-Michel, à proximité de
la Nive de Béhérobie. Du château d’Olhonce, une bretelle permet
de gagner directement la « Grande Route d’Espagne par
Orisson ».
21- Le dispositif de contre-offensive du maréchal Soult
Dès
son arrivée, Soult effectue, les 21 et 22 juillet, les ultimes
reconnaissances et se fait rendre compte de la situation au contact
par Clauzel, arrivé à Saint-Jean-Pied-de-Port depuis six jours. Les
trois divisions du corps de Reille, arrivant d’Hendaye, parviennent
à Saint-Jean-Pied-de-Port le 22 juillet au soir, soit une semaine
après le corps de Clauzel. Elles s’installent en cantonnements à
Aphat-Ospital, Aincille et Anhaux. En fin des mouvements, sont ainsi
concentrées à Saint-Jean-Pied-de-Port, les six divisions des corps
de Reille et de Clauzel, ainsi que les deux divisions de cavalerie et
soixante-six pièces d’artillerie.
Soult
dispose alors d’un total de 72 000 hommes, tandis qu’à
l’extrémité orientale des Pyrénées, Suchet dispose de 25 000
hommes face à 70 000 Anglais, Siciliens et Catalans. Le dispositif
de Soult est flanc-gardé sur son Est par le général Pâris,
commandant la brigade de l’armée de Suchet restée en Aragon,
auquel Soult a demandé de tenir Jaca et le col du Somport, et de
maintenir la communication avec Suchet.
La
manœuvre envisagée par Soult peut être exprimée comme suit :
« Tout
en masquant son balancement d’effort et en maintenant, en liaison
avec la garnison assiégée de Saint-Sébastien, la pression sur la
basse Bidassoa face à Fontarabie, avec la seule division Villatte
renforcée en artillerie,
Attaquer
en force en direction de Pampelune, pour en libérer la garnison
assiégée, en débouchant le 25 juillet avec trois corps d’armée
de front :
-
Deux corps d’armée, soit 40 000 hommes au total, chargés de l’effort principal, agissant depuis le bassin de Cize-Baïgorry, doivent conquérir initialement les ports de Cize, puis Roncevaux et Burguete :
-
le corps de Clauzel, avec les divisions Conroux, van der Maësen et Taupin, attaquant depuis Saint-Jean-Pied-de-Port par la Grande Route d’Espagne pour s’emparer du col de Bentarte,
-
le corps de Reille, avec les divisions Lamartinière, Maucune et Foy, attaquant, depuis Baïgorry pour s’emparer du col de Lindus.
-
-
Le corps d’armée de Drouet d’Erlon, avec les divisions Darricau, Abbé et Darmagnac, chargé de l’action secondaire, agissant à partir d’Ainhoa, doit conquérir successivement le col de Maya, puis le col de Velate.
Ultérieurement,
une fois Pampelune reconquis, conduire une seconde attaque en
direction de Saint-Sébastien, où est assiégé le général Rey
avec plus de 3 000 hommes, par une action à revers à partir de
Pampelune »
22- Le déploiement préalable à l’offensive
Le
23 juillet, le maréchal Soult diffuse ses ordres. Il écrit :
« Demain 24, les dispositions préparatoires seront faites
sur toute la ligne et le 25, à 4 heures du matin, le mouvement sera
général et spontané ». A cette date, la Grande Route
d’Espagne, réparée par les sapeurs du commandant Burel, est
praticable aux voitures jusqu’à Château-Pignon.
Les
troupes françaises prennent leurs dispositions préparatoires le 24
juillet. Derrière l’échelon d’attaque constitué par les trois
divisions du corps Clauzel, la Grande Route d’Espagne est
réservée à l’artillerie, à la cavalerie et aux bagages de
l’ensemble des trois corps d’armée. Trois cents paires de bœufs,
rassemblés à Saint-Jean-Pied-de-Port, doivent permettre de hisser
les 66 pièces d’artillerie au col de Bentarte, à plus de 1 300
mètres d’altitude en ménageant les attelages. Le 24 après-midi,
le général Tirlet fait monter l’artillerie à cheval de Clauzel à
force de bœufs et de bras jusqu’à la « Venta d’Orisson »
où, dès le 24 au soir, quelques pièces d’artillerie sont mises
en batterie. Les batteries à cheval de Reille prennent le même
itinéraire le lendemain matin, les bœufs tirant les pièces, les
chevaux étant haut-le-pied. Les divisions de cavalerie de Treilhard
et Pierre Soult suivent les canons.
Dans
la nuit du 24 au 25 juillet, le dispositif d’attaque finit de se
mettre en place. A partir d’une heure du matin, les trois divisions
du corps de Reille, quittent leurs cantonnements d’Anhaux, Aincille
et Aphat Ospital, où elles ne sont arrivées que dans la soirée du
22, les trainards ayant rejoint dans la journée du 23. Le capitaine
Vidal de la Blanche écrit : « Les trois divisions
cantonnées à Anhaux, Aincille et Aphat Ospital se mirent en route
vers 1 heure. De plus, elles traversèrent Saint-Jean-Pied-de-Port
pour y recevoir une distribution de deux jours de pain14.
L’encombrement était si grand dans les ruelles étroites et
montantes de la vieille place que les troupes n’arrivèrent qu’à
une lieue en arrière des points assignés ». Elles gagnent
la vallée de Baïgorry, où elles relèvent la division Conroux, qui
peut alors rejoindre son corps, celui de Clauzel, sur la Grande
Route d’Espagne.
Cependant
l’exécution du service des subsistances donnent de graves
mécomptes. Les unités démarrent avec seulement deux jours de
vivres, au lieu des quatre jours jugés indispensables par Soult. Les
soldats sont rapidement réduits à dévaliser la campagne et les
fermes dont les hommes, réquisitionnés comme gardes nationaux, sont
de service dans les montagnes. De surcroît les pluies continuelles,
qui durent depuis trois semaines, s’abattent sur les troupes au
cours de la nuit, trempant les hommes et mouillant leurs munitions.
23- Le débouché de l’attaque (25 juillet 1813) – La bataille de Château Pignon
Le
mouvement général d’attaque est déclenché le 25 juillet 1813,
au matin. Les trois divisions de l’aile Gauche aux ordres de
Clauzel s’élancent, en tête, par la Grande Route d’Espagne,
avec pour objectif la montagne d’Altobiscar (ou Mendi Chipi :
1 506 m) qui domine le col de Bentarte (1 337 m). La
division de tête, celle de Vandermaesen, démarre des positions
d’Orisson et d’en deçà de Château Pignon, qu’elle occupe
depuis le 18. La division Taupin, agissant de concert sur sa droite,
monte directement de la vallée d’Arnéguy, par Ondarolle en
direction de Château Pignon. La division Conroux, une fois relevée
à Baïgorry, s’engage derrière la division Vandermaesen sur la
Grande Route d’Espagne. Cette action principale est
accompagnée de l’attaque d’un bataillon par le Val Carlos en
direction de la chapelle d’Ibañeta, et par celle du bataillon
d’élite des gardes nationaux, aux ordres du lieutenant-colonel
Lalanne, agissant depuis Esterençuby en direction des forges
d’Orbaïceta, par Eropil et le col d’Orgambide.
Au
démarrage de l’offensive, Soult marche avec la division
Vandermaesen sur la Grande Route d’Espagne. C’est ainsi
qu’il lui revient de commander la dernière bataille de Château
Pignon. Dans la nuit du 24 au 25, la division Vandermaesen, en tête
de la colonne Clauzel, a vainement tenté de s’emparer des
positions anglaises installées à hauteur de Château Pignon. Le 25
vers six heures du matin, les premiers éléments français parvenus
à la hauteur de Château Pignon, voient leur progression arrêtée
par les avant-postes ennemis, disposant de canons, fortement
retranchés autour des rochers d’Urdanasburu, d’Urdanare et de
Leizar Atheka. L’affaire s’engage, mais traine en longueur. Les
assauts des deux bataillons de tête de la division Vandermaesen,
comme leurs tentatives de débordement, échouent jusque vers dix
heures, devant la résistance opiniâtre des Anglais.
Le
maréchal Soult prend alors personnellement le commandement des
unités de tête. Il ordonne à deux à trois bataillons de se former
en colonnes d’attaque, puis il leur commande de repartir à
l’assaut, entre onze heures et midi, pour s’emparer des positions
anglaises. Devant l’attitude résolument offensive de ces
bataillons qui marchent l’arme au bras comme s’ils défilaient en
temps de paix, l’ennemi décontenancé résiste faiblement, son feu
perd progressivement de son intensité. Finalement, emportant leurs
canons, les unités anglaises abandonnent leurs retranchements et
quittent toutes leurs positions en avant du col de Bentarte. Les
bataillons français, dont les pertes ne sont que d’une centaine
d’hommes, s’en emparent. Après que Soult ait pris
personnellement les choses en mains, les positions anglaises sont
donc finalement emportées. L’objectif du col de Bentarte, le
mythique « col de Roncevaux », est atteint. Mais
les colonnes d’attaque sont contraintes de s’arrêter en raison
de la tombée d’un épais brouillard. Soult bivouaque face au mont
Altobiscar, le 25 juillet au soir.
Quant
aux trois divisions du Centre, après avoir traversé
Saint-Jean-Pied-de-Port, aux ordres de Reille, elles atteignent
Baïgorry, puis gagnent leurs positions autour de Banca et du mont
Arrola où elles relèvent les bataillons de la division Conroux. Les
trois divisions prennent alors, depuis le mont Arrola, le chemin de
montagne par la crête dominant le Val Carlos, pour gagner le col de
Lindus, dominé par la redoute du mont éponyme, vieille position
espagnole de 1793. Leur action est accompagnée d’une attaque d’un
bataillon de gardes nationaux, aux ordres du commandant Etcheverry,
en direction des cols d’Ispéguy et de Berdaritz, tenus par une
unité portugaise. Les trois divisions progressent en file indienne
par un sentier de montagne très difficile, sur un terrain peu
propice à l’attaque car le déploiement des unités y est
impossible. La division Foy, en tête, empruntant un sentier de
crête, dépasse le pic d’Adarza (1 250 m), puis atteint vers
13h30 le pic de Laurigna (1278 m). Ainsi, elle perd beaucoup de
temps. Le corps de Reille ne dispose que de huit pièces de canon de
montagne de 3 livres, portées à dos de mulets, avec leurs
munitions, son artillerie suivant la colonne de Clauzel sur la
Grande Route d’Espagne. L’assaut, en fin d’après-midi, du
mont Lindus où les Anglais ont eu le temps de renforcer leurs
positions, échoue d’autant que l’épais brouillard qui tombe,
rend impossibles les manœuvres de débordement. Reille doit remettre
l’attaque du mont Lindus au lendemain. Il s’installe pour la nuit
sur le mont Achistoy (1230) voisin.
Dans
la vallée du Baztan, les trois divisions de l’Aile Droite, placée
aux ordres du général Drouet d’Erlon, débouchent également le
25 juillet matin d’Itxassou et d’Aïnhoa, en progressant de part
et d’autre du mont Mondarrain. Elles s’emparent de leur premier
objectif, le col d’Otsondo (ou de Maya) dans la journée du 25,
mais elles ne parviennent pas à en déboucher, tandis que les
Anglo-portugais se replient en ordre sur Elizondo.
24- La poursuite de l’offensive vers Pampelune (26-27 juillet 1813)
Au
cours de la journée du 26 juillet, le corps de Clauzel, démarrant
du mont Altobiscar poursuit sa progression en direction de Pampelune.
Il atteint, le 26 au soir, la ligne de crête entre Zubiri et
Viscarret, à hauteur du col d’Erro. Le 26 au matin, le corps de
Reille s’empare des cols de Lindus et de Burdincurutcheta, de part
et d’autre du mont Lindus. Il s’aperçoit que les Anglais, par
crainte d’être débordés par la progression de Clauzel, ont
évacué dans la nuit leurs positions du mont Lindus. Quant aux deux
brigades portugaises qui tenaient des positions vers Les Aldudes,
elles se sont retirées dès le 25 au soir. Reprenant sa progression
en direction d’Espinal, au sud de Burguete, Reille se perd dans le
brouillard, sans parvenir à être aidé par les guides basques dont
il ne comprend pas la langue.
Quant
au corps de Drouet d’Erlon, il ne parvient toujours pas à
déboucher du col d’Otsondo pour poursuivre son attaque vers
Elizondo et le col de Velate. Cependant, les divisions anglaises de
la vallée du Baztan se replient en ordre d’Elizondo vers
Pampelune.
Le
maréchal Soult, apprenant le 26 au soir que Drouet d’Erlon n’a
pas débouché du col d’Otsondo, décide de poursuivre le 27 matin
vers Pampelune avec les seules six divisions des corps de Reille et
de Clauzel. Le 27 juillet, Clauzel occupe la ville de Sorauren,
située à hauteur des monts dominant Pampelune à 7 km à son Nord.
25- La bataille de Sorauren (28-30 juillet 1813)
Ayant
appris l’offensive française le 25 juillet à Saint-Sébastien où
une attaque de la place venait d’échouer, Wellington gagne au plus
vite, le 26 juillet, Pampelune vers laquelle il transfère le gros de
ses forces. Ainsi, le 27 juillet au soir, Soult et Wellington se
retrouvent face à face devant Pampelune. L’armée française,
réduite à deux corps d’armée, soit six divisions, se déploie
sur les deux rives de la rivière Arga, face à Wellington qui,
disposant de 30 000 hommes, veut arrêter les Français en avant
de Pampelune. Soucieux d’attendre l’arrivée du corps de Drouet
d’Erlon pour agir tous moyens réunis, Soult ne se décide à
passer à l’attaque que le 28 après-midi. Les Français, fatigués
et à jeun, essaient en vain de bousculer les Anglais galvanisés par
la présence de Wellington, et de s’emparer des hauteurs de
Sorauren, qui commandent les accès à Pampelune, dont la garnison
française assiégée entend le canon de la bataille. Soult lance une
attaque limitée de Clauzel qui, partant du village, réussit à
s’emparer de la crête couronnée par la chapelle de Sorauren. Mais
il ne parvient pas à s’y maintenir et il est repoussé par la
contre-attaque anglaise, subissant de lourdes pertes dans des combats
acharnés. Finalement, le 28 vers cinq heures de l’après-midi,
Soult décide le repli sur ses positions de départ.
De
son côté, Drouet d’Erlon, le 28 juillet dans la matinée,
constatant le décrochage des divisions anglaises face à lui,
franchit enfin le col de Velate. Le 28 au soir, il atteint Lanz et
parvient le 29 à midi à Ostiz, quinze kilomètres au nord de
Pampelune.
Le
29 juillet, sur le champ de bataille, les troupes françaises sont
épuisées et à court de vivres, dont elles n’ont perçu aucune
distribution depuis leur départ de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Conscient de l’échec de sa contre-offensive contre Pampelune et
craignant l’arrivée des divisions alliées dont Drouet d’Erlon a
permis le repli en ordre, Soult « malgré son indomptable
énergie » ordonne la retraite. Voulant profiter du fait
que Wellington a maintenant concentré ses forces devant Pampelune et
qu’il est venu se placer à leur tête, Soult décide de reporter
son effort sur la zone côtière, en basculant son dispositif contre
Saint-Sébastien. Il décide de se replier avec le gros de ses
divisions, à partir du lendemain 30 juillet, en coupant en ligne
droite par la montagne à partir du col de Velate, pour rejoindre les
positions tenues sur la Bidassoa par la division Villatte. Il confie
au corps de Reille la mission de couvrir son repli. Le jour même, 29
juillet, il renvoie son artillerie, sa cavalerie et ses bagages vers
Saint-Jean-de-Luz par Saint-Jean-Pied-de-Port en empruntant le seul
itinéraire carrossable de la Grande Route d’Espagne.
De
son côté, le 30 juillet, Wellington craint une attaque d’envergure
de Soult, que le corps de Drouet d’Erlon vient de rejoindre. Il
surveille agressivement les mouvements français. La bataille de
Sorauren connaît ainsi une seconde phase le 30, entre l’armée de
Wellington et le seul corps d’armée de Reille, chargé de la
mission de couverture de l’armée française. Wellington s’empare
du village de Sorauren et commence à déborder Reille qui doit, à
son tour, ordonner la retraite. Certaines de ses unités commencent
alors à se débander.
Ainsi
donc, la contre-offensive de Soult échoue à la bataille de Sorauren
devant Pampelune, face à Wellington, du 28 au 30 juillet 1813.
Jomini, général de l’armée impériale, chef d’état-major du
maréchal Ney et penseur militaire, écrit :
« Cette
manœuvre était bonne, mais l’aspérité des montagnes, un peu de
lenteur dans la marche et la défense opiniâtre de la droite
anglaise sous le général Picton donnèrent le temps à Wellington
d’accourir avec son corps de bataille. … . Dans le fait, son
mouvement conçu sur d’excellents principes, aurait eu plus de
succès si la route de Roncevaux eût été meilleure et si on eût
mis plus d’activité, de précision et de vigueur dans les
premières marches ».
26- Le repli après la défaite de Sorauren
Quand
il entame, le 30 juillet, son repli en direction de Saint-Sébastien
par le col de Velate, Soult veut exécuter une « marche
manœuvre » et reprendre l’initiative en cours de
retraite. Il marche avec le corps de Drouet d’Erlon qui forme
l’avant-garde de l’armée. Il réussit initialement à progresser
dans de bonnes conditions, grâce à des succès locaux contre les
unités anglaises rencontrées. Mais après l’échec subi par
Reille au cours de la seconde bataille de Sorauren, la retraite, qui
s’effectue alors sous la pression anglaise, se poursuit dans la
confusion. Les unités françaises se trouvant sans vivres ni
munitions, perdent confiance et tout sens de la discipline. Le 1er
août au soir, Soult réussit à regrouper à hauteur d’Etchalar
les restes de son armée, que le corps de Reille réduit à deux
divisions a rejoints.
En
effet, la troisième division du corps de Reille, la division Foy
s’est égarée. D’Eugui, elle s’est dirigée par erreur vers
Esnazu par le col d’Urquiaga, col qu’elle tient jusqu’au 31
juillet au soir. Sur le même itinéraire se replient des traînards
appartenant à des unités complétement débandées, que Foy dirige
vers Saint-Jean-Pied-de-Port. Sans liaison avec Soult depuis le 30
juillet, Foy continue son repli par la vallée des Aldudes, sous la
pression des Anglais.
La
cité de Saint-Jean-Pied-de-Port, à partir du 30 juillet, assiste au
repli des convois, de l’artillerie et des divisions de cavalerie de
l’armée de Soult. Ensuite, elle voit arriver les blessés, les
déserteurs et les isolés, dont ceux récupérés par la division
Foy. Huit mille traînards, au total, se répandent dans les Pays de
Baïgorry et de Cize, au cours de la première quinzaine d’août.
La débandade qui annonce l’arrivée des forces ennemies, provoque
une véritable panique, d’autant que les troupes battues
recommencent à ravager le pays dans une véritable fièvre de
vandalisme. Cette retraite semble encore plus désastreuse que celle
qui suivit la défaite de Vitoria, un mois plus tôt.
27- Le dispositif en fin de retraite
Du
25 juillet au 2 août, Soult a perdu 12 443 hommes, dont 423
officiers. Son armée vaincue, mais moins profondément désorganisée
qu’il ne peut paraître, réussit à reprendre ses anciennes
positions défensives sur la frontière. Soult réorganise son
dispositif depuis l’embouchure de la Bidassoa jusqu’à
Saint-Jean-Pied-de-Port, avec son centre sur La Rhune.
Le
9 août, Foy reçoit l’ordre de gagner Saint-Jean-Pied-de-Port avec
sa division, pour constituer un détachement de flanc-garde, placé
aux ordres directs de Soult. Il doit y prendre le commandement de
toutes les troupes qui s’y trouvent, et notamment des traînards,
qui s’y sont réfugiées dans le désordre de la retraite. Il
déploie sa division autour de Saint-Jean-Pied-de-Port, avec des
unités à Orisson, Arnéguy, et Baïgorry. Sa mission est d’assurer
la flanc-garde du dispositif, face aux possibilités de contournement
par les cols de Larrau et du Somport.
Les
Anglais, certes vainqueurs, ont, eux aussi, subi des pertes
importantes. Hors d’état de poursuivre, Wellington déploie un
dispositif de couverture afin d’achever le siège de
Saint-Sébastien et le blocus de Pampelune. Ainsi, les deux armées,
anglaises et françaises, se retrouvent dans le statu quo ante
sur la Bidassoa et les cols pyrénéens.
Soult
décide de reporter son effort sur le secteur côtier et d’attaquer
Saint-Sébastien pour en faire lever le siège. Le 29 août15,
il repasse la Bidassoa pour attaquer les hauteurs de San Marcial16
qui dominent le gué de Biriatou et soulager la garnison de
Saint-Sébastien toujours assiégée. Malgré quelques succès locaux
des Français, la contre-attaque échoue le 1er septembre.
Le 9 septembre, la garnison de Saint-Sébastien capitule après trois
mois de siège.
Fin
septembre, Foy réussit à rejeter les avant-postes ennemis de la
vallée de Baïgorry dans celle du Baztan. Cependant, en face de lui,
les anglo-portugais tiennent les redoutes de l’Alto Biscar, du
Lindus et d’Ispéguy. Début octobre, par un mètre de neige, une
brigade anglaise attaque les avant-postes de Foy à la fonderie de
Banca. Le 31 octobre enfin, le général Cassan capitule à
Pampelune. Le colonel Lameth à Santona ne capitule que cinq mois
plus tard, le 21 mars 1814.
Sur
le front européen, après la désastreuse défaite de Leipzig, la
« Bataille des Nations », du 16 au 19 octobre 1813,
Napoléon doit battre en retraite. La campagne d’Allemagne se
termine en fin d’année 1813 par la perte totale du territoire
allemand à l’exception, de la rive gauche du Rhin et de sept
places fortes, dont Hambourg où Davout s’est enfermé. Fin
décembre 2013 les alliés de la 6ème coalition
franchissent le Rhin.
CONCLUSION
Revenant
à Saint-Jean-Pied-de-Port en début d’octobre 1813, le maréchal
Soult constata que la citadelle ne barrait qu’insuffisamment la
Grande Route d’Espagne, le débouché des vallées de la
Haute Nive et les sentiers descendant des ports de Cize. En
conséquence, il conçut le projet d’en faire le centre d’un
vaste camp retranché qui contrôlerait les itinéraires conduisant
d’Espagne à Saint-Jean-Pied-de-Port, puis poursuivant vers Bayonne
et Pau. Ce camp retranché, devait englober un plus large périmètre
autour de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port et comprendre un
nombre plus important d’ouvrages que celui aménagé en 1793, sous
la Convention. La construction en fut immédiatement entreprise.
Pour
Soult, commença alors la manœuvre de défense mobile en profondeur,
dont la place forte de Bayonne devait être le pivot, avant d’être
à son tour assiégée, qui se termina, en avril 1814, par la
bataille de Toulouse. Pendant cette campagne, les pays de Cize et de
Baïgorry furent dévastés par la division espagnole, placée aux
ordres du chef de bande Espoz y Mina, devenu général, qui investit
finalement la place de Saint-Jean-Pied-de-Port à partir de février
1814. Les pays de Cize et Baïgorry connurent de nouveaux combats à
la mi-janvier 1814, lors de la contre-attaque menée par le général
Harispe jusqu’au château d’Etchaux, dont son épouse, fille du
dernier vicomte, était l’héritière. La place de
Saint-Jean-Pied-de-Port comme celle de Bayonne ne capitulèrent pas
devant l’ennemi. Elles se rendirent au roi de France, une fois
l’armistice signé, fin avril 1814.
Ces
combats, qui se déroulèrent il y a deux siècles, furent les
derniers épisodes, mais aussi les plus tragiques, d’une histoire
millénaire riche en conflits le long de la Grande Route
d’Espagne, anciennement Grand Chemin d’Espagne par Orisson
et Roncevaux, l’itinéraire majeur de franchissement des monts
Pyrénées. Ces conflits avaient crû en intensité lorsque la
frontière entre les royaumes de France et d’Espagne s’était
établie sur les monts Pyrénées à la suite du repli, en 1530, de
Charles Quint de la province nord-pyrénéenne du royaume de Navarre
que Ferdinand d’Aragon avait usurpé quinze ans plus tôt. Ils
attinrent leur paroxysme lors des guerres de la Révolution de 1793 à
1795, puis surtout durant la contre-offensive de Soult en juillet
1813, ultime bataille de la Guerre d’Espagne du Premier Empire.
Ces
combats qui marquèrent profondément les esprits au XIXème siècle,
sont aujourd’hui tombés dans l’oubli, dans une Europe fort
heureusement pacifiée. Or, ils mériteraient d’être remémorés
afin que les enjeux et les risques du monde d’aujourd’hui soient
replacés dans leur perspective historique et, ainsi, mieux perçus.
Il appartient aujourd’hui aux habitants des Pays de Cize et de
Baïgorry, de conserver et de transmettre la mémoire des conflits
séculaires, notamment des combats paroxystiques de la fin du Premier
Empire, survenus vingt ans après ceux également tragiques de la
Révolution Française, dont nos aïeux furent les témoins, les
participants ou les victimes. Cette mémoire renouvelée permettrait
à leurs descendants de mieux apprécier la valeur de la paix des
armes établie sur la frontière pyrénéenne depuis deux siècles
maintenant, alors que l’Europe, dans son ensemble, n’en jouit que
depuis cinquante ans, à peine.
BIBLIOGRAPHIE
2)
La Campagne d’Espagne de Napoléon (1807-1814) par Jean Tranié et
Juan Carlos Carmigniani, Editions Pygmalion, Paris 1998
3)
L’évacuation de l’Espagne et l’invasion dans le Midi, juin
1813-avril 1814 », par le Capitaine Vidal de La Blache, Paris
1914, Ed. Berger-Levrault (Trois Tomes)
4)
L’invasion du Pays Basque Français en 1813-1814, par Pierre
Hourmat, Bulletins du Pays Basque N°35 et N°36, 1967
5)
Histoire
Militaire de Bayonne par
le Général Jean Ansoborlo, Revue d’histoire de Bayonne, du Pays
Basque et du Bas Adour N° 150, Année 1995
6)
Batailles de Napoléon dans le Sud-Ouest, par Pierre Migliorini et
Jean Quatrevieux, Ed. Atlantica, Anglet 2002
7)
Saint-Jean-Pied-De-Port et les Vallées de la Nive, Conférence faite
aux officiers du 3° Bataillon du 142° Territorial, par le
Lt-Colonel Strasser, Bayonne 1890, BNF, Site de Tolbiac
8)
La Dernière Bataille de Château Pignon en 1813, dans « La
Voie Romaine de Bordeaux à Astorga dans sa Traversée des Pyrénées,
par L. Colas, Bayonne 1913
9)
Les Redoutes de la Révolution et du 1er Empire au Pays
Basque, par le Général Francis Gaudeul (Bulletin SSLA de Bayonne N°
144 (Année 1988), Pages 213 à 230)
1Soult,
l’un des quatorze Maréchaux d’Empire de la grande promotion de
mai 1804, a combattu au sein de la Grande Armée jusqu’en 1807,
puis à l’armée d’Espagne de 1808 à janvier 1813, date à
laquelle il rejoint la Grande Armée en Saxe. Le 21 mai 1813, il
contribue à la victoire de Bautzen à la tête du 4ème
corps, victoire qui confirme celle de Lützen obtenue, le 2 mai,
trois semaines plus tôt.
2Après
la bataille, le parc d’artillerie de 120 pièces de tous calibres,
400 caissons, 1 500 voitures de bagages, dont les équipages du
roi Joseph, ont été abandonnés dans la précipitation du repli.
3L’occupation
par les Français de Santona prive les Anglais d’un port bien
placé entre La Corogne et Pasajes, qui en outre sert d’abri à
des corsaires français. Santona est défendu par deux forts.
4En
juin 1812, de Dresde, où il prépare la logistique de sa campagne
de Russie, Napoléon se soucie de la guerre d’Espagne. Il établit
le château de Marracq en qualité de « Quartier Général
Impérial » et il ordonne au général Clark, ministre de la
guerre, de renforcer la réserve du général Lhuillier à Bayonne
des 3ème
et 195ème
régiments d’infanterie. De Koenigsberg, le 13 juin, il ordonne
son renforcement d’une demi-brigade de Cherbourg. Ainsi il calcule
disposer à Bayonne en plus des cinq ou six bataillons de la réserve
de Bayonne, de deux cohortes et quatre demi-brigades, soit un total
de 22 à 24 bataillons, engerbant 15 à 18 000 hommes capables
d’intervenir dans le Nord de l’Espagne.
5Par
ailleurs, dans la partie orientale de la péninsule ibérique,
l’armée du maréchal Suchet poursuit ses opérations vers
Valence, où, avec la valeur de deux divisions, dont la division
commandée par le général Harispe, il tient la ligne du Xucar face
à deux armées espagnoles. Depuis que Clauzel commande les troupes
de pacification de la Navarre, Suchet n’a laissé en Aragon que la
Brigade Pâris, brigade appartenant à la division Harispe. Quand il
apprend à son tour le désastre de Vitoria, Suchet décide
d’évacuer Valence et de se replier sur l’Ebre.
6Sur
cette édition figurent à la fois les échelles en toises et en
mètres.
7La
dénomination de « col de Roncevaux » est un
terme générique et non un terme géographique, qui désigna
successivement au cours de l’histoire, celui des trois cols
conduisant à l’abbaye de Roncevaux : dans l’antiquité, le
col d’Arnostéguy, au 18ème siècle le col de
Bentarte, aujourd’hui le col d’Ibaneta,
8Alors,
parfois encore dénommé « Grand chemin d’Espagne par
Orisson », il est le chemin actuel des pèlerins de Saint
Jacques de Compostelle.
9C’est
aujourd’hui le tracé de la route goudronnée de
Saint-Jean-Pied-de-Port à Pampelune,
10Le
Bas Languedoc et la région de Toulouse sont alors réputés pour
leur richesse agricole, cultures céréalières et élevage, ainsi
que pour l’importance de leurs productions textiles.
11Le
port de Pasajes, ou Pasaia en langue basque, situé à l’embouchure
du rio Oyartzun en face de Saint Sébastien, était le plus grand
port de la province de Guipuzcoa jusqu’à l’époque
contemporaine ; proche de Saint Sébastien, il est
remarquablement abrité car situé au fond d’une baie ne
communiquant avec la mer que par un étroit goulet.
12En
ordonnant la reprise de Pancorbo, Napoléon entend conquérir une
tête de pont au Sud de l’Ebre, dans le but de poursuivre en
direction de Burgos et de reprendre cette ville stratégique.
13Le
château d’Olhonce, bâtisse carrée avec quatre tours d’angle,
encore debout vers 1950, était la propriété du marquis de Logras.
Ce nom est, celui d’un jurat de Saint-Jean-Pied-de-Port, cité dès
1350 en Navarre. Le seigneur de Logras était, depuis le 17ème
siècle, Conseiller au Parlement de Navarre, siégeant à Pau. Fait
marquis d’Olhonce au XVIIIème siècle, il avait été désigné,
lors de la convocation en 1789 des Etats Généraux, comme
représentant de la noblesse de Navarre, dans la « députation
vers le roi » des Etats de Navarre, chargée de recevoir
le serment promis le 31 janvier 1776 par Louis XVI de respecter les
Fors de Navarre.
14A
Saint-Jean-Pied-de-Port, existaient alors six artisans boulangers ;
quant aux fours de la citadelle, ils permettaient de cuire trois
mille rations de pain par jour.
15Napoléon
bat l’armée alliée des Autrichiens, Prussiens et Russes,
commandée par le prince de Schwartzenberg, à Dresde le 27 août.
16Eminence
d’une altitude de 258 mètres, au Sud de la Bidassoa, plein Est de
Biriatou qui commande le gué et domine la ville d’Irun ; un
ermitage à une altitude de 225 mètres occupe la crête militaire
en dessous du sommet.
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