IV. Histoire de la construction de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port
Les
fonds d’archives conservés au SHAT, à la BNF et à l’IGN ne
révèlent ni la date de construction, ni le projet initial, ni le
nom du constructeur de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port. Ils
contiennent cependant un ensemble de documents, pour la plupart
incontestables, qui permettent de déterminer avec une grande
précision l’état de la citadelle et ses caractéristiques en
1685. Cette situation attestée constitue la base de départ de la
présente recherche, à partir de laquelle l’étude approfondie et
contradictoire des sources archivistiques permet de cerner l’histoire
de l’édification de la citadelle primitive et de préciser les
étapes de son évolution au cours des siècles.
Le
fondement de la présente recherche est donc le rapport établi par
Vauban en 1685, à l’issue de l’inspection qu’il fit de la
place de Saint-Jean-Pied-de-Port. Vauban, qui assumait officiellement
la fonction de Commissaire
Général des Fortifications
de Louis XIV depuis 1678, effectua deux inspections des places fortes
des Pyrénées occidentales, la première en 1680, la seconde en
1685, au cours desquelles il visita Bayonne, Saint-Jean-Pied-de-Port,
Hendaye, Socoa, Navarrenx et Lourdes. La citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port ne fut inspectée que lors de la seconde
inspection, celle de 16851.
Il y fut certainement accueilli par M. d’Armendaritz, « Lieutenant
du Roy »
et Dujac, « major
de la place »2,
qui comme les archives3
en attestent, occupaient ces fonctions à cette date. Signé le 6
décembre 1685, le Mémoire
de Mr
de Vauban sur Saint Jean Pied de Port
porte comme sous-titre Avis
de Mr de Vauban sur la fortification de Saint Jean Pied de Port4.
En quittant les Pyrénées, Vauban alla inspecter le canal
des deux mers
que l’ingénieur Pierre Paul de Riquet avait terminé en 1678.
Malheureusement,
le plan établi lors de l’inspection de Vauban a brûlé dans
l’incendie survenu au Dépôt des Fortifications au début du XXe
siècle. Mais, deux plans, légèrement postérieurs, y suppléent en
précisant utilement la description synthétique de Vauban. Il s’agit
du Plan
de la citadelle de St IEAN PIED de PORT en l’état qu’elle était
en 1689
et du PLAN
du Rez de chaussée de la place d’armes de la citadelle de St JEAN
DE PIED DE PORC en basse Navarre en l’état que cette place était
en 1700,
qui appartiennent au Recueil
de cartes et plans dressés par le sieur Masse5.
Chacun est détaillé, précis et daté. Les légendes et le code de
couleur utilisé qui distinguent clairement les travaux exécutés
des travaux projetés, lèvent toute ambiguïté d’interprétation.
Ils permettent donc de préciser la situation du bâti antérieure à
Vauban. Comme son mémoire, ces deux plans constituent des sources de
première main. Leur auteur, Claude Masse (1651-1737)
6,
ingénieur et remarquable cartographe, est parfaitement bien informé
et qualifié dès lors qu’il était le « dessineur »
de l’ingénieur François Ferry (1649-1701). A ce titre, Masse
dessinait les projets de Ferry pour les travaux de fortification
qu’il conduisait. François Ferry qui fut l’un des plus
remarquables ingénieurs et architectes de son époque, appartenait
au département de la marine dirigé par Jean-Baptiste Colbert, puis
par son fils, le marquis de Seignelay. Il fut Directeur
général des fortifications des provinces d’Aunis, Poitou,
Saintonge, Guyenne, Navarre et Béarn
de 1679 à sa mort en 1701. Il accompagnait Vauban durant ses
inspections dans ces provinces et il dirigea les travaux décidés,
dont ceux de rénovation de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port
effectués après 1685, et de construction de la citadelle de
Bayonne, érigée à la suite de la première inspection de Vauban en
1680. Il poursuivit, à partir de 1693, les travaux d’aménagement
du port de Bayonne en faisant commencer une jetée dans l’Adour
pour en redresser le cours et déblayer la barre qui est à son
embouchure. Il reconstruisit également le fort de Socoa, avec sa
tour à canons dont le sieur Masse établit quatre croquis en
élévation.
Par
ailleurs, la Carte
de la ville et citadelle de Saint Jean Pied de Port
qui se trouve en page 49 du Recueil
des cartes des places de guerre des provinces de Picardie, Champagne,
Normandie, Bretagne, Poitou, Pays d’Aunis, Guienne, Navarre et
Biscaye, Languedoc, Provence, Dauphiné, Bourgogne en l’état
telles qu’elles sont en MDCLXXXIII7
(1683), appelé Atlas Louis XIV, permet de recouper et confirmer nos
informations. L’année exacte d’établissement de cette carte
n’est pas précisée : nous savons seulement qu’elle est au
plus tard 1683, date de constitution du recueil, mais qu’elle
pourrait lui être antérieure de plusieurs années.
Cet
ensemble de documents permet donc d’établir une description
précise et authentifiée de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port
que Vauban inspecta dans les premiers jours du mois de décembre
1685, telle qu’elle résultait des travaux exécutés par ses
prédécesseurs. Tous ces documents appartiennent au fonds d’archives
du SHAT.
A
la suite de son inspection, Vauban établit un projet qui incluait
des travaux importants de renforcement des capacités défensives et
offensives de la citadelle. Ce projet fut suivi de nombreux autres
tout au long des XVIIIe et XIXe siècles. Tous très ambitieux, ils
furent soumis à de dures contraintes financières car les budgets de
la royauté, puis de la république, furent chroniquement
insuffisants. Les documents très abondants et précis à compter de
la fin du XVIIe siècle, décrivent avec précision les travaux
effectivement réalisés, donc les modifications et altérations
subies. L’étude permettra ainsi de déterminer le degré
d’authenticité de la citadelle bastionnée qui nous est parvenue
après plus de trois siècles de restaurations, rénovations et
remaniements.
En
revanche, concernant la période précédant l’année 1685, les
sources existantes sont peu nombreuses. Elles se réduisent à
quelques documents cartographiques anciens, trois essentiellement,
dont les datations sont imprécises et le degré de véracité non
établi. Il s’agit de trois cartes remontant au milieu du XVIIe
siècle, déjà citées au chapitre précédent : le plan de
Saint
Jean Pié de Port
inséré dans l’atlas de 1676 conservé à la bibliothèque de
l’Arsenal8,
le Plan
de Saint-Jean-Pied-de-Port, capitale de la Navarre française
conservé au cabinet des estampes de la BNF, implanté sur le site de
la bibliothèque Richelieu9
et la CARTE
TOPOGRAPHIQUE de St IEN de PIET de PORT en BASSE NAVARRE, par le Sr
Desjardins, ingénieur et géographe du Roy, lieutenant de Monsr
du plessis de Besançon, commandant pour le service de sa Majesté
dans le chasteau d’Auxonne10
conservé à la cartothèque de l’IGN. Ces documents ne nous
donnent qu’une connaissance limitée et imprécise des
caractéristiques de la citadelle primitive. L’an 1685 marque bien
une césure entre, d’une part, ce que nous savons, les vérités
avérées : l’état de la citadelle en 1685, les
restaurations, rénovations et remaniements exécutés depuis
l’inspection de Vauban, et, d’autre part ce que nous ignorons :
l’histoire de la construction de la citadelle primitive.
C’est
cette histoire que la recherche entreprise ambitionne de découvrir.
Les documents étudiés attestent que la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port, érigée sur le site du château fort des
rois de Navarre, présentait bien, en 1685, les caractéristiques
d’une citadelle bastionnée. Construite antérieurement à
l’inspection de Vauban, œuvre donc de l’un de ses prédécesseurs,
elle date des prémices de la fortification bastionnée et constitue
un témoin de l’architecture militaire de l’époque du Baroque.
Ceci confirme l’intérêt de parvenir à des conclusions, ou au
moins des hypothèses, sur la date de son édification et le nom de
son constructeur, un ingénieur précurseur de Vauban, et de préciser
les étapes de son édification. Une étude fine des documents
existant, confrontée à l’observation du bâti, replacée dans le
double cadre de l’histoire de la fortification bastionnée
naissante et de la Navarre, devrait nous permettre d’y parvenir en
raisonnant par récurrence à partir de la situation attestée de
1685.
Il
convient de préciser qu’il n’a existé, aucun plan en relief de
la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port. La collection royale des
Plans-reliefs fut créée en 1668, à l’initiative de Louvois,
ministre de la Guerre de Louis XIV. Cet ensemble homogène et
cohérent de maquettes à l’échelle du 1/600 des places fortes,
devenu collection royale, se développa au rythme des conquêtes de
Louis XIV et de Louis XV. Conservés aux Tuileries, puis dans la
Grande Galerie du Louvre, les Plans-reliefs furent transférés en
1777 dans les combles des Invalides. Leur mise à niveau fut alors
entreprise et se poursuivit sous la Révolution et l’Empire. Elle
ne s’acheva qu’après la guerre de 1870 et l’abandon de la
construction des fortifications bastionnées. La collection comprend
aujourd’hui une centaine de Plans-Reliefs. Aucun plan de
Saint-Jean-Pied-de-Port n’est mentionné dans l’inventaire établi
par Antoine de Roux et inséré dans le livre Les
plans en relief des places du Roy11
qui détaille les plans encore existant ainsi que les plans disparus.
41- La CITADELLE BASTIONNEE en 1685
La
citadelle se présentait donc en 168512,
sous sa forme quasi barlongue actuelle, celle d’un rectangle
imparfait, d’environ 160 mètres de long sur 105 mètres de large,
dont le petit côté faisant face à la ville, était plus court de
quelques mètres que le côté opposé. Le plan, de forme géométrique
selon la théorie de la fortification bastionnée, strictement
respecté dans les forteresses de plaine, était ici adapté au
relief montagneux, c’est-à-dire à la forme du sommet de l’éperon
rocheux choisi pour sa construction. La citadelle était renforcée
d’un bastion, sans orillons, à chacun des quatre angles. Les
flancs de ces bastions étaient perpendiculaires aux courtines, pour
certains quasiment perpendiculaires pour des raisons de contraintes
de terrain. Chaque demi-gorge avait une longueur égale au quart de
celle de la courtine adjacente. Les flancs de bastion étaient de
longueur égale aux demi gorges sur les petits fronts, mais étaient
plus petits sur les deux grands fronts, en raison du manque d’espace
disponible. Chaque face de bastion était strictement alignée sur
l’angle fait par le bastion opposé avec la courtine, ce qui lui
donnait une longueur double si non du flanc adjacent, du moins de la
demi-gorge correspondante. Les règles édictées par le chevalier
Antoine de Ville dans son Traité Les
fortifications
de 1628 étaient bien appliquées, sous la réserve des nécessaires
adaptations aux dimensions du terrain disponible au sommet de
l’éperon rocheux.
La
citadelle disposait d’une seule porte en milieu de la courtine
faisant face à la ville, la Porte
Royale,
défendue par une demi-lune (5)13,
l’unique demi-lune de cette citadelle à l’époque, sur laquelle
était érigé un corps de garde. Vauban note clairement, parmi les
défauts de la citadelle, qu’elle ne possédait pas de Porte
du secours14.
En effet, aucune porte n’existait encore sur le front Est, a
fortiori aucun pont n’avait encore été établi pour permettre de
communiquer avec l’esplanade. Sur les plans insérés dans les
atlas de 1676 et 1683, la courtine Est de la citadelle apparaît bien
constituée d’un rempart continu entre les deux bastions (2) et
(3), sans porte, ni bâtiment, ni ouvrage d’aucune sorte. Sur ces
plans, le bastion Sud-est (3), au-dessus de la Nive, apparaît
couvert par une contre-garde maçonnée, dont Vauban ne note pas
l’existence.
L’ensemble
des courtines et bastions était revêtu de parements en maçonnerie
et ceint d’un cordon périmètrique en limite haute, marquant la
base des parapets. Vauban note que les parapets couronnant courtines
et bastions, ne sont pas terrassés. Ils sont simplement réalisés
en maçonnerie d’environ 1,20m d’épaisseur et percés
d’embrasures permettant le tir des canons : deux à trois
embrasures dans chaque face et flanc de bastion, ou chaque courtine.
La demi-lune royale avait deux embrasures sur chacune de ses deux
faces. Les parapets étaient donc bien de conception archaïque.
Ainsi, le plan de la citadelle est en tous points conforme à celui
d’une citadelle bastionnée sans dehors ni ouvrage extérieur autre
que la demi-lune couvrant l’unique porte d’entrée, tel que le
concevaient les ingénieurs militaires de Louis XIII. Ainsi, pour ce
qui concerne les fortifications de ses fronts Nord, Sud et Ouest, la
citadelle se présentait à cette date du 6 décembre 1685 dans un
état quasiment identique à celui que nous lui connaissons
aujourd’hui. Elle n’a subi depuis de modifications notables que
sur son front Est.
Ce
front Est qui fait face à l’esplanade, n’était en 1685 renforcé
que d’ouvrages de campagne en terre. Les plans insérés dans les
atlas de 1676 et de 1683 montrent la courtine Est de la citadelle
couverte non par des dehors parés de maçonnerie comme sur le
front Ouest, mais par un ensemble d’ouvrages de campagne. Il
comprenait successivement d’Ouest en Est, une demi-lune en terre de
petite taille, un retranchement linéaire de peu de valeur faisant
office de chemin couvert et quelques autres traces d’ouvrages mal
définis. Le mémoire de Vauban de 1685 confirme qu’existait
seulement sur le front Est
une
demi-lune de terre très mal flanquée avec un ouvrage tenaillé fort
bas qui lui servait autrefois de chemin couvert, ensuite de quoi il
n’y a plus que la continuation de la même hauteur entrecoupée de
quelques commencements d’ouvrages effacés, entre lesquels on
remarque les vestiges d’une corne qu’on a eu pensée d’y faire,
mais que l’on ne reconnaîtrait pas pour telle, si on ne
l’entendait dire à ceux qui en ont oui parler15.
Un
croquis d’époque16,
non daté avec précision, inséré dans un atlas de petit format
conservé au SHAT, montre l’existence d’une demi-lune et d’un
ouvrage à cornes sur cette esplanade, ouvrage de 250 mètres de
profondeur sur une centaine de large, lui-même couvert à son Est
par un ravelin, mais rien de permet d’assurer qu’il s’agit bien
d’un croquis des ouvrages dont Vauban mentionne les vestiges. Le
mauvais état de ces ouvrages signalé par Vauban indique leur
ancienneté. Ils pourraient remonter à quelques dizaines d’années.
Ils pourraient dater de 1636, lorsque la situation tendue à la
frontière vers Roncevaux et le raid espagnol sur Saint-Jean-de-Luz
nécessitèrent un renforcement d’urgence des défenses de la
citadelle face à l’Espagne.
Le
plan inséré dans l’atlas de 1683, confirmé par le plan de la
citadelle établi par Masse en 1689, montre qu’à cette époque, la
citadelle était en outre protégée face à la ville, en avant de la
demi-lune de la porte royale, à mi-pente de l’éperon rocheux, par
des murs maçonnés et des retranchements constituant une ligne
brisée. Ils pourraient être les vestiges, sans doute restaurés, de
l’enceinte médiévale extérieure du bourg castral, mentionnée
plus haut17.
La vieille enceinte de la ville haute semble, d’après ces sources,
raccordée à cette enceinte extérieure de la citadelle, d’une
part juste au-dessus de l’actuelle porte Saint-Jacques, d’autre
part à mi-pente derrière le chevet de l’église Notre-Dame.
En
1685, l’enceinte de sûreté, constituée par les remparts de la
citadelle, n’était pas doublée par un chemin couvert, formant une
enceinte de combat extérieure, ainsi que l’auraient voulu les
principes énoncés par les traités de fortification de l’époque.
En effet, si cette citadelle était si petite, « la
plus petite du royaume »,
et si sa forme rectangulaire était irrégulière, au mépris des
canons géométriques en vigueur préconisant une parfaite symétrie,
c’est parce que son constructeur avait eu le souci de la faire
aussi grande que possible en s’adaptant au mieux à la forme du
terrain disponible. Elle occupait ainsi toute la largeur de l’éperon
rocheux « si
bien qu’elle n’a, ni ne peut avoir de fossez ni de chemin couvert
le long de ses longs côtés mais seulement une berme18
de douze, quinze à seize pieds
(4 à 5 mètres environ) au
pied de son revêtement
(des courtines) », comme le note Vauban. Une citadelle carrée
bâtie sur un éperon rocheux aussi étroit n’aurait pas eu une
capacité de logement suffisante, ce qui conduisit son constructeur à
s’adapter au terrain en choisissant de l’édifier selon un plan
rectangulaire à l’époque encore inusité.
L’accès
de la porte principale, appelée selon l’usage « Porte
Royale »,
face la ville se faisait alors, comme nous le connaissons
aujourd’hui, par la rampe d’accès y conduisant depuis le haut de
l’actuelle rue de la citadelle. L’entrée des charrois19
se faisait également par cette porte royale, la seule existant
alors, mais ils n’y parvenaient pas par la rampe qui lui faisait
face, trop raide. Ils accédaient au saillant du bastion Nord-est par
une rampe, dite « des
charrois »,
montant de la chapelle Saint-Jacques. Continuant par un chemin
aménagé sur la berme le long de la courtine Nord, ils parvenaient à
l’entrée de la demi-lune de la porte royale. Le pont d’accès à
cette porte avec ses deux travées dormantes jetées sur de simples
piliers verticaux en maçonnerie, qui relève de techniques
archaïsantes existait déjà en l’état en 1685. Seule la porte
elle-même et la façade du pavillon d’entrée ont été
reconstruits après l’inspection de Vauban.
La
poterne aménagée sous la porte royale, au pied de la courtine, au
niveau du fossé, et protégée par les piles du pont-levis existait
vraisemblablement en 1685. Les méthodes de construction utilisées
ainsi que le niveau de protection contre les bombardements des
plafonds des corridors d’accès à cette poterne relèvent de
techniques antérieures à celles utilisées de 1685 à 1689 dans les
autres descenderies de la citadelle. Un escalier dérobé aménagé
dans le puits de bascule du pont-levis permettait à la garnison de
déboucher de l’intérieur de la citadelle dans le fossé par cette
poterne pour des sorties, des patrouilles, la surveillance des
dehors, des contre-attaques en cas de crise, sans avoir à manœuvrer
le pont-levis. En revanche, il n’existait alors pas de tenaille au
pied de la courtine pour en protéger la base contre d’éventuelles
sapes et contre les coups directs de l’artillerie ou pour masquer
les éléments sortant par la poterne. Il n’existait pas non plus
de souterrain de liaison entre le corps de place et la demi-lune
située en avant de la porte royale. Il n’en fut d’ailleurs pas
aménagé ultérieurement. Dès 1629, le chevalier Antoine de Ville
recommandait les escaliers permettant de déboucher des bastions par
des poternes dans les fossés, mais Vauban fut le premier ingénieur
à systématiser les communications souterraines avec les ouvrages
avancés.
Quant
aux bâtiments construits à l’intérieur de la citadelle, le
rapport de Vauban critique leur médiocrité, « les
logements y sont mauvais, bas, écrasé et en médiocre quantité »,
mais il n’en donne aucune description précise. Les seules
informations dont nous disposons sont celles données par les plans
insérés dans les atlas de 1676 et de 1683. En plus du donjon encore
utilisé, ils comprenaient d’abord face à la ville le pavillon de
la porte royale (12) dominé par un lanternon, avec les deux ailes de
casernement (14) et (15) le flanquant. Construits au-dessus de la
courtine, juste en retrait du parapet maçonné, ils ne laissaient
qu’un passage de moins d’un mètre. Ces deux ailes, d’une
largeur de six mètres environ, étaient plus étroites que les
bâtiments actuels. Le pavillon central faisait saillie à
l’intérieur de la citadelle, ce qui n’est plus le cas
aujourd’hui. Sa façade externe, dans l’alignement du parapet,
constituait l’encadrement de la porte de la citadelle. Elle n’était
pas encore monumentalisée. Cet ensemble de bâtiments servait en
1685 de logement aux officiers. Il disposait de souterrains, en fait
une ancienne casemate ayant appartenu à une construction antérieure,
qui sera étudiée dans un paragraphe ultérieur20.
Aux extrémités Nord et Sud, étaient construits les magasins à
poudre (16 & 17) existants encore aujourd’hui.
Les
bâtiments de la citadelle comprenaient ensuite un casernement
linéaire et continu qui occupait tout le terrain disponible entre
les remparts et le pied du tertre du donjon. Il s’étendait sur
trois côtés et un tiers des remparts, parallèlement aux courtines
Est, Nord, Ouest et partiellement Sud, développant un total de plus
de cent cinquante mètres de longueur sur environ six mètres de
largeur, ce qui représentait à peine la moitié de la largeur des
bâtiments actuels21.
Leur périmètre extérieur était identique à celui des bâtiments
actuels. Vauban confirme l’existence de cette caserne sans dater sa
construction. Masse lui confère une ancienneté certaine en la
dénommant « vieille
caserne ».
Cette longue caserne entourant sur trois côtés un tiers l’éminence
du donjon constituait le casernement de la troupe en 1685. Avec cette
« vieille
caserne »,
on peut estimer la garnison de la citadelle à 400 hommes environ,
soit quatre compagnies, ce qui était faible pour une place de guerre
devant barrer la route d’invasion transpyrénéenne principale aux
armées espagnoles.
L’aile
Ouest de cette caserne, en face de la Porte
royale
était percée des vestiges de la porte commandant l’accès au
donjon. Rappelons qu’en cette date du 6 décembre 1685, tout
l’espace central de la citadelle, au milieu de cette caserne
linéaire, était occupé par une éminence, qui dominait d’une
douzaine de mètres le niveau du rez-de-chaussée de cette caserne.
Le pied du donjon, dernier vestige alors du château médiéval,
érigé au sommet de cette éminence, était légèrement supérieur
au niveau du faîte des casernements actuels. Dans son mémoire du 6
décembre 168522en
effet, Vauban écrivait que « la
tête de la montagne est restée au milieu de la place qui a six
toises de haut depuis le niveau de la place d’armes jusqu’au
sommet sur laquelle se trouve un donjon assez logeable ».
Puis qu’il était jugé « logeable »
par Vauban, ce donjon devait sans doute constituer les logements du
gouverneur et du major. On avait de même à Mont-Louis laissé au
centre de la citadelle jusqu’au début du XVIIIe siècle l’éminence
rocheuse initiale avec son donjon. Le symbole du pouvoir, féodal ou
royal, du donjon médiéval fut maintenu jusqu’à l’époque de
Vauban.
En
1685, la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, encore dominée par le
donjon médiéval des rois de Navarre, se présentait comme une
petite citadelle bastionnée de facture archaïsante, avec son
périmètre barlong remparé, renforcé d’un bastion pentagonal
également remparé à chacun de ses quatre sommets, avec une porte
unique, la Porte Royale précédée d’une demi-lune en
maçonnerie face à la ville. Elle est conforme au type de forteresse
conçu par les ingénieurs du Roy précurseurs de Vauban,
appartenant aux premières générations d’ingénieurs français
sous Henri IV ou Louis XIII. Il s’agit donc d’essayer, en
raisonnant par récurrence à partir de cette situation parfaitement
connue de 1685 et en exploitant les informations fournies par les
quelques sources archivistiques plus anciennes, de déterminer lequel
de ces ingénieurs du Roy aurait pu en être le constructeur, et plus
précisément s’il pourrait s’agir du chevalier Antoine de Ville,
comme le veut la tradition locale.
42- CRITIQUE de l’HYPOTHESE ‘Antoine de VILLE’
La
légende du plan du sieur Masse de 1689 donne « environ
1640 »
comme date de construction de la citadelle, tandis qu’à partir du
mémoire de 1770, la date de construction citée est l’année
1648 : « Ce
fut dit-on vers l’an 1648 que Louis XIV ordonna de construire la
citadelle »
23.
La plupart des rapports du XIXe siècle reprennent la date de 1648,
mais plusieurs réfutent l’idée, alors généralement admise et
affirmée notamment dans une notice de l’an X (de la République),
que la citadelle ait pu être construite par Vauban. Cependant aucun
ne précise le nom de son constructeur, ni n’avance la moindre
hypothèse à cet égard.
En
particulier, aucun document des fonds d’archives étudiés ne
mentionne que le constructeur de la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port ait pu être le Chevalier Antoine de Ville.
Or il est quasiment certain que les rédacteurs de ces documents
n’auraient pas manqué de le mentionner s’ils l’avaient su, ou
cru, étant donné que de Ville conserva une forte réputation jusque
sous le règne de Napoléon III. Dans son récent ouvrage consacré
aux ingénieurs avant Vauban24,
David Buisseret écrit :
De
Ville était bien l’homme auquel le cardinal faisait appel en cas
d’urgence. Il est même possible qu’il ait été responsable de
la fortification d’un site lointain, la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port, dans les Pyrénées (Note marginale :
suivant une tradition locale).
Il
convient donc de chercher l’origine de cette tradition pour en
vérifier la véracité. Dans les ouvrages consultés, l’auteur le
plus ancien à mentionner de Ville fut A. Saint-Vanne qui écrivait
en 191325 :
En
1439, le roi Jean II, considérant la décadence de la ville de
Saint-Jean par la mortalité de ses habitants, et en l’honneur du
mariage du prince Don Carlos, libéra à perpétuité la ville des
droits de péage. Saint-Jean-Pied-de-Port devint place française par
le traité des Pyrénées (7 nov. 1659). De 1439 à cette époque là
nous n’avons pas encore réuni de documents et il est assez
difficile, pour le moment, de savoir à quelle époque le château de
Saint-Jean-Pied-de-Port fut transformé en citadelle. D’après le
Commandant du génie Blay de Gaïx26,
le duc d’Albe fit exécuter en 1512, d’importants travaux pour
mettre Saint-Jean-Pied-de-Port à l’abri et un nouveau fort aurait
été construit pour protéger la ville. Certains prétendent que la
citadelle fut exécutée d’après les plans du chevalier Antoine
Deville, ingénieur de talent qui, avant Vauban, construisit
plusieurs forteresses. Il est en tout cas assuré que la citadelle de
Saint-Jean existait avant Vauban puisqu’il la visita en 1685 et
qu’il établit un projet qui ne fut qu’en partie exécuté.
A.
Saint-Vanne27,
en 1913, présentait donc bien le Chevalier Antoine de Ville comme le
‘constructeur
présumé’
de la citadelle. En 1960, R. Cuzacq28
reprend cette hypothèse sur un ton plus affirmatif en écrivant :
« Spécialiste
de son temps, le chevalier Deville fit une citadelle en cet
emplacement prédestiné vers 1628 sous Richelieu, face à la grande
menace espagnole de l’époque ».
Il est, en effet, loisible de noter que certaines de ses
caractéristiques de construction respectent les règles énoncées
par de Ville dans son traité ‘Les
Fortifications’
de 1628 : angles et formes des bastions, proportions entre les
dimensions des bastions et les longueurs des courtines. Mais de Ville
préconisait les parapets terrassés, le tir des canons en barbette
ainsi que la construction d’une seconde enceinte de combat
extérieure aux remparts et de ‘dehors’, tous éléments dont la
citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port est dépourvue en 1685. Nous
retiendrons donc seulement que son constructeur a appliqué certains
des principes énoncés par de Ville dans son traité de 1628, mais
que rien ne prouve qu’il en fût le constructeur ou l’architecte.
Dans
un ouvrage collectif paru en 199129,
P. Hourmat écrivait dans le chapitre consacré à la cité de
Saint-Jean-Pied-de-Port :
Les
premiers travaux commencèrent dans les années 1630 sur les plans
d’Antoine Deville, l’auteur d’un ouvrage connu sur l’art de
la fortification. En 1647, l’ingénieur et géographe ordinaire du
roi, le sieur Desjardins y fut chargé « de la conduite des
fortifications de la dite citadelle » sous les ordres du
maréchal de Gramont, gouverneur et lieutenant-général pour le roi
en Navarre-Béarn et gouverneur particulier de
Saint-Jean-Pied-de-Port. L’ingénieur Milhet, venu de Bayonne y
travailla également et d’importants travaux de ‘vidanges de
terres’, de terrassement, de charpenterie et de maçonnerie firent
s’élever les bastions de Gramont, de Landresse, de Guiche et du
Plessis.
L’un
des historiens de Saint-Jean-Pied-de-Port, Saint-Vanne avance comme
date de sa construction la fin du XVIe ou la première moitié du
XVIIe siècle, avec alors le chevalier Antoine Deville comme
constructeur. René Cuzacq affirme qu’Antoine Deville fit édifier
une citadelle destinée à faire face à la menace espagnole sur
l’emplacement prédestiné du château fort des rois de Navarre.
L’attribution
de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port au Chevalier Antoine de
Ville apparaît bien comme une hypothèse, que les études
universitaires plus récentes sur les ingénieurs des XVIe et XVIIe
siècles ne confirment pas.
43- Les TRAVAUX de RENOVATION des années 1643 à 1648
L’étude
comparative et critique des quatre sources cartographiques
antérieures à 1685 déjà citées31
suggère que la construction de la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port s’est effectuée en plusieurs phases. Leur
confrontation avec les modes de construction utilisées permet
d’élaborer des hypothèses sur les étapes chronologiquement
intermédiaires entre le château fort médiéval et la citadelle
bastionnée de 1685.
Ces
quatre plans ne sont pas datés. Leurs auteurs sont inconnus et il
est impossible de savoir s’ils ont été réalisés sur place, ou à
distance sur la base de plans antérieurs et de comptes rendus oraux.
Deux cependant appartiennent à des portefeuilles dont les dates de
constitution sont connues : 1676 pour l’atlas conservé à la
bibliothèque de l’Arsenal32,
et 1683 pour l’atlas Louis XIV conservé au SHAT33.
Ils ont donc été réalisés au plus tard à cette date, voire
plusieurs années, éventuellement quelques décennies, auparavant.
Le plan de l’atlas Louis XIV qui présente une situation comparable
à celle décrite par Vauban est le dernier réalisé, mais, couvrant
l’ensemble de la vallée de Cize, il manque de précision pour ce
qui concerne la citadelle en raison de son échelle. Le plan non
daté, conservé au cabinet des estampes de la BNF (site Richelieu)34,
semble légèrement antérieur en raison de la description des lieux
qu’il donne, mais son échelle et son degré de précision lui
permettent de compléter et préciser utilement les renseignements
donnés par le plan de l’atlas Louis XIV. Le plan de l’atlas de
1676, conservé à la bibliothèque de l’Arsenal, comporte quelques
erreurs, ou omissions: la chapelle Notre-Dame, l’actuelle église
paroissiale, n’y est pas indiquée. Cependant, il est
indéniablement antérieur aux deux plans ci-dessus, car il présente
le projet du long casernement linéaire, porté sur ces deux plans et
décrit par Vauban. Ces trois plans peuvent donc être datés du
milieu du XVIIe siècle. Quant à la carte de Desjardins conservée à
la cartothèque de l’IGN35,
elle est encore antérieure, ou au plus tard contemporaine au plan de
l’atlas de 1676 dès lors qu’elle présente un projet différent,
qui n’a pas été retenu. Elle n’est pas non plus datée mais
l’indication du nom de son auteur, « le
Sr
Desjardins, ingénieur et géographe du Roy, lieutenant de Monsr
du plessis de Besançon, commandant pour le service de sa Majesté
dans le chasteau d’Auxonne »,
indiqué dans le titre de la carte, permet de la dater de 1645 à un
ou deux ans près, comme la comparaison avec d’autres sources
permet de l’affirmer.
En
effet, dans leur publication de 1984, P. Hourmat et R. Poupel36
citent des documents provenant des archives départementales37,
qui mentionnent l’exécution de travaux importants à la citadelle
de Saint-Jean-Pied-de-Port en 1643, 1645 et 1647. En 1643, ces
travaux étaient conduits par un ingénieur du roi, le sieur Des
Jardins. En 1645, ils l’étaient par Louis Demilhet, ingénieur
ordinaire du Roy, « ayant
la conduite des fortifications de Saint-Jean-Pied-de-Port en
Basse-Navarre ».
En 1647, ils l’étaient par « Nicolas
Des Jardins, chevalier lieutenant de Monsieur du Plessis de Besançon,
dans le château d’Auxonne, ingénieur et géographe ordinaire du
Roy ».
Desjardins aurait en 1647, publié un appel d’offres, cité par les
auteurs de l’article, pour « l’entreprise
des travaux de fortification de la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port ».
L’implication du sieur Des Jardins dans les travaux menés en 1647
est confirmé par la « Commission »,
également citée dans cette publication, signée par le roi à
Paris, le 18 mars 1647, au Sieur Des Jardins de
faire
travailler en diligence à la continuation des fortifications de la
citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port selon le devis ... sous les
ordres du Sieur Maréchal de Gramont, gouverneur et lieutenant
général pour Sa Majesté en Navarre Béarn et gouverneur
particulier du dit Saint-Jean-Pied-de-Port.
L’ingénieur,
cité par Messieurs Hourmat et Poupel, qui a travaillé à la
citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port en 1643 et 1647 et l’auteur du
plan conservé à l’IGN sont bien le même homme. On sait peu de
choses sur lui, mais il était l’adjoint, ou le dessinateur, d’un
ingénieur connu de Louis XIII, Duplessis-Besançon, qui travailla
aux fortifications de Bayonne, peut-être à plusieurs reprises entre
1638 et 1642, mais certainement en 1643, et qui fut nommé commandant
du château d’Auxonne en 1644. La nomination de Desjardins, son
adjoint, en renfort à Bayonne en juin 1643 avec le titre de
Directeur des fortifications de Bayonne et de
Saint-Jean-Pied-de-Port serait consécutive à sa visite de 1643.
Il aurait alors été chargé d’exécuter les travaux dont
Duplessis-Besançon avait établi le projet. Dès lors le plan de
Desjardins conservé à l’IGN peut être daté entre 1643 et 1647,
nous retiendrons 1645.
Les
auteurs précisent qu’à cette commission était joint le « Devis
général d’ouvrages de maçonnerie, charpenterie, vuidange de
terres » qu’il faut faire pour le parachèvement du corps
de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port. Ce devis prévoyait de
renforcer les bastions en y creusant les fondations de « piliers
boutants » au dedans des faces, afin de mieux affermir et
de soutenir la terre dont les bastions sont remplis, puis de faire
les parapets de seulement 3 pieds d’épaisseur et enfin de faire
aux angles flanqués et des épaules des bastions, des culs de lampe
en pierre de taille afin d’y poser des guérites de charpenterie.
Le projet incluait le revêtement en maçonnerie du côté extérieur
des fossés ainsi que la construction d’avant-corps de 6 pieds de
saillie hors l’alignement des courtines, pour porter les deux
portes avec leurs corps de garde couverts, sur chacun des petits
fronts Est et Ouest. Enfin, des chambres devaient être aménagées
pour loger une ou deux compagnies. Ces documents laissent à penser
qu’en 1647 était envisagée la construction de casernements
additionnels ainsi que d’une seconde porte d’accès à la
citadelle.
Les
fonds d’archives consultés, tant au SHAT qu’à la BNF, ne
comportent aucune référence à la réalisation de travaux à cette
époque. Cependant, la précision des citations et de la
démonstration de Mrs. Hourmat et Poupel, conduit à accepter le fait
que des travaux importants ont été conduits à la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port de 1643 à 1648. Mais les termes employés
dans les documents cités tendent à prouver qu’il s’agirait plus
de travaux de rénovation, ou de restauration voire de
reconstruction, que de construction. Les auteurs concluent
d’ailleurs :
Ainsi
en ces années 1640, se poursuit et s’achève la construction de
l’ouvrage sous la direction des ingénieurs Milhet et Des Jardins.
Gramont, gouverneur et lieutenant-général et Landresse, son
lieutenant, qui ont alors donné leur nom aux bastions, ont dirigé
la défense de la place face à la menace des Espagnols qui se
concentraient à Burguette et Roncevaux dans les années 1636 à
1640.
Compte
tenu de ces citations, du contexte historique et du témoignage de
Masse, nous admettrons que la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port
ait connu, entre 1643 et 1648, une phase de travaux importants. La
gravité de la situation provoquée en 1636 par la surprise de
Corbie, le raid espagnol sur Saint-Jean-de-Luz et la concentration de
troupes à Roncevaux et Burguette, avaient probablement conduit à
renforcer d’urgence, entre 1636 et 1639, les défenses de la
citadelle par des ouvrages de circonstance en terre sur son front
Est. Après le soulèvement espagnol de 1640 contre Philippe IV et la
conquête française du Roussillon en 1642, Mazarin succédant à
Richelieu comme premier ministre en 1643 poursuivit immédiatement la
politique de renforcement des frontières. La décision de réaliser,
de 1643 à 1648, des travaux importants à la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port s’inscrit dans cette politique et
correspond aux nécessités de la guerre avec l’Espagne, notamment
pendant la dernière phase de la guerre de Trente ans qui ne se
termina au traité de Westphalie qu’en 1648.
Il
s’agit donc de croiser les informations données par ces documents
et confortées par le contexte historique, avec celles tirées de
l’observation du bâti, pour préciser la nature de ces travaux et
déterminer les conditions de construction de la citadelle
originelle. L’examen attentif des maçonneries, des modes de
construction, des différences de qualité stéréotomique permet de
préciser la nature des travaux réalisés entre 1643 et 1648. On
peut en effet distinguer des reprises et plusieurs variétés
d’appareils dans les parements des courtines ainsi que des faces et
des flancs des bastions, dont le caractère dissymétrique confirme
qu’elles correspondent à des travaux réalisés dans une deuxième
phase de construction. Certains sont en appareil régulier en
moellons de calcaire en carreaux : tel est le cas de la totalité
de la demi-lune royale et de la majeure partie des courtines, qui
appartiennent donc à la citadelle primitive. D’autres ont un
appareil régulier plus élaboré en pierres de taille,
successivement en carreaux et en boutisses, avec des alternances de
taille sans bossage et de taille à bossages, ces dernières
correspondant généralement aux extrémités des contreforts
internes qui renforcent la maçonnerie du rempart. Tel est le cas des
faces des deux bastions du front Est, dont les documents cités par
P. Hourmat et R. Poupel laissent entendre qu’ils ont plus
particulièrement été concernés par les travaux des années 1640.
Il ne peut s’agir que des ‘piliers boutant’ cités dans le
devis général de 1647. Par ailleurs, les angles, épaulements et
saillants, des quatre bastions sont en quasi-totalité constitués de
pierres de taille à bossages, disposées en ‘besaces’. Il est
également loisible de constater que les escarpes, des courtines
comme des bastions, comportent à leur partie inférieure une
« plinthe »38,
un épaississement sur environ un mètre de hauteur, méthode de
construction archaïque, qui pourrait remonter à la construction
d’une première citadelle bastionnée, antérieure aux travaux
réalisés de 1643 à 1648, remontant au début du XVIIe siècle.
Seules deux reprises en grès, donc postérieures, de cette plinthe
sont visibles aux saillants des bastions Saint-Michel et
Saint-Jacques et sur une face du bastion Saint-Jacques. En revanche,
l’appareil à bossages39
des pierres constituant les saillants des bastions ou des pierres en
‘boutisse’40
de certain remparts, qui pourrait également faire penser à une
construction ibérique, ne doit pas entraîner une telle conclusion,
comme l’ont fait certains auteurs, car le pavillon de la porte du
secours, dont nous savons, comme nous le verrons plus loin, qu’il
fut construit entre 1685 et 1689, utilise un tel appareil à
bossages. La construction des guérîtes pentagonales aux épaulements
des bastions remonte à cette période. Prévues en charpente sur des
culs-de-lampe en pierre, elles furent finalement réalisées
intégralement en pierre. La contre-garde élevée devant le bastion
Saint-Michel remonte, selon toute vraisemblance à cette phase de
travaux, de même que la poterne aménagée sous la porte royale.
La
carte de Desjardins de 1645 montre à cette date l’existence d’une
seule caserne dans la citadelle. Elle était constituée du pavillon
central (12) et de ses deux ailes au-dessus de la courtine Ouest (14
& 15), avec à leurs extrémités les deux magasins à poudre (16
& 17) dans leur enceinte de confinement. Cet ensemble de
bâtiments date donc de la construction de la citadelle primitive. Il
prévoyait à l’intérieur de la citadelle deux casernements en ‘L’
devant le rempart Est de part et d’autre de la porte du secours,
l’arasement du donjon et de l’éminence sur laquelle il était
bâti ainsi que la construction d’un nouveau bâtiment de
commandement de forme pentagonale, flanqué de tours carrées, au
milieu de la place d’armes. Ce plan indique également un projet de
renforcement des fortifications du front Est comprenant la création
d’une sortie du secours et la construction d’un ensemble
d’ouvrages en maçonnerie remparée destinée à la couvrir et
comprenant d’Ouest en Est : une demi-lune, un ouvrage à
cornes et une seconde demi-lune, le tout s’étendant sur une
profondeur d’environ deux cents mètres et couvrant la totalité de
l’esplanade. En bref, la carte topographique de Desjardins montre
qu’en majeure partie les projets de renforcement des défenses de
la citadelle présentés par Vauban, avaient déjà été prévus en
1643 dans le projet conçu par l’ingénieur Duplessis-Besançon,
dont l’adjoint Desjardins, établit le plan topographique. Ce plan
nous apprend enfin la provenance des matériaux. En avant du front
Est, le long de la ligne de crêtes se trouvent un four à chaux et
trois « perrières », que nous nommerions des
carrières, le four à chaux à hauteur de Gastellumendy entre
les deux premières, les perrières respectivement à 200, 600
et 900 mètres de la courtine Est de le citadelle, la plus éloignée
à hauteur de Pochinborda.
Le
plan du recueil de 1676 conservé à la bibliothèque de l’Arsenal
confirme l’existence des bâtiments déjà cités sur la courtine
Ouest. Il présente un autre projet, celui de construction d’une
caserne linéaire tout autour du tertre central. Le plan ancien
conservé au cabinet des estampes de la BNF (site Richelieu) ainsi
que celui de l’atlas de 1683, atlas Louis XIV, conservé au SHAT
indiquent que ces casernements étaient construits à la date
d’exécution de ces plans. Le besoin de casernements additifs,
exprimé par le devis général de 1647, cité plus haut, laisse à
penser que cette « vieille caserne », selon Masse,
a été construite en phase finale des travaux conduits entre 1640 et
1648. Selon le plan du cabinet des estampes de la BNF, la rampe
d’accès à la citadelle pour les charrois était alors située,
non comme aujourd’hui en contrebas du bastion Nord-est, mais en
contrebas de la courtine Nord, à mi-chemin entre la porte
Saint-Jacques et la porte d’Haraconcia. Sur le front Est, ces plans
ne montrent que les ouvrages de campagne en terre sans maçonnerie,
comprenant un bonnet de prêtre, ou un ouvrage à cornes, et une
demi-lune à hauteur du ressaut de Gastellumendy, dont les traces
furent notées par Vauban. Renforçant le front Est de la citadelle
face à l’Espagne, ils pourraient être des ouvrages de
fortification de campagne réalisés à la hâte en 1636 sur
l’esplanade de la citadelle, dans l’urgence de la situation créée
avec l’Espagne à la suite de l’entrée de la France en 1635 dans
la guerre de Trente ans. Le plan de Desjardins indique enfin que le
faubourg St Michel a été entouré à la hâte d’une levée de
terre formant enceinte, en 1636 sans doute. Après la surprise de
Corbie, la prise de Saint-Jean-de-Luz, le raid sur le Labourd, les
menaces sur Roncevaux et Saint-Jean-Pied-de-Port en provenance de
Pampelune entraînèrent de 1636 à 1639, selon toute vraisemblance
comme à Bayonne, la réalisation des retranchements en terre sans
maçonnerie. Le duc Antoine II de Gramont (1572-1644): vice-roi de
Navarre, qui mit Bayonne en état de défense en 1636, visita
Saint-Jean-Pied-de-Port dès 1635, puis à plusieurs reprises, en
1636 accompagné de l’ingénieur ordinaire de Sa Majesté Nicolas
de Lanau, en 1637 accompagné de Landresse, son adjoint et de
l’ingénieur ordinaire Louis Demilhet chargé de construire des
moulins à bras dans la citadelle. Il en fit renforcer les défenses
et y envoya des renforts en infanterie et artillerie. Après
l’accalmie produite en 1638 par le siège de Fontarabie, auquel
participait l’ingénieur Pierre d’Argencourt, il engagea ses
propres deniers pour en améliorer les ouvrages de fortification
devant la nouvelle menace de 1639.
Ainsi,
après une période de renforcement de ses défenses de 1636 à 1639,
avec la construction dans l’urgence d’ouvrages de circonstance en
réaction aux succès rapides des Espagnols lors de l’engagement de
la France dans la guerre de Trente ans, la citadelle connut une phase
d’importants travaux de consolidation, de reconstruction et de
d’agrandissement de ses casernements de 1643 à 1648, date du
traité de Westphalie qui mit fin à la guerre de Trente ans.
Le
plan de Desjardins, conservé à la cartothèque de l’IGN, daté de
1645 environ, époque où cet ingénieur travaillait à
Saint-Jean-Pied-de-Port, semble le plus ancien, porteur d’un projet
de casernement qui n’a pas été réalisé. Le plan appartenant à
l’atlas de 1676 conservé à la bibliothèque de l’Arsenal aurait
été exécuté juste après, en 1647, juste avant la construction de
la longue caserne périmètrique qu’il projette. Le plan ancien
conservé au cabinet des estampes de la BNF serait immédiatement
postérieur, vers 1650, après la construction de cette caserne,
tandis que le plan de l’atlas Louis XIV aurait été dessiné à
une date indéterminée entre 1650 et 1683. Ces plans représentent
l’évolution de la citadelle entre sa construction initiale et les
travaux de reconstruction des années 1640-48 qui réalisèrent la
citadelle inspectée par Vauban.
Concernant
les défenses de la citadelle, les travaux conduits entre 1640 et
1648 se sont limité à la reconstruction des bastions qui, bâtis
trop rapidement avec des parement trop faibles, n’avaient pas
résisté à la pression des terres qu’ils contenaient, ou aux
vibrations engendrée par le tir des canons de la citadelle. Ils
furent la reprise en dur des travaux de circonstance menés dans
l’urgence de 1636 à 1639. Leur arrêt, avant leur achèvement
incluant le renforcement du front Est, fut probablement la
conséquence de la conclusion du traité de Westphalie en 1648. Les
travaux effectués n’ont donc pas modifié les caractéristiques de
la citadelle primitive.
44- L’EDIFICATION de la CITADELLE BASTIONNEE PRIMITIVE41
Quant
à la construction de la citadelle originelle elle remonterait au
début du XVIIe siècle. Quelques rapports établis par les officiers
du génie du XIXe siècle avancent l’hypothèse de la construction
de la citadelle entre 1512 et 1521, par un ingénieur italien aux
ordres du roi d’Espagne42.
Si des travaux de remise en état des fortifications sont probables
dans ces années de guerre, les caractéristiques architecturales de
la citadelle permettent d’affirmer qu’aucune construction
actuelle ne remonte à cette époque de la Renaissance. L’atlas
Louis XIII en trois tomes43
contient un croquis de la baie de Saint-Jean-de-Luz avec le fort de
Socoa, mais aucun de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il ne
comporte qu’une carte à petite échelle du « Béarn »,
couvrant de fait l’ensemble de la Navarre et du Béarn, qui
confirme l’existence d’un ouvrage fortifié à
Saint-Jean-Pied-de-Port, dont l’emplacement est marqué de l’icône
d’un château fort, sans aucune indication sur la nature de cet
ouvrage. Sur cette carte, la partie française de la Navarre au Nord
de la chaîne des Pyrénées est marquée de trois fleurs de lys. En
1612, un château fort existe à Saint-Jean-Pied-de-Port que le
vice-roi de Navarre menace de démolir à coups de canon, au cours
des négociations du traité des Capitulations
royales.
Le cabinet des estampes de la BNF, implanté sur le site Richelieu,
ne détient dans ses collections aucun croquis perspectif de
Saint-Jean-Pied-de-Port par l’ingénieur et cartographe Claude
Chastillon (1570 env.-1616). Mais il possède un croquis perspectif
de Saint-Jean-Pied-de-Port, daté de 1614, dessiné par Joachim De
Wiert, sans doute un espion du roi d’Espagne pendant les
négociations de 1614 préalables à la conclusion des ‘Capitulations
royales’
et du mariage espagnol de Louis XIII. Ce croquis confirme que la
construction de la citadelle est postérieure à la date de 1614, car
Saint-Jean-Pied-de-Port y est encore montrée, dominée par les tours
rondes en ruines d’une forteresse médiévale.
Le
plan et les caractéristiques de cette citadelle, la forme de ses
bastions, sa porte d’entrée unique, en milieu de courtine,
protégée par son unique demi-lune, l’absence de dehors
constituent autant de caractéristique de la construction bastionnée
après l’abandon du système d’Errard au début du règne de
Louis XIII. L’observation des casernements les plus anciennement
construits permet d’approfondir la réflexion et de préciser cette
datation. Seuls sont indiqués comme construits sur la carte de
Desjardins de 1645 et sur le plan du recueil de 1676, le pavillon de
la porte royale (12) surmonté d’un clocheton en forme de
lanternon44,
avec les deux ailes de casernement le flanquant (14 & 15),
au-dessus de la courtine Ouest45.
Ils sont donc les casernements les plus anciennement bâtis au sein
de la citadelle. Il s’agit de déterminer leur date de construction
que nous savons antérieure à 1645. La cloche installée dans le
clocheton du pavillon central, donne une réponse définitive à
cette question. Elle est ornée de trois fleurs de lys, surmontant
une scène de la crucifixion du Christ, le Christ sur la croix au
pied de laquelle se tiennent sa mère, la Vierge Marie et l’apôtre
Jean46.
Elle est gravée dans la masse de l’inscription suivante :
« Pour
la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, 1627 ».
Ces
bâtiments couronnant la courtine Ouest étaient donc construits en
1627. Cette inscription affirme en outre qu’en 1627, un ouvrage
fortifié méritant aux yeux de Louis XIII la désignation de
citadelle, existait bien à Saint-Jean-Pied-de-Port. La citadelle
bastionnée originelle, qui venait d’être construite, aurait été
inaugurée en 1627 au cours d’une cérémonie durant laquelle la
cloche offerte par Louis XIII a été suspendue dans le clocheton
érigé au sommet du pavillon dominant la cité de
Saint-Jean-Pied-de-Port. L’intérêt de Louis XIII pour la
citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port est proclamé par le don de
cette cloche fleurdelisée. Sa gravure a une triple signification
politique. La citadelle, marquée du sceau royal, confirme la volonté
du Roi de défendre la frontière de son royaume sur les Pyrénées.
Les trois fleurs de lys affirment l’appartenance de la cité et de
la châtellenie de Saint-Jean-Pied-de-Port à la couronne de France.
Rappelant la dimension mariale du mystère de la Rédemption :
« Femme,
voilà ton fils;
... voilà
ta mère »47,
la scène de la crucifixion, exemplaire de la piété mariale de
Louis XIII, affirmait le rétablissement du catholicisme et sa
prééminence sur la Religion
Prétendue Réformée.
Les frontières avaient été précisées par les Conventions
royales
signées avec l’Espagne en 1614. L’acte d’Union de la Navarre à
la France avait été signé par Louis XIII à Pau en 1620. La
rébellion des réformés béarnais avait été matée lors de
l’intervention militaire en Béarn en 1620. La citadelle inaugurée
en 1627 couronnait donc la politique conduite par Louis XIII et son
ministre Richelieu en Navarre et Béarn, d’unité politique, de
paix religieuse et de définition de la frontière du royaume sur les
Pyrénées face à la monarchie espagnole. Le souci politique de
Louis XIII de manifester sa prise de possession et sa prise en mains
de la cité et du pays de Cize est implicitement confirmée par les
mémoires des ingénieurs du roi qui rappellent le manque de fidélité
de la population à l’encontre de son souverain légitime, et par
l’histoire des années troublées des guerres civiles dynastiques
et religieuses. Enfin après le rattachement de la Navarre à la
France, la nouvelle citadelle s’inscrit dans la continuité en
conservant le donjon avec la fonction première d’affirmer le
pouvoir royal, le Lieutenant du roi de France succédant au Capitaine
châtelain du roi de Navarre.
Cette
citadelle, achevée en 1627, aurait été construite entre 1625 et
162748,
un délai de deux ans était suffisant à l’époque pour une telle
construction49.
Elle aurait ainsi été édifiée à l’époque des luttes pour
l’unité du royaume de France et contre le protestantisme, initiées
par Louis XIII et poursuivies par Richelieu, et au moment où le
conflit « couvert »
avec l’Espagne se transformait en conflit « ouvert ».
La décision de fortifier la frontière des Pyrénées était
certainement latente depuis qu’Henri IV avait ramené la paix en
1598. Elle se manifesta à Bayonne où Errard fut appelé dès 1598
et à Saint-Jean-de-Luz où, à partir de 1606 travailla Benedit de
Vassalieu, autre ingénieur du roi probable successeur en 1609 de
Louis de Foix comme directeur régional des fortifications en
Guyenne, et dont il établit une carte en 161450.
La signature des Capitulations
royales
et du pacte de famille en 1614 avec le double mariage royal, en
renforçait la nécessité. La décision de principe pourrait en
avoir été prise par Louis XIII vers 1620-1622, soit après la
promulgation de l’Acte d’Union du 19 octobre 1620, soit après
l’assemblée des huguenots de La Rochelle du 24 décembre 1620, ou
durant la campagne militaire qui s’en suivit jusqu’en 1622. Elle
fut définitivement prise à partir de 1624, année du retour de
Richelieu au Conseil et de la reprise de la politique traditionnelle
contre les Habsbourg d’Espagne. Au souci d’unité du royaume et
de prééminence du catholicisme, momentanément réglé par la paix
de Montpellier de 1622, s’ajoutait alors celui de montrer sa force
à l’Espagne avec laquelle l’arrivée au pouvoir de Philippe IV
et du Conde-Duque
d’Olivares, son ministre et favori, aggravait les tensions.
L’affaire du couloir alpin d’importance stratégique de la
Valteline en 1624 en fut certainement l’événement déclencheur :
le refus par l’Espagne d’appliquer les clauses du traité de
Madrid pouvait suggérer la nécessité de fortifier la frontière
des Pyrénées, pourtant garantie par les conventions royales et le
pacte familial de 1614, en verrouillant la « Porte »
du col de Roncevaux par l’établissement d’une citadelle royale à
Saint-Jean-Pied-de-Port. Roncevaux constituait au débouché des
Pyrénées un enjeu analogue à celui de la Valteline dans les Alpes.
La sécurité de la France sur sa frontière pyrénéenne,
nécessitait d’en renforcer les défenses. Dès 1624, Richelieu
jetait ainsi les bases du programme qu’il soumit au roi le 13
janvier 1629, dans lequel il disait vouloir « fortifier la
France, lui ouvrir des portes pour entrer dans les états de ses
voisins et les garantir des agressions d’Espagne » et même
penser « à la conquête de la Navarre ».
La
décision de construire une citadelle à Saint-Jean-Pied-de-Port
semble donc logiquement avoir été prise en 1624 et la construction
réalisée de 1625 à 1627. Cette citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port fut donc construite par l’un des premiers
ingénieurs français spécialiste de la fortification bastionnée.
La question est de savoir auquel de ses ingénieurs le roi confia
cette tâche. La construction de la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port par l’ingénieur du roi responsable de la
Guyenne s’inscrit dans la logique de l’organisation régionale du
service des fortifications, mise en place par Henri IV et Sully en
1604, qui fut conservée en Guyenne sous Louis XIII et Richelieu. Or,
l’ingénieur Pierre de Conty, seigneur de la Mothe d’Argencourt,
« retourné » après la capitulation de Montpellier en
1622 par Richelieu et Louis XIII, dont il devint l’ingénieur
préféré, était à partir de 1625 au moins Directeur général
des fortifications en Aunis, Poitou, Saintonge et Guyenne, Navarre et
Béarn. Cette organisation était encore en place en Guyenne et
Navarre à la fin du XVIIe siècle, sous Louis XIV, puisque nous
verrons que l’ingénieur chargé des travaux décidés après
l’inspection de Vauban fut François Ferry, qui exerçait les
fonctions de directeur général des fortifications des mêmes
provinces, en résidence à La Rochelle comme d’Argencourt avant
lui. L’implication de l’ingénieur du Roy Pierre de Conty
de la Mothe d’Argencourt dans la construction de la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port se présente comme l’hypothèse
préférentielle.
La
date de construction confirme que le chevalier Antoine de Ville n’en
est certainement pas le constructeur, même si nombre des principes
qu’il théorisa y sont déjà respectés. De 1625 à 1627, il
faisait campagne avec l’armée piémontaise. Si le plan de la
citadelle, les angles et les proportions sont conformes à ses
théories, l’utilisation de canons, et non des mousquets, en tirs
de flanquement des courtines, comme la construction en haut des
remparts de parapets en maçonnerie avec des embrasures d’artillerie
et non de parapets en terre avec parements de maçonnerie permettant
le tir en barbette sont contraires à ses idées. Le fort
Saint-Louis, édifié par Pompeo Targone lors du blocus de La
Rochelle par Louis XIII en 1622, présente de nombreux points communs
avec la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port. Mais cet ingénieur
ayant plutôt assumé des fonctions d’inventeur de machines,
notamment lors de sièges, que de constructeur, cette hypothèse ne
sera pas retenue. En revanche, il convient de noter que les
caractéristiques de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port
correspondent aux principes que d’Argencourt appliqua dans les
autres ouvrages dont nous savons qu’il fut le constructeur :
les forts de Saint-Martin-de-Ré et de La Prée, de forme carrée à
quatre côtés et quatre bastions, qu’il construisit à partir de
1625, présentent d’ailleurs les mêmes caractéristiques, à
l’impératif près que le plan de la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port dut s’adapter au relief de l’éperon
rocheux qui la porte. Les bastions de l’enceinte de Brouage qu’il
construisit à partir de 1627, ont leurs flancs perpendiculaires aux
courtines et sont dépourvus d’orillons.
Ainsi,
sera retenue l’hypothèse de la construction de la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port par « l’ingénieur du Roy
préféré » de Louis XIII, Pierre de Conty, seigneur de
la Mothe d’Argencourt, que l’on nomma aussi « le fidèle
des cardinaux » car il servit avec autant de dévouement
l’État sous le ministère de Mazarin que sous celui de Richelieu.
En application d’une décision royale prise en 1624, il bâtit, de
1625 à 1627, une citadelle bastionnée barlongue à quatre bastions,
centrée sur le donjon médiéval qu’il conserva ainsi que la
casemate d’artillerie datant du siècle précédent. Il la dota
d’une porte d’entrée unique, protégée par une demi-lune, et
d’une seule caserne, formée d’un pavillon surmonté d’un
lanternon baroque et de deux ailes, au-dessus de la courtine Ouest
face à la ville. Bien défendue sur son front Ouest, elle restait en
1627 inachevée sur son front Est, son front d’attaque, sans doute
en raison des nouvelles priorités découlant du rapprochement avec
l’Espagne et du début du siège de La Rochelle où la présence de
Pierre d’Argencourt s’imposait. Une deuxième phase de travaux
importants fut conduite de 1640 à 1648. Les courtines furent
consolidées, les quatre bastions, sans doute partiellement écroulés,
reconstruits, tous leurs saillants et épaulements restaurés, et
pour ceux du front Est, ils furent renforcés de contreforts internes
qui en accrurent la solidité. La poterne située sous la porte
royale aurait été aménagée durant cette phase ainsi qu’une
contre-garde devant le bastion Saint-Michel. En 1648, une longue et
étroite caserne fut édifiée parallèlement aux remparts, enserrant
presque complètement le tertre surmonté du donjon médiéval qui
fut conservé. En revanche, la porte du secours projetée ne fut
alors pas construite. Ces travaux décidés en 1640 peuvent être
considérés être des travaux d’achèvement de la « Citadelle
Louis XIII », bien qu’ils se terminèrent cinq ans environ
après sa mort, sous la régence d’Anne d’Autriche et le
ministère de Mazarin. Ces travaux de reconstruction exécutés de
1640 à 1648, dirigés sur place par les ingénieurs Demilhet et
principalement Desjardins, furent exécutés, selon toute
vraisemblance, à partir d’un projet établi par un autre des
grands ingénieurs de Louis XIII, Charles Bernard Duplessis-Besançon,
qui avait commencé sa carrière en 1628 au siège de La Rochelle
sous les ordres d’Argencourt et avait travaillé avec lui en 1635
au renforcement des fortifications des côtes de Provence. Ainsi
s’explique la grande unité de conception de cette citadelle
primitive.
45- La CASEMATE d’ARTILLERIE du XVIe siècle
Les
événements historiques jalonnant les guerres civiles, dynastiques
étrangères et religieuses suggèrent que certains travaux de
réparation ou de renforcement du château fort médiéval, ont été
exécutés durant la période troublée que connut la Navarre au XVIe
siècle51.
Une observation attentive de la stéréotomie de la courtine Ouest,
celle qui fait face à la ville, en révèle certaines
caractéristiques archaïsantes. L’hypothèse de l’incorporation
dans le rempart Ouest d’éléments ayant appartenu à une
construction intermédiaire entre le château médiéval et la
citadelle bastionnée, s’impose alors.
En
premier lieu, l’appareil en moellons dressés, majoritairement en
calcaire grossier, de cette courtine Ouest est sensiblement moins
régulier que celui des flancs des bastions qui l’encadrent et que
celui des autres courtines. Cette différence d’appareil suggère
que cette courtine constitue la partie la plus ancienne de la
citadelle. La courtine Ouest, la courtine de la Porte
Royale
face à la ville aurait été construite antérieurement aux autres
parties de la citadelle. L’appareil irrégulier des pierres et leur
nature exclusivement calcaire le suggèrent. En second lieu, il
apparaît que cette courtine n’est pas constituée d’un véritable
rempart plein. En effet, de part et d’autre de la porte royale et
en dessous du cordon sommital, elle se montre percée de quatre
meurtrières verticales, décrites dans les documents étudiés comme
les aérations des abris souterrains situés sous les bâtiments
encadrant la porte royale. Une observation plus attentive de cette
courtine révèle que ces fentes marquent le centre d’embrasures
pour canons52
d’environ 1 mètre de côté, qui ont été partiellement obstruées
lors de travaux postérieurs. Vauban ne mentionnant pas d’embrasure
à canon à mi-hauteur de la courtine Ouest, nous pouvons
raisonnablement en conclure qu’elles étaient à cette date déjà
obstruées et transformées en simples fentes d’aération.
Une
visite de l’intérieur de la citadelle montre que sous l’ensemble
du bâtiment encadrant la porte royale, se trouvait une casemate en
deux parties, reliées par un passage intérieur, s’étendant de
part et d’autre et en dessous du niveau du pont-levis. L’accès
se faisait par un escalier unique depuis le couloir de l’aile Nord
du bâtiment d’entrée, le long du passage d’entrée de la
citadelle. Le plafond de cette descenderie, en dalles de pierres
plates en grès rouge est d’une facture ancienne non à l’épreuve
de la bombe, comme le souligne Vauban. Chaque demi casemate, d’une
longueur de 19 mètres pour la partie Nord, 21 pour la Sud, sur une
largeur de 4 mètres, disposait en arrière des embrasures de deux
chambres de tir de 2 mètres de profondeur sur 1 de largeur environ.
Le mur de protection aux embrasures avait 80 cm d’épaisseur. Le
sol des deux casemates était dallé. La partie supérieure du
rempart Ouest, en dessous du cordon sommital, est donc constituée
par le mur d’une casemate d’artillerie primitive pour quatre
canons, voûtée en plein cintre transformée dès avant l’inspection
de Vauban en abri souterrain. De telles casemates d’artillerie avec
embrasures sont caractéristiques de la fortification prébastionnée.
Le plan établi en 1689 par le sieur Masse53
donne d’ailleurs encore le nom de casemate au souterrain situé
sous le bâtiment de la chapelle (14)54.
Le fait que ces abris n’étaient pas à l’épreuve de la bombe,
contrairement à tous les autres abris de la citadelle, confirme une
construction antérieure à l’entrée en service des bombes55.
Dans son ouvrage de 1628, le Chevalier de Ville proscrivait déjà de
telles voûtes à l’intérieur des remparts, afin de leur assurer
une solidité maximum. A l’origine, cette casemate tenait sous le
feu de ses quatre canons la place de l’église Sainte-Eulalie, le
faubourg d’Ugange et la maison
de ville,
soit le centre de la vie communale. La casemate a été construite
antérieurement à la demi-lune royale, car sa hauteur, supérieure à
celle des embrasures, les masque et empêche le tir des canons. Elle
est donc bien antérieure à la construction de la citadelle
bastionnée.
La
courtine Ouest de la citadelle n’est donc pas constituée par un
véritable rempart élevé entre 1625 et 1627, mais par un épais mur
de construction antérieure, vestige d’une casemate d’artillerie,
construite durant une étape intermédiaire de restauration partielle
du vieux château fort avant l’érection de la citadelle
bastionnée. L’adjonction d’une telle casemate d’artillerie
face à la cité, montre que le souci du souverain du moment n’était
pas de la défendre. En installant une batterie de quatre canons en
casemate face à la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port située en
contrebas, il se donnait la capacité de la tenir sous ses feux. Il
montre ainsi clairement que sa priorité était de conforter son
autorité, d’en contrôler la population et de la tenir en mains.
La construction de cette courtine pourrait ainsi remonter au XVIe
siècle, à la conquête par Ferdinand d’Aragon ou à son
successeur Charles Quint, donc dater de 1512-1521. La construction de
cette casemate pourrait également remonter à la reprise de contrôle
du Pays de Cize par les souverains navarrais, après le retrait
espagnol temporaire en 1521, ou définitif en 1530. Or le mémoire de
177056
rappelle l’esprit frondeur de la population bas navarraise à
l’égard de son souverain légitime, le roi de Navarre. On pourrait
alors privilégier l’hypothèse selon laquelle cette courtine
casematée serait une réalisation des rois de Navarre, Henri II ou
Jeanne III d’Albret, vers le milieu du XVIe siècle. Les études
sur l’origine de la fortification bastionnée ne montrent
l’apparition de telles casemates bastionnées dans l’empire
espagnol qu’à partir des années 1530, à Perpignan par exemple et
leur persistance jusqu’en 1560 à Dole, par exemple, où fut
construite une courtine casematée par l’ingénieur génois
Ambrosio Precipiano. En prenant en considération, le rôle de cette
casemate d’artillerie, l’histoire de la Navarre et l’évolution
de la fortification au XVIe siècle, l’hypothèse retenue est sa
construction par les rois de Navarre entre 1530, retrait de Charles
Quint de la Basse Navarre, et 1572, date de retour de la paix
religieuse dans le royaume de Navarre.
A
cet égard, il faut noter qu’Henri II de Navarre fit construire
vers 1643 à Navarrenx par l’ingénieur napolitain Fabrici
Siciliano, une enceinte bastionnée à orillons et à casemates
basses de flanc (ou flancs à batteries basses), preuve de son souci
alors de fortifier les points clefs de son royaume. Il convient de
rechercher les raisons pour lesquelles Henri II d’Albret, souverain
de Béarn et roi nominal de Navarre, réduite à la Basse-Navarre,
décida vers 1540, soit dix ans après le retrait de Charles Quint de
la Basse-Navarre, de fortifier Navarrenx et non
Saint-Jean-Pied-de-Port, qui défendait face aux Espagnes la voie
d’invasion de ses États à travers les Pyrénées. Peut-être ne
voulait-il pas cautionner et reconnaître de facto l’annexion
de la Haute Navarre par le roi des Espagnes. Mais surtout il ne
pouvait pas oublier que par deux fois, en 1521 et 1527, lors de ses
tentatives de reconquête de son royaume, il avait du assiéger le
château fort de Saint-Jean-Pied-de-Port et attaquer la cité dont la
population s’était ralliée à Charles Quint, auquel elle avait
fait allégeance. Il choisit donc une ville sûre située en
territoire béarnais, Navarrenx, pour en faire la nouvelle clef de
son royaume. Il en fit la place forte moderne, donc bastionnée,
qu’il jugeait nécessaire pour assurer la sécurité de ses États
et garantir leur indépendance. Mais voulant également s’assurer
la fidélité des habitants de Basse Navarre, il est probable qu’il
tint également à renforcer le château de Saint-Jean-Pied-de-Port,
au moins pour y affirmer son pouvoir et contrôler une population et
une noblesse dont la fidélité ne lui était pas assurée. Il y fit
bâtir une casemate d’artillerie entre deux tours médiévales
ruinées, peut-être transformées en boulevards, pour
manifester sa souveraineté et être capable de mâter toute
tentative de rébellion. Aussi peut-on émettre l’hypothèse qu’au
cours de la décennie 1540-1550, Henri II fit construire sur les
ruines du château fort, en avant du donjon et face à la ville, une
casemate d’artillerie dont les canons tenaient la ville sous leurs
feux.
La
citadelle bastionnée primitive, construite de 1625 à 1627,
incorpora comme rempart occidental, la casemate d’artillerie
construite au siècle précédent, probablement vers 1540-50 sur les
ruines du château médiéval par les rois de Navarre, face à la
ville dont ils voulaient s’assurer ainsi la fidélité et tenir en
mains la population.
46- Les TRAVAUX PROVOQUES par l’INSPECTION de VAUBAN57
Dans
son mémoire du 6 décembre 1685, Vauban prévoyait des travaux
importants de rénovation de la citadelle, raisonnables à ses yeux
aux plans tant du réalisme que de la dépense, et parfaitement
justifiés par les considérations stratégiques :
Il
suffit de dire qu’elle est à l’entrée du passage de Roncevaux
pour juger de sa conséquence et d’ajouter que la France n’a
point d’autre place de ce côté et qu’elle n’est qu’à une
lieue ou deux de ses plus grands ennemis et que, soit qu’on ait
égard à l’offensive ou à la défensive, il est de toute
nécessité d’y avoir un lieu sûr afin que sa résistance puisse
donner le temps au pays de se rallier et de se mettre en état de le
secourir si on était sur la défensive et de pouvoir contenir les
munitions nécessaires à une offensive.
Toutes
ces choses bien et mûrement considérées par Sa Majesté, si elle
juge à propos pour le bien de son service, de la mettre dans un état
capable de sûreté et commodité ci-dessus, voici ce qui parait
qu’on y puisse faire de mieux, eu égard au besoin qu’on en peut
avoir en tout ce qui se peut exiger du lieu et à sa dépense.58
Ce
projet confirmait le rôle premier de défense de la frontière avec
l’Espagne, alors dévolu à la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port
qui constituait avec les forts d’Hendaye et Socoa, et la cité de
Navarrenx un ensemble défensif cohérent à l’extrémité Ouest
des Pyrénées, dont la place de Bayonne était le pivot. Il
préconisait un important renforcement du front d’attaque, le front
Est, qui faisait face à la frontière espagnole. Cet aspect du
projet s’inscrivait dans la continuité des travaux antérieurs
puisqu’il consistait en fait à construire des ouvrages permanents
en maçonnerie remparée sur le front Est, le front d’attaque, à
la place des ouvrages de campagne antérieurement réalisés en terre
et dont ne subsistaient plus que des vestiges. Il prévoyait la
construction d’une tenaille entre les deux bastions, d’un ravelin
relié à la citadelle par un pont en partie pont-levis, d’un grand
ouvrage à cornes lui-même couvert, à son extrémité Est par un
ravelin. L’ensemble devait s’étendre sur une grande partie de
l’esplanade actuelle, cependant sans atteindre le point haut
dénommé Gastellumendy. Pour ce qui concerne les défenses de la
citadelle, le plan établi par Vauban reprenait, quarante ans plus
tard, celui dessiné par Desjardins et probablement conçu par
Duplessis-Besançon. Il n’en différait que fort peu :
peut-être l’ouvrage à cornes était-il de plus grandes
dimensions ; devant la porte du secours, Vauban prévoyait
un ravelin à la place d’une demi-lune. Pour ce qui
concerne l’intérieur de la citadelle, les deux projets proposaient
l’arasement du donjon et du tertre qui le portait. Les deux projets
envisageaient ensuite de doubler l’enceinte de sûreté par une
enceinte de combat entourant l’ensemble de la citadelle et de ses
dehors, enceinte constituée par une fausse-braye continue sur les
trois fronts Nord, Ouest et Sud et par un chemin couvert sur le front
Est. Aussi est-il loisible d’affirmer que le projet de Vauban reste
fidèle à l’esprit et quasiment à la lettre des projets de ses
prédécesseurs, les ingénieurs de Louis XIII, d’Argencourt et
Duplessis-Besançon.
Pour
ce qui concerne les aménagements intérieurs de la citadelle, le
projet de Vauban différait de celui de 1645. Il prévoyait d’établir
une place d’armes interne, et non un grand bâtiment de
commandement central. Il recommandait par ailleurs de doubler en
largeur les casernements existants pour en accroître les capacités
de logement et y aménager l’arsenal, la citerne et la chapelle qui
faisaient défaut. Les travaux réalisés ne concernérent qu’une
faible partie du projet, essentiellement pour des motifs financiers
malgré la priorité donnée par Louis XIV.
La
lettre de deux pages et demie, en date du 15 janvier 168659,
adressée à Vauban par Colbert, qui venait de présenter au Roi les
plans et les mémoires du maréchal concernant tant le canal des deux
mers que les places de l’Atlantique ou des Pyrénées, nous apprend
que la priorité fut donnée, non plus à Bayonne comme en 168060,
mais à la place de Saint-Jean-Pied-de-Port où il convenait de
dépenser la totalité des fonds, cinquante à soixante mille livres,
consacrés par le Roi aux places des Pyrénées. A titre de
comparaison, entre 1682 et 1707, le budget consacré aux
fortifications de la France le plus élevé fut de douze millions de
livres en 1689 et le moins élevé de six cent vingt cinq mille
livres en 1694. En 25 ans, de 1667 à 1692, l’effort financier
accompli par la monarchie pour verrouiller ses frontières n’a pas
d’équivalent dans l’histoire de l’Etat français: il fut de
cinq millions de livres par an. Les dépenses de remise en état des
deux places de Givet-Charlemont s’élevèrent à quatre millions de
livres; le devis du projet de restauration de la citadelle de Dinant
fut de cinq cent quatre-vingts mille livres et celui du château de
Huy fut de soixante-sept mille livres61.
Le coût des travaux de la citadelle de Lille, « la
reine des citadelles »
entamée en 1668, s’éleva à plus d’un million et demi de
livres. Aussi la relative modicité de la somme consacrée à la
place de Saint-Jean-Pied-de-Port imposa-t-elle des choix. Or Colbert
précisait que le roi pourrait entreprendre des opérations
militaires en direction de Pampelune. Le rôle majeur de la citadelle
serait alors le soutien d’opérations offensives et non la défense
de la frontière :
A
l’égard des places des Pyrénées, j’ai vu et examiné tous les
plans et mémoires que vous m’en avez envoyés. Comme il est bon de
se préparer à travailler dans les endroits que vous estimerez les
plus nécessaires, je vous prie, à votre premier loisir, d’examiner
à quoi l’on pourrait le plus utilement employer 50 ou 60 mille
livres qui est tout le fonds que Sa Majesté a fait pour ces places.
Mais celle de Saint Jean Pied de Port me paraissant la plus
importante, il y faudra jeter toute la dépense parce que, si dans la
suite on avait besoin d’une place d’armes de ce côté là pour
les entreprises que le Roi pourrait faire, ce serait plutôt du côté
de Pampelune par la Navarre que du côté de l’Aragon. J’écris
en conformité au Sieur Ferry afin qu’il fasse disposer les choses
à Saint Jean Pied de Port pour en commencer les ouvrages aussitôt
qu’ils seront réglés.
Ces
directives de Colbert du 15 janvier 1686 expliquent la nature des
travaux entrepris par l’ingénieur François Ferry, directeur
général des provinces d’Aunis, Poitou, Saintonge, Guyenne,
Navarre et Béarn de 1679 à 170162,
auquel Colbert adressait ses instructions en même temps qu’à
Vauban. Ainsi, entre 1686 et 170063,
furent donc construits pavillons, caserne et arsenal,64
pour accroître les capacités d’hébergement, ainsi que les
premières améliorations des installations défensives, dont le
renforcement de la courtine Est, l’aménagement de la porte du
secours et la construction de la seconde enceinte, l’enceinte de
combat. Cependant, la construction des ouvrages extérieurs en
maçonnerie sur le front d’attaque fut remise à plus tard, lorsque
de nouveaux crédits seraient disponibles. Elle ne fut réalisée
qu’au XVIIIe siècle.
Dans
les travaux réalisés dès 1685, on retrouve la manière archaïsante
de François Ferry, le constructeur. Si Vauban définissait les
projets d’ensemble et parfois dans le détail, il laissait à ses
subordonnés une large initiative dans l’exécution.
Une
première phase importante de travaux se déroula de 1686 à 1689.
Tout d’abord, le donjon médiéval fut détruit et le sommet de
l’éperon sur lequel il était construit, fut arasé pour donner
place à la place d’armes intérieure de la citadelle. La même
décision fut alors prise à Mont-Louis. Les déblais ainsi provoqués
furent utilisés pour élargir les bermes au pied des courtines Nord
et Sud et créer les fausses-brayes65
avec leurs redents qui apparaissent clairement sur le plan de 1689,
réalisant ainsi l’enceinte de combat ceinturant extérieurement la
citadelle, qui manquait jusqu’alors. Face à la ville, une fausse
braye fut également établie à mi-pente sur le front Ouest à
l’emplacement de l’ancienne enceinte extérieure.
Ensuite,
conformément à l’esprit des ordres transmis par Colbert66
qui privilégiait le rôle offensif de la citadelle, un effort
important de construction de bâtiments fut consenti à l’intérieur
de la citadelle. L’arasement du sommet de l’éperon rocheux
libéra l’espace nécessaire à l’aménagement d’une place
d’armes et à la construction sur son pourtour de nouveaux
bâtiments. Le long casernement préexistant fut scindé en quatre
éléments, contre la face intérieure desquels furent construits
quatre bâtiments nouveaux qui en doublèrent la largeur. Ainsi, la
place d’armes nouvellement créée se trouva bordée à l’Est par
les deux nouveaux pavillons, respectivement logement du Lieutenant du
Roy au Sud (11) et du major au Nord (10), adossés aux deux petits
bâtiments anciens, reliquats de la vieille caserne, destinés à
servir de logements pour les officiers (25) et (26). Elle se trouva
bordée d’une caserne double, constituée d’une caserne neuve
(19) et d’une caserne vieille (18) accolées, le long de la
courtine Nord et d’un ensemble constitué d’un arsenal neuf (20 &
21) et d’une caserne vieille (24) le long de la courtine Est. Les
murs constituant les façades intérieures de la vieille caserne
devinrent des murs de refend à l’intérieur de ces casernes et
pavillons. Alors fut percé un passage en voûte permettant l’accès
à la porte du secours depuis la place d’armes. Seuls, les deux
pavillons également prévus par Vauban le long de la courtine Nord
face aux casernes, sans doute comme nouveaux logements pour les
officiers, ne furent pas construits. Ainsi, les façades de bâtiments
donnant sur la place d’armes, toutes construites entre 1686 et
1689, remarquables par les doubles bandeaux67
en grès rouge soulignant chaque étage, font de cette place un très
bel ensemble Louis XIV. Par opposition les façades de ces mêmes
bâtiments faisant face à l’extérieur, qui remontent à la
vieille caserne, datent toutes de l’époque Louis XIII comme les
courtines qu’elles dominent. Tous ces casernements nouveaux furent
construits au dessus de souterrains « à
l’épreuve de la bombe »
ayant vocation d’abris.
Les
travaux furent certainement ralentis à partir de 1689 car le
déclenchement de la guerre de la ligue d’Augsbourg fixait de
nouvelles priorités. Ils continuèrent jusqu'en 1700 et portèrent
essentiellement sur les accès. Au centre de la courtine Est fut
aménagée la Porte
du secours
et construit le bâtiment
de la porte du secours
qui figurent sur le plan détaillé du sieur Masse68,
daté de 1700. Ce bâtiment de la porte du secours ne fut pas
construit au-dessus de la courtine existante. Celle-ci fut détruite
dans sa partie centrale. Les fondations du nouveau bâtiment furent
établies directement dans le sol extérieur, dans le fossé, à
partir duquel il s’élève verticalement, les murs d’escarpe lui
étant raccordés de chaque côté. Il est également plus large que
strictement nécessaire pour la porte. Il se présente comme un
Châtelet,
ou une Tour
porte,
ce qui lui confère un certain aspect archaïsant69.
Un escalier intérieur à ce bâtiment permet de descendre dans le
puits de bascule du pont-levis et de déboucher dans le fossé au
pied de l’escarpe par une poterne, comme sur le front opposé. Mais
le pont correspondant à la porte du secours ne fut pas établi avant
l’an 1700. Aucune reconstruction des ouvrages extérieurs en avant
de cette porte ne fut alors réalisée. Les bastions Saint-Michel (3)
et Saint-Jacques (2) firent certainement à nouveau l’objet d’une
reconstruction partielle lors de l’aménagement de la porte du
secours; comme le laisse supposer une certaine similitude des modes
de construction.
La
porte royale actuelle fut certainement également reconstruite entre
1689 et 170070
lors de la construction de la porte du secours car elle lui est en
tous points identique. Cette hypothèse est confirmée par les plans
antérieurs à 1689 qui indiquent que, jusqu’à cette date, le
pavillon de la porte royale (12) était en saillie par rapport aux
deux bâtiments (14 & 15) l’encadrant sur la face intérieure
de la citadelle tandis que les façades extérieures des trois
bâtiments étaient dans un même alignement. Or dès le plan de 1700
la situation diffère : leurs façades intérieures également
sont alignées. Les bâtiments encadrant le pavillon de la porte
royale ont donc été remaniés entre 1685 et 1689.
Dans
l’aile Nord du bâtiment surplombant la courtine Ouest (14),
préalablement destinée au logement des officiers qui se trouvèrent
ainsi délogés, fut aménagée une chapelle avec autel, table
sainte, tribune et sacristie comme l’indique le plan de 1700. Plus
tard, au cours des premières années du XVIIIe siècle, une cantine
fut aménagée dans l’aile Sud de ce bâtiment (15). Les façades
de ces bâtiments (14) et (15) donnant vers l’intérieur de la
citadelle furent reconstruites, en élargissant ces bâtiments de
deux mètres environ, ce qui permit de doter la chapelle de trois
larges fenêtres, dont une circulaire au dessus de la porte, de style
religieux. Ainsi, les façades intérieures des bâtiments
encadrant la porte royale, sont de même facture que les façades des
bâtiments neufs entourant la place d’armes avec comme eux les
doubles bandeaux en grès rouge soulignant les étages, ce qui donne
belle allure à la perspective vers la porte royale depuis la place
d’armes et une grande unité de style à l’intérieur de la
citadelle. Simultanément, les bâtiments anciens semblent avoir tous
été légèrement surélevés comme le suggère le bandeau de grès
rouge qui orne leurs façades donnant vers l’extérieur, juste en
dessous de la toiture. Ainsi seule la toiture en ardoises du pavillon
de la porte royale devrait dater de Louis XIII, toutes les autres
toitures en tuiles ayant été faites ou refaites dans les années
1685-1700. Vauban également procéda à la monumentalisation des
entrées, de la porte royale, de la porte du secours et créa une
porte en arc de triomphe à l’entrée de la demi-lune de la porte
royale. Ces portes sont toutes réalisées en grès rouge de la
montagne d’Arradoy, pierre solaire symbole de la majesté et de la
puissance de Louis XIV, le « Roi soleil ». Seuls furent
alors omis les blasons aux armes royales destinés à décorer les
tympans au-dessus de chacune des deux portes de la citadelle.
Les
ponts-levis à bascule furent certainement construits également lors
de ces travaux car ils sont tous deux de facture identique. En outre,
l’aménagement du puits du pont à bascule de la porte royale
nécessita de condamner le passage reliant la demi casemate sud à la
demi casemate Nord et de créer une descenderie nouvelle pour la demi
casemate Sud dont le niveau de protection contre les bombes permet la
datation avec une quasi certitude. Enfin, quatre latrines (l) furent
aménagées aux angles intérieurs des bastions sur les longues
courtines avec des « ravines par où s’écoulent les
jumondis de latrines » débouchant en contrebas des
fausses-brayes. Quant au puits (13), dont Vauban mentionne
l’existence, qui apparaît clairement sur le plan de 1700 avec sa
grande roue et son réservoir à eau, il est donc antérieur à
Vauban sans qu’aucune information ne permette de dater son
creusement qui remonte sans doute à l’époque médiévale. Ce
puits apparaît sur plusieurs des plans anciens étudiés.
Tous
ces travaux furent réalisés entre 1686 et 1700, le gros œuvre
avant 1689. La frontière des Pyrénées ayant révélé sa
vulnérabilité durant la guerre de Hollande et les craintes s’étant
renouvelées lors du conflit avec l’Espagne de 1683-84, ils furent
menés activement de 1686 à 1689. Ils furent ensuite poursuivis
jusqu’au début du siècle suivant, mais le déclenchement de la
guerre de la ligue d’Augsbourg (1689-1697) conféra la priorité à
d’autres frontières. Ils furent exécutés sous la direction de
l’ingénieur François Ferry, qui avait accompagné Vauban lors de
son inspection et était également destinataire de la correspondance
de Colbert. Le rapport qu’il établit à la fin des travaux,
mentionné à l’inventaire du Dépôt des Fortifications, ne nous
est malheureusement pas parvenu. Tous ces aménagements et
constructions sont attestés par les plans de la citadelle du sieur
Masse, le « dessineur »
de Ferry, « en
l’état qu’elle étoit en 1689 »
et « en
l’Etat que cette place étoit en 1700 »71,
et par les légendes de ces deux plans. La situation donnée par ce
dernier plan est antérieure d’un an au décès de François Ferry
en 1701.
Ces
rénovations sont révélatrices de l’évolution du rôle des
places fortes dans la guerre, au tournant du XVIIe au XVIIIe siècle :
-
au plan tactique, conception plus dynamique de la défense de la
citadelle dans laquelle des aménagements nouveaux : poternes,
caponnières, facilitent le déplacement d’unités réservées, la
mise en place de renforts et le déclenchement de contre-attaques par
la garnison assiégée,
-
au plan opératif, conception plus dynamique de la défense des
frontières dans laquelle la citadelle sert de pivot et d’ancrage
pour la manoeuvre des armées en campagne qui livrent bataille en
s’appuyant sur elle (exemple de la bataille de Denain), et en
renforcent, si nécessaire, la garnison assiégée en pénétrant par
la porte du secours,
-
au plan stratégique, affirmation du rôle logistique de la citadelle
pour les armées en campagne auxquelles elle sert de base de
rassemblement avant les opérations offensives, et de base de
ravitaillement pendant ces opérations.
Ces
travaux réalisés à la suite de l’inspection de Vauban de 1685
furent essentiellement des travaux de rénovation, qui n’inclurent
ni modification profonde, ni addition défigurante. Dans la citadelle
actuelle, ne sont « de Vauban » que la monumentalisation
de la porte royale, de la porte du secours et de l’entrée de la
demi-lune royale ainsi que les façades intérieures des casernements
et les abris souterrains. Ces travaux de Vauban furent exécutés
dans le respect de l’esprit des constructeurs initiaux de la
citadelle. Ils étaient, dans leur quasi-totalité inclus dans leurs
projets. Conformément aux directives royales transmises par le
marquis de Seignelay, le fils de Jean-Baptiste Colbert, l’agencement
des bâtiments intérieurs subit un remaniement important selon le
projet de Vauban, mais fort peu de choses furent modifiées dans
l’organisation des ouvrages défensifs. Les priorités,
obligatoires en raison de l’état des finances, ont été
déterminées par les objectifs stratégiques de Louis XIV. Ainsi
peut-on affirmer que les rénovations réalisées à la suite de
l’inspection de Vauban en 1685 ne modifièrent en rien
l’architecture d’ensemble de cette citadelle qui reste ainsi
fidèle à la conception de ses constructeurs, les ingénieurs
militaires de Louis XIII. Dans son « Projet
de Paix fait à Plaisir, le 2 février 1706 »72,
Vauban critique sévèrement la valeur de cette fortification :
Du
côté d’Espagne, nous ne sommes couverts que par Bayonne qui n’est
pas bonne place, ni à beaucoup près achevée.
Saint-Jean-Pied-de-Port ne vaut pas grand-chose, non plus que Lourde.
Il
confirme donc que Vauban n’en revendique pas la paternité dès
lors que les travaux qu’il a préconisés n’ont pas été
réalisés. Il est donc bien inexact d’affirmer que la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port est « à la Vauban ». Il
l’inspecta et proposa des ouvrages, mais, comme l’indique la
légende d’un plan postérieur : « lesquels n’ont
point été exécutés ».
Le
plan de Desjardins de 1645, donc le projet de Duplessis-Besançon,
prévoyait des travaux de rénovation des fortifications de la
citadelle quasiment identiques au projet de Vauban : porte du
secours, demi-lune et ouvrage à cornes sur le front est, arasement
du donjon. Le plan de Vauban n’est donc pas novateur en ce domaine,
puisqu’il reprend celui présenté dès 1645 par un ingénieur du
Roy, de la même école et de la même génération que son
constructeur d’Argencourt. Le projet de rénovation de Vauban, par
ailleurs modeste, ne fut que partiellement réalisé. Les travaux ont
été exécutés par Ferry qui tendait à des réalisations plus
archaïsantes que Vauban. Celui-ci ne revint pas à
Saint-Jean-Pied-de-Port, c’est donc bien Ferry l’artisan des
travaux, exécutés de 1685 à 1701 d’après le plan de Vauban et
en application des directives du marquis de Seignelay, qui restèrent
ainsi fidèles à l’esprit des constructeurs originels de la
première moitié du siècle. La citadelle présente ainsi une grande
unité de conception. Seule la réalisation des souterrains, abris et
passages, correspond à une innovation de Vauban en parade à
l’invention de la bombe tirée par les mortiers. Seules les façades
des pavillons, casernes et arsenal donnant sur la place d’armes
intérieure furent construites par Vauban et sont donc sont
louis-quatorziennes.
47- Les TRAVAUX REALISES au XVIIIe siècle
Concernant
l’histoire et l’évolution la place forte de
Saint-Jean-Pied-de-Port au XVIIIe siècle, les fonds d’archives du
SHAT, complétées par ceux de la BNF disposent de documents en
nombre et en qualité suffisants pour les connaître avec un bon
degré de certitude. Certes le dossier des archives du Génie a
disparu dans l’incendie du Dépôt des fortifications. Mais les
‘Mémoires
militaires’73
du cabinet du Colonel Bérard, directeur des fortifications à
Bayonne de 1792 à 1802, conservés à la bibliothèque du SHAT,
contiennent, en autres documents, des copies manuscrites des rapports
concernant la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, qu’il jugeait
sans doute les plus importants. Il s’agit du mémoire de 1718 de
l’ingénieur Zachée Salmon (1668-1734), directeur des
fortifications à Bayonne de 1715 à 1724, ainsi que des mémoires de
1770 et de 1773 de Marc Antoine Sicre de Cinq-Mars (1715-1775),
directeur général des fortifications des places de Guyenne et des
Pyrénées à Bayonne de 1770 à sa mort à Bayonne en 1775.
Plusieurs cartes complètent utilement ces documents, celle du
Recueil
de Plans des Places, Châteaux Forts et Citadelles des Provinces de
Béarn et Guyenne fait en l’année 1715 par Beauvilliers
Gentilhomme servant du Roy et son ingénieur ordinaire74,
le Plan
de la ville et citadelle annexé au projet général de fortification
du 16 avril 171875,
établi par Salmon, directeur des fortifications à Bayonne de 1715 à
1724, les Plans
des places du royaume,
dit atlas Louis XV de 173876
et, enfin, le Plan
de la ville et de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port pour servir
au projet général de 1773 pour 177477.
Ces documents constituent des sources bien datées et très fiables
compte tenu des fonctions de leurs auteurs. Par ailleurs, le
département des manuscrits de la BNF, implanté sur le site de la
bibliothèque de l’Arsenal détient un Mémoire
sur la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port et sa citadelle,
daté de 1753 par Jean-Marie Canut, ingénieur à Bayonne de 1729 à
1748, puis de 1756 à 1763, et ingénieur en chef à
Saint-Jean-Pied-de-Port entre temps de 1748 à 1756, et un Mémoire
sur la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port,
de 1753 également78,
par Charles François Touros, directeur des fortifications de Guyenne
et des Pyrénées à Bayonne de 1747 à 1764.
De
nouveaux travaux furent réalisés dans les premières années du
XVIIIe siècle, avant l’année 171579
comme en témoigne le plan de l’atlas du sieur Beauvilliers80,
confirmé par le plan de Salmon81.
Ils furent sans doute conduits par les
directeurs régionaux du début du siècle, successeurs de François
Ferry,
Christophe Rousselot, de 1701 à sa mort en 1704,
Jacques-Marc-Antoine de Girval de 1704 à sa mort en 1708 et
Louis-Joseph de Villars-Lugeins de 1708 à sa mort en 1712. Ces
travaux furent donc entrepris à l’occasion de la guerre de
Succession d’Espagne de 1702 à 1713, probablement lors de la
tension provoquée à la frontière par l’entrée des troupes
françaises commandées par Berwick sur le territoire espagnol en
1704. Les renforts d’artillerie entrèrent en Espagne par
Saint-Jean-Pied-de-Port en 1707. S’inscrivant dans la continuation
de ceux effectués entre 1686 et 1700, ils furent la poursuite de
l’exécution du projet de Vauban. Ils portèrent essentiellement
sur le renforcement des défenses. D’abord, selon la légende du
plan du sieur Masse, des batteries en barbette furent réalisées aux
angles des bastions immédiatement après 1700. C’est sans doute
alors que les embrasures de canons situées en partie haute des faces
des bastions furent en majorité obstruées et que les parapets
correspondant furent doublés de terrassements. Le manque d’espace
ne permettait pas de terrasser la totalité des parapets surmontant
les escarpes. Sur le front Ouest face à la ville, une tenaille82
en terrassement, sans doute parée de maçonnerie, fut établie d’un
bastion à l’autre en avant de la courtine sous le pont-levis83.
Elle fut remplacée au XIXe siècle par le mur à créneaux de tir de
fusillade qui existe encore aujourd’hui. Mais aucune tenaille ne
fut construite de manière symétrique devant la courtine Est, sur le
front d’attaque, bien qu’une telle tenaille figurait également
dans les projets de Vauban.
Ces
travaux concernèrent essentiellement le front Est84.
Le plan de Beauvilliers indique qu’en lieu et place de la demi-lune
en terre préexistante, un petit ravelin, de taille comparable à la
demi-lune royale, a été construit en maçonnerie remparée devant
la porte du secours. Comportant sur son côté nord un corps de
garde, il était couvert face à l’Est par un ouvrage de campagne
en forme de contre-garde et un chemin couvert. Un pont de belle
taille, dont la dernière travée contre la porte du secours faisait
pont-levis, reliait ce ravelin à la citadelle qui disposait ainsi
enfin d’une sortie du secours. Il s’agit bien de la poursuite de
la réalisation du projet de Vauban. Mais il restait inachevé
puisque l’ouvrage à cornes prévu en avant sur l’esplanade
n’était pas encore construit. Aussi, de la face Sud du ravelin,
c’est-à-dire du côté faisant face à la Nive, un second pont
permettait de déboucher derrière le chemin couvert. L’accès
provenant de la porte du secours, après avoir emprunté ce pont,
longeait la courtine Sud vers la porte royale sous laquelle il
passait et faisait le tour complet de la citadelle pour descendre
finalement par la rampe rejoignant la chapelle Saint-Jacques. Il faut
noter que le plan de l’atlas de 1738 ne confirme pas ces
indications, mais ce plan de Saint-Jean-Pied-de-Port, dont la date de
réalisation n’est pas précisée, apparaît, à maints égards,
antérieur au plan de Beauvilliers. En revanche le plan de Salmon
confirme précisément celui de Beauvilliers.
De
1685 à 1715, donc la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port fit
l’objet d’une phase d’exécution du projet de Vauban en trois
étapes scandées par l’état des relations avec l’Espagne, de
1685 à 1689, puis de 1690 à 1700, de 1704 à 1713 enfin. Or le
projet de Vauban était, concernant les défenses de la citadelle,
une reconduction du plan antérieur dessiné par Desjardins en 1645.
Il est donc loisible d’en conclure que la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port présente en 1715 les caractéristiques que
voulaient lui donner ses constructeurs initiaux : d’Argencourt,
en 1627, puis Duplessis-Besançon en 1643. Avec ses quatre bastions
et ses deux demi-lunes, ou ravelins, couvrant ses deux courtines
Ouest et Est, les plus exposées, ceinte d’une fausse-braye, elle
est bien alors une citadelle Louis XIII. Seul le pont de la porte du
secours, en maçonnerie de pierres de taille en grès rouge,
construit selon le plan de Vauban, est de Louis XIV.
Sous
la pression des événements politiques, des regains de tension avec
l’Espagne, la citadelle fut encore l’objet de deux plans
d’amélioration de ses installations. La courte guerre
franco-espagnole de 1719, conséquence des revendications de Philippe
V sur la couronne de France, provoqua dès 1718 la mise au point d’un
projet nouveau, établi par Salmon. Il est le premier d’une
nouvelle série dérivant du projet de Vauban, qui conduisit à
l’achèvement de la citadelle en 1730. Le projet de Salmon en 1718
est le premier, depuis 1645, à ne plus proposer d’occuper
l’ensemble de l’esplanade sur le front d’attaque en direction
de Gastellumendy par un ouvrage à cornes. Il prévoit seulement de
construire une demi-lune sur le front Est, plus grande que le ravelin
de Vauban, mais encore bien flanquée par les bastions encadrant, et
d’achever l’enceinte de combat sur ce front en enserrant cette
demi-lune par un chemin couvert. Salmon marque la rupture par rapport
au plan de Vauban. Il est le premier à proposer un projet différent
de celui de Vauban. C’est ce projet qui fut repris en 1730, mais en
construisant un ouvrage de plus grande taille, en forme de demi-lune.
A
partir de 1723, Louis XV atteignant sa majorité, amorça une grande
politique de travaux publics, incluant le renforcement des
fortifications aux frontières. En outre, la situation internationale
explique la reprise de travaux importants sur le front d’attaque de
la citadelle. En effet, en 1725, la décision de rompre le projet de
mariage espagnol de Louis XV, objet du traité de 1720, au profit de
son mariage avec Marie Leszczynska, provoqua la colère de Philippe
V. La menace de guerre entraîna en France la prise de mesures
militaires. En octobre 1725, puis en mars 1726, l’ingénieur
Damoiseau, en poste à Bayonne de 1724 à 1726, rédigea deux projets
successifs. S’éloignant du plan de Vauban, ils prévoyaient la
construction d’ouvrages destinés à renforcer le front d’attaque,
notamment d’une grosse redoute sur le ressaut de Gastellumendy,
reliée au chemin couvert par une longue caponnière, et d’une
contre-garde devant chacun des deux bastions. En outre, le projet de
1726 de Damoiseau présente, par rapport aux rapports précédents,
l’originalité de juger nécessaire d’occuper par une redoute
importante, le sommet de Curutchamendy, qu’il appelle
Cruthmendy. L’amélioration des performances de l’artillerie
rendait donc caduc à partir de cette date le jugement porté par
Vauban en 1685 : « assez éloignée des plus hautes
pour n’être que médiocrement incommodée des commandements ».
Ces projets, moins ambitieux et moins coûteux que celui de Vauban,
ne furent suivis d’aucune réalisation.
Finalement,
une nouvelle tranche de travaux fut réalisée sur le front Est en
172885.
Le plan de l’atlas de 1738 n’en témoigne pas, confirmant ainsi
son antériorité. Le catalogue de D. Pinzuti mentionne un toisé de
terres, en date de 1727, en vue de travaux de fortifications devant
la porte du secours, ce qui confirme un nouveau projet. Sicre de
Cinq-Mars confirme ces travaux dans son mémoire de 177086.
Le Canut en 1753, cite l’existence d’une demi-lune avec ses
souterrains sur le front Est, sans en donner de description précise.
A cette date de 1728, en lieu et place des ouvrages extérieurs de
grande ampleur prévus par le projet de Vauban et dont seul le
ravelin couvrant directement la porte du secours avait été aménagée
entre 1700 et 1715, fut construit un ouvrage en forme de demi-lune de
grande taille dont les escarpes et contrescarpes étaient entièrement
parées en maçonnerie. Le nom du constructeur n’est pas précisé
par les sources, mais il s’agit vraisemblablement de La Chevallerie
de la Motte, qui, ingénieur
à Saint-Jean-Pied-de-Port de 1726 à 1747, y fut nommé ingénieur
en chef en 173087.
Cet ouvrage nous est parvenu quasiment intact. Le plan adopté
reproduit fidèlement le schéma généralement utilisé par Vauban,
pour les demi-lunes couvrant une porte du secours : plan
dissymétrique, emplacement latéral du corps de garde dans l’angle
extérieur du virage du chemin d’accès, existence d’abris
souterrains dans son sous-sol ainsi que de passages souterrains pour
la relier tant à la citadelle qu’au chemin couvert. Le ravelin
antérieur fut conservé et intégré au sein du nouvel ouvrage.
Cependant, cet ouvrage qui présente le défaut majeur d’être mal
flanqué par les deux bastions encadrant, en raison de la trop grande
ouverture de son angle saillant et de la trop grande taille de sa
base, ne répond donc pas stricto
sensu
aux critères de base de construction d’une demi-lune. Cependant
étant donné sa forme, sa place dans le dispositif défensif de la
citadelle et afin de conserver le vocabulaire utilisé par tous les
ingénieurs des XVIIIe et XIXe siècles, nous la dénommerons
également : « demi-lune
de la porte du secours ».
En avant de cette demi-lune furent construits un fossé et un chemin
couvert couronnant la contrescarpe, qui prolonge sur le front Est
l’enceinte de combat réalisée au cours des décennies précédentes
par les fausses-brayes sur les flancs Nord et Sud. Dans ce chemin
couvert en face du saillant de la demi-lune, fut également aménagée
une place d’armes saillante permettant de rassembler une troupe en
vue d’une contre-attaque sur le glacis extérieur, en avant de la
demi-lune.
Ces travaux entraînèrent l’arasement de la contre-garde qui
couvrait jusqu’alors le saillant du bastion Saint-Michel.
Cette
demi-lune fut reliée tant à la porte du secours qu’au glacis
extérieur au delà du chemin couvert par des ponts, partie dormants,
partie pont-levis, franchissant les larges fossés qui l’entourent.
Le pont conduisant vers l’extérieur de la citadelle fut bâti sur
de simples piliers en maçonnerie tandis que l’architecture du pont
la reliant à la porte du secours, remarquable avec ses grandes
arches en plein cintre, confirme qu’il s’agit du pont construit
peu après 1700. Il fut seulement réduit en longueur d’une
demi-arche qui fut intégrée dans la structure interne du nouvel
ouvrage. Le plan de la demi-lune montre que la dernière demie arche
du pont du secours construit avant 1715, en application du projet de
Vauban de 1685, fut incorporée dans le demi-lune pour servir de
carrefour d’entrée desservant les passages et abris souterrains. A
partir de 1728, l’itinéraire des charrois emprunta la porte du
secours. Après avoir franchi les deux ponts de part et d’autre de
la demi-lune, il débouchait vers le Nord et traversait le chemin
couvert d’où elle rejoignait par un grand virage en ‘S’ la
rampe des charrois descendant vers la chapelle Saint-Jacques.
Sicre de Cinq-Mars, dans son mémoire de 1770 critique ce choix en
soulignant que la porte d’accès à la demi-lune aurait mieux
convenu sur la face Sud de celle-ci, moins exposée à l’ennemi,
comme cela était le cas pour le ravelin antérieur, construit avant
1715.
Cette
demi-lune fut également reliée tant à la citadelle qu’au chemin
couvert et à la place d’armes extérieure par des caponnières de
liaison, aménagées sous les arches des ponts. Depuis la poterne
réalisée sous la porte du secours entre 1686 et 1700, une première
caponnière fut aménagée sous les piles du pont permettant
d’accéder au grand abri et à l’entrepôt souterrains construits
dans le sous-sol de la demi-lune. De l’entrée de cet abri une
rampe donnait accès à la demi-lune où elle débouchait à
l’arrière du corps de garde. Du fond de l’abri un passage
souterrain débouchait par une poterne dans le fossé au-delà de la
demi-lune où une autre caponnière aménagée sous les piles du pont
permettait d’atteindre une porte dans la contrescarpe. Le passage
se poursuivait sous le chemin couvert par une gaine de circulation88,
servant également de galerie de contre-mines, qui débouchait dans
le fossé par deux portes situées au pied de la place d’armes
saillante aménagée dans le chemin couvert. L’accès à cette
dernière à partir du fossé se faisait par deux volées d’escalier
orientées de l’intérieur de celle-ci vers l’extérieur,
appelées double
pas-de-souris divergent.
Ces caponnières de liaison ouvertes, protégées latéralement par
des talus furent transformées vers 1830 en gaines de circulation
encadrées par deux murs latéraux à créneaux de fusillade et
couvertes d’un toit de protection. Il faut noter que lors des
travaux de 1728, la tenaille demandée par Vauban entre les deux
bastions du front Est, sous le pont de la porte du secours, ne fut
pas construite.
A
une date non précisée, sans doute vers 1728-30 et par La
Chevallerie de la Motte également, furent aménagés la citerne à
eau, demandée en 1685 par Vauban et en 1718 par Salmon, dans une
partie du souterrain de la caserne neuve de la face Nord (19). Une
boulangerie avec son four à pain fut aménagée dans la partie Nord
du souterrain de l’arsenal (21) également à cette date ou
peut-être quelques décennies plus tard. Non mentionnés dans le
mémoire très complet de Salmon en 171889,
projetés dans celui de Damoiseau en 1726, la citerne et le four à
pain sont décrits en détail dans celui de 1770. Selon les rapports
de Canut et Touros, la citerne existe en 1753, mais pas encore le
four à pain.
Concernant
les sources archivistiques, il convient de faire plusieurs remarques.
Les plans de 1725 et 1726 par François Damoiseau, et de 1727 par La
Chevalerie de la Motte figurent dans
le Catalogue
des cartes et plans antérieurs à 1790 des Archives départementales
des Pyrénées atlantiques90.
Cependant, ils ne sont pas recopiés dans les ‘Mémoires
militaires’
du colonel Bérard qui en disposait cependant dans les archives de la
direction des fortifications de Bayonne. Sans doute ne leur
trouvait-il pas un intérêt suffisant. Les mémoires de Canut et de
Touros, tous deux datés de 175391,
n’y figurent pas non plus. Ils semblent, en effet, constituer des
témoignages à utiliser avec la plus grande prudence. Ces deux
documents, conservés à la bibliothèque de l’Arsenal, étant
quasiment identiques, sont sans doute copiés l’un sur l’autre.
L’original, daté du 31 juillet, est vraisemblablement celui de
Jean-Marie Canut, dont nous savons qu’en cette année 1753, il
était ingénieur en chef à Saint-Jean-Pied-de-Port tandis que
Charles François Touros, directeur des fortifications de Guyenne et
des Pyrénées, était son supérieur hiérarchique. Accueillant dans
l’exercice de leurs fonctions, au mois d’août 1753, le marquis
de Paulmy, secrétaire d’État à la guerre, en inspection à
Bayonne et à Saint-Jean-Pied-de-Port, ils durent préparer des
dossiers, chacun à son niveau dans lesquels ils inclurent les
mémoires qui nous sont parvenus, celui de Touros reprenant celui de
Canut. Ces mémoires présentent l’inconvénient majeur pour leur
crédibilité, d’être des compilations de ceux rédigés par
Vauban et par Salmon qu’ils recopient presque intégralement. Ainsi
les jugements qu’ils portent sur la non vulnérabilité de la
citadelle à l’artillerie, en recopiant celui de Vauban, sont alors
erronés, car, compte tenu de l’amélioration des caractéristiques
des matériels, ce qui est vérité en 1685 ou 1718, ne l’est plus
depuis 1725, comme l’indique le projet de Damoiseau, et donc en
1753
C’est
semble-t-il au début du XVIIIe siècle également que la vieille
enceinte de la ville fut prolongée, respectivement depuis l’arrière
de l’église Notre Dame et depuis la porte Saint-Jacques jusqu’à
atteindre les saillants des bastions de la citadelle: la carte de
l’atlas de 1738 en est le seul témoignage, car ni le plan de
Beauvilliers, ni le mémoire de Salmon ne l’indiquent. Ainsi, la
ville fortifiée et la citadelle ne constituèrent plus qu’un seul
ensemble défensif à partir de cette date.
Entre
1791 et 1794 enfin, la place d’armes saillante au-dessus de la
contrescarpe en avant de la demi-lune Est fut remise en état sans
cependant que l’on construise les deux places d’armes rentrantes
qui avaient été prévues de part et d’autre par le mémoire de
1791. A cette époque, la chapelle Saint-Jacques et les vestiges de
la porte éponyme qui la jouxtait, furent détruits et arasés.
C’est
donc durant le premier tiers du XVIIIe siècle que s’acheva la
construction de cette citadelle bastionnée avec l’adjonction sur
son front d’attaque d’un ouvrage en forme de demi-lune « à
la manière de Vauban ». Le projet de renforcement du front
d’attaque établi par Vauban, en reprenant celui de
Duplessis-Besançon, ne fut donc pas réalisé. La construction,
devant la courtine Est, d’un simple ouvrage en forme de demi-lune
conduit au résultat paradoxal que la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port reste, dans son architecture et son économie
d’ensemble, une citadelle baroque de Louis XIII, conforme à
l’esprit de son constructeur initial, l’ingénieur Roy
d’Argencourt. L’unicité de sa conception s’en trouve ainsi
préservée.
48- Les AMENAGEMENTS du XIXe siècle
Au
XIXe siècle, la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port fit l’objet
de plusieurs plans de modernisation, souvent très ambitieux dont
aucun ne fut réalisé92.
Ces projets sont parfaitement connus ainsi que la nature des travaux
effectivement réalisés, car les archives du génie conservées au
SHAT sont très complètes avec une dizaine de cartons couvrant la
période de 1814 à 1870. Ainsi elle ne connut au cours de ce siècle
aucune modification réelle ni aucune adjonction. Elle fut seulement
maintenue en état comme le demandait son statut de place de guerre.
A
partir de 1818, malgré les contraintes imposées à la France par le
Congrès de Vienne (septembre 1814- juin 1815), fut créé la
« Commission des frontières », sous la présidence du
général Marescot, inspecteur du Génie. Elle analysa notamment la
situation sur les Pyrénées dont Vauban n’avait fortifié que les
deux secteurs d’extrémité et elle commença à réfléchir à son
renforcement. Dans cet esprit, Louis-Philippe roi des Français en
1830, lança un programme de fortification des frontières qui
entraîna des travaux dans la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Ainsi,
dans les années 1830-34, plusieurs éléments remparés en mauvais
état furent remplacés par des murs crénelés à créneaux de tir
de fusillade. Tel fut le cas des ouvrages à mi-pente en avant de la
demi-lune de la porte royale, remplacés par les murs crénelés qui
encadrent aujourd’hui la rampe d’accès à la citadelle. Tel fut
également le cas de la tenaille entre les deux bastions de la
courtine Ouest sous la porte royale, ainsi que des caponnières de
liaison sous les deux ponts de la sortie du secours et d’une petite
partie du saillant de la demi-lune Est. Des portes furent percées,
vers 1833-34, dans les extrémités des murs d’enceinte de la ville
à l’endroit où ils se raccordaient aux saillants des bastions
pour permettre à une troupe sortant de la citadelle par la poterne
Ouest d’avoir accès aux fausses-brayes des courtines Nord ou Sud.
Ainsi les capacités de contre- attaque de la garnison s’en
trouvaient améliorées.
Durant
la Révolution française, la chapelle aménagée dans le bâtiment
(14), l’aile Nord du pavillon de la porte royale, fut convertie en
magasin génie. Le plan de 1834 signale l’existence dans ce même
bâtiment d’une salle d’enseignement. En 1836, la roue en bois du
puits fut remplacée par une machinerie moderne avec un mécanisme en
métal, qui est encore en place. Puis les travaux s’arrêtèrent ou
ne furent plus que d’aménagements internes pour adapter la
citadelle à ses fonctions de caserne selon les normes en évolution
au XIXe siècle. La caserne fut déclassée en 1920 et la citadelle
fut rachetée par la ville dans les années 1930. Finalement un
collège public y fut aménagé vers 1980.
Aussi
pouvons-nous affirmer que, vu la modicité des travaux effectués, la
citadelle que nous visitons aujourd’hui, est tout à fait
comparable à celle qu’inspecta, il y a un peu plus de trois
siècles, le commissaire général aux fortifications de Louis XIV.
Le capitaine du génie Duvignau, ou Duvignau-Duverger, affecté à la
direction du génie à Bayonne sous les ordres du colonel Bérard, le
confirme dans son mémoire de 1791 : la citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port se trouvait « dans l’état où
elle était il y a soixante-dix ans » en raison de
l’indifférence coupable des « tyrans qui avaient négligé
les fortifications pour dilapider l’argent de la Nation ».
* * *
Ainsi
donc, l’étude des sources archivistiques, conjuguée à
l’observation stéréotomique, permet de préciser l’histoire de
la construction de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port. Elle fut
édifiée sur l’emplacement du château fort médiéval des rois de
Navarre, ruiné par les guerres successives des XVe et XVIe siècles,
guerres d’abord dynastique et civile, puis d’usurpation de la
Navarre par le roi d’Aragon et de Castille, enfin de religion entre
Béarn et Navarre, qui avait sans doute fait l’objet de réparations
et de renforcements. Elle en conserva initialement le donjon érigé
au sommet de l’éperon rocheux qui la dominait en son centre. Il ne
fut arasé, ainsi que l’éminence qui le portait, qu’en 1686 à
la suite de l’inspection de Vauban qui décrivit la citadelle comme
« la plus petite du royaume ». Elle incorpora, en
tant que courtine Ouest, une casemate d’artillerie d’un type
antérieur à la fortification bastionnée, édifiée
vraisemblablement entre 1540 et 1550 par le Roi de Navarre Henri II,
dont les quatre canons couvraient de leurs feux la cité située en
contrebas, dont le souverain tenait à s’assurer la fidélité.
Quant à la citadelle bastionnée proprement dite, elle fut le fruit
d’une construction continue et progressive, en plusieurs phases
s’étendant sur un siècle, de 1625 à 1728 :
-
La citadelle bastionnée primitive fut édifiée entre 1625 et 1627, certainement par l’ingénieur du Roy Pierre de Conty de la Mothe d’Argencourt, l’ingénieur préféré de Louis XIII, alors directeur général des fortifications des provinces d’Aunis, Poitou, Saintonge, Guyenne, Navarre et de Béarn. De forme barlongue, avec quatre bastions pentagonaux, une porte unique couverte par une demi-lune, elle conservait comme courtine Ouest la casemate d’artillerie dont les embrasures furent alors obstruées. Elle restait dominée, en son centre par le donjon navarrais, symbole de souveraineté. Au-dessus de cette courtine Ouest face à la cité, fut construit une caserne unique comportant un pavillon central surmonté d’un lanternon portant une cloche fleurdelisée, et deux ailes de bâtiment ainsi que deux magasins à poudre. Cette citadelle, symbole de la puissance royale, rappelait aux habitants de la cité qu’ils étaient les sujets d’un royaume fort et uni. Elle affirmait l’union de la Navarre au royaume de France et la primauté de la religion catholique.
-
Elle fut restaurée, et ses bastions partiellement reconstruits, entre 1640 et 1648, par l’ingénieur Desjardins en exécution d’un projet de Duplessis-Besançon, autre ingénieur connu de Louis XIII, qui avait précédemment lui-même travaillé sous les ordres d’Argencourt. L’enceinte remparée et bastionnée, constituant encore aujourd’hui le gros oeuvre de la citadelle, fut finalisée. Ses capacités opérationnelles furent développées par la construction d’une longue caserne périphérique sur l’étroit espace disponible entre le donjon et les remparts. Dès 1636, face à la menace espagnole consécutive à l’entrée de la France dans la guerre de Trente ans, ses défenses sur son front Est, son front d’attaque, avaient été renforcées par l’aménagement d’importants ouvrages de campagne : ouvrage à cornes et demi-lune. Ainsi fut affirmé davantage son rôle de défense de la frontière du royaume de France face à l’Espagne.
-
A la suite de l’inspection que Vauban y conduisit en 1685, la citadelle connut un certain nombre d’additions et de modifications réalisées par l’ingénieur François Ferry, également directeur provincial des fortifications et constructeur en 1680 de la citadelle de Bayonne. Il réalisa les travaux à Saint-Jean-Pied-de-Port de 1686 à 1689 et les poursuivit jusqu’en 1700 en application du projet de Vauban. Le donjon fut détruit et le sommet de l’éperon fut arasé, permettant la création d’une place d’armes intérieure. Ses capacités défensives furent accrues, d’abord par la réalisation de projets antérieurs non réalisés : création de la porte du secours avec sa tour-porte et sa poterne, ensuite par l’adjonction d’une enceinte périphérique extérieure, l’enceinte de combat. Les travaux inclurent l’aménagement d’abris souterrains, la mise en place de ponts-levis à bascule. Ils concernèrent également l’accroissement de ses capacités offensives par la construction de casernes additionnelles et d’un arsenal, réalisés par doublement de la largeur des bâtiments existants. L’aménagement d’une chapelle, la restauration de la porte royale, la construction d’une porte monumentale à l’entrée de la demi-lune royale et l’emploi du grès rouge, pierre solaire, en accrurent enfin la double valeur symbolique, politique et religieuse.
-
Repris lors de l’engagement français en Espagne de 1704 à 1713, durant la Guerre de succession, les travaux de poursuite du projet de Vauban, inclurent la construction d’une tenaille sous la porte royale et le début du renforcement du front Est, le front d’attaque, avec la construction d’un ravelin en maçonnerie couvrant la porte du secours et d’un pont, en partie pont-levis, d’accès à cette porte auquel un accès détourné était aménagé. La projet de Vauban fut donc poursuivi jusqu’en 1715, mais il resta inachevé de par la non réalisation de l’ouvrage à cornes prévu par lui sur le front d’attaque, jusqu’au ressaut de Gastellumendy.
-
Les défenses du front Est furent achevées en 1728 par le remplacement du ravelin récemment construit, par un assez important ouvrage d’artillerie, en forme de demi-lune « à la manière de Vauban », mais de base trop large pour être correctement flanqué par les bastions encadrant. Comportant abris et entrepôt souterrains, il fut relié par des gaines de circulation et des caponnières de liaison tant à la citadelle qu’à la place d’armes saillante aménagée dans le chemin couvert.
Bien
que les travaux de réalisation du projet établi par Vauban en 1685,
aient été poursuivis jusqu’en 1715, soit trente ans après son
inspection, et que l’ouvrage finalement construit treize ans plus
tard, en 1728, sur le front d’attaque, l’ait été sur un plan de
« demi-lune à la Vauban », cette citadelle n’est pas
son oeuvre. Dans la plupart des autres forteresses de cette époque,
qui nous sont parvenus, l’oeuvre de Vauban se mêle aux ouvrages de
ses prédécesseurs d’une manière inextricable. Dans cette
citadelle, il en va tout autrement, ce qui lui confère tout son
intérêt. Vauban, s’il marqua l’apogée de la fortification
bastionnée, n’en fut pas moins précédé par d’autres
ingénieurs dont les fortifications décrivent le cheminement qui
conduisit à ses chefs-d’œuvre. La citadelle de
Saint-Jean-Pied-de-Port constitue un exemple remarquable et rare de
la fortification bastionnée telle que la concevaient les ingénieurs
militaires de la première école française du début du XVIIe
siècle, sous Louis XIII. Elle met en lumière une page de l’histoire
de la fortification, en faisant revivre les débuts de l’art du
bastion en France, dont de Ville et Pagan furent les théoriciens.
Elle est représentative de son évolution à partir du XVIe siècle
durant la Renaissance, et plus particulièrement sous le règne de
Louis XIII, après la création en France, par Henri IV et Sully,
d’une école de fortification nationale dont Errard fut
l’initiateur. Tous ces « ingénieurs du Roy » de
la génération des précurseurs de Vauban édifièrent des ouvrages
qui préfigurent les chefs-d’oeuvre du Commissaire Général des
Fortifications de Louis XIV.
La
citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, citadelle de Louis XIII, est
l’œuvre de l’un des plus grands ingénieurs de son règne, son
ingénieur préféré, Pierre de Conty, seigneur de la Mothe
d’Argencourt. Primitivement construite d’un seul jet, elle est un
modèle typique de l’époque baroque dont elle présente les
caractéristiques, avec sa forme aussi géométrique que le terrain
le permet, ses quatre bastions, sans dehors à part une seule
demi-lune protégeant sa porte unique placée au milieu de la
courtine faisant face à la ville. Les travaux de rénovation, autant
ceux entrepris par Desjardins sur un projet de Duplessis-Besançon,
que ceux réalisés, à la suite de l’inspection de Vauban, par
Ferry dans sa manière archaïsante, héritage de sa formation sous
Clerville, ou par ses successeurs, furent de peu d’importance. Le
remaniement majeur porta sur l’agencement des casernements, dont
les façades intérieures sont ainsi d’époque Louis XIV. La
conception des ouvrages défensifs ne fut pas altérée. Comme celui
de Vauban, les projets postérieurs, très ambitieux, ne furent pas
exécutés en raison des priorités politico-stratégiques et des
contraintes budgétaires. Les travaux réalisés, souvent
reconduction des projets originels, restèrent fidèles à l’esprit
des constructeurs initiaux. La décision prise finalement de ne
renforcer son front Est face à l’Espagne que d’un simple ouvrage
en forme demi-lune « à la manière de Vauban » s’inscrit
paradoxalement dans le respect de leurs conceptions. Les travaux de
restauration du XIXe siècles, parfaitement identifiables, ne
provoquèrent aucune altération notable. Aucun ouvrage défigurant
ne fut greffé postérieurement. La citadelle, enfin, ne souffrit ni
des dommages du temps, ni des dégâts des guerres. Elle nous est
parvenue quasiment intacte, dans un excellent état de conservation.
Authentique
joyau de l’art baroque, ouvrage empreint d’une grande unité de
conception, la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port est l’une des
premières réalisations de l’art du bastion au début du XVIIe
siècle en France. Elle se révèle d’un intérêt majeur au plan
de l’histoire de l’architecture militaire, dont elle constitue un
témoin et un maillon. Elle marque l’étape historique,
chronologiquement intermédiaire entre l’enceinte bastionnée à
l’italienne de Navarrenx du XVIe siècle et la citadelle de Vauban
de Bayonne construite par François Ferry à partir de 1680. La
citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port est, avec l’enceinte de la
ville de Brouage, le seul exemple survivant d’une citadelle
construite par d’Argencourt, ingénieur du Roy Louis XIII.
1
L’année 1685 est l’année de la révocation de l’édit de
Nantes par l’édit de Fontainebleau en octobre 1685.
2
En 1694, un chanoine Denis Dujac était supérieur de la commanderie
d’Arsoritz ; il était le neveu du chanoine Nyert, qui
exerçait cette fonction en 1686.
3
Cf. source manuscrite n° 14.
4
Cf. source manuscrite n° 04-a.
5
Cf. source cartographique n°24-a et 24-b.
6
Cf. R. Faille et N. Lacrocq, bibliographie n°15.
7
Cf. source cartographique n°23.
8
Cf. source cartographique n°31.
9
Cf. source cartographique n°35-a.
10
Cf. source cartographique n°36.
11
Cf. A. Roux, N. Faucherre et G. Monsaingeon, bibliographie n° 23.
12
Voir planche n° 10.
13
Les chiffres entre ( ) renvoient au plan de la planche n°14 et à
sa légende de la planche n°15.
14
Voir glossaire.
15
Cf. source manuscrite n° 04-a.
16
Cf. source cartographique n° 25.
17
Cf. supra § 32.
18
Voir glossaire.
19
Les charrois de l’époque étaient tirés par six bœufs ou quatre
chevaux, mais Vauban note que « les petits charrois du pays
sont bien différents des nôtres ».
20
Cf. infra § 43.
21
Voir planche n°10.
22
Cf. source manuscrite n° 04-a.
23
Cf. source manuscrite n° 04-c.
24
Cf. D. Buisseret, bibliographie n° 14 (op. cit.).
25
Cf. A. Saint-Vanne, bibliographie n° 44 (op. cit.).
26
Cf. Commandant Blay de Gaix, bibliographie n° 30.
27
Cf. A. Saint-Vanne, bibliographie n° 44 (op. cit.).
28
Cf. R. Cuzacq, bibliographie n° 31.
29
Cf. P. Bidart, bibliographie n° 29 (op. cit.).
30
Cf. P. Hourmat et R. Poupel, bibliographie n° 36.
31
Cf. sources cartographiques n°23, 31, 35 et 36.
32
Cf. source cartographique n°31.
33
Cf. source cartographique n° 23.
34
Cf. source cartographique n° 35.
35
Cf. source cartographique n° 36.
36
Cf. P. Hourmat et R. Poupel, bibliographie n° 36 (op. cit.).
37
Arch. Dép. Pyr. Atl. 3 J 79.
38
Voir photographie n° 4.
39
Voir photographie n° 3.
40
Voir glossaire.
41
Voir planche n° 9.
42
Il est avéré que Charles Quint fit renforcer les défenses de
Pampelune par un ingénieur italien à son service vers 1530/35 et
que dans les années 1540 il fit appel à des ingénieurs italiens
pour fortifier plusieurs places dans les provinces des Pays-Bas
espagnols. Un plan de la ville de Burguette, juste au-delà du col
de Roncevaux, montre la cité entourée d’une enceinte bastionnée
à orillons qui pourrait remonter aux années 1540-50.
43
Cf. source cartographique n° 22.
44
Voir photographie n° 2.
45
Voir photographie n° 5.
46
Voir planche n° 13.
47
Cf. évangile selon Saint Jean.
48
La construction du port de Socoa et du fort destiné à en défendre
la rade date de 1627.
49
Le fort Saint Louis, qui était d’une taille comparable, fut
construit, en à peine six mois, par l’ingénieur italien Pompeo
Targone au service de Louis XIII, lors du blocus de La Rochelle de
1622.
50
A noter que la première manifestation en notre possession de
l’intérêt du pouvoir royal français pour sa frontière des
Pyrénées est en l’année 1614, l’établissement par Benedit de
Vassalieu, ingénieur du roi, d’une carte du « Havre de
Socoa et des bourgs de Saint Jean de Luz et Siboule » (20
octobre 1614).
51
Cf. supra § 23.
52
Voir photographie n° 6.
53
Cf. source cartographique n° 24-a.
54
Les chiffres entre ( ) renvoient aux numéros des bâtiments
indiqués sur le plan de la planche n°13 et sa légende de la
planche n°14
55
Voir glossaire.
56
Cf. source manuscrite n° 04-c.
57
Voir planche n° 11.
58
Conclusion du mémoire de Mr de Vauban: Cf. source manuscrite n°
04-a.
59
Cf. source manuscrite n° 01.
60
Les défenses de Bayonne, comprenaient le château vieux et un
château fort, le « château neuf » construit à partir
de 1451, lors de la reprise de la ville aux Anglais par le roi de
France Charles VII à la fin de la guerre de Cent ans, sur un plan
rectangulaire avec quatre tours d’angle et une cinquième sur le
côté faisant face à la ville. Elles ont été remodelées à la
suite de l’inspection de Vauban de 1680 et augmentées d’une
citadelle construite par François Ferry, assisté de Claude Masse,
à partir de 1681.
61
Cf. J.P. Rorive, bibliographie n° 22.
62
Les prédécesseurs de Ferry furent, semble-t-il, François Blondel
de 1655 à 1664, puis La Favollière.
63
Cf. sources cartographiques n° 24-a et 24-b.
64
Voir planche n° 11.
65
Voir glossaire.
66
Cf. source manuscrite n° 01.
67
Voir glossaire.
68
Cf. source cartographique n° 24-b.
69
Voir photographie n° 7.
70
Voir infra § 45.
71
Cf. sources cartographiques n°24-a et 24-b.
72
Cf. source manuscrite n° 02.
73
Cf. source manuscrite n°04-b, 04-c, et 04-d.
74
Cf. source cartographique n°21.
75
Cf. sources cartographiques n°27 et 28.
76
Cf. source cartographique n°26.
77
Cf. source cartographique n°29.
78
Cf. source manuscrite n° 15 et 16.
79
En 1715, fut par ailleurs rédigé par le duc de Gramont un mémoire
intitulé « Avis sur la démolition de Château Pignon »,
qui disparut lors de l’incendie du Dépôt des Fortifications. En
1715, le Château Pignon existait donc encore à cette date mais
devait être en ruines.
80
Cf. source cartographique n°21.
81
Cf. source cartographique n°28.
82
Voir glossaire.
83
Voir planche n° 11.
84
Voir planche n° 11.
85
Voir planche n° 12.
86
Cf. source manuscrite n° 04-c et cartographique n° 29.
87
En 1730, Jean-Baptiste Aymes est ingénieur en chef à Bayonne,
fonction qu’il occupa de 1718 à 1731, et Magdelon Touros, est
directeur des fortifications de Guyenne et des Pyrénées, en poste
à Bayonne où il poursuivit les travaux d’aménagement du Port
auxquels Ferry avait travaillé avant lui et où il construisit le
pont Saint-Esprit que Bérard reconstruisit à la fin du XVIIIe
siècle.
88
L’accès à cette gaine de circulation est actuellement impossible
et le mémoire de 1770 mentionne déjà « trois entrées de
contre-mines sans galerie ».
89
Cf. source manuscrite n° 04-b.
90
Cf. D. Pinzuti, bibliographie n°40.
91
Cf. sources manuscrites n° 15 et 16.
92
Cf. sources manuscrites n° 06, 07, 08, 09, 10, 11 et 12.
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