6. Documentation et remerciements
A- Mémoire de Vauban du 6 décembre 1685
MEMOIRE
de Monsieur de VAUBAN sur Saint-Jean-Pied-de-Port (6 décembre 1685)
Référence
Manuscrits
de la bibliothèque du SHAT - Bibliothèque du Génie :
Mémoires
militaires, Cabinet de Mr le Colonel Bérard,
(SHAT Ms in 4° 87)
Page
39 : Mémoire de Mr
de Vauban sur Saint Jean Pied de Port
Page
41: « St Jean Pied de Port, 1685
Avis
de Mr de Vauban sur la fortification de
Saint Jean Pied de Port (daté du 6 décembre 1685)
Situation
et Figure de la Citadelle
Elle
est assise sur la croupe d’une longue, étroite et basse montagne,
assez éloignée des plus hautes pour n’être que médiocrement
incommodée des commandements quand elle sera mise de meilleur état
qu’elle n’est. Elle est de figure quarrée longue ayant les deux
petits côtés extérieurs de son polygone de cinquante cinq toises1
de long chacun et les deux plus longs de quatre-vingt et quoique la
plus petite du royaume, elle occupe tout l’espace de sa situation
si bien qu’elle n’a, ni ne peut avoir de fossez ni de chemin
couvert le long de ces longs côtés mais seulement une berme2
de douze quinze à seize pieds de large au pied de son revêtement et
sur le petit front du côté de la ville une demi-lune imparfaite,
quoique revêtue, avec quelques petits ouvrages de terre mal tournés,
et presque effacés, et sur l’autre front opposé une demi-lune de
terre très mal flanquée avec un ouvrage tenaillé fort bas qui lui
servait autrefois de chemin couvert, ensuite de quoi il n’y a plus
que la continuation de la même hauteur entrecoupée de quelques
commencements d’ouvrages effacés, outre lesquels on remarque les
vestiges d’une corne qu’on a eu pensée d’y faire, mais que
l’on ne reconnaîtrait pas pour telle, si on ne l’entendait dire
à ceux qui en ont oui parler.
Par
delà ce terrain dont la superficie a autrefois été aplanie se
continue en [ ] et si élevé jusqu’à commander à la place,
mais cette élévation est peu considérable, et ce qui pourrait
incommoder est si étroit qu’il est aisé de s’en défaire, le
reste de la montagne s’allonge avec beaucoup de hauts et de bas,
fort inégaux bien loin au delà, mais à quelques deux cents
cinquante toises de là, il y a une place d’armes très assurée
pour l’ouverture de la tranchée qui, selon toute apparence se fera
par là. Au surplus le corps de la place qui est tout ce qu’il y a
dont on puisse faire cas et bien revêtu quoique un peu fracturé et
ses défenses sont bien observées, mais les logements y sont
mauvais, bas, écrasé et en médiocre quantité, les magasins très
petits, d’arsenal point du tout non plus que de chapelle ni d’autre
logement nécessaire à une place de guerre, au contraire la tête de
la montagne est restée au milieu de la place qui a six toises de
haut depuis le niveau de la place d’armes jusqu’au sommet sur
laquelle il y a un donjon assez logeable, cette petite montagne
occupe tout l’espace, enfermé par les bâtiments de manière qu’on
ne peut faire ceux qui sont nécessaires qu’elle ne soit ôtée.
A
l’égard de sa distance aux lieux plus considérables du voisinage,
elle est à huit lieux (du pays, qui sont fort grandes), de Bayonne,
autant et plus de Navarreinx, dix d’Oloron, quatre de l’abbaye de
Roncevaux, dix de Pamplone et autant de Fontarabie. Elle est séparée
en deux par la Nive qui a sa source à deux lieues par-dessus ;
enfin elle est située au pied des grandes montagnes à l’entrée
du fameux défilé de Roncevaux, le seul passage un peu raisonnable
qu’il y ait pour entrer dans la Haute-Navarre, depuis là jusqu’à
Fontarabie. La petite montagne, sur laquelle elle est assise, fait
presque le centre d’une assez jolie vallée formée par la
rencontre de trois rivières qui se joignent à quelques mille toises
au dessous de la place. Ces trois rivières sont la Nive, la Beorlaye
(Nive de Béhorléguy) et l’Arnaye (Nive d’Arnéguy), chacune
desquelles forme une vallée en son particulier et, à la jonction
des trois, celle de Saint Jean pied de Port. Outre quoi il y en a
encore une quatrième au-dessous qui est belle et considérable.
Toutes les vallées sont fertiles et peuplées d’une vingtaine de
paroisses dont la plus éloignée n’est qu’à une lieue et demie
de Saint Jean, assez bon pays où il croît pain, vin, viande et
fourrage.
La
Ville
Elle
est située sur l’un des côtés de la rampe au pied du château
comme il est représenté au plan, composé de quelques cent quinze
maisons et de 28 à 30 places où il y en a eu ; elle a été
autrefois assez bien fermée de murailles, il y en a même une bonne
partie d’assez bonnes qui subsistent encore et toutes les Portes
qui paraissent fort anciennes et de même temps, aussi les dit-on
bâties dès le règne et par les ordres de Charlemagne. Cette ville
est fort petite et consiste en une seule rue assez étroite si roide
qu’à peine y peut-on faire monter les petits charrois du pays qui
sont bien différents des nôtres. Elle est séparée en deux par la
Nive sur laquelle il y a un pont de pierre assez bien fait.
D’ailleurs les maisons sont mal bâties et le pavé des rues est
mal entretenu.
Ses
Défauts
Ceux
de la citadelle sont premièrement sa petitesse qui la rend incapable
d’une grosse défense et de pouvoir contenir les munitions
nécessaires
2°
d’être commandée de hauteurs prochaines à ne pouvoir demeurer
dans ses bastions,
3°
de n’avoir point de parapet à l’épreuve, ni même qui soient
terrassés,
4°
point de porte de sortie, ni de traverse,
5°
point de dehors,
6°
de très mauvais bâtiments et en petite quantité,
7°
la difficulté de ses accès pour les charrois,
et
8° les défauts des citernes, n’ayant qu’un seul puits qui
quoique bon n’est pas suffisant pour une place, y pouvant arriver
des accidents qui le rendront inutile.
A
l’égard de la ville, son premier et principal défaut est d’être
très mal située, petite et incapable de beaucoup de bâtiments,
2°
d’être toute ouverte,
3°
la mauvaise tournure des murs qui lui restent quoique très
solidement bâtis,
4°
d’être commandée de revers, d’écharpe et d’enfilade de tout
ou la plus grande partie des environs, d’ailleurs fort incommode
dans les rues où l’on ne peut se servir de charrois,
5°
d’avoir des maisons très mal bâties, peu commodes et les moulins
dehors,
et
le 6° de se trouver dans une situation très bizarre et si difficile
à corriger qu’on ne la peut bastionner sans en exposer toutes les
pièces aux enfilades et vues de revers dont il est parlé ci-dessus.
Son
Importance
Il
suffit de dire qu’elle est à l’entrée du passage de Roncevaux
pour juger de sa conséquence et d’ajouter que la France n’a
point d’autre place de ce côté et qu’elle n’est qu’à une
lieue ou deux de ses plus grands ennemis et que, soit qu’on ait
égard à l’offensive ou à la défensive, il est de toute
nécessité d’y avoir un lieu sûr afin que sa résistance puisse
donner le temps au pays de se rallier et de se mettre en état de le
secourir si on était sur la défensive et de pouvoir contenir les
munitions nécessaires à une offensive.
Toutes
ces choses bien et mûrement considérées par Sa Majesté, si elle
juge à propos pour le bien de son service, de la mettre dans un état
capable de sûreté et commodité ci-dessus, voici ce qui parait
qu’on y puisse faire de mieux, eu égard au besoin qu’on en peut
avoir en tout ce qui se peut exiger du lieu et à sa dépense ».
B- Correspondance de Vauban du 2 février 1706
Projet
de Paix de Vauban pour le Roi (Plaisir le 2 février 1706) - Extrait
Référence
Manuscrits
de la bibliothèque du SHAT - Bibliothèque du Génie:
« Correspondances
de Vauban », SHAT Ms in fo
33 K
Projet
de Paix fait à Plaisir le 2 février 1706
Du
côté d’Espagne, nous ne sommes couverts que par Bayonne qui n’est
pas bonne place, ni à beaucoup près achevée.
Saint-Jean-Pied-de-Port ne vaut pas grand chose, non plus que Lourde.
Le
vrai moyen de la bien sortir d’affaire est la Paix aux conditions
énoncées dans le commencement de ce mémoire.
C- Correspondance du marquis de Seignelay du 15 janvier 1686
Référence
Manuscrits
de la bibliothèque du SHAT - Bibliothèque du Génie :
« Correspondances
de Vauban” - Tome 6: 1684-1687, (SHAT Ms in fo
31)
Dépôt
des fortifications
15
janvier 1686
Colbert
à
Vauban
|
Versailles
|
Mr
de Colbert à Mr de Vauban
|
J’ai
été longtemps sans vous écrire parce que j’estimais devoir
auparavant rendre compte au Roi des différents mémoires et dessins
que vous m’avez envoyés. Et je commence aujourd’hui cette lettre
pour vous dire que j’ai vu avec grand plaisir ce que vous m’écrivez
sur le sujet du canal de communication des mers et les assurances que
vous me donnez qu’il y a des moyens faciles pour conserver toute
l’eau nécessaire pour maintenir la navigation pendant toute
l’année et pour empêcher les inconvénients qui sont arrivés par
les avalasses4
d’eau qui ont souvent comblé le canal en plusieurs endroits. Je
souhaite fort que vous trouviez les moyens de la joindre à peu de
frais à la Robine5
de Narbonne et qu’enfin ce grand ouvrage qui ne pouvait recevoir la
perfection que par les soins d’un aussi habile homme que vous, se
trouve en état de servir toute l’année à la communication des
deux mers.
Je
ne doute point pareillement que vous n’ayez fait un projet pour
rassurer la navigation depuis Toulouse jusqu’à Moissac et je vous
avoue que j’attends avec grande impatience les mémoires que
j’espère que vous m’enverrez sur tout cela.
J’ai
bien peur que vous ne soyez pas aussi content du port de Sète que du
reste vous avez vu mais j’espère que vous connaîtrez la nécessité
indispensable qu’il y a tant par rapport au canal que par rapport à
la navigation des galères du Roi de rendre ce port meilleur qu’il
n’est. Vous chercherez et trouverez tous les expédients qui
peuvent y faire parvenir.
J’ai
examiné tout ce que vous m’avez écrit sur le fort de Brouage et
des marais salants. Et comme il n’y a rien de plus juste et de
mieux pensé que ce que vous proposez, je cherche à préparer les
moyens de faire faire ce travail sans qu’il en coûte rien au Roi
et j’espère qu’à votre retour ici cette affaire sera en état
d’être exécutée après que j’aurai encore communiqué avec
vous pour prendre les dernières résolutions sur cela.
J’ai
rendu compte au Roi de ce que vous m’écrivez sur Bayonne et des
nouveaux projets qui étaient joints à votre lettre. Sur quoi j’ai
à vous dire que Sa Majesté ayant diminué les dépenses des
fortifications de 1686, il n’a été fait qu’un fonds de 100
francs pour les ouvrages ordonnés cette année pour cette place dont
j’enverrai dans peu l’état au Sieur Ferry pour y faire
travailler aussi tôt que la saison le permettra.
A
l’égard des places des Pyrénées, j’ai vu et examiné tous les
plans et mémoires que vous m’en avez envoyés. Comme il est bon de
se préparer à travailler dans les endroits que vous estimerez les
plus nécessaires, je vous prie, à votre premier loisir, d’examiner
à quoi l’on pourrait le plus utilement employer 50 ou 60 mille
livres qui est tout le fonds que Sa Majesté a fait pour ces places.
Mais celle de Saint Jean Pied de Port me paraissant la plus
importante, il y faudra jeter toute la dépense parce que, si dans la
suite on avait besoin d’une place d’armes de ce côté là pour
les entreprises que le Roi pourrait faire, ce serait plutôt du côté
de Pampelune par la Navarre que du côté de l’Aragon. J’écris
en conformité au Sieur Ferry afin qu’il fasse disposer les choses
à Saint Jean Pied de Port pour en commencer les ouvrages aussitôt
qu’ils seront réglés.
Je
vois ce que vous m’écrivez sur le sujet des ingénieurs que je
vous avais demandé. J’attendrai à vous en entretenir quand vous
serez ici.
La
connaissance que j’ai de la nécessité pressante qu’il y a pour
le service du Roi de pouvoir construire des formes à Toulon me fait
souhaiter expressément d’en trouver les moyens et c’est à quoi
je vous prie de vouloir vous appliquer fortement avec le général
Hiquel qui apparemment vous aura joint sur votre route du canal.
Le
sieur de Lanclos, garde de marine, de qui vous m’avez parlé, a été
fait enseigne dans la dernière promotion et j’ai été bien aise
de le faire puisque vous m’avez témoigné prendre part à son
avancement.
Je
crois que Mr de Langeron pourra vous dire que c’est à votre
considération particulière que j’ai voulu passer sur bien des
fautes que sa légèreté lui avait fait faire à mon égard et que
je vous prie de croire que dans tout ce que vous pourrez désirer de
moi, vous y trouverez toujours des marques sincères de l’estime
que j’ai pour vous.
Je
parlerai au Roi pour votre gratification et je vous en donnerai des
nouvelles dans peu.
Comptez
que je suis véritablement à vous.
Colbert.
REMERCIEMENTS
Un
parcours de recherche ne saurait être un travail solitaire. Fruit de
rencontres et de soutiens, il procède d’une convergence de
réflexions. Aussi, je tiens à exprimer ma reconnaissance à tous
ceux qui m’ont aidé et encouragé dans mon étude, aux personnes
qui ont nourri ma réflexion et m’ont fourni des pistes
d’approfondissement, à toutes celles et tous ceux qui m’ont fait
profiter de leur compétence.
Je
tiens à remercier tout particulièrement le Professeur
Jean-Christophe Romer, docteur en histoire, directeur du Centre
d’Etudes d’Histoire de la Défense, qui m’a honoré de sa
confiance et a pris la décision de publier le résultat de mes
travaux.
J’exprime
ma sincère gratitude à mon directeur de recherches, monsieur
Jean-François Pernot, docteur en histoire, maître de conférences
au Collège de France. Notre rencontre fortuite sur le site même de
la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, est à l’origine de ce
travail qu’il m’a incité à entreprendre. C’est dans le cadre
de la commission « Histoire de la fortification - Séminaire
Bastion » qu’il dirige, au sein du Centre d’Etudes
d’Histoire de la Défense, que j’ai effectué cette recherche. Je
lui suis gré de m’avoir stimulé par son érudition, de m’avoir
soutenu et dirigé tout au long de ces quatre années. Je le remercie
du temps qu’il m’a consacré, notamment d’avoir relu, enrichi,
corrigé et critiqué mes manuscrits initiaux.
Ma
reconnaissance va également aux membres du « Séminaire
Bastion » ainsi qu’aux divers intervenants éminents qui ont
participé à ses travaux. Ma gratitude s’étend aux membres des
autres séminaires du CEHD, notamment de la commission « Nouvelle
histoire bataille » dirigée par monsieur Laurent Henninger,
qui m’ont permis d’élargir le champ de ma réflexion. Ce fut un
véritable plaisir de travailler dans cet environnement
pluridisciplinaire fructueux.
Je
suis reconnaissant aux conservateurs et bibliothécaires du SHAT, au
premier rang desquels madame Salat, chef de division, et monsieur
Barros, son adjoint, qui m’ont indiqué les pistes de recherches et
ont guidé mes pas dans le labyrinthe du département archives et
bibliothèques. Je n’oublie pas avoir bénéficié de l’aide
bénéfique de madame Emilie d’Orgeix. Je remercie monsieur Nicolas
Faucherre, maître de conférences à l’université de La Rochelle,
de ses conseils encourageants.
Ma
recherche a inclus une étude sur le terrain qui n’aurait pas été
possible sans l’accueil bienveillant de monsieur Fariscot, le
principal du collège installé dans la citadelle et l’expertise de
monsieur Erramoun, entrepreneur en retraite, dont l’œil averti m’a
aidé à déceler les variations du bâti. Enfin, c’est avec
plaisir que je félicite madame Verdun, intendante du collège, qui
avait eu, lors d’anciens travaux de toiture, la perspicacité de
faire photographier la cloche du lanternon.
Je
remercie enfin mon épouse pour sa patience à m’écouter et à me
relire.
1
Toise : 1,949 m.
2
Cf. glossaire.
3
Il s’agit du fils de Jean-Baptiste Colbert, connu dans l’histoire
sous son titre de marquis de Seignelay, qui, à la mort de son père
en 1683, lui succéda dans ses fonctions de secrétaire d’état à
la marine : Cf. notices biographiques.
4
Avalasse : cours d’eau torrentiel qui descend soudainement
des montagnes à la suite de pluies abondantes ou de fonte des
neiges.
5
Robine : nom donné dans le midi de la France à certains
canaux notamment ceux qui font communiquer les étangs salés à la
mer.
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