VII. La place de Saint-Jean-Pied-de-Port aux XVIIIe et XIXe siècles. Conclusion

Les sources archivistiques, manuscrits, cartes et plans, atlas, consultées au cours de la présente étude ne limitent pas leur propos à la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port. Tant pour répondre au besoin de renseignements d’ordre militaire qu’en respect de la tradition humaniste, ingénieurs du roi et officiers du génie décrivent également une description de la cité. Ils font le point de l’état de ses fortifications. Ils définissent les travaux de rénovation, ou de renforcement, de l’enceinte nécessaires au maintien de ses capacités de défense. Ils donnent les caractéristiques principales de la ville, de sa population, de sa géographie et de son activité économique, facteurs de sa capacité à soutenir tant un siège que des opérations militaires offensives. Les archives conservées au SHAT, notamment la bibliothèque de l’ancien dépôt des fortifications1, implantée dans le pavillon du roi, et le fonds des archives du génie2 déposé au pavillon des armes du château de Vincennes, nous permettent ainsi de bien connaître les divers projets, souvent fort ambitieux, de construction d’une véritable place forte, englobant citadelle et cité, qui se sont succédé tout au long des XVIIIe et XIXe siècles. Le premier d’entre eux fut celui de Vauban auquel tous les suivants se réfèrent. Leurs auteurs étaient les disciples, plus ou moins lointains, d’Errard, de Pagan, d’Argencourt, du Chevalier de Ville ou du Maréchal de Vauban. Ces projets sont établis en réponse aux évolutions de la situation politique internationale sur la frontière des Pyrénées, à laquelle ils font en quelque sorte écho, mais leurs ambitions sont limitées par les contraintes budgétaires. L’avis de Monsieur de Vauban signé en 1685 est très succinct pour ce qui concerne la ville. Le mémoire le plus ancien en notre possession qui en donne une description détaillée est celui de Monsieur de Salmon datant de 1718. Ces deux documents, complétés par les cartes d’époque, nous permettent cependant de connaître avec une assez bonne précision la situation de la place au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles. Comme pour la citadelle, les documents antérieurs sont des plans et des cartes dont les plus anciens remontent au milieu du XVIIe siècle. Bien que leur interprétation soit plus délicate, ils nous donnent quelques indications intéressantes sur l’état de la cité à l’époque. Les mémoires rédigés au XVIIIe siècle par les ingénieurs du roi successeurs de Salmon, nous donnent une bonne connaissance de son évolution au cours du siècle. Au XIXe siècle, les rapports périodiques, précis et détaillés, et les projets avec plans associés, établis par les officiers du génie, nous permettent de connaître avec une excellente précision les travaux de fortification alors réalisés.

71- La CITE à l’aube du XVIIIe siècle

Ainsi, la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port, telle qu’elle se présentait au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, nous est bien connue grâce aux descriptions qu’en ont fait Vauban, puis Salmon dans leurs mémoires respectifs de 1685 et 17183. Ces descriptions sont confirmées et précisées par les plans et atlas d’époque. Les cartes plus anciennes, consultables dans les divers sites de la Bibliothèque Nationale de France, permettent, pour certaines caractéristiques, de faire remonter notre connaissance aux années 1650.
Un document cité par les historiens locaux décrit la cité en 1644 comme « renversée plutôt qu’assise » au pied des Pyrénées. Ceci suggère que la ville à cette date porte encore les stigmates des guerres dynastiques, civiles, extérieures et religieuses, du siècle précédent, ce que Vauban quarante ans plus tard confirme implicitement. En 1685, il écrit que la ville,
fort petite, est composée de quelques cent quinze maisons et de 28 à 30 places où il y en a eu. Les maisons sont mal bâties et le pavé des rues est mal entretenu. Cette ville est fort petite et consiste en une seule rue assez étroite si roide qu’à peine y peut-on faire monter les petits charrois du pays qui sont bien différents des nôtres. ».
L’intendant Le Bret écrit en 1700 dans ses Mémoires sur la Navarre et le Béarn4 que
La capitale (de la Navarre) qui est Saint-Jean-Pied-de-Port’ est une ville tout à fait ruinée et composée seulement d’une rue qui contient 80 à90 maisons.
En 1718, pour Salmon,
la ville est composée de cent maisons qui sont, exceptées quelques-unes, assez mal bâties, de quinze masures et de vingt-cinq emplacements que la pauvreté des habitants ne leur permet pas de rétablir. Il y a environ 500 habitants dans la ville de tout âge et de tout sexe; ils sont courageux et laborieux, guerriers prenant volontiers les armes pour leur défense, fidèles et attachés au Roy en bons sujets, l’esprit vif mais d’une fortune des plus médiocres, n’ayant aucun commerce dans le pays.

La ville est séparée en deux par la Nive sur laquelle il y a un pont de pierre d’une seule arche très solide et bien construit, attesté dès 1685, mais qui semble alors de construction assez récente. Il figure sur la carte de Desjardins de 1645, ce qui pourrait confirmer sa construction en 1634, conclusion récente de chercheurs régionaux. Le quartier appelé « quartier de Sainte-Marie » sur la rive droite de cette rivière, est directement situé au pied de la citadelle, sur la pente de l’éminence sur laquelle elle est édifiée. Ce quartier fort petit consiste en une seule rue assez étroite, la rue Sainte-Marie dont le pavé est mal entretenu. D’après Vauban, elle est « si roide qu’à peine y peut-on faire monter les petits charrois du pays, qui sont bien différents des nôtres. Salmon précise que « l’intérieur de ce quartier de Sainte-Marie consiste en une seule rue qui est si roide en allant vers la citadelle sur les deux tiers de sa longueur que difficilement on y fait passer les chariots du pays qui sont des plus petits que l’on ait vus, et traînés par des bœufs ». Les plans d’époque consultés indiquent une rue transversale, correspondant à la ‘rue de France’ actuelle, reliant la rue Sainte-Marie à l’église Sainte-Eulalie. Le plan du sieur Masse indique qu’en 1689, la « maison de ville » était installée dans le bâtiment indûment dénommé actuellement « Prison des évêques ».
Le second quartier de la ville, appelé « quartier de Saint-Michel », à la gauche de la Nive, n’est pas décrit par Vauban, mais il figure dans les plans de 1676, 1683 et 17155 conforme à la description qu’en donne Mr de Salmon en 1718. Ce quartier avait à cette date la forme d’un rectangle, d’un « carré long » irrégulier, le terrain remontant un peu depuis le pont sur la Nive jusqu’à l’actuelle porte d’Espagne mais aisément carrossable, « d’une pente assez douce pour la facilité des voitures ». Il consiste, comme le quartier de Sainte-Marie, en une seule rue bordée de maisons, la rue Saint-Michel rejoignant la rue Sainte-Marie au pont sur la Nive. La carte de Desjardins, d’environ 1645, ne lui donne pas encore la dénomination de « quartier », mais de « faubourg » : le « Faubourg Saint-Michel », confirmant bien ainsi qu’il est alors situé hors les murs. Sur les plans les plus anciens, la rue Saint-Michel s’arrête plus bas que l’actuelle porte d’Espagne et aucune rue transversale ne figure. Au XVIIe siècle donc, ce quartier était encore en cours d’extension. La rue d’Uhart n’apparaît sur les plans qu’à la fin du siècle.
A ces deux quartiers, s’ajoute le « Faubourg d’Ugange » qui, sur la rive droite de la Nive, de part et d’autre du ‘‘Grand Chemin de Bayonne et Navarrenx en contrebas de l’actuelle porte de France, comprenait alors une douzaine de maisons regroupées autour de l’église paroissiale de Sainte-Eulalie. Ce faubourg figure sur les cartes, mais il n’est l’objet que de courtes mentions dans les mémoires d’époque. L’église paroissiale de Saint-Jean-Pied-de-Port se trouve donc située hors de l’enceinte des murailles. Le bâtiment cultuel, situé en partie basse du quartier Sainte-Marie, au bord de la rivière, bien que dimensions presque deux fois plus grandes que l’église paroissiale, n’est alors qu’une chapelle, desservie par le clergé de la paroisse Sainte-Eulalie. Les plans les plus anciens lui donnent le nom de chapelle « Saint-Jean » ou « Sainte-Marie ». A la fin du XVIIe siècle, elle prend le nom de chapelle « Notre-Dame », puis celui définitif de chapelle « Notre-Dame-du-bout-du-pont ». L’église Sainte-Eulalie est parfois dénommée « Notre-Dame d’Ugange ».

Le quartier de Sainte-Marie, dont le plan forme un demi-cercle irrégulier, est fermé par une vieille enceinte de murailles solidement bâties, de vingt pieds de hauteur (soit près de sept mètres) sur cinq pieds d’épaisseur (soit près de deux mètres), mais sans fossé. Cette muraille médiévale est bâtie en appareil régulier de moellons taillés, sans contrefort. Elle s’étend alors de la porte d’Haraconcia jusqu’à la rivière Nive, le long de laquelle elle effectue un retour d’une vingtaine de mètres, puis s’arrête aux premières maisons bâties à l’aplomb du lit de la rivière. Les officiers du génie ont, au XIXe siècle, étudié avec soin les fondations de ces maisons. Ils ont conclu dans leurs rapports qu’aucune muraille n’avait été antérieurement construite le long de la rive à cet emplacement. L’enceinte se poursuit au delà de ces maisons par une porte, donnant accès au pont sur la Nive, puis sous la forme du mur extérieur de la chapelle Notre Dame qui était fortifiée. Elle se termine par une muraille qui remonte la pente depuis le chevet de la chapelle Notre-Dame jusqu’à se raccorder à l’enceinte de sûreté extérieure de la citadelle, en dessous du bastion Saint-Jean. De même, à l’autre extrémité de l’enceinte, une muraille raccorde la porte d’Haraconcia à l’enceinte de sûreté en dessous du bastion du Roy. Cette muraille est, au tournant du XVIIIe siècle, assez délabrée et dépourvue de parapet6, ce qui signifie que le parapet médiéval, probablement formé d’une succession de créneaux et de merlons, peut-être percés d’archères, a été détruit au cours des guerres successives qui ont ravagé le pays aux XVe et XVIe siècles. Selon Vauban, la ville « a été autrefois assez bien fermée de murailles, il y en a même une bonne partie d’assez bonnes qui subsistent encore » et l’un des défauts de la place est « la mauvaise tournure des murs qui lui restent quoique très solidement bâtis ». Les plans font apparaître quelques brèches dans la muraille en contrebas de l’actuelle porte Saint-Jacques, de part et d’autre du coude en angle droit qu’elle fait le long de la route départementale actuelle menant au village de Caro.
La muraille, autour du quartier de Sainte-Marie, est percée de portes, au nombre de quatre à l’époque comme aujourd’hui, qui ont alors pour noms:
  • Porte d’Haraconcia7 (aujourd’hui Porte Saint-Jacques) qui, en haut de la rue Sainte-Marie, donne accès hors de l’enceinte à la rue de Scalapuria8 ;
  • Porte de Bayonne (aujourd’hui Porte de France) où arrive le grand chemin de Bayonne et Navarrenx ;
  • Porte des deux moulins (aujourd’hui Porte du Marché) d’où un chemin conduit au moulin royal, puis au pont en bois le reliant au second moulin qui lui fait face sur la rive gauche de la Nive ;
  • Porte de Nive (aujourd’hui Porte Notre-Dame) qui donne accès au pont sur la Nive, mentionné plus haut, reliant les deux quartiers, également appelée Porte Notre-Dame sur des plans plus tardifs datant du milieu du XVIIIe siècle.
Toutes ces portes sont alors très anciennes et assez délabrées au point qu’elles paraissent à Vauban « fort anciennes et de même temps, aussi les dit-on bâties dès le règne et par les ordres de Charlemagne ». Pour Salmon, « lesquelles sont toutes délabrées aussi bien que cette enceinte au devant de laquelle il n’y a pas de fossé » .Les plans du XVIIe siècle donnent à la porte de Nive une profondeur plus faible qu’aujourd’hui. Le plan de Desjardins de 1645 n’y indique qu’un passage vers le pont, mais pas de porte. Comme nous le verrons, elle a été reconstruite en 1777. La porte de Bayonne y est indiquée sous la forme d’un bâtiment d’une plus grande profondeur, environ 15 à 20 mètres sur 10 mètres de largeur, faisant nettement saillie en avant de l’enceinte. En 1774, le corps de garde de la porte de Bayonne, installé au premier étage de cette porte fut en partie détruit par un incendie, elle aurait donc été reconstruite alors. Sur certains plans antérieurs à 1685, la maison de ville est indiquée dans cette porte, vraisemblablement au premier étage de celle-ci. Le plan du sieur Masse donnant la situation de 1689 est le plus ancien qui mentionne la maison de ville dans le bâtiment connu aujourd’hui sous la dénomination de « prison des évêques », dans la partie haute de la rue Sainte-Marie. Sur certains des plans du XVIIe siècle les plus anciens, la porte d’Haraconcia apparaît comme une simple brèche dans la muraille. Ainsi, la porte des deux moulins, qui, d’après les sources consultées, n’a pas connu de reconstruction et apparaît sur tous les plans avec ses caractéristiques actuelles, serait la seule des portes actuelles de la vieille enceinte, qui pourrait être d’origine.
Tous les plans des XVIIe et XVIIIe siècles indiquent une porte supplémentaire, la « Porte Saint-Jacques », contiguë à une chapelle éponyme, isolée, qui n’est rattachée à aucune enceinte, ou vestige d’enceinte, en contrebas du bastion Saint-Jacques de la citadelle, à l’extrémité de la rue de Scalapuria. Au-delà de la porte Saint-Jacques commence le chemin de la Madelaine. Aujourd’hui, une croix en fer forgé se trouve à cet emplacement, au point le plus élevé du « chemin de Saint-Jacques », au croisement de celui-ci avec le « chemin de la citadelle ». Entre cette porte Saint-Jacques et la porte d’Haraconcia, de part et d’autre de la rue de Scalapuria, les plans indiquent de trente maisons, pour les plans les plus anciens, à quinze maisons, pour le plan de 1689. Pour le sieur Masse, auteur de ce plan, ces maisons constituent un faubourg dont il ne précise pas le nom.
Quant au faubourg ou quartier de Saint-Michel, il ne comportait pas de muraille à l’époque. Mais le plan de Desjardins de 1645, montre qu’il est entouré d’un large talus en terre non maçonnés, et peut-être doublé d’un fossé, qui lui sert d’enceinte défensive. Le tracé, confirmé par les autres plans antérieurs à la venue de Vauban, est de forme quasi carrée. Ses deux côtés parallèles à la rue Saint-Michel, correspondent à la rue de Zuharpeta et à l’avenue du fronton actuelles. Il se raccorde sur la Nive à la muraille entourant le quartier de Sainte-Marie. Le côté Est-Ouest de cette enceinte est percé d’une porte en partie haute de la rue Saint-Michel, qui semble quelque peu en contrebas de la porte d’Espagne actuelle, peut-être à hauteur des rues « de la fontaine » et « de la liberté » actuelles, qui pourraient suivre le tracé du fossé qui doublait cet élément d’enceinte. Il est vraisemblable qu’en même temps qu’à la citadelle, des ouvrages de circonstance ont été construits à la hâte autour de ce faubourg de la ville en 1636, lors de l’alerte provoquée à la frontière par le rassemblement de troupes espagnoles à Roncevaux et Burguette. Une comparaison du plan de Desjardins de 1645 et du projet de Vauban de 1685 confirme que la rue Saint-Michel semble avoir gagné en longueur entre ces deux dates. Quant au faubourg9 d’Ugange, autour de l’église paroissiale Sainte-Eulalie, il ne disposait d’aucune enceinte définitive ou de circonstance à aucune époque.
La ville de Saint-Jean-Pied-de-Port est alors divisée en deux paroisses distinctes. Le quartier Sainte-Marie et le faubourg d’Ugange constituent une première paroisse ; dont l’église Sainte-Eulalie, située en dehors de l’enceinte de la ville est l’église paroissiale. Le curé porte le titre de ‘prêtre-major’, avec un revenu, « non compris le casuel », de 700# (livres ?) par an. Salmon précise que l’église située dans la ville, « quoiqu’elle soit plus grande, n’est qu’une simple chapelle pour la commodité du public. Le curé d’Ugange est chargé de la faire desservir, étant pour le soulagement de sa paroisse ». Le quartier de Saint-Michel appartient à la « paroisse de Huart » où il n’y a de même qu’un curé dont le revenu est à peu près égal à celui de l’autre paroisse. A ces deux curés, s’ajoutent deux prêtres ayant des prébendes laïques de 100# et 200# de revenu, ainsi que cinq ou six autres prêtres qui n’ont d’autre revenu que leurs patrimoines « et leur casuel qui n’est pas considérable ». Cette organisation religieuse mérite d’être soulignée, car elle indique qu’à l’origine, au Moyen-Âge, le quartier de Saint-Michel avait été créé par extension du village d’Huart sur la rive gauche de la Nive. C’est vraisemblablement après la construction du pont sur la Nive le reliant directement au quartier de Sainte-Marie et le transfert d’itinéraire du ‘grand chemin d’Espagne’ qui abandonnait le pont d’Eyheraberry, que ce faubourg fut rattaché administrativement à Saint-Jean-Pied-de-Port.
Quand il aborde l’organisation de la magistrature municipale, Salmon précise que :
les deux quartiers de la ville, quoique de paroisses différentes d’Ugange et de Huart ne font qu’une même juridiction sous le même magistrat. Le magistrat se compose d’un maire qui est en titre et permanent, quatre jurats qui changent tous les ans, qui sont élus par les bourgeois qui ont été jurats et cette élection se fait le premier de l’an.
Les jurats commandent, lorsqu’elle prend les armes, la compagnie de milice de cent hommes mise sur pied par la ville. La justice relève d’un procureur du Roy qui reçoit des patentes de Sa Majesté. Il est assisté d’un greffier. Salmon indique que :
le corps du magistrat est juge civil et criminel dans la ville et juge criminel dans toute l’étendue de la chastellenie qui est composée des villes de Baïgorry, Osses, Iholdy, Armendarry, Irissary et Pays de Cize. Le magistrat a pouvoir de juger à mort et les appels sont relevés au Parlement de Navarre qui est scéant à Pau.
En outre,
un juge royal, appelé alcade qui est nommé par le Roy, tient son siège dans la ville mais sa juridiction n’est que pour le civil dans la vallée et pays de Cize. Il a son greffier.
Enfin, au plan de la justice religieuse, Saint-Jean-Pied-de-Port est alors un siège d’officialité, composé d’un official nommé par l’évêque de Bayonne, un « promoteur » et un greffier.
En 1718, Salmon précise
qu’il n’y a point de citerne, de puits, ni de fontaine dans la ville, mais il y a quelques sources au dehors fort à portée et les habitants se servent de l’eau de la rivière qui est très bonne, excepté lorsque la fonte des neiges la rend trouble et bourbeuse. On pourrait construire une fontaine dans la ville, y ayant une source assez à portée qui donnerait au moins 10 barriques d’eau par jour.
La santé publique est alors encore déficiente. Salmon indique brièvement qu’« il n’y a aucun hôpital fondé à la ville pour les pauvres ». Quant au confluent de La Nive de Béhérobie, de la Nive d’Arnéguy et du Laurhibar, il est dénommé « Les Trois Eaux » dès le plan de l’atlas de 1683. Egalement situés hors de l’enceinte, deux moulins se font face, un sur chacune des deux rives de la Nive, reliés par ‘la passerelle des deux moulins’. Parmi les défauts de la cité, Vauban note « les moulins dehors ». Pour Salmon,
A cinquante toises en dessous de la ville, il y a deux moulins à eau sur la rivière de Nive qui pourraient moudre 150 sacs de blé dans 24 heures, mais la ville n’étant point fermée, l’ennemi pourrait facilement les détruire. Il y a d’autres moulins aux environs qui sont tous hors de portée de pouvoir être garantis si l’ennemi les voulait détruire.

Parmi ces derniers, le « moulin neuf », ou « Eyheraberry » apparaît, en aval de la ville, sur le plans de Desjardins, remontant à 1645 environ. Il est sans doute alors de construction très récente car certains autres plans du milieu du siècle l’ignorent. Il n’est pas non plus mentionné dans le mémoire de Salmon comme moulin appartenant à la ville. En 1718, à cent mètres en dessous de la ville, un sur chaque rive de part et d’autre de la chute d’eau, « il y a deux moulins à eau sur la rivière de Nive, qui pourraient moudre 150 sacs de blé par 24 heures. Mais la ville n’étant point fermée, l’ennemi pourrait facilement les détruire ». Enfin, existent à cette date « deux fours à ban dans la ville qui ne peuvent cuire ensemble que 800 rations en 24 heures ». Enfin les plans indiquent l’existence de deux fours à chaux, le premier en haut de la rue Sainte-Marie à main gauche juste avant la porte d’Haraconcia, le second sur la rive gauche de la Nive en face du pont dit « romain » d’Eyheraberry. Ils indiquent également une glacière à proximité du premier four à chaux.
L’économie de la vallée de Cize est alors exclusivement agricole. Salmon donne quelques indications :
Les vallées aux environs de cette ville sont cultivées en jardins, prairies et terres labourables qui ne sont pas des plus fertiles. Le terrain, étant graveleux et pierreux, ne produit que médiocrement la subsistance des habitants de la ville et de la campagne. Les coteaux des petites montagnes sont en partie cultivés en vignobles qui produisent un petit vin léger passablement bon pour la consommation ordinaire. Le surplus de ces petites montagnes, de même que les plus hautes des environs, sont incultes et ne produisent que des pâturages assez maigres.

Vauban porta, dans son mémoire du 6 décembre1685, un jugement sévère sur la valeur militaire de la ville, nettement plus sévère que celui porté sur la citadelle. « Son premier et principal défaut est d’être très mal située, petite, ouverte », de manquer de bâtiments de bonne qualité, d’être entourée d’une enceinte insuffisante, d’avoir ses moulins hors de l’enceinte, d’être dotée de rues où l’on ne peut se servir de charrois, « d’être commandée de revers, d’écharpe et d’enfilade » de la plus grande partie des hauteurs environnantes de Curutchamendy et de Cagos10, continuation du mouvement de terrain de Curutchamendy vers le sud sur la rive opposée de la Nive en face de l’éperon sur lequel est construite la citadelle, qui dominent à courte distance la cité et surtout le quartier de Saint-Michel.

72- Les PROJETS du XVIIIe siècle

Un document du 20 décembre 181411 du Comité des Fortifications récapitule et résume les projets antérieurs de remaniement de la place de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il confirme que nous avons bien connaissance de la totalité des projets majeurs de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècles, datés respectivement de 1685, 1718 et 1774. Si les mémoires de Vauban12 et de Salmon13 sont bien conservés à Vincennes, leurs projets ne nous sont connus que par le plan14 comparatif détaillé et légendé, établi par Salmon. Le projet de 1774 est connu par le mémoire de 177315 et le plan16 réalisé sur une carte à grande échelle dont les légendes donnent le détail précis des constructions projetées et de leur coût, documents également conservés aux archives du génie à Vincennes.
Le premier projet cité est « le Projet Général de feu M. le Maréchal de Vauban du 6 décembre 168517 tant pour les dehors de la citadelle, que pour fermer la ville d’une enceinte percée de créneaux ». Concernant la citadelle, il prévoyait, du côté du front d’attaque, une tenaille entre les bastions, un pont mi-dormant mi-levis aboutissant à un ravelin, de petite taille, avec des faces de 10 toises et des flancs de 5 toises sur une base de 15 toises, couvert par plusieurs contre-gardes et protégée à l’avant par un ouvrage à cornes, lui-même couvert par une demi-lune. Le tout devait être entouré d’un chemin couvert se raccordant aux fausses-brayes de la citadelle. Cet ensemble d’ouvrages, qui devait s’étendre sur plus de deux cents mètres, devait donc couvrir toute la profondeur de l’esplanade, du côté du front d’attaque de la citadelle et s’étendre jusqu’au ressaut de Gastellumendy. L’accès à la porte du secours de la citadelle se faisait par un chemin franchissant l’ensemble de ces ouvrages et sortant par la demi-lune construite à leur extrémité Est.
Concernant l’enceinte de la cité, Vauban n’en proposa aucune rénovation profonde en raison du défaut majeur qui est le sien « de se trouver dans une situation très bizarre et si difficile à corriger qu’on ne la peut bastionner sans en exposer toutes les pièces aux enfilades et vues de revers ». Le projet de Vauban s’appuyait sur la vieille muraille médiévale entourant le quartier de Sainte-Marie, qu’il conservait en la renforçant de tours pentagonales. Vauban prévoyait d’élargir le périmètre de cette muraille pour y inclure les maisons bâties au-delà de la porte d’Haraconcia, le long de la rue de Scalapuria, d’incorporer dans la muraille la porte Saint-Jacques, en englobant la chapelle éponyme, et de la rattacher au bastion Saint-Jacques de la citadelle. Concernant le quartier de Saint-Michel, Vauban proposa de l’entourer d’une muraille renforcée à intervalles réguliers de tours pentagonales, ou tours bastionnées. Cette enceinte, raccordée à la muraille du quartier de Sainte-Marie à hauteur de la porte des deux moulins, devait s’étendre largement jusqu’à la Nive d’Eyheraberry et ses deux extrémités se raccorder aux remparts de la citadelle, d’une part à hauteur du bastion Saint-Jacques, d’autre part au milieu de la courtine Sud dominant le Nive. Les trois portes principales, ou les plus menacées de cette enceinte, porte d’Espagne en haut de la rue Saint-Michel, porte d’Uhart à l’extrémité de la rue transversale à celle-ci, et porte de Bayonne devaient être couvertes par des ravelins en maçonnerie. Ainsi Vauban ne projetait pas de bâtir autour de l’ensemble constitué par la citadelle et la cité, une véritable enceinte remparée et bastionnée à la mode de l’époque. Son projet n’était pas d’aménager à Saint-Jean-Pied-de-Port une véritable place forte, mais seulement de mettre la ville à l’abri d’un coup de main.
Cette enceinte autour de la ville basse aurait été commencée dès 1690 si l’on en croit le sieur Masse18. Ils auraient connu également une période de travaux à partir de 1700. Ils furent conduits avec une extrême lenteur, ou tout simplement rapidement interrompus. Il est, en effet, avéré que les travaux entrepris furent abandonnés en 1713 alors que les fondations des deux tours bastionnées encadrant la porte d’Espagne et du mur d’enceinte les reliant n’avaient que six pieds, ou deux mètres, de hauteur et ne dépassaient le niveau du sol que d’un mètre. Les rebondissements de la situation en Espagne où la France s’engagea dans la guerre dite de « Succession d’Espagne » expliquent la reprise du projet en 1700 et enfin son arrêt définitif en 1713. Cet abandon des travaux est incontestablement lié à la signature, au lendemain de la victoire du Maréchal de Villars à Denain en 1712 et de la reprise de Barcelone par Berwick en 1713, des traités d’Utrecht en 1713 et de Rastadt en 1714 qui mirent fin à la guerre de succession d’Espagne. L’armée française du Maréchal de Berwick avait mené, douze ans durant, cette guerre dans la péninsule ibérique pour permettre au petit-fils de Louis XIV, Philippe V, de reconquérir le royaume, que lui avait légué par testament le roi Charles II d’Espagne, mort sans héritier en 1700. Salmon confirme que le quartier de Saint-Michel n’a pas encore d’enceinte en 1718, mais seulement les fondations d’un élément d’enceinte d’environ deux cents mètres et de ses deux tours bastionnées d’extrémité, de part et d’autre de l’actuelle porte d’Espagne, ainsi que les fondations d’un retour de mur d’enceinte le long de l’actuelle « rue de Zuharpeta » sur environ cinquante mètres, jusqu’à son croisement avec l’actuelle « rue de la fontaine ». Salmon note, dans son mémoire de 1718, l’existence à cette date d’une vieille enceinte autour du quartier de Saint-Michel, faite de fortifications de campagne en terre, se raccordant sur la Nive à la muraille entourant le quartier de Sainte-Marie. Il s’agit des vestiges de l’enceinte de circonstance de 1636, qui est alors percée d’une seconde porte, « la porte d’Uhart », donnant directement accès au village éponyme.
Le deuxième est le Projet Général pour fortifier la ville et achever les dehors de la citadelle de Saint Jean Pied de Port du 12 avril 1718 de Monsieur de Salmon avec un Plan de la ville et citadelle annexé au projet général de fortification du 16 avril 171819. Concernant la citadelle, il ne prévoit pas de tenaille entre les bastions sur le front d’attaque, mais seulement une grande demi-lune symétrique avec sortie de secours sur sa face nord, protégée en avant par un chemin couvert comportant une place d’armes saillante. Concernant la ville, il est nettement plus ambitieux que celui de Vauban. Il propose d’entourer l’ensemble de la cité, avec ses deux quartiers de Sainte-Marie et de Saint-Michel et son faubourg d’Ugange, d’une véritable et large enceinte remparée et bastionnée, renforcée de cinq bastions, dont un à cheval sur la Nive en aval des deux moulins, et couverte par quatre demi-lunes en avant des courtines. Cette enceinte devait être entièrement entourée d’un chemin couvert, constituant une seconde enceinte, l’enceinte de combat.
Le troisième projet nous est connu par le Plan de la ville et de la citadelle de St Jean Pied de Port pour servir au projet général de 1773 pour 177420. Il est l’œuvre de l’ingénieur Sicre de Cinq-Mars qui fut directeur général des fortifications des places de Guyenne et des Pyrénées à Bayonne de 1770 à sa mort à Bayonne en 1775. A l’époque, le marquis de Monteynard, nommé ministre de la guerre en 1771 en remplacement de Choiseul, avait demandé un projet général de rénovation de chaque place du royaume pour la rendre capable de la meilleure défense.
Concernant la citadelle, le projet est de consolider les fausses-brayes sur ses deux grands côtés, de renforcer chacun des bastions de St Jacques et St Michel par une contre-garde, de prolonger ses dehors sur l’esplanade, en avant de la demi-lune de la porte de secours construite en 1728, par un « bonnet de prêtre », comportant un corps de garde, et, à l’extrémité de l’esplanade sur la hauteur de Gastellumendy, par une lunette, comportant également un corps de garde, elle-même couverte par deux contre-gardes. Le projet est enfin d’éclairer et de couvrir la citadelle ainsi modifiée par une lunette avec caserne, magasin à poudre et corps de garde, sur la hauteur d’Ipharce. Il est également projeté d’accroître ses capacités de logement et de souterrains en y construisant une caserne du sud, symétrique de la caserne du Nord avec des caves à l’épreuve des bombes.
S’agissant de la ville, ce projet propose de l’entourer d’une vaste enceinte remparée et bastionnée à quatre bastions, bastions de France, de Bonne Nive, du Hart (sic) et d’Espagne, renforcée de deux demi-lunes, les demi-lunes de France et d’Espagne, se terminant à ses extrémités par des demi-bastions, les demi-bastions de la Bonne-Nive et de la porte Saint-Jacques au pied de la citadelle. Cette grande enceinte bastionnée devait entourer l’ensemble des trois quartiers de Sainte-Marie, de Saint-Michel et « du Gange » (sic). Cette enceinte était protégée vers l’Espagne par un ensemble de deux lunettes, de part de d’autre de la route au-delà de la porte d’Espagne, ainsi que, sur la hauteur dominante de Curutchamendy, par un fort bastionné d’une taille équivalente à la citadelle. Ce « fort de Curutchamendy » était prévu comme un fort carré à quatre bastions avec artillerie, magasin à poudre, citerne, chapelle, relié par des caponnières à l’enceinte bastionnée du faubourg Saint-Michel. Il était en outre prévu de construire dans l’ensemble de la ville tous les bâtiments nécessaires en matière de logement d’officiers, de casernes pour la troupe, d’arsenaux, de magasins à poudre, de corps de garde, sans omettre une prison à la porte d’Espagne.
Outre l’enceinte bastionnée englobant la citadelle et la ville, ce projet propose la construction d’un grand nombre d’ouvrages détachés sur les hauteurs avoisinantes, dont la majorité est reliée à l’enceinte principale de la ville par de longues caponnières. Ce projet est le témoin d’une évolution importante dans la conception des fortifications en application des principes de Louis de Cormontaigne (1695-1752), maréchal de camp de Louis XV, auteur d’un traité de fortification, constructeur de fortifications en Lorraine et maître de la guerre de sièges, considéré comme l’héritier de Vauban. Le budget total à prévoir pour la citadelle et la ville est estimé à 2,8 millions de livres, dont 550 000 livres pour le fort de Curutchamendy, 1 500 000 pour l’enceinte de la ville, 550 000 pour la citadelle avec la lunette d’Iparce et 200 000 d’approvisionnements divers. Ceci aurait constitué une dépense énorme. Ce projet ambitieux et coûteux n’a pas été réalisé, comme l’atteste un plan de 179121 qui ne montre aucune réalisation depuis 1774. Mais, ce projet a servi de base à la conception du camp retranché aménagé durant les guerres de la Révolution, puis de l’Empire autour de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Salmon avait établi, en 1723, un autre projet qui n’existe plus dans les fonds d’archives du SHAT. Il en est de même pour le projet de 1725 et l’addition à ce projet datant de 1726 ainsi que des observations sur les projets de Vauban et de Salmon établis en cette même année 1726, par l’ingénieur Damoiseau, qui était sans doute en poste à Bayonne de 1724 à 1726. La trace de ces documents se trouve dans l’inventaire du carton d’archives qui fut détruit lors de l’incendie au Dépôt des Fortifications, déjà mentionné. Le catalogue de Mme D. Pinzuti22 comporte une carte du projet de Damoiseau. Le fonds d’archives de la bibliothèque de l’Arsenal comporte les projets des ingénieurs Canut et Touros, datés de 175323. Tous ces projets sont peu différents de celui de Salmon, ce qui explique qu’ils ne sont pas mentionnés dans le document récapitulatif du Comité des Fortifications daté de 1814. Au plan de l’évaluation de la menace, le plan de Damoiseau, le premier à envisager la construction d’un ouvrage sur le mouvement de terrain de Curutchamendy, montre qu’à la date de 1725, l’accroissement de la portée des canons d’artillerie était devenue suffisante pour que la citadelle, distante d’un kilomètre, y soit devenue vulnérable. Le jugement de Vauban, émis en 1685, « assez éloignée des plus hautes pour n’être que médiocrement incommodée des commandements », était devenu caduc.
Ces projets illustrent l’évolution de la pensée militaire en matière de fortification au cours du XIXe siècle. De la notion de citadelle, on passe progressivement à celle de place forte, englobant la citadelle et la cité adjacente qui doivent constituer un ensemble défensif global et cohérent. Mais, compte tenu de l’importance stratégique de Saint-Jean-Pied-de-Port au débouché du Grand chemin d’Espagne par Roncevaux, rapportée aux contingences géographiques et topographiques, les projets d’établissement d’une place forte ne peuvent être que grandioses et les coûts colossaux. Aussi, les contraintes historiques et financières conduisent à n’en réaliser aucun.

73- La CITE à la veille de la REVOLUTION FRANCAISE

Le plan de 177324, qui distingue clairement l’existant et le projet pour 1774, confirmé par le plan de 1791, nous donne une bonne connaissance des fortifications de la cité à la veille de la Révolution française. Au cours du XVIIIe siècle, la vieille enceinte médiévale n’a pas été renforcée. Elle a même subi quelques nouveaux dégâts. La nouvelle enceinte prévue autour du quartier de Saint-Michel par le projet de Vauban, à peine commencée à partir de 1690 et interrompue en 1713, est restée en l’état. Elle se réduit toujours aux fondations, s’élevant à six pieds (deux mètres) de hauteur, d’un mur d’enceinte rectiligne en maçonnerie de pierres de taille, sur une centaine de mètres environ de part et d’autre de la porte d’Espagne, de deux tours bastionnées à ses extrémités et d’un retour sur une cinquantaine de mètres d’un mur d’enceinte en direction de la Nive, sur la partie haute de l’actuelle rue de Zuharpeta. Mais le quartier de Saint-Michel est, en fin de siècle, entouré d’une enceinte rectangulaire en terre, d’un ouvrage de campagne qui s’appuie sur les fondations existantes de part et d’autre de la porte d’Espagne, et se poursuit au-delà des fondations des deux tours bastionnées jusqu’à la Nive par un retranchement en zigzag, suivant les tracés des actuelles rues de Zuharpeta et du Fronton. Cette enceinte de fortune entourant le quartier de Saint-Michel, comporte deux portes : la porte d’Espagne et la Porte d’Uhart à hauteur de la rue éponyme actuelle. Il s’agit d’une restauration de l’ancien talus établi en 1636, sur un tracé légèrement différent, plus sinueux, fait de saillants et rentrants, et légèrement plus étendu vers le Sud, la rue de Saint-Michel s’étant allongée entretemps.
En effet des travaux d’urgence visant à sécuriser le quartier de Saint-Michel ont été réalisés en 1719. Ce souci de mettre en toute hâte, puisqu’il ne s’agit que d’ouvrages de campagne en terre, la cité en état de défense a une cause historique. En janvier 1719, en effet, la France intervint tardivement dans le conflit opposant l’Espagne à la « Triple Alliance » composée de l’Angleterre, des Pays-Bas et de l’Empire, en raison des prétentions de Philippe V à la couronne de France. Le régent chargea le Maréchal de Berwick, celui-là même qui avait permis à Philippe V d’asseoir sa couronne, de mettre en état de défense la frontière des Pyrénées et de prendre le commandement d’une armée qui devait entrer en péninsule ibérique pour briser la volonté de l’Espagne déjà en échec sur le théâtre méditerranéen. Faisant preuve de prudence devant ce changement d’alliance vis-à-vis du petit-fils de Louis XIV, Berwick n’engagea que 26 000 hommes, 33 bataillons et 63 escadrons, dans la campagne, mais en mobilisa autant pour garder les cols pyrénéens. L’effort principal s’exerça en Biscaye avec la complicité des Anglais décidés à détruire le potentiel naval espagnol. Le marquis de Cilly s’empara de Béhobie et Pasajes, fit le siège de Fontarabie qui tomba le 17 juin 1719 et de Saint Sébastien dont la citadelle capitula le 17 août. La guerre prit fin avec le traité de Londres le 17 février 1720.
L’enceinte de la vieille ville semble cependant avoir été restaurée vers 1730. Les parties abattues en contrebas de la porte d’Haraconcia ont alors été reconstruites et l’ensemble des parapets protégeant le chemin de ronde fut rénové. Cette restauration est visible car les éléments de muraille reconstruits portent en partie sommitale, au pied du parapet, un cordon caractéristique du mode de construction de l’époque. La guérite de forme ronde qui équipe cette muraille à proximité de son coude date de cette restauration. La guérite de même forme, installée derrière le chevet de l’église à proximité de la poterne donnant accès à la rivière est selon toute vraisemblance de la même date. En outre, depuis les années 1730, la muraille constituant la vieille enceinte a été prolongée et raccordée à ses deux extrémités : de la porte Saint-Jacques actuelle au saillant du bastion du Roi d’une part, et, du chevet de la chapelle Notre-Dame le long du versant de la montagne au saillant du bastion Saint-Jean d’autre part. Ces prolongements sont d’une épaisseur moindre que la muraille médiévale comme on peut encore le constater. Après ces travaux, le quartier de Sainte-Marie se trouve entièrement entouré d’une muraille. Cette enceinte est, comme précédemment, percée de quatre portes. Le plan de l’atlas de 173825 leur donne, pour certaines, de nouvelles dénominations : « Porte d’Haraconcia », « Porte de France », « Porte du Marché » et « Porte de la Nive ». La « Porte du marché » donne accès à la nouvelle « Place du marché » que borde une belle maison neuve, la maison dite « Mansart » abritant actuellement l’hôtel de ville, avec écurie et hangar, bordée par un splendide jardin à la française qui s’étend jusqu’à la Nive juste en aval du moulin situé sur la rive droite de la rivière. La Porte de la Nive, reconstruite en 1777, a alors été transformée en une « Tour-porte », dont l’étage fut utilisé comme salle de réunion par l’assemblée municipale à partir de 1790 au moins. Au XIXe siècle, elle devint le clocher de la chapelle Notre-Dame, devenue église paroissiale. A partir de 1715, les plans indiquent au lieu aujourd’hui appelé Eyheraberry, le long de la Nive à proximité du pont dit « romain », en contrebas de la citadelle, un autre jardin à la française d’environ 70 m. sur 50 m. appelé « Pré du Lieutenant du Roy ».
L’ancienne porte Saint-Jacques, encore indiquée sur les plans, n’a plus de nom à partir de 1774, tandis que la chapelle contiguë a conservé celui de chapelle Saint-Jacques. Le mémoire de 1770 confirme l’existence à cette date de la chapelle Saint-Jacques dont il propose la destruction car « elle nuit à la défense de la place ». L’église paroissiale est toujours l’église Sainte-Eulalie dans le quartier d’Ugange, lequel continue à ne disposer d’aucune enceinte ni d’aucun retranchement de campagne à la fin du siècle.
A la fin du siècle, ni le projet de Vauban, ni celui de Salmon, ni celui de 1773 n’ont été réalisés. Autour du quartier Saint-Michel, seule une amorce d’enceinte bastionnée de forme rectangulaire, qui a connu un début d’exécution à partir de 1700, puis fut abandonnée en 1713, a été transformée lors de la guerre de 1719 en une enceinte faite d’ouvrages de campagne raccordée à la muraille ceinturant le quartier Sainte-Marie. Le projet de Salmon fut le premier qui visait à faire de l’ensemble constitué par la citadelle et la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port, une véritable place forte. Les travaux effectués en 1730, qui ont raccordé la muraille entourant le quartier de Sainte-Marie au rempart de la citadelle procédaient de la même démarche. Mais en l’absence d’autres réalisations, il n’est guère possible de conférer, en cette fin de XVIIIe siècle, l’appellation de « Place Forte » à la place de Saint-Jean-Pied-de-Port. Dans une telle situation, lors du déclenchement de la guerre en 1793, au cours de la Révolution française, la citadelle devint, comme cela a été décrit au chapitre précédent, le centre d’un camp retranché, qui fut réactivé et agrandi sous l’Empire.

74- Les PROJETS du XIXe siècle

En 1815, s’acheva définitivement la longue période d’insécurité engendrée par les guerres de la Révolution et de l’Empire. La paix rétablie par la seconde restauration bourbonienne fut bien accueillie. Mais, les problèmes frontaliers furent permanents au XIXe siècle sur la frontière espagnole. Le traité de Paris en 1815 avait spécifié que l’on procéderait sans tarder à l’établissement d’une frontière entre la France et l’Espagne. Des négociations eurent lieu en 1822, des rapports furent établis, en 1838 notamment, des travaux cadastraux menés près de la redoute du col de Lindus par exemple. Le problème ne fut définitivement réglé que par le traité de Bayonne du 2 décembre 1856, ratifié le 8 juillet et le 13 août 1857. Aussi le souci de renforcer la frontière resta intact et permanent au moins pendant la première moitié du XIXe siècle, d’autant que le début des guerres carlistes en Espagne faisait naître en France un net sentiment d’inquiétude. Des projets, multiples et grandioses, se fondant sur les travaux effectués et les expériences faites au cours des récents conflits, furent ainsi échafaudés par les officiers du Génie.
Dès 181426, il fut d’abord envisagé de revêtir de maçonnerie les ouvrages de campagne « établis pendant la dernière guerre » sur les hauteurs environnant la place et d’y construire des réduits voûtés. Il fut ensuite projeté de fermer la ville par une enceinte terrassée, revêtue de maçonnerie, flanquée de tours bastionnées, si possible en utilisant les fondations de 1713 et enfin d’établir un ouvrage extérieur à « feux de revers et réduit voûté » en avant du front d’attaque de la citadelle sur le mouvement de terrain de Gastellumendy. Le coût en était estimé à 2 millions de francs. Les attendus du projet précisaient qu’avec sa seule citadelle, la place n’avait pas une étendue proportionnée à son rôle, son importance et sa situation, mais que l’on pouvait facilement donner à la place le degré de force qui lui était nécessaire. Ce projet resta sans suite bien que l’importance de la place soit officiellement confirmée par l’ordonnance du 1er août 1821, qui classa Saint-Jean-Pied-de-Port dans la première série des places de guerre.
En Espagne, la restauration avait ramené au pouvoir dans l’enthousiasme général, Ferdinand VII. Mais le soulèvement qui éclata dans l’armée en 1820, dégénéra en une guerre civile. Ferdinand VII ayant fait appel à la Sainte-Alliance, la France fut chargée d’intervenir en Espagne, ce qu’elle fit en 1823. Aussi la même année, après avoir envisagé la construction d’un fort sur l’emplacement de la redoute de Picoçouri à Caro, on projeta de dépenser 4 millions pour construire une seconde citadelle sur le mont de Curutchamendy et d’y transporter le centre de la défense de la place de Saint-Jean-Pied-de-Port, la citadelle du XVIIe siècle devenant un fort annexe. La position de Curutchamendy était jugée meilleure car elle constituait la position clef dominant à la fois les deux vallées des Nives de Béhérobie et d’Arnéguy. Il fut également prévu de rehausser les parapets de la citadelle et de ses demi-lunes, et d’y construire sur son côté Sud un casernement supplémentaire, prévu pour 400 hommes. Enfin, la redoute de Gastellumendy devait être transformée en un fortin bâti en maçonnerie, relié par un souterrain à la citadelle.
Entre 1825 et 1827, diverses études furent menées visant à reconstituer un camp retranché dont la citadelle aurait été le centre, avec une garnison totale de 2.500 hommes. Ce projet comprenait la construction d’un fort rectangulaire bastionné important sur le mont de Curutchamendy ainsi que la reconstruction en maçonnerie des redoutes de Gastellumendy, Ipharce, Picoçoury et Ispoure. Il correspondait aux normes de l’époque d’établissement de « places à forts détachés ». Rapports et plans soulignaient l’importance de Saint-Jean-Pied-de-Port pour défendre la route de Pampelune en cas d’invasion de la France. Ils insistaient également sur la nécessité de rénover la citadelle et de reconstituer le camp retranché, en prenant en compte les progrès de l’artillerie : « Malgré ses défauts et ses faiblesses, la citadelle et la place peuvent encore rendre de grands services et contribuer à défendre la frontière ». Mais tous ces projets, très ambitieux, se heurtèrent au problème de leur coût et restèrent donc sans suite.
A partir de 1830, les troubles civils en Espagne dont la contagion inquiétait Louis Philippe, ravivèrent le souci de renforcer la frontière. Le plan de 183127 prévoyait une enceinte remparée et bastionnée enserrant la totalité des faubourgs d’Espagne et d’Ugange depuis la Nive à hauteur du bastion Saint-Jean jusqu’à la porte Saint-Jacques28. Les projets des années 1831 et 1833 prévoyaient l’aménagement de part et d’autre de la porte Saint-Jacques de deux batteries d’artillerie dont celle du sud située dans l’angle de la muraille au dessus de la route de Zaro. Elles furent construites et leurs embrasures sont aujourd’hui visibles.
Plus importants furent les effets de la première guerre carliste (1833-1840) dont le foyer principal était en Navarre espagnole. A la mort, en 1833, de Ferdinand VII qui avait abrogé la loi salique en faveur de sa fille Isabelle II, le frère de Ferdinand, don Carlos de Bourbon revendiqua le trône. Les « Carlistes » qui le soutenaient, s’appuyaient essentiellement sur les provinces Nord : Pays Basque, Navarre, Aragon et Catalogne. Ils prirent Estella comme capitale. Ils furent vaincus dans la sanglante guerre de 1834-184029. Le Mémoire et le Plan de 183430 proposèrent à nouveau un projet ambitieux d’établissement d’un camp retranché pour 6 000 hommes et 100 bouches à feu, dans le triangle limité par le Laurhibar, la Nive et la montagne d’Handiamendy. Il prévoyait pour cela de renforcer la citadelle et la ville haute en améliorant l’existant, et de construire un mur d’enceinte autour des faubourgs d’Espagne et d’Ugange. Il proposait d’établir autour de Saint-Jean-Pied-de-Port un camp retranché comprenant une fortification permanente à Curutchamendy et des redoutes en maçonnerie à Gastellumendy, Picoçoury et Harispuru, au-dessus du village de Zaro. Ce camp retranché devait être complété par plusieurs redoutes en terre établies à son périmètre. Le projet prévoyait enfin de construire sur le côté Sud de la citadelle, une caserne avec souterrains à l’épreuve de la bombe pour 260 hommes. Mais le colonel commandant le génie de Bayonne jugea le projet trop ambitieux et recommanda de le limiter à l’occupation, en plus de la citadelle des positions de Curutchamendy, « clef de la place forte », de Gastellumendy et de Picoçoury. Il en évalua la garnison nécessaire à 2 000 hommes. Les autres positions du camp retranché auraient consisté en des ouvrages de campagne à construire au moment en cas de conflit.
Mais la situation politique changea radicalement en 1839. La menace des Pyrénées ne fut plus alors considérée comme majeure, ce qui entraîna une révision à la baisse des projets. Par ailleurs, la crise diplomatique franco-anglaise qui débuta en 1840, engendra un regain de tension qui imposa d’autres priorités en matière de fortifications. Cependant, le Comité des Fortifications du 29 avril 184031, reconnut la nécessité de s’établir solidement à Saint-Jean-Pied-de-Port, car la ville restait le seul obstacle en venant de Pampelune, base de dépôts, vers Toulouse et Bordeaux par la route récemment ouverte par Mont-de-Marsan. Il décida donc de construire un fort pour occuper le mouvement de terrain de Curutchamendy, d’améliorer la muraille d’enceinte de la vieille ville et d’entourer de manière analogue, c’est-à-dire d’un simple mur d’enceinte, les faubourgs d’Ugange et d’Espagne, ceci pour les mettre non en état de soutenir un siège mais seulement à l’abri d’un coup de main. Le coût des travaux fut estimé à 2 500 000 Fr. Nous verrons que ce projet fut à l’origine de la construction d’un mur d’enceinte autour du faubourg d’Espagne.
Plus aucun projet ambitieux ne fut établi jusqu’à celui de 187032, qui reprit les plans précédents. Mais l’avis, inscrit sur ce projet de 1870, par le colonel directeur de l’artillerie de Bayonne fut définitif : les fortifications de Saint-Jean-Pied-de-Port, dominées comme elles l’étaient, ne pouvaient pas rester en l’état. Il fallait donc décider de ce que l’on voulait faire de ces fortifications dans l’avenir, avant de décider d’améliorations ponctuelles. La décision finale fut prise de ne rien faire d’autre de la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port qu’un casernement de temps de paix pour une garnison.

75- La CITE et la PLACE jusqu’à la fin du XIXe siècle

Les rapports établis à partir de 1815 mentionnent à nouveau le mauvais état des fortifications de la place, notamment de la vieille enceinte entourant la cité, qui a sans aucun doute souffert des guerres de la Révolution et de l’Empire. Les événements qui secouèrent l’Espagne au début du XIXe siècle alertèrent à maintes reprises les autorités françaises. Les fortifications furent remises en état à partir des années 1830 en réponse à l’inquiétude engendrée par les soulèvements carlistes en Espagne. Ce renouveau de l’intérêt porté à la place de Saint-Jean-Pied-de-Port correspondait surtout à l’arrivée au pouvoir de Louis-Philippe qui, une fois levée l’interdiction qui en était faite à la France depuis la chute de l’Empire et le traité de Vienne, revint à une politique de fortification des frontières de la France.
Dès 1822, la situation à la frontière entraîna la prise de mesures militaires. En Espagne, la restauration avait ramené au pouvoir dans l’enthousiasme général, Ferdinand VII, celui qui avait remis ses droits à Napoléon à Bayonne en 1807. Mais un groupe libéral apparut dans l’armée où éclata en 1820 un soulèvement militaire dirigé par le colonel Riego. Ferdinand VII dut accorder une constitution et organiser des élections. En 1822, la révolte des libéraux espagnols fit dépêcher sur la frontière une partie des troupes de la garnison de Saint-Jean-Pied-de-Port. Un hôpital militaire fut aménagé dans la ville et l’on procéda à un approvisionnement de siège. La guerre civile se prolongeant, Ferdinand VII fit appel à la Sainte-Alliance. Le congrès de Vérone d’octobre 1822 chargea la France d’intervenir en dépit des méfiances anglaises. Le peuple espagnol fit bon accueil aux « défenseurs de la foi ». L’expédition d’Espagne de 1823 marqua le retour de la France dans le concert international, la réapparition d’une armée française hors de ses frontières, mais derrière son drapeau blanc, et la renaissance navale française. L’expédition des « Cent mille fils de Saint Louis » sous le commandement du duc d’Angoulême, rétablit en 1823 Ferdinand VII dans ses pouvoirs de « roi absolu ». L’armée des Pyrénées du duc d’Angoulême était forte de 95 000 hommes répartis en six corps d’armée, encadrés par quelques généraux d’Empire comme Moncey, Molitor et Oudinot. Elle aurait traversé l’Espagne sans encombre jusqu’à Cadix où les Cortes avaient entraîné le roi Ferdinand VII si elle n’avait rencontré de gros problèmes de ravitaillement en cours de route. L’intendance créée en 1817 fut en effet totalement dépassée. Au cours de cette expédition, la seule opération digne de ce nom fut le siège de Cadix qui associa les efforts du duc d’Angoulême et de la marine. Sous les ordres de l’amiral Duperré, une flotte de 67 bâtiments dont trois vaisseaux et sept frégates, assura un blocus au large, avant que l’île Verte et le fort de San Pietri ne soient réduits par un bombardement naval. Le 31 août, les forces terrestres conduites par le général Bordessoule prirent d’assaut le fort du Trocadéro. Le 23 septembre, le feu fut directement ouvert sur Cadix et la marine débarqua 4 500 hommes pour favoriser l’attaque des troupes à terre. Le 1er octobre, Cadix capitula et Ferdinand VII fut libéré. Mais pour garantir sa sécurité, l’armée des Pyrénées n’évacua que très lentement l’Espagne, les derniers régiments de la division de Cadix ne partant qu’en novembre 1828.
En dépit de cette activité guerrière, et malgré les projets de rénovation de la place, le plan de 1827 montre que la muraille entourant la vieille ville est entièrement en état, mais qu’elle n’a connu aucune amélioration ou modification depuis 1791. Au XIXe siècle, les quartiers et les rues ont changé de dénomination. La ville comprend alors le « quartier de la citadelle » autour de la rue éponyme sur la rive droite de la Nive avec, hors de la muraille le « quartier d’Ugange », et le « quartier de Saint-Michel », aussi appelé parfois « faubourg d’Espagne » autour de la rue éponyme sur la rive droite. A partir de 1803, après le concordat, la « chapelle Notre-Dame » est devenue l’église paroissiale. Le plan de 1793 est le dernier sur lequel figure encore la « chapelle Saint-Jacques » ainsi que les vestiges de la porte contiguë. Leur destruction durant les travaux de construction du camp retranché est ainsi confirmée. Les portes de la vieille enceinte ont pris leur nom définitif de « Porte Saint-Jacques, de France, du Marché et de l’Eglise ». Le plan de 1827 indique la construction récente d’un corps de garde pour 12 hommes, bâti contre la vieille enceinte, en contrebas de la porte de France, en haut de la place du marché, bâtiment actuel siège de la Goizeko Izarra. Ce corps de garde remplaçait celui qui existait précédemment au-dessus de la porte de France et s’était écroulé au siècle précédent à la suite d’un incendie. Le projet de travaux de 1827 pour 1828 fut reporté car la priorité était encore réservée à la place de Bayonne.
Plus importants sur la rénovation des fortifications de Saint-Jean-Pied-de-Port furent les effets de la première guerre carliste (1833-1840) dont le foyer principal fut la Navarre espagnole alors que la seconde (1846-1849) affecta principalement la Catalogne. En fait, des tensions se firent jour dès 1830 lorsque des constitutionnels espagnols se réfugièrent à Saint-Jean-Pied-de-Port dans l’attente d’une amnistie à l’occasion du mariage du roi Ferdinand VII. La question frontalière, liée à la délimitation des pacages communs aux troupeaux des deux nations, n’avait pas été résolue par les traités. Après la révolution des Trois Glorieuses de juillet 1830, les premières années du nouveau régime français furent troublées par les craintes nées de l’hostilité de Madrid à l’égard du nouveau gouvernement. Le bruit courut même que la Navarre armait.
Ainsi, la réfection du mur d’enceinte de la vieille ville fut réalisée, entre 1831 et 1834. Elle comprit la création d’un parapet avec des meurtrières pour fusils, ou créneaux de tir de fusillade, à la place du parapet médiéval. Ce parapet fut renforcé d’avancées sur corbeaux avec mâchicoulis, en forme de bretèches, construits en pierres de taille, qui permettait les tirs de flanquement latéraux et verticaux au profit des défenseurs de la muraille. Ces travaux inclurent sans doute également la construction de la petite tour pentagonale, faisant un léger saillant par rapport à la muraille, en projet depuis 1832 au moins et apparaissant sur les plans à compter de 1836, qui renforce cette enceinte à mi-distance entre la porte de France et l’échauguette d’angle datant du siècle précédent. Cependant les ravelins extérieurs destinés à renforcer l’enceinte, projetés en 1831 ne furent pas construits. A cette date, chacune des quatre portes de la vieille enceinte, portes Saint-Jacques, de France, du Marché et d’Espagne, disposaient chacune d’un corps de garde installé dans la maison la plus proche. Les vantaux en bois de la porte Notre Dame furent refaits en 1832. Ainsi, en 1834, le mur d’enceinte est jugé en bon état. Il fait 1,50 m d’épaisseur, 8 m de hauteur totale, a un chemin de ronde, ou banquette, d’un mètre de large, couronné d’un mur percé de meurtrières de 0,50 m d’épaisseur. Il a un développement de 700 m. du bastion du roi, au bastion Saint-Jean de la citadelle. En 1848, un garde-corps est ajouté tout le long du chemin de ronde de la vieille enceinte. Le plan de 1845 indique que le bâtiment connu aujourd’hui sous le nom de « Prison des évêques » sert de « maison de sûreté » pour la ville. Il montre aussi que le dépôt de manutention, acheté en 1843 et situé sur la rive gauche de la Nive, est desservi par une passerelle en bois franchissant la Nive au-delà de l’église. Le dépôt de manutention est un bâtiment de trois étages, situé vers l’actuel camping municipal, de plus de 50 mètres de long sur une vingtaine de large, avec deux silos externes, où sont entreposés habillements, farine, grains et nourriture. Il fut détruit par un incendie en 1907.
Cependant, la question de la défense du faubourg d’Espagne (précédemment quartier de Saint-Michel) et du faubourg d’Ugange, soulevée par Vauban dès 1685, qui n’avait connu qu’un début de réalisation entre 1700 et 1713, était régulièrement rappelée dans les mémoires et rapports successifs. Elle n’a toujours pas trouvé de solution en 1839 quand un événement politique d’importance survient : les relations avec l’Espagne tendirent alors à évoluer vers l’apaisement, ce qui se concrétisa quelques années plus tard, en 1846, par l’établissement de liens dynastiques. La menace des Pyrénées n’était donc plus alors considérée comme majeure. Aussi les projets de travaux furent-ils immédiatement révisés à la baisse.
Par une « décision du 29 avril 1840 », le Comité des Fortifications ordonna d’entreprendre l’enceinte du faubourg d’Espagne, puis celle du faubourg d’Ugange, mais pour les mettre non plus en état de soutenir un siège, mais seulement pour mette la cité à l’abri d’un coup de main. Les enceintes nouvelles devaient être construites de manière économique. Il fut décidé que l’enceinte du faubourg d’Espagne serait seulement constituée d’un simple mur paré d’un talus uniquement jusqu’à la banquette de tir. Le mur d’enceinte du faubourg d’Espagne fut finalement construit entre 1842 et 184833. Sa partie centrale, de part et d’autre de la porte d’Espagne, est d’une hauteur de cinq mètres et d’une largeur de deux mètres environ. Elle est encadrée de deux tours bastionnées, de plan pentagonal et également constituées d’un simple mur. L’ensemble de ce mur, qui s’appuie sur les fondations existant depuis 1713, est renforcé d’arches engagées en plein cintre qui réduisent sa vulnérabilité aux mines et aux tirs d’artillerie. Les deux ailes de ce mur d’enceinte, de part et d’autre des deux tours bastionnées, rejoignent le lit de la Nive vers Eyheraberry d’une part, à hauteur des deux moulins d’autre part, en adoptant un tracé nouveau par rapport aux plans antérieurs. Elles englobent ainsi largement le quartier d’Espagne et le bâtiment de la manutention34 ainsi que le moulin situé en aval de la cité sur la rive gauche de la Nive. Elles sont seulement constituées d’un mur vertical en maçonnerie, de trois mètres et demi de haut sur un mètre de large seulement, sans arches ni contreforts, d’autre part à proximité du pont de la manutention. L’ensemble du mur d’enceinte comporte des meurtrières pour fusils, ou créneaux de tir de fusillade, en partie basse, au-dessus de la banquette de tir. Il est renforcé par un total de quatre tours bastionnées pentagonales, dotées de meurtrières à fusils et d’embrasures pour canons : les deux déjà citées, dont les fondations préexistaient depuis 1713, et deux supplémentaires, dont les bases sont plus larges, une sur chacune des ailes rejoignant la Nive. A côté de la porte d’Espagne, fut construit dans le mur un bâtiment faisant saillant, qui servait de poste de garde pour les soldats gardant cette porte. La différence d’appareil, de choix et de taille des matériaux entre les fondations de 1713 et les murs élevés à partir de 1842 est parfaitement visible aujourd’hui35 : appareil moyen en pierres de grès rouge taillées pour la base de la partie centrale contre maçonnerie en appareil irrégulier de moellons et galets pour le reste. De même la différence de mode de construction est apparente entre la partie centrale, renforcée d’arches engagées en plein cintre et les deux ailes faites d’un simple mur aux faces verticales. Cette nouvelle enceinte est percée de trois portes, celle d’où part le « Grand chemin d’Espagne par Orisson et Roncevaux » prend le nom de « Porte d’Espagne », les deux autres respectivement ceux de « Porte d’Eyheraberry » et de « Porte de Baïgorry ». Quant à la porte de la vielle enceinte dénommée jusqu’alors « Porte de la Nive », ou parfois « Porte d’Espagne » elle devient définitivement alors la « Porte Notre-Dame ». La « nouvelle mairie » installée dans le vieil hôpital de la rue de l’église fut inaugurée en 1840. La « prison des évêques » restait une prison civile.
Dans le même temps, le projet de construction d’une enceinte autour du faubourg d’Ugange était poursuivi. Mais par souci d’économie, cette enceinte devait être réalisée uniquement en terre. En 1847, le projet fut définitivement adopté. Les acquisitions de terrain commencèrent. C’est alors que les habitants de Saint-Jean-Pied-de-Port firent une pétition pour demander que cette enceinte couvre une plus vaste étendue. Leur but était de permettre l’extension de la ville rendue nécessaire par le développement du commerce avec l’Espagne, que permettait d’envisager le projet de nouvelle route de Pampelune par Arnéguy. En 1848, les travaux de construction de l’enceinte d’Ugange furent ajournés, mais les acquisitions de terrains furent poursuivies sur le tracé non modifié malgré la pétition. Finalement en 1849, le projet fut annulé de manière définitive. Le ministre de la guerre décida qu’en cas de conflit, un retranchement de campagne serait construit autour du faubourg d’Ugange sur l’emplacement prévu en 1848, dont les terrains étaient en cours d’acquisition.
Autour du faubourg d’Ugange, les acquisitions de terrain continuèrent de 1848 à 1853, mais finalement la construction de la seconde partie de l’enceinte ne fut jamais réalisée. En 1856, le traité de Bayonne délimita définitivement la frontière entre le département des Pyrénées-Atlantiques et l’Espagne. Ce traité fut signé lors du premier séjour du couple impérial à la « Villa Eugénie », la résidence d’été qu’il venait de faire construire à Biarritz. Une stèle commémorative du traité des Pyrénées de 1659 érigée dans l’île des Faisans, ou île de la Conférence, sur la Bidassoa fut inaugurée en 1861 par Napoléon III, Empereur des Français, et Isabelle II, reine « des Espagnes ». Quant à la muraille constituant l’enceinte du quartier de Sainte-Marie, elle fut jugée en bon état par le rapport établi en 1870 par les officiers du génie.
Ainsi, les enceintes de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port, qui ont été classées ‘monuments historiques, le 2 décembre 1986, comprennent aujourd’hui :
  • autour du quartier de Sainte-Marie, devenu de la citadelle, autrement dit la ville haute sur la rive droite de la Nive, une muraille médiévale, remontant aux anciens rois de Navarre, restaurée au cours des siècles, notamment son angle Nord-est vers 1730, dont le parapet médiéval en ruines fut remplacé, vers 1830, selon la mode de l’époque, par un parapet continu, avec meurtrières à fusil, ou créneaux de fusillade, renforcé de petites tourelles de tir de flanquement au fusil, de forme rectangulaire sur corbeaux, en forme de fausses bretèches à mâchicoulis. Cette muraille nous est parvenue en l’état, exception faite de la création malencontreuse, lors d’une restauration malheureuse, effectuée en 1992, d’un pastiche de poterne qui la défigure dès lors qu’elle constitue un anachronisme historique et tactique ;
  • autour du quartier de Saint-Michel, devenu d’Espagne, autrement dit la ville basse sur la rive gauche de la Nive, un simple mur d’enceinte à meurtrières pour fusils, ou créneaux de tir de fusillade, avec banquette de tir, percé de trois portes et renforcé de quatre tours bastionnées, dotées de meurtrières et d’embrasures pour canons, fut construit entre 1842 et 1848, dans le simple but de mettre la ville à l’abri d’un coup de main. Ce mur s’appuie dans sa partie centrale sur les fondations du projet de rempart de Vauban, qui connut un début de réalisation en début de XVIIIe siècle mais fut abandonné en 1713.

Les défenses de la ville haute ont donc gardé leur caractère médiéval au prix de quelques restaurations, tandis que la ville basse ne fut dotée qu’au milieu du XIXe siècle d’un simple mur d’enceinte, réponse minimale aux ambitieux projets de création d’une place forte, défendue par une large enceinte bastionnée et remparée, élaborés par les successeurs de Vauban. Vauban avait renoncé à faire de Saint-Jean-Pied-de-Port une place forte en raison de la configuration géographique particulière de la ville, sur laquelle il porta un jugement assez sévère. Il proposa seulement de renforcer et d’élargir la muraille pour en faire une enceinte de sécurité minimale pour la cité. Mais à partir du XVIIIe siècle, de véritables projets d’établissement à Saint-Jean-Pied-de-Port, d’une véritable place forte, ceinte de remparts et de bastions, furent établis à partir du mémoire de Salmon en 1718. C’est, en effet, à cette époque que se fit jour un changement stratégique d’importance : la concrétisation d’ensembles défensifs uniques, englobant deux entités jusqu’alors indépendantes, la cité fortifiée et la citadelle qui constituèrent dorénavant ensemble une « place forte ». La date de 1730 constitue à Saint-Jean-Pied-de-Port la date charnière entre ces deux conceptions. La première fut celle de la coexistence de deux entités défensives à vocations différentes, chacune pourvue de sa propre enceinte fortifiée, le château royal d’une part, la cité, réduite alors au seul quartier Sainte-Marie, entourée d’une muraille médiévale, d’autre part. La seconde commença à s’appliquer en 1730, quand l’enceinte du quartier Sainte-Marie fut rattachée aux remparts de la citadelle. La notion de place forte s’appliqua alors puisque se constituait ainsi un ensemble défensif unique englobant à la fois la citadelle et la cité, réduite initialement au quartier Sainte-Marie. Elle fut conceptuellement élargie à ses faubourgs, que l’on prévoyait d’entourer d’une enceinte unique, afin de constituer ainsi à proprement parler une véritable place forte. De nombreux projets furent élaborés, qui ne pouvaient être que grandioses en raison des contraintes géographiques du site. Tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, les projets, pour la plupart ambitieux et parfois novateurs, furent très nombreux. Au XIXe siècle notamment, l’expérience tirée des combats de la Révolution et de l’Empire autour du camp retranché de Saint-Jean-Pied-de-Port constitua la base principale de la réflexion des officiers du génie pour l’élaboration de leurs projets de création d’une place forte. L’ordonnance du 1er août 1821, confirmée par la loi du 10 juillet 1851, classa Saint-Jean-Pied-de-Port dans la première catégorie des places de guerre. Cependant, les projets ne furent pas suivis de réalisations concrètes et les projets ne furent jamais exécutés. L’évolution de la situation politique internationale et l’état des finances amenèrent à retarder, puis à annuler la construction de cette place forte. Seul le quartier d’Espagne, fut entouré au milieu du XIXe siècle d’un simple mur d’enceinte le mettant à l’abri d’un coup de main.
Il fut finalement décidé, en 1870, de mettre fin à tout projet d’amélioration des fortifications. La nouvelle révolution de l’artillerie avait rendu obsolète les villes à enceintes telles la place de Saint-Jean-Pied-de-Port, en même temps que sa citadelle. La cité, où stationna un bataillon du 49e régiment d’infanterie36, le régiment de tradition de la ville de Bayonne, resta ville de garnison jusqu’en 1925. La population montra son attachement à son statut de ville de garnison, comprenant en temps de paix un bataillon. A la suite d’une délibération municipale du 16 mars 1897, la ville sollicita l’intervention du préfet auprès du ministre de la guerre pour obtenir, lors de la formation du 4e bataillon du 49e régiment d’infanterie, le retour de sa garnison, qui l’avait quittée pour participer à l’expédition de Tunisie.

* * *

Ainsi, Saint-Jean-Pied-de-Port a conservé l’empreinte très forte de ses origines, médiévale, baroque et classique. L’histoire montre que la place Saint-Jean-Pied-de-Port a assumé sa destinée militaire. Appartenant à un théâtre d’opérations parfois majeur, quelquefois secondaire, elle se trouva en plusieurs occurrences placée en première ligne. Elle assura dans l’urgence sa mission durant la guerre de 1719 contre l’Espagne après que la ville ait été mise à l’abri derrière des fortifications de campagne. Elle ne devint jamais, ni au XVIIIe, ni au XIXe siècle, une véritable place forte capable d’assurer avec une totale efficacité la défense de la frontière face à une attaque majeure. Les projets de création d’une place forte furent tous abandonnés en raison de leur coût prohibitif. Paradoxalement, c’est la solution préconisée par Vauban, qui fut retenue par ses lointains successeurs près de deux siècles plus tard. Avec sa citadelle bastionnée et sa cité simplement abritée d’un coup de main par ses murailles et son mur d’enceinte, elle resta une place de guerre jusqu’à la fin du XIXe siècle, susceptible de constituer une base pour des actions offensives, capable d’abriter face à des actions de guérilla les éléments de soutien logistique, les appuis et les renforts d’une armée en campagne. C’est finalement à la fin du XIXe siècle que Saint-Jean-Pied-de-Port perdit non seulement son rôle stratégique, mais aussi son rôle historique à la suite du traité de paix, signé à Bayonne en 1856 entre l’Espagne d’Isabelle II et la France de Napoléon III, qui fixa définitivement la frontière et consacra la paix entre les deux nations. Ainsi prirent fin plusieurs siècles de conflits armés quasi permanents, ouverts ou couverts, entre la France et l’Espagne. Entre temps, la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port avait fait concrètement la démonstration de son importance militaire, durant les guerres de la Révolution, puis de l’Empire, après l’aménagement, dès le début du conflit, d’un camp retranché centré sur sa citadelle.
1 Cf. sources manuscrites n° 01 à 05.
2 Cf. sources manuscrites n° 06 à 13.
3 Cf. sources manuscrites n° 04-a et 04-b.
4 Cité par l’abbé Haristoy, Cf. bibliographie n° 35 (op. cit.).
5 Cf. sources cartographiques 31, 23 et 21.
6 Cf. source manuscrite 04-a et source cartographique 24-a.
7 Harako signifie en langue basque « en direction de » ; Concia rappelle le mot espagnol de concha : la coquille : cette porte pourrait donner la direction de Saint Jacques ; Des lieux-dits ‘Harakomendy’, signifiant « en direction de la montagne » existent.
8 Scalapuria pourrait être la déformation de Escalaburia, qui en langue basque signifie ‘en haut de l’escalier’.
9 Par opposition aux villes, divisées en quartiers, qui se définissent par des droits et privilèges qui leur ont été accordés et par une ceinture de murailles qui les garantit, les « faux bourgs » ne sont défendus ni par des murailles, ni par des textes officiels.
10 Nom se référant aux « Cagots », population marginale descendant de lépreux ou de bohémiens, habitant le hameau de Portaleburu, situé sur la contre pente de ce mouvement de terrain.
11 Cf. source manuscrite n° 12.
12 Cf. source manuscrite n° 04-a.
13 Cf. source manuscrite n° 04-b.
14 Cf. source cartographique n° 27.
15 Cf. source manuscrite n° 04-d.
16 Cf. source cartographique n° 29.
17 Voir planche n° 20.
18 Cf. source cartographique n° 24-a: légende de la carte.
19 Voir planche n° 21.
20 Voir planche n° 22.
21 Cf. source manuscrite n° 11.
22 Cf. D. Pinzuti, bibliographie n° 40.
23 Cf. sources manuscrite n° 15 et 16, source cartographique n° 33.
24 Cf. source cartographique n° 29 et planche n° 19.
25 Cf. source cartographique n° 26.
26 Cf. source manuscrite n° 06 et 12.
27 Cf. source manuscrite n° 09.
28 Voir planche n° 23.
29 Les carlistes firent de nouvelles tentatives en 1860 et 1869, puis déclenchèrent en 1873 une guerre civile qui se termina par leur défaite en 1879. Le parti carliste se rallia à Franco dès 1936 et prit une part importante dans les combats de la guerre civile.
30 Cf. source manuscrite n° 10.
31 Cf. idem.
32 Cf. source manuscrite n° 07.
33 On peut remarquer que de 1841 à 1847, la ville de Paris fut entourée de l’enceinte dite « de Thiers », dont la construction fut décidée par le roi des Français Louis-Philippe et son fils, le duc d’Orléans, pour sécuriser Paris dans un contexte international alors à nouveau dangereux ; cette enceinte est également constituée d’un simple mur de quelques mètres de haut. Les enceintes de Paris comprennent celle construite de 1190 à 1213 par Philippe Auguste, de 1370 par Charles V, de 1633 à 1636 par Louis XIII, de 1784 dite « des fermiers généraux » et finalement celle de 1841 à 1847 dite « de Thiers ».
34 L’espace laissé libre entre ce mur, le bâtiment de la manutention et le faubourg d’Espagne fut aménagé en un champ de tir pour la garnison ; il fut utilisé jusqu’à la construction à cet endroit à la fin du XIXe siècle du fronton et de la place libre, inaugurés en 1897 ; un champ de tir fut alors aménagé à Caro pour la garnison ; il resta en usage jusqu’à la seconde guerre mondiale.
35 Voir photographie n° 10.
36 La photographie, datant de la fin du XIXe siècle, insérée en fin de glossaire représente une unité du 49ème R.I., avec sa cantinière, au champ de tir situé à l’emplacement actuel du fronton municipal.

CONCLUSION


La présente recherche réalisée à partir des fonds d’archives du Service Historique de l’Armée de Terre, de la Bibliothèque Nationale de France et de l’Institut Géographique National permet de parvenir à une connaissance approfondie, enrichie et rénovée de la citadelle et de la place de Saint-Jean-Pied-de-Port. La position géographique de la cité au pied des ports de Cize, nommément du col de Roncevaux, lieu de franchissement historique majeur des Pyrénées depuis l’établissement de la voie romaine de Burdigala à Astorga, explique son importance stratégique. Elle a déterminé sa vocation et son destin militaires. Telle qu’elle nous apparaît aujourd’hui, au pied de sa citadelle et à l’abri de ses deux enceintes fortifiées, la cité constitue un témoin de l’histoire des peuples européens, dès lors que sa vie fut rythmée par l’évolution des relations politiques, diplomatiques et guerrières entre les royaumes de Navarre, de France et d’Espagne. Patrimoine de la cité, cet ensemble de fortifications témoigne de son adaptation aux événements sociaux et politiques de la zone frontière où elle fut établie, zone de conflits, mais aussi d’échanges.
Au Moyen-Âge, un château fort fut construit par les rois de Navarre au sommet de l’éperon rocheux avancé de la chaîne des Pyrénées, qui la dominait et commandait les couloirs d’accès au col de Roncevaux, afin de sécuriser la frontière Nord de leur royaume, menacée par les retombées des guerres franco-anglaises. Ce château pourrait avoir été érigé dès le règne de Sanche III le Grand peu après l’an mille. La tradition en fait remonter la construction au règne de Sanche VI le Sage à la fin du XIIe siècle, en réaction au raid mené en 1177 sur les marches d’Aquitaine par le comte de Poitiers, le futur Richard Coeur de Lion. Quant à Sanche VII le Fort, dernier roi de la dynastie navarraise, qui aurait bâti la chapelle « Saint-Jean » ou « Sainte-Marie », actuelle église paroissiale Notre-Dame, en témoignage de reconnaissance après la victoire décisive de 1212 de Las Navas de Tolosa sur les Maures d’Espagne, il est réputé avoir entouré d’une muraille le quartier médiéval de Sainte-Marie, qui s’était créé au pied du château fort. Cette enceinte médiévale, restaurée à plusieurs reprises à partir du XVIIe siècle, et dont le parapet fut reconstruit vers 1830 à la mode de l’époque avec des meurtrières et des tourelles de tir au fusil en forme de fausses bretèches à mâchicoulis, nous est parvenue dans un excellent état de conservation, si l’on excepte la récente création malencontreuse, car historiquement anachronique et tactiquement inappropriée, d’une poterne factice.
Après la période troublée de l’histoire de la Navarre aux XVe et XVIe siècles qui virent se succéder guerres civiles, guerres extérieures entraînant la partition du royaume entre l’Espagne et la France, et enfin guerres de religion, le château fort, en grande partie ruiné, fut réinvesti par les rois de Navarre, soucieux d’affirmer leur autorité et de tenir en mains une population remuante, récemment reconquise. Il fut ainsi renforcé face à la cité, par l’adjonction d’une casemate d’artillerie, témoignage des premières adaptations de la fortification médiévale aux progrès que connaissait l’artillerie depuis la fin de la guerre de Cent ans.
Stratégiquement idéal pour la défense du royaume de Navarre face à l’Aquitaine anglaise, ce site resta capital pour la sécurité de la frontière Sud du royaume de France face à la couronne d’Espagne, même s’il s’avéra moins bien adapté à ce rôle au fur et à mesure de l’accroissement de la portée des canons. Les rois de France, sans doute pour des raisons de continuité historique et d’économies financières, le conservèrent pour y ériger une citadelle. La décision pourrait en avoir été prise par Louis XIII à l’instigation de Richelieu, nouvellement revenu au Conseil, dans le cadre de la lutte contre les Habsbourg, marquée en 1624 par la crise de la Valteline, à l’époque important couloir de franchissement des Alpes entre l’Italie et l’Autriche. Cette citadelle témoigne de la naissance et de l’évolution de la fortification durant la Renaissance, puis à l’époque baroque, pour remplacer les châteaux forts rendus caducs par l’essor d’une artillerie tirant des obus en fonte. Parvenue à nous quasiment intacte, elle est l’une des premières réalisations de la fortification bastionnée « à la Française ». Elle offre l’exemple rare d’une citadelle telle que la concevaient, quasiment sans ouvrage extérieur ni dehors, les ingénieurs du Roy de la première moitié du XVIIe siècle, en appliquant les principes de la géométrie naissante et les canons de la « Raison classique ».
La citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port est le fruit d’une construction continue qui s’étendit sur un siècle de 1625 à 1728. Elle fut édifiée, dès le rattachement de la Basse Navarre au royaume de France, sur l’emplacement du château fort médiéval des rois de Navarre. Elle en conserva le donjon qui fut arasé, avec l’éminence qui le portait, immédiatement après 1685 sur l’ordre de Vauban. Elle incorpora, sur son front Ouest face à la cité, la courtine casematée réalisée probablement vers 1530 par le souverain navarrais, Henri II d’Albret.
Quant à la citadelle bastionnée primitive, les documents étudiés n’en révèlent ni le projet initial, ni le nom du constructeur, ni la date précise de construction. Mais la présente recherche démontre qu’elle fut édifiée de 1625 à 1627, sous le règne de Louis XIII, vraisemblablement sous la direction et selon les plans de l’ingénieur du Roy Pierre de Conty de la Mothe d’Argencourt, son « l’ingénieur favori de Louis XIII », le « fidèle des cardinaux Richelieu et Mazarin ». Selon le schéma primitif d’une citadelle bastionnée, adapté au relief montagneux, il opta pour une forme barlongue, sans autre ouvrage extérieur qu’une petite demi-lune en avant de son unique porte, la porte royale, qui ouvrait vers la cité. Elle fut renforcée, sur le front opposé, le front d’attaque, par quelques ouvrages de campagne en terre, sans doute lors de l’offensive espagnole de 1636, provoquée par l’engagement de la France dans la guerre de Trente ans. Des travaux importants de reconstruction et d’aménagements intérieurs furent réalisés de 1640 à 1648, sous la direction de l’ingénieur Desjardins, d’après les plans de l’ingénieur du Roy Duplessis-Besançon. L’enceinte remparée et bastionnée, qui constitue encore aujourd’hui le gros oeuvre de la citadelle fut ainsi finalisée.
A la suite de l’inspection que Vauban, commissaire général des fortifications de Louis XIV, y conduisit en décembre 1685, de nouveaux travaux furent immédiatement entrepris et poursuivis jusque vers 1700, par l’ingénieur François Ferry, directeur régional des fortifications, assisté du cartographe Claude Masse. La guerre de succession d’Espagne provoqua leur reprise. N’exécutant que très partiellement le plan plus ambitieux de Vauban, ces travaux se contentèrent de réaliser des projets antérieurs non exécutés. Ils améliorèrent ses capacités tant défensives, par l’adjonction d’une enceinte de combat extérieure, d’une porte du secours, puis de son pont d’accès et d’un ravelin le couvrant, qu’offensives par la construction d’un arsenal, de casernements additionnels et d’abris souterrains. La priorité fixée par le marquis de Seignelay était bien le soutien d’opérations offensives envisagées par Louis XIV vers Pampelune. Ces aménagements n’altérèrent pas ses caractéristiques originelles. Ils s’inscrivirent dans la fidélité aux conceptions de ses constructeurs initiaux, les ingénieurs militaires de Louis XIII, précurseurs de Vauban. Ainsi, cette citadelle n’est ni une citadelle de Vauban, bien que son inspection y provoqua certains travaux, ni une citadelle « à la Vauban », comme l’affirment par erreur certains documents à vocation touristique. Lui-même, dans son Projet de Paix signé à Plaisir le 2 février 1706, en réfute implicitement la paternité.
La citadelle fut pour ainsi dire achevée au début du XVIIIe siècle, avec la construction sur son front d’attaque face à l’Espagne, d’un ouvrage extérieur, une redoute d’artillerie en forme de demi-lune « à la manière de Vauban », qui recouvrait le ravelin existant, afin d’améliorer sa capacité défensive en battant de ses feux le débouché du « Grand Chemin d’Espagne par Orisson et Roncevaux ». Quant aux travaux postérieurs, notamment du XIXe siècle, ils ne furent que de rénovation. Parfaitement identifiables à l’exemple du remplacement de plusieurs talus remparés constituant les tenailles et caponnières de circulation d’origine par des murs à créneaux de fusillade, caractéristiques de l’époque moderne, ils ne provoquèrent aucune altération notable. Aucun ouvrage défigurant n’a été greffé postérieurement. La citadelle, enfin, ne souffrit ni des dommages du temps, ni des dégâts des guerres.
Cette citadelle se présente comme un ouvrage empreint d’une grande unité de conception, respectant le schéma primitif d’une citadelle bastionnée. S’inscrivant dans un rectangle d’environ 110 mètres sur 160, la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port abritait au XVIIIe siècle une garnison de cinq cent cinquante hommes aux ordres d’un « Lieutenant du Roy » assisté d’un « Major » et de treize officiers, dont l’armement comprenait fusils, carabines et piques ainsi qu’une vingtaine de canons. Ses abris et couloirs souterrains, ses magasins à poudre et à vivres, sa boulangerie, sa citerne et son puits profond de plus de quarante mètres lui conféraient une autonomie dépassant cent jours, bien supérieure au mois prescrit par les instructions de Vauban, restées en vigueur.
La citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port prit part durant quatre siècles à l’histoire de la défense de la frontière naturelle de la France sur les Pyrénées. Si le château fort médiéval succomba, à plusieurs reprises, à des assauts notamment durant la guerre de conquête de la Navarre par le roi des Espagnes, la citadelle a toujours rempli sa mission et ne fut jamais prise. Après avoir connu la paix depuis la fin des guerres de religion, la cité dut rapidement affronter la récurrence des hostilités entre la France et I'Espagne. Construite à l’origine pour affirmer la souveraineté du roi de France sur les débouchés du col de Roncevaux et sur la Basse-Navarre, la citadelle nouvellement édifiée assuma, dès 1636, un rôle de dissuasion face aux armées de Philippe IV, comme elle le fit à nouveau en 1813 face à Wellington, qui, l’un et l’autre, préférèrent attaquer par la voie côtière plutôt que par Roncevaux. Elle joua essentiellement un rôle de base logistique lors des actions offensives contre l’Espagne des XVIIIe et XIXe siècles, de 1701 à 1713, puis en 1725-26, et finalement lors de l’intervention française de 1823. Elle se trouva, surtout, engagée en première ligne des combats au cours des guerres de la Révolution et de l’Empire. Elle fit alors la démonstration concrète de sa valeur opérationnelle en devenant le centre d’un vaste « Camp Retranché », qui, couvrant l’ensemble de la vallée de Cize, comporta finalement une douzaine d’ouvrages majeurs. Ce camp retranché assuma pleinement sa mission comme pivot des opérations tant initialement défensives qu’ensuite offensives de l’Armée des Pyrénées Occidentales, de 1793 à 1795. Constituant, à partir de 1808, en avant de Bayonne au pied du col de Roncevaux une base avancée de l’armée d’Espagne sur son second itinéraire logistique, il devint le point d’appui de la défense de la frontière pyrénéenne en 1813, après la défaite de Vitoria, puis la base de rassemblement et de soutien du retour offensif de Soult vers Pampelune en juillet 1813, pour être finalement, avec Bayonne, l’un des deux points d’ancrage de la manœuvre de défense en profondeur de Soult d’octobre 1813 à fin avril 1814.
La citadelle elle-même et plus encore la place de Saint-Jean-Pied-de-Port furent, tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, l’objet de nombreux projets, souvent très ambitieux. C’est à partir du plan de Salmon en 1718, qui projetait d’entourer la citadelle, la cité et ses faubourgs d’une large enceinte bastionnée, qu’apparut à Saint-Jean-Pied-de-Port le premier projet tendant à concrétiser l’idée alors nouvelle de « place forte », qui connut un bref début de réalisation lorsque les deux entités jusqu’alors distinctes de la citadelle et de la cité furent fondues en un ensemble défensif unique. Mais soumis à de dures contraintes financières, ces projets ne furent suivis que de réalisations partielles et mineures.
L’expérience tirée des combats de la Révolution et de l’Empire autour du camp retranché de Saint-Jean-Pied-de-Port constitua la base de la réflexion des officiers du génie au XIXe siècle pour l’élaboration des projets de remaniement de la place visant à y établir une « place à forts détachés ». Restés eux aussi lettre morte, ils débouchèrent sur la construction, de 1842 à 1848, autour de la ville basse, le « faubourg de Saint-Michel », devenu « faubourg d’Espagne » sur la rive gauche de la Nive, d’un simple mur d’enceinte percé de meurtrières, renforcé de quatre tours bastionnées. Ce succédané minimaliste des projets grandioses des successeurs de Vauban, destiné seulement à mettre cette cité frontalière à l’abri d’un coup de main, constitue l’un des tout derniers exemples de construction d’une enceinte urbaine. Cette réalisation confirme le bien-fondé des propositions du commissaire cénéral des fortifications de Louis XIV qui avait renoncé, en dépit de l’importance stratégique de la place qu’il soulignait, à y établir une place forte pour des raisons de réalisme et de coût.
Malgré le traité des Pyrénées de 1659, la frontière resta une zone de confrontation entre la France et l’Espagne jusqu’en 1840. Son tracé ne fut définitivement réglé qu’en 1856 par le traité de Bayonne. La place conserva son statut de « place de guerre » jusqu’en 1870, date à laquelle il fut définitivement décidé d’arrêter tout projet d’amélioration de ses fortifications et de faire de la citadelle un simple casernement de temps de paix pour une garnison, ce qu’elle fut jusqu’en 1925. En effet, la fortification bastionnée née au XVIe siècle en réponse aux progrès de l’artillerie, garda tout son intérêt jusqu’aux nouveaux progrès décisifs de l’artillerie, marqués par l’apparition du canon à âme rayée, du chargement par la culasse et de l’obus explosif vers 1850, permettant de bombarder une place avec efficacité à plusieurs kilomètres de distance, qui rendirent obsolètes les fortifications bastionnées et les villes à enceintes du type de celle de Saint-Jean-Pied-de-Port. Le temps de l’architecture bastionnée était alors définitivement révolu après trois cent cinquante ans de bons et loyaux services aux frontières. La ville et la citadelle perdirent ainsi, au milieu du XXe siècle, son intérêt politique, sa valeur stratégique et son importance militaire.
La citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port permet de contribuer à la connaissance de l’histoire de la fortification à la Renaissance et à l’époque baroque. Construite de manière continue au XVIIe siècle et maintenue en parfait état de conservation, elle nous est parvenue en l’état qui était le sien à la fin de sa construction en 1730, sans avoir subi aucune modification, altération ou addition notable. Si le capitaine Duvignau, officier du génie, pouvait en 1794 le déplorer, nous ne pouvons que nous en féliciter. En effet, cette caractéristique lui confère aujourd’hui un intérêt majeur.
Elle constitue ainsi un exemple rare, sans doute unique, et représentatif de la fortification bastionnée telle que la concevaient les premières générations d’ingénieurs militaires, précurseurs de Vauban, nommément son constructeur, l’ingénieur du Roy Pierre de Conty de la Mothe d’Argencourt, l’ingénieur favori de Louis XIII, dont elle constitue un exemplaire intact, donc authentique. Sentinelle gardant le col de Roncevaux, vivant au rythme des relations transfrontalières, témoin de l’histoire commune de la Navarre, de l’Espagne et de la France, maillon capital de l’évolution de l’art de la fortification à partir de la Renaissance, la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port porte ainsi l’empreinte des ingénieurs de l’école de fortification créée en France au début du XVIIe siècle par Henri IV et Sully, développée par Louis XVIII et Richelieu, parmi lesquels de remarquables praticiens et théoriciens, dont la valeur fut éclipsée, sous Louis XIV, par le génie et la stature du maréchal de Vauban.
Ainsi la place et la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port présentent un grand intérêt culturel didactique et pédagogique, et ce à plusieurs égards :
  • un panorama concret de l’histoire de la fortification depuis la muraille médiévale jusqu’au mur d’enceinte à meurtrières du XIXe siècle, en passant par la casemate d’artillerie de la Renaissance et, surtout, par la fortification bastionnée et remparée du XVIIe siècle ;
  • un exemple, de taille humaine, de l’architecture militaire du XVIIe siècle, réalisation de l’ingénieur du Roy préféré de Louis XIII, permettant d’expliquer simplement les principes fondateurs et les tâtonnements de la fortification bastionnée primitive ;
  • une représentation de l’évolution de la poliorcétique et de la fortification bastionnée, du modèle primitif aux chefs-d’œuvre de Vauban, illustrée par la création de l’enceinte de combat extérieure, la redoute d’artillerie en forme de demi-lune à la manière de Vauban et le système de communications souterraines qui la traversent ;
  • un aperçu de l’adaptation de la fortification bastionnée au relief de montagne par opposition aux caractéristiques de fortification de plaine qu’elle présente quand on l’aborde en venant de l’Est face à son front d’attaque ;
  • une illustration vivante de la vie et du fonctionnement d’une citadelle au XVIIe siècle, grâce à l’état de conservation et à la connaissance détaillée que nous avons de son organisation et de son agencement ainsi que de ses capacités militaires et logistiques ;
  • un modèle et une mémoire de la tactique et de la stratégie opérationnelle à l’époque des guerres de la Révolution et de l’Empire, grâce aux vestiges encore existants du camp retranché dont la citadelle fut le centre.

La ville de Saint-Jean-Pied-de-Port a la chance inestimable de posséder un ensemble d’enceintes fortifiées de qualité, autour du joyau de la fortification bastionnée de l’époque baroque que représente sa citadelle, ouvrage rare qui est trop longtemps resté méconnu. Il lui revient maintenant de s’approprier ce patrimoine, classé « monument historique », en prenant une pleine conscience de sa richesse et de son intérêt. Il lui appartient de le conserver et de le valoriser, de le révéler tant au grand public qu’aux amateurs d’Histoire, de le faire connaître et de faciliter son exploitation. Il importe aussi de le protéger de toute restauration hasardeuse. Sa réhabilitation apparaît une nécessité car il constitue une chance et un atout pour les Pays de Cize et de Baïgorry, en participant à leur développement touristique et en leur permettant de gagner en rayonnement culturel. Des opérations de mise en valeur et d’animation culturelles de la citadelle, ainsi que des aménagements d’accueil du public sont aisément envisageables.
La présente étude mériterait d’être poursuivie et approfondie afin d’en préciser et d’en compléter les conclusions. Des recherches dans les archives départementales et municipales de Pau et Bayonne, ainsi que dans les fonds archivistiques existant en Espagne, notamment à Pampelune ou à Simancas, devraient permettre de préciser notre connaissance de l’histoire du château fort des rois de Navarre et de la cité médiévale de Saint-Jean-Pied-de-Port.

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