III. Cité et château fort de Saint-Jean-Pied-de-Port au Moyen-Age

Les plus anciennes parmi les sources consultées, appartenant aux fonds d’archives conservés au SHAT, à la BNF et à l’IGN, donnent également des éléments d’information sur la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port durant la période du Moyen-Âge. Leur intérêt est d’autant plus grand que certains des indices qu’elles fournissent, permettent d’esquisser quelques pistes nouvelles de recherche concernant le château fort qui précéda la citadelle, ainsi que sur la cité médiévale. Elles sont donc de nature à relancer la réflexion sur leurs origines et leur histoire.
Les documents du SHAT pertinents à cet égard sont le Mémoire de Mr de Vauban sur Saint-Jean-Pied-de-Port du 6 décembre 16851 et la Carte de la ville et citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port inséré en page 49 du Recueil des cartes des places de guerre des provinces de …, dit atlas Louis XIV de 16832. A la bibliothèque de l’Arsenal, il s’agit du Plan de Saint Jean Pié de Port, lui-même non daté, inséré en page 4 du tome III du Recueil des plans des places de France, constitué en 1676, appartenant à la collection Paulmy3. Le cabinet des estampes de la BNF, implanté sur le site de la bibliothèque Richelieu, détient un croquis perspectif intitulé « SAINCT JEHAN DE PIE DE POR », réalisé par le dessinateur et voyageur hollandais Joachim De Wiert en 16144, et un Plan de Saint Jean Pied de Port, capitale de la Navarre française, non daté5, dont la comparaison avec les autres sources disponibles montre qu’il remonte également au milieu du XVIIe siècle. La cartothèque de l’IGN enfin possède une CARTE TOPOGRAPHIQUE de St IEN de PIET de PORT en BASSE NAVARRE, par le Sr Desjardins, ingénieur et géographe du Roy6, qui, comme nous le verrons7, peut être datée de 1645. Ces documents présentent l’état de la cité et des fortifications de Saint-Jean-Pied-de-Port au milieu du XVIIe siècle, c’est-à-dire tel qu’il résulte de leur histoire et de leur évolution au cours du Moyen-Âge, dont ils conservent donc des traces ou des vestiges. En outre, l’étude attentive de deux des plans mentionnés ci-dessus, le plan de l’atlas de 1676 conservé à la bibliothèque de l’Arsenal8 et le plan conservé au cabinet des estampes de la BNF (site Richelieu)9, montre qu’ils ont été établis sur des fonds de carte préexistant, donc encore plus anciens. Ainsi, sous le plan, ou le projet, surajouté, apparaissent deux situations géographiques originales, antérieures à l’époque baroque.
L’analyse de ces sources cartographiques fournit quelques informations, ou plutôt quelques indices, concernant tant le château fort que la cité médiévale et ses enceintes, ainsi que les chemins qui les traversaient à l’époque médiévale.

31- Le CHATEAU FORT MEDIEVAL ORIGINEL

Vauban, commissaire général des fortifications de Louis XIV rédigea, le 6 décembre 1685, un mémoire10 parfaitement explicite. A cette date, la citadelle était dominée par le donjon du château fort médiéval, érigé au sommet d’une éminence qui, occupant tout l’espace central de la citadelle, dominait d’une douzaine de mètres le niveau de la place d’armes actuelle. Dans son mémoire, en effet, Vauban écrit que « la tête de la montagne est restée au milieu de la place qui a six toises de haut depuis le niveau de la place d’armes jusqu’au sommet sur laquelle se trouve un donjon assez logeable ». La base du donjon était ainsi douze mètres plus haut que le niveau de la place d’armes actuelle, donc plus haute que le faîte des toits des bâtiments qui l’enserrent aujourd’hui. Puisqu’il était jugé « logeable » par Vauban, ce donjon était en 1685 en bon état, soit qu’il n’ait pas subi de dégâts lors des guerres des XVe et XVIe siècles, soit qu’il ait été restauré lors des travaux de construction de la citadelle primitive. Le croquis perspectif réalisé par Joachim De Wiert en 161411, laisse en effet à penser que soixante-dix ans plus tôt, le château et son donjon étaient en ruines. N’en subsistaient alors que les vestiges de courtines et de tours, l’une ronde, l’autre polygonale. Ce croquis, qu’aucun autre document d’époque ne confirme par ailleurs, dans la collection de cartes et croquis de Claude Chastillon, topographe du roi, conservée au cabinet des estampes de la BNF (site Richelieu) par exemple, reste sujet à caution. Tant la forme qu’il donne à l’éperon de Gastellumendy que les portes qu’il dessine autour de la ville basse et dont nous savons avec certitude qu’elles n’existaient pas à cette date, obligent à utiliser cette source avec prudence. Il convient par ailleurs de rappeler que la conservation des donjons médiévaux au centre des citadelles primitives était une pratique courante à l’époque baroque. En plus de leur rôle militaire de guet et d’observation, ils conservaient dans les premiers temps de la fortification bastionnée une fonction de logement du commandant de la garnison et de témoignage du prestige royal et de sa pérennité.
La carte de Saint-Jean-Pied-de-Port de l’atlas Louis XIV de 1683 conservé au SHAT12, confirme à la date de réalisation de cette carte, l’existence d’un donjon au milieu de l’actuelle place d’armes et permet d’en estimer le diamètre à une vingtaine ou une trentaine de mètres. D’autres cartes, encore plus anciennes, remontant au début du XVIIe siècle, la carte générale du « Béarn » du Grand Atlas, dit atlas Louis XIII13, conservée au SHAT, ou la carte hydrographique de la Garonne14 de la collection de l’abbé de Marolles, conservée au cabinet des estampes de la BNF, confirment l’existence d’une forteresse à Saint-Jean-Pied-de-Port car la cité y est figurée par l’icône d’un château fort. Il est donc avéré qu’au Moyen-Âge, la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port était dominée par un château fort, dont le donjon se trouvait quasiment au centre de la citadelle actuelle, légèrement décentré vers le Sud, au sommet d’une éminence atteignant alors une altitude de 245 mètres, réduite aujourd’hui à 233 mètres.
Si Vauban ne décrit pas plus avant ce donjon, les sources cartographiques déjà mentionnées, le plan du cabinet des estampes de la BNF (site Richelieu)15 et le plan de l’atlas de 1676 de la bibliothèque de l’Arsenal16, confirment et précisent ces données. Le donjon représenté a une forme hexagonale irrégulière17 s’inscrivant dans une ellipse d’une trentaine de mètres pour le grand axe, sur une vingtaine pour le petit axe. Sur l’un des côtés, on peut identifier la tourelle d’escalier donnant accès aux étages supérieurs du donjon. Ce donjon y est représenté quasiment au centre de la citadelle, sur une éminence assez pentue et escarpée, comme l’indiquent les fortes hachures du dessin, au sommet de laquelle il occupe tout l’espace disponible. L’accès à ce donjon se fait par un chemin qui en gravit la pente en serpentant. Au pied de ce chemin est indiquée une porte monumentale, au niveau des deux pavillons actuels, qui commandait l’accès au donjon. Elle pourrait être le vestige d’une enceinte, d’une chemise, qui ceinturait l’éminence sur laquelle se dressait le donjon du château médiéval. Une hypothèse s’impose : celle d’une enceinte polygonale d’altitude constante, courant donc approximativement le long du périmètre extérieur des casernements qui entourent actuellement la place d’armes intérieure de la citadelle. Cette enceinte se serait présentée sous une forme quasi rectangulaire d’environ soixante et quatre-vingt mètres de côté, ce qui correspond aux normes de l’époque. En avant de la porte de cette enceinte, figure sur les plans un puits, à l’emplacement du puits actuel. Son existence suggère l’existence d’une seconde enceinte, ou seconde chemise, à l’intérieur de laquelle le puits se trouvait protégé.
Un tel plan rappelle les donjons de formes diverses, elliptiques ou polygonales, élaborées à la fin du XIVe siècle, qui s’élevaient couramment à de grandes hauteurs. A titre d’exemple, le donjon du château de Vincennes de Charles V le Sage (1364-1380),dont la terrasse culmine à 50 mètres, s’inscrit avec ses quatre tourelles d’angle, dans un carré d’environ 22 mètres de côté, au milieu d’une enceinte carrée de cinquante mètres de côté. Les forteresses établies par Gaston III Febus (1331-1391), comte de Foix et seigneur de Béarn, avaient toutes un plan polygonal composé d’une enceinte simple ou double, enfermant une cour intérieure dotée d’un puits, et étaient dominées par un énorme donjon carré de quinze à vingt mètres de côté, pouvant atteindre quarante mètres de haut comme à Pau (64000) ou à Montaner (Pyrénées-Atlantiques, 64460), élevée pour défendre ses États face à la Guyenne anglaise. De même à Orthez (64300), la tour Moncade, bâtie vers 1250 par le vicomte de Béarn Gaston VII sur une butte de 110 m d’altitude et rénovée par Gaston Febus, de plan pentagonal et d’une hauteur bien supérieure à trente mètres, était entourée de deux chemises concentriques. Le fait que Gaston III Febus était le contemporain et le beau-frère de Charles II d’Evreux-Navarre qui partageait le même souci de sécurité face à la Guyenne anglaise, suggère que le donjon de Saint-Jean-Pied-de-Port avait des caractéristiques comparables à ces donjons béarnais et inspire l’hypothèse d’une profonde rénovation, voire d’une reconstruction par Charles II ou Charles III durant l’âge d’or du royaume de Navarre.
La cité de Saint-Jean-Pied-de-Port était donc dominée à l’époque médiévale par un fier donjon au sommet de l’éperon rocheux, initialement de Mendiguren devenu Gastellumendy (ou Gaztelumendi), alors haut de 245 mètres, élément central d’un château fort que les documents consultés ne décrivent pas plus avant, qui aurait pu comprendre deux enceintes concentriques. Sa fonction était la défense de la province navarraise d’outre monts face à l’Aquitaine et à Bayonne, alors possessions du roi d’Angleterre. Le choix de cet éperon pour y construire un château fort, remis dans le cadre stratégique de l’époque, confirme l’hypothèse du passage de la voie romaine, puis du Grand chemin d’Espagne primitif, par Saint-Michel-Pied-de-Port. Le premier résultat des travaux ordonnés par Vauban fut d’entraîner, dès 1686, la destruction de ce donjon et l’arasement de l’éminence qui fut aplanie pour devenir la place d’armes interne de la citadelle. Quant aux enceintes du château, probablement ruinées par les guerres, elles avaient déjà définitivement disparues lors des premiers travaux de construction d’une citadelle.

32- Le BOURG CASTRAL MEDIEVAL

Les cartes anciennes déjà mentionnées révèlent l’existence d’autres constructions aujourd’hui disparues. Le plan de l’atlas de 1676 de la bibliothèque de l’Arsenal18 indique, près de l’actuel carrefour des chemins de Saint-Jacques et de la citadelle, carrefour marqué aujourd’hui par une croix en fer forgé, l’existence d’une chapelle et d’une porte. Cette porte, accolée à la chapelle, est comparable aux portes fortifiées des enceintes des villes ou des châteaux. Elle commande un itinéraire porté sur ce même plan qui correspond à l’actuel chemin du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, reliant Saint-Jean-Pied-de-Port à Saint-Jean-le-Vieux par La Madeleine, où il franchissait alors la rivière du Laurhibar sur un pont situé quatre cent mètres environ en aval du pont actuel. Cette porte et cette chapelle étaient situées sur cet itinéraire, deux cents mètres au delà de la porte que nous appelons aujourd’hui « Porte Saint-Jacques », en contrebas de la citadelle et du donjon à une distance d’environ cent mètres à son Nord-est. Le plan du cabinet des estampes de la BNF (site Richelieu)19 porte les mêmes indications, que la carte de l’atlas Louis XIV20 confirme. Cette porte et cette chapelle sont également indiquées sur tous les plans et cartes postérieurs, établis au XVIIIe siècle par les officiers du génie. Leurs dimensions respectives étaient, d’après ces divers plans de 8 mètres de largeur sur 8 mètres de profondeur pour la porte, 25 mètres de longueur sur 10 mètres de largeur pour la chapelle. La légende du plan dressé par le « sieur Masse » en 168921 donne les précisions manquantes en nommant cette porte et cette chapelle : « Porte et Chapelle Saint Jacques ». Cette porte et cette chapelle furent toutes deux détruites au début de la guerre qui opposa la France à l’Espagne à partir de 1793, durant la Révolution française. Il est probable que leurs fondations existent encore, que des fouilles pourraient révéler.
La question qui se pose est de savoir à quelle enceinte cette porte appartenait et la fonction dévolue à la chapelle. Sur tous les plans anciens, l’enceinte de la ville haute a un tracé identique à celui d’aujourd’hui jusqu’à l’actuelle porte Saint-Jacques, où elle s’interrompait. Aucun mur ne reliait alors cette porte aux bastions de la citadelle. En revanche, sur ces plans, la citadelle apparaît couverte face à la ville par des vestiges de mur, ou de muraille, qui courraient en contrebas de la demi-lune et rejoignaient l’extrémité haute de l’actuelle porte Saint-Jacques. Ils pourraient constituer les vestiges de la seconde enceinte extérieure du château médiéval. Le plan de l’atlas de 1676 conservé à la bibliothèque de l’arsenal22 montre que la rue reliant l’ancienne et l’actuelle porte Saint-Jacques, était alors bordée d’au moins une trentaine de maisons. Quelques sources cartographiques et manuscrites postérieures complètent ces informations. Sur le plan du sieur Masse de 168923, le nombre de maisons est réduit à une douzaine, ce qui indique que ce faubourg, alors situé hors de l’enceinte, avait périclité durant la seconde moitié du XVIIe siècle, tandis que des casernements avaient été entre-temps construits à l’intérieur de la citadelle. Le plan du sieur Masse confirme que les maisons y étaient en nombre suffisant à ses yeux pour constituer un faubourg dont il ignore d’ailleurs le nom. Son plan porte la mention « Faubourg de … ». Il ignore également le nom de la porte de l’enceinte de la cité, qu’il dessine en haut de l’actuelle rue de la citadelle, l’actuelle porte Saint-Jacques. Il mentionne seulement « Porte de … ». Seul le mémoire de l’ingénieur M. de Salmon de 171824 nomme cette porte « Porte d’Haraconcia » et la carte du même Salmon donne à la même date25 le nom de « rue de Scalapuria » à la rue reliant cette « Porte d’Haraconcia » à la « Porte Saint Jacques », rue que suit l’actuel chemin de Saint-Jacques.
L’existence au Moyen-Âge d’un « Faux Bourg » hors les murs au pied du château fort, face aux menaces venant de la Guyenne anglaise, est difficilement envisageable. Or, le plan de 1’atlas de 1676 de la bibliothèque de l’arsenal26, confirmé par le plan du sieur Masse de 168927 et le plan de l’ingénieur géographe Beauvilliers réalisé en 171528, montre quelques ruines de murailles au-delà de la « porte d’Haraconcia » en direction de la « porte Saint Jacques », ruines situées selon ces plans dans le prolongement des vestiges d’enceinte déjà mentionnées, en contrebas de la citadelle. Le sieur Masse indique en légende « d’anciens ouvrages » à cet emplacement. Plusieurs mémoires postérieurs, dont celui de 177029, mentionnent que, lors de la construction de la citadelle, on abattit un vieux mur d’enceinte qui, à partir de la « porte d’Haraconcia » se poursuivait sur environ deux cents mètres vers l’Est jusqu’aux environs de la « porte Saint-Jacques ». Enfin, la carte topographique établie vers 1645 par le sieur Desjardins conservée à l’IGN30, montre ce faubourg, fort d’une douzaine de maisons, entouré de sa propre enceinte, distincte de l’enceinte de la cité, dont la « porte Saint-Jacques » constituait l’accès. L’absence de légende et l’incertitude sur le code de couleur utilisé ne permettent pas de savoir si cette enceinte existait à la date de réalisation du plan, ou si elle est en ruines, ou encore en projet, ou en restauration. Il est seulement possible de conclure que la citadelle aurait été entourée sur ses faces Nord et Ouest d’une enceinte extérieure primitive, sans doute la continuation de la seconde enceinte du château fort médiéval. Cette enceinte aurait englobé l’ensemble de ces maisons situées hors de l’enceinte de la cité. Elles seraient donc les vestiges d’un bourg castral dont la « porte Saint-Jacques » serait l’entrée. Quant à la « porte d’Haraconcia », elle serait l’entrée de l’enceinte entourait la cité civile. D’autres éléments tendent à confirmer cette hypothèse.

Le plan de Saint-Jean-Pied-de-Port et ses environs, conservé au cabinet des estampes de la BNF (site Richelieu)31, montre l’existence d’itinéraires originaux. Le chemin en provenance de Saint-Jean-le-Vieux par La Madeleine se divise en deux branches distinctes à hauteur de la ferme « Dufourquenia », dont la première se dirige vers la « porte Saint-Jacques » comme sur tous les autres plans consultés. La seconde branche conduit directement à la « porte d’Haraconcia », en passant en contrebas des maisons constituant le bourg castral. Il est possible de constater aujourd’hui que l’axe de cette « porte d’Haraconcia » n’est pas orientée en direction de l’emplacement de la « porte Saint-Jacques », mais bien en direction de la ferme « Dufourquenia ». L’itinéraire actuel qui relie directement la « porte d’Haraconcia » à la « porte Saint-Jacques » ne serait donc pas l’itinéraire d’origine. Ces deux portes auraient donc bien constitué les portes d’entrée respectives de deux enceintes distinctes, auxquelles accédaient des chemins différents.
La topographie des lieux tend à confirmer cette hypothèse. L’actuelle porte Saint-Jacques comme la muraille située de part et d’autre, est dominée par les maisons situées hors de l’enceinte, bâties à proximité de l’emplacement de l’ancienne « porte Saint-Jacques », sur le dernier contrefort de l’éperon de Gastellumendy, sur lequel s’élève la citadelle. Cette situation suggère que cet espace était à l’origine occupé par un autre ouvrage militaire, dès lors qu’il n’était pas inclus dans le périmètre défensif de la cité. Cet état de fait constitua apparemment une évidence pour Vauban, à telle enseigne qu’il projeta d’élargir vers l’Est la vieille enceinte et de lui faire rejoindre le saillant du bastion Nord-est, le bastion Saint-Jacques, de la citadelle pour inclure ce faux bourg dans le périmètre de la cité, confirmant ainsi l’intérêt militaire de cet espace de terrain.
L’hypothèse de l’existence d’un bourg castral s’en trouve confirmée. Saint-Jean-Pied-de-Port, au Moyen-Âge, aurait ainsi compris deux cités distinctes, une cité militaire et une cité civile, chacune ceinte de sa propre muraille et disposant de sa porte particulière. La « Porte Saint-Jacques » des plans des XVIIe et XVIIIe siècles serait le dernier vestige de l’enceinte qui, au Moyen-Âge, entourait le bourg castral bâti sur le versant Nord de l’éperon, en contrebas du donjon, lui-même entouré d’une chemise. Le château royal était constitué du donjon et de ses deux enceintes32, dont une large enceinte extérieure enserrant la cité militaire, le « bourg castral »33, appelée aussi basse-cour34. Il était alors clairement séparé de la cité civile qui lui était juxtaposée et qui était entourée d’une muraille qui lui était propre. Dans cette hypothèse, la chapelle Saint-Jacques était la chapelle de la cité militaire, donc du château, ce qui expliquerait l’inexistence, déplorée par Vauban, de bâtiment cultuel au sein de la citadelle en 1685. Le donjon servait de résidence au capitaine châtelain tandis que la garnison royale du château habitait le bourg castral. Un tel agencement était courant en Béarn et dans le comté de Foix35, mais aussi en France36. Il convient de citer les deux forteresses de Gaston Febus, Morlanne et Montaner, construites au sommet d’une butte selon un plan polygonal enfermant une cour où se trouvait le puits. Elles étaient dominées par d’énormes donjons, culminant à quarante mètres à Montaner. Contemporain de Charles V de France, Gaston Febus (1331-1391) l’était aussi de Charles II de Navarre, son beau-frère, dont nous avons noté la volonté de fortifier son royaume et son attachement à la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port37. L’ensemble du château et de ses enceintes était construit et entretenu par le budget royal. A l’opposé, la muraille de la ville civile était en principe construite et entretenue par les bourgeois de la ville qui constituaient la milice bourgeoise chargée de sa sécurité. Le bourg castral a, selon toute vraisemblance, été construit en même temps que le donjon dont il fait partie intégrante. La ville civile, quant à elle, a très bien pu être construite plus tardivement.

33- La CITE MEDIEVALE PRIMITIVE38

Tous les mémoires du XVIIIe siècle confirment que la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port ne constituait alors qu’une seule juridiction avec ses deux quartiers : la ville haute, « la ville » ou « quartier de Sainte-Marie », et la ville basse, ou « faubourg de Saint-Michel », situés de part et d’autre de la Nive de Béhérobie. Mais chacun de ces quartiers appartenait alors à deux paroisses distinctes : le « faubourg de Saint-Michel » appartenait à la paroisse d’Uhart-Cize, tandis que le « quartier de Sainte-Marie » constituait avec le « faubourg d’Ugange » une paroisse unique dont l’église « Sainte-Eulalie », située hors de l’enceinte, était l’église paroissiale. L’église « Sainte-Eulalie » était de dimensions modestes, trente-cinq mètres de long sur dix de large, à peine plus vaste que la « chapelle Saint-Jacques ». L’autre église, « Notre-Dame-du-bout-du-pont », de plus grandes dimensions, qui était incluse dans l’enceinte fortifiée, n’était alors qu’une simple chapelle. Certains documents lui donnent le nom de « chapelle Notre-Dame », de « chapelle Saint-Jean » ou de « chapelle Sainte-Marie ». L’abbé P. Haristoy39 précise que l’église Sainte-Eulalie avait une chapelle latérale du côté de l’évangile et une abside à pans coupés et que l’église Notre-Dame-du-bout-du-pont devint l’église paroissiale lors de la reprise du culte en 180340.
Cette situation, qui prévalut jusqu’à la Révolution, mérite réflexion. Elle apparaît comme une survivance de la situation administrative originelle, celle du Moyen-Âge, quand l’église paroissiale où se tenaient les réunions des chefs de famille, était le centre de la vie communautaire. La division administrative médiévale de base était la paroisse41. Le quadrillage géographique des paroisses constituait le tissu administratif initial. Les bourgs apparurent à une époque ultérieure lors de la naissance de la bourgeoisie formée des artisans et commerçants. Cette réflexion conduit à la conclusion que l’origine de la « cité civile » de Saint-Jean-Pied-de-Port se situait autour de l’église paroissiale de Sainte-Eulalie, où les plans anciens indiquent une quinzaine de maisons, et non à l’intérieur de l’enceinte médiévale. Le portail roman de Sainte-Eulalie, récemment dégagé et intelligemment déplacé, confirme son antériorité sur les autres édifices de la ville. Le nom de sa titulaire, martyre de l’église ibérique, rattache l’église à la tradition des premières évangélisations de la péninsule et du pays basque. L’ingénieur Desjardins lui donne le nom de « Sainte-Olary » et précise « où l’on sacrait antérieurement les rois de Navarre »42. Cette église était à l’origine placée sur le chemin piétonnier, qui, quittant à hauteur de Saint-Jean-le-Vieux le tracé de l’ancienne voie romaine, permettait de rejoindre la vallée et le village de Baïgorry, en passant par les villages d’Ugange et Uhart-Cize. L’église Sainte-Eulalie d’Ugange était bâtie sur le dernier point haut avant le gué sur la Nive de Béhérobie en face de l’église et du village d’Uhart-Cize érigés sur le point haut de la rive opposée, les itinéraires antiques étant déterminés par les cols et les gués. Comme cela a déjà été indiqué43, le chemin principal vers l’Espagne empruntait encore, selon toute vraisemblance, au haut Moyen-Âge, l’itinéraire de la voie romaine qui d’Imus Pyrenaeus, Saint-Jean-le-Vieux, partait directement en direction des ports de Cize, Summus Pyrenaeus, par Saint-Michel-Pied-de-Port où se trouvait un gué. Cet itinéraire franchissait vers le village de Caro la ligne de crête dont l’éperon terminal fut élu par le roi de Navarre pour y construire le château avec son donjon, ses enceintes et son bourg castral, chargé d’en assurer la sécurité.

La carte topographique du sieur Desjardins de 1645 conservée à l’IGN44 ne donne qu’un seul itinéraire d’accès à la citadelle. Il s’agit d’un chemin qui remonte directement de l’église Sainte-Eulalie d’Ugange vers la citadelle par l’axe de l’actuelle « rue de France », puis serpente sur le flanc de l’éperon rocheux pour atteindre l’entrée de la demi-lune par sa face Sud-ouest, donc du côté opposé à l’accès actuel. Ces sources suggèrent la coexistence du village d’Ugange et du château médiéval, antérieurement à la création du « quartier de Sainte-Marie », noyau de la cité civile du Moyen-Âge. Cette rue serait également antérieure à la rue, aujourd’hui appelée « de la citadelle » dont l’origine serait le tracé nouveau du Chemin de Saint-Jacques puis du Grand chemin d’Espagne. Abandonnant l’itinéraire direct de la voie romaine de Saint-Jean-le-Vieux vers Saint-Michel-Pied-de-Port par Caro, il se serait ensuite dirigé de Saint-Jean-le-Vieux vers le château fort de Saint-Jean-Pied-de-Port, nouvellement construit, afin de bénéficier de sa protection directe. Après avoir longé le mur Nord de l’enceinte du bourg castral, il aurait gagné le village de Saint-Michel en longeant le cours de la Nive, sur lequel apparaît le moulin neuf « d’Eyheraberry ». Le carrefour des actuelles rue « de France » et « de la citadelle » serait donc le point origine du « quartier de Sainte-Marie ».
Les fonds de cartes anciens, ayant servi à l’établissement de projets au XVIIe siècle, donnent quelques informations complémentaires sur les faisceaux d’itinéraires antérieurs à l’existence de la ville haute de Saint-Jean-Pied-de-Port. Le plan le plus ancien conservé au cabinet des estampes de la BNF45 informe sur les chemins rayonnant autour de l’église Sainte-Eulalie et des maisons formant à l’époque la paroisse d’Ugange. Le Grand chemin de Bayonne et Navarreinx, après avoir traversé le Laurhibar par un pont situé à quelques deux cents mètres en amont de l’actuel pont Saint-Laurent d’Ispoure, gagnait en ligne droite Sainte-Eulalie d’Ugange. Après être passé le long de l’église, il se scindait en deux chemins. Le premier continuait en ligne droite vers le gué, où il franchissait la Nive de Béhérobie, puis se divisait en deux branches en direction de la vallée de Baïgorry pour l’une, de Lasse46 puis du Val Carlos pour l’autre. Le second chemin obliquait vers le bord de Nive qu’il rejoignait vers l’actuelle ‘porte du marché’, appelée ‘Porte des deux moulins’ sur les plans du XVIIe siècle. Contournant la chapelle Notre-Dame, il remontait la vallée de la Nive de Béhérobie en direction du village de Saint-Michel-Pied-de-Port. Le pont romain n’apparaît pas sur ce fonds de carte. Ceci suggère une période de temps antérieure à la construction de ce pont, durant laquelle le Grand chemin d’Espagne traversait Saint-Jean-Pied-de-Port pour rejoindre le village de Saint-Michel où commençait l’ascension vers les ports de Cize. A l’origine, il semble bien que seul le village de Saint-Michel avait l’appellation de Pied-de-Port, que Saint-Jean acquit à son tour, en 1253 semble-t-il, tandis que Saint-Michel la perdait. A partir de cette date, un pont, éventuellement en bois, permettait donc de franchir la Nive à Eyheraberry.
Le fonds de carte ancien, sur lequel est dressé le plan de l’atlas de 1676 conservé à la bibliothèque de l’Arsenal47, renseigne sur les itinéraires desservant le château fort à une époque non précisée, remontant également au Moyen-Âge. L’entrée de la citadelle, qui était aussi l’accès au donjon, était desservie par deux chemins, le premier venant de Guyenne, le second conduisant en Espagne. Le premier, en provenance de Saint-Jean-le-Vieux par La Madeleine, franchissait le Laurhibar sur un pont situé quelques quatre cents mètres en aval de l’actuel pont de La Madeleine. Il se dirigeait en ligne droite vers le château par l’actuel chemin de Taillapalde, il entrait dans le bourg castral par la porte Saint-Jacques’. Parvenant au pied de la courtine Nord par une rampe, parallèle à la rampe donnant actuellement accès à l’esplanade, située à mi-chemin entre la porte Saint-Jacques et la porte d’Haraconcia, il gagnait la porte royale de la citadelle. Le second chemin descendait de la porte royale, à mi-pente de l’éperon rocheux au-dessus de l’actuelle rue de la citadelle, vers la Nive de Béhérobie qu’il rejoignait derrière le chevet de la chapelle Notre–Dame, puis longeait la Nive de Béhérobie jusqu’au pont que nous appelons « pont romain » d’Eyheraberry qu’il traversait pour poursuivre ensuite directement vers Portaleburu, la Navarre et Roncevaux en rejoignant l’actuel itinéraire de la « route Napoléon » dès son amorçage. Le « pont romain » ne comportait qu’une seule arche en plein cintre qui enjambait la rivière enserrée entre deux berges rocheuses qui servaient d’appui aux piles du pont. Cette forme en dos d’âne et son étroitesse qui permettait seulement le passage d’une charrette entre ses parapets atteste d’une antiquité qui devrait remonter au Moyen-Âge, d’où son nom de « romain », sans doute déformation de « roman ». Des travaux récents datent sa construction de 1640, mais il s’agit certainement d’une reconstruction à cette date, qui suivrait celle du pont de l’église que certains auteurs datent de 1634. Ce fonds de carte, où l’accès à la citadelle se fait par des itinéraires différents de ceux de l’époque moderne, suggère qu’il est antérieur à l’établissement de la ville haute de Saint-Jean-Pied-de-Port. Sa construction pourrait remonter à la fin du XIIe siècle.
Enfin, ce plan de l’atlas de 1676 donne une dernière indication intéressante, confirmée par d’autres plans postérieurs : « la maison de ville », lieu de réunion des jurats48, y est indiquée dans la « porte de Bayonne », celle que nous appelons « porte de France », qui est alors une sorte de tour-porte profonde à doubles vantaux sans doute renforcée d’une herse, comme l’actuelle porte de l’église. La proximité de cette maison de ville et de l’église Sainte-Eulalie renforce l’hypothèse que le centre de la cité avait été à Ugange et que probablement la ville s’était initialement développée à partir de ce centre en remontant vers le château. La maison de ville, lieu de réunion des jurats, s’était naturellement installée à la création de la muraille, dans la salle d’armes sise au premier étage de la porte de l’enceinte la plus proche de l’église paroissiale où se tenaient jusqu’alors ces réunions. Le plan du sieur Masse indique qu’en 1689, la maison de ville s’était déplacée vers le château et implantée sur le chemin d’Espagne même dans sa traversée de la cité. Elle était alors installée dans le bâtiment indûment dénommé actuellement « prison des évêques », suggérant que l’axe principal de la cité était alors l’actuelle rue de la citadelle. Un document du XVe siècle atteste l’attribution par le pouvoir royal, de droits et pouvoirs spécifiques aux jurats de la ville, distincts des droits et pouvoirs de son représentant, le capitaine châtelain. En pleine guerre de succession à la couronne et de rivalité entre Agramontois et Beaumontois, l’établissement d’une prison fut accordé au bayle, aux jurats et à la communauté de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port49. Cette autorisation fut donnée par lettres signées à Pampelune le 6 avril 1445 par Charles, prince de Viane, héritier présomptif de la couronne de Navarre, et « lieutenant pour le seigneur roi son redoutable père ». Les travaux archéologiques récemment conduits à la prison des évêques ont permis d’effectuer une datation entre 1268 et 1288. La concession d’une prison fut confirmée par le roi Jean II d’Aragon en septembre 1450 à Pampelune. Plusieurs plans du XIXe siècle indiquent une prison civile dans l’actuelle ‘prison des évêques’. La coexistence dans le même bâtiment, ou le même ensemble de bâtiments, de la maison de ville, lieu de réunion des jurats, et de la prison civile placée sous leur autorité répond à une certaine logique. Quant aux moulins royaux, ils figurent bien sur les sources cartographiques étudiées, mais elles ne fournissent à leur sujet aucune information particulière. A. de Saint-Vanne50 cite un document d’archives du roi Thibaut I, en date du 19 septembre 1236, qui mentionne les « moulins royaux de Saint-Jean-Pied-de-Port ».
Ainsi donc, l’étude attentive des plans les plus anciens et des fonds de cartes plus anciens sur lesquels ils ont parfois été établis, permet d’esquisser des hypothèses nouvelles sur l’histoire de l’établissement de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port au Moyen-Âge. Sa construction aurait pu se faire selon les phases suivantes :
  • Le noyau primitif de Saint-Jean-Pied-de-Port était le hameau d’Ugange, devenu la paroisse Sainte-Eulalie, juste avant le gué sur le chemin permettant de poursuivre vers la vallée de Baïgorry et, plus tard, le Val Carlos ;
  • Un château fort royal, avec son donjon et son bourg castral, fut érigé sur le mont Mendiguren, devenant alors Gastellumendy, afin de défendre face au Nord l’accès à Roncevaux de la voie romaine, qui de Saint-Jean-le-Vieux gagnait directement les ports de Cize en franchissant la Nive de Béhérobie au gué de Saint-Michel-Pied-de-Port ;
  • La paroisse de Sainte-Eulalie d’Ugange se développa en direction du château fort royal, le long du chemin y conduisant depuis l’église Sainte-Eulalie, créant ainsi l’actuelle « rue de France » ;
  • Le tracé du Grand chemin d’Espagne qui recherche la protection du château fort royal, se modifie au départ de Saint-Jean-le-Vieux pour venir défiler aux pieds du château, selon le tracé de l’actuelle ‘rue de la citadelle’, puis continuer vers Saint-Michel-Pied-de-Port en suivant le cours de la Nive de Béhérobie ;
  • Une cité bourgeoise d’artisans et de commerçants se crée à partir du croisement du chemin reliant Sainte-Eulalie au château, l’actuelle « rue de France », et de l’actuelle « rue de la citadelle », puis se développe tant en remontant vers le bourg castral qu’en descendant vers la rivière et prend le nom de quartier de Sainte-Marie ; Il est envisageable qu’à partir de ce croisement, la partie haute de la rue prit initialement le nom de rue Saint-Pierre et la partie basse rue Saint-Michel, noms de rue apparaissant dans les textes anciens ;
  • Un pont roman est construit sur la Nive de Béhérobie, au dernier passage resserré entre des rives rocheuses à l’entrée du bassin de Saint-Jean-Pied-de-Port, pont que nous appelons « pont romain », que le Grand chemin d’Espagne emprunte pour poursuivre directement vers les ports de Cize par Portaleburu et Navarre, depuis Saint-Jean qui s’appelle bientôt « Saint-Jean-Pied-de-Port » ;
  • La cité s’entoure d’une muraille, une chapelle est construite en bas de la rue près de la rivière, puis, au fur et à mesure de l’évolution technique, un pont de bois, puis en pierre, est construit à l’extrémité de la rue : « il y a un pont de pierre assez bien fait » écrit Vauban en 1685 ;
  • Le faubourg de Saint-Michel, sur la rive gauche de la Nive, initialement quelques maisons dépendant de la paroisse d’Uhart-Cize, devient une rue de commerçants et d’artisans, après la construction du pont, puis devient administrativement un faubourg, puis un quartier de Saint-Jean-Pied-de-Port, tout en restant dépendant de sa paroisse initiale d’Uhart-Cize. Cette extension pourrait n’être intervenue que lors de la renaissance de la ville à la fin du XVIe siècle.

A cet égard, il convient d’interpréter avec prudence certaines appellations qui ont pu désigner des entités différentes selon les époques. A titre d’exemple, dans le cadre de la chronologie ci-dessus, Ugange a pu être nommée « ville basse » par opposition à la « ville haute » qui se créait au pied du château, ville haute qui était aussi alors une « ville neuve ». Quelques siècles plus tard, cette ville haute devenait la « vieille cité » tandis que le terme de « ville basse », ou de « ville neuve » désignait le quartier de Saint-Michel sur la rive opposée de la Nive. De même, si les rues ont changé de nom au cours de l’histoire, le même nom a également pu désigner des rues différentes selon les époques : par exemple, la partie basse de l’actuelle « rue de la citadelle » a pu s’appeler « rue de Saint Michel » à l’époque où elle se prolongeait par le chemin longeant la Nive qui conduisait à ce village.

* * *

Ainsi, l’étude des sources cartographiques les plus anciennes existant dans les fonds d’archives consultés permet d’esquisser des hypothèses novatrices sur l’histoire de la cité et du château de Saint-Jean-Pied-de-Port au Moyen-Âge. Elles devraient permettre de relancer les recherches en suscitant une lecture nouvelle des archives relatives à la période médiévale. L’origine de la ville découle de sa situation géographique. Autour du donjon médiéval des rois de Navarre, peut-être érigé peu après l’an mille par Sanche III le Grand (1000-1035) et attesté sous Sanche VI le Sage (1150-1194) en 1189, entouré de son bourg castral, fondé sur le site topographique, militairement favorable à la sécurité des accès au col de Roncevaux, constitué par l’éperon rocheux, bientôt appelé ‘Gastellumendy’, s’agrégea une cité civile qui prit le nom de Sainte-Marie, peut-être plus tardivement. Tout comme les places de guerre d’une certaine importance, la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port semblerait avoir été composée, au Moyen-Âge, de deux cités juxtaposées : une cité militaire autour du château royal et de son donjon et, en contrebas, une cité bourgeoise de commerçants et artisans, née postérieurement. Celle-ci, créée par extension de l’ancienne paroisse pastorale et agricole de Sainte-Eulalie d’Ugange, se serait développée le long du Grand chemin d’Espagne qui devint sa rue principale. Venue se placer sous la protection du château, elle se serait mise ensuite à l’abri d’une muraille d’enceinte et une chapelle aurait été bâtie à l’extrémité basse de la rue centrale. La tradition fait remonter leur construction au règne de Sanche VII le Fort (1194-1234), le denier roi de la dynastie navarraise. La construction ultérieure d’un pont sur la Nive, aurait permis à la cité de s’adjoindre administrativement le quartier de la paroisse d’Uhart-Cize, existant sur la rive opposée, qui aurait alors constitué un faubourg qui reçut le nom de Saint-Michel. Cette hypothèse correspond à un schéma classique de cité médiévale, dont Orthez ou Morlanne donnent des exemples décrits par P. Tucoo-Chala. Les forteresses de Gaston Febus étaient adjacentes à une cité, elle-même entourée d’une enceinte, limitée parfois à un fossé et des palissades, dont les maisons s’égrenaient le long d’une rue centrale. L’église qui en marquait l’extrémité basse, participait à la défense de la cité, le chemin de ronde se poursuivant sous sa toiture. La création progressive de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port sous l’attraction du château médiéval qui la dominait et dont la présence lui offrait sa protection confirme l’origine militaire de sa fondation et explique son rôle stratégique dans l’histoire. Si l’existence de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port est avérée au XIIe siècle, la considération du temps nécessaire à sa construction progressive selon le schéma proposé, tendrait à privilégier le règne de Sanche III le Grand pour l’établissement d’un château royal sur le mont de Mendiguren peu après l’an Mille.
1 Cf. source manuscrite n° 04 a.
2 Cf. source cartographique n° 23.
3 Cf. source cartographique n° 31.
4 Cf. source cartographique n° 34.
5 Cf. source cartographique n° 35-a.
6 Cf. source cartographique n° 36.
7 Cf. infra § 42.
8 Cf. source cartographique n° 31.
9 Cf. source cartographique n° 35-a.
10 Cf. source manuscrite n° 04 a.
11 Cf. source cartographique n° 34.
12 Cf. source cartographique n° 23.
13 Cf. source cartographique n° 22.
14 Cf. source cartographique n° 35-a.
15 Cf. ibidem.
16 Cf. source cartographique n° 31.
17 Voir planche n° 9.
18 Cf. source cartographique n° 31.
19 Cf. source cartographique n° 35-a.
20 Cf. source cartographique n° 23.
21 Cf. source cartographique n° 24-a.
22 Cf. source cartographique n° 31.
23 Cf. source cartographique n° 24-a.
24 Cf. source manuscrite n° 04-b.
25 Cf. source cartographique n° 27.
26 Cf. source cartographique n°31.
27 Cf. source cartographique n°24-a.
28 Cf. source cartographique n° 21.
29 Cf. source manuscrite n° 04-c.
30 Cf. source cartographique n° 36.
31 Cf. source cartographique n° 35-b.
32 Voir planche n° 8.
33 Bourg castral: ensemble des habitations des personnels du château, incluses dans la première enceinte.
34 Basse-cour: cour de dégagement où se trouvaient les écuries et les dépendances.
35 Cf. P. Tucoo-Chala, bibliographie n°46.
36 La construction de l’enceinte médiévale de Paris, dressée pour protéger la capitale des Anglais, fut décidée par Philippe Auguste lors de son départ à la troisième croisade en 1189. Dans ce système fortifié de Paris datant de la fin du XII° siècle, la forteresse du Louvre et son mur d’enceinte sont extérieurs à l’enceinte de la ville, ce qui permettait au pouvoir royal de contrôler la population parisienne d’autant que la garnison du Louvre était fournie par l’armée royale et celle de la ville par les milices bourgeoises. Il n’est pas interdit de penser que le château royal de Saint-Jean-Pied-de-Port était organisé sur le même principe.
37 Cf. supra § 13.
38 Cf. planche n° 8.
39 Cf. P. Haristoy, bibliographie n° 35 (op. cit.).
40 Le concordat fut signé entre le premier consul Bonaparte et le pape Pie VII le 15 juillet 1801.
41 Les « Tableaux de dénombrement » que Vauban soumet au roi à la fin du XVIIe siècle, confirment qu’à cette date la circonscription française de base est bien la paroisse : c’est à cet échelon qu’il prévoit la collecte des données de base du recensement qu’il préconise.
42 Cf. source cartographique n° 36.
43 Cf. supra, § 12.
44 Cf. source cartographique n° 36.
45 Cf. source cartographique n° 35-a.
46 P. Raymond cite dans le dictionnaire topographique des Basses-Pyrénées, un chemin dans la commune de Lasse qui a conservé le nom de ‘Chemin du Val Carlos’ parce qu’il mène dans cette vallée espagnole.
47 Cf. source cartographique n° 31.
48 Au XIIe siècle, existaient à Saint-Jean-Pied-de-Port suivant le « For » de Bayonne, douze jurats qui disposaient de pouvoirs de justice, de police et de finances et avaient juridiction criminelle sur toute la châtellenie (Cf. C. Urrutibehety, bibliographie n°47).
49 Cf. C. Urrutibehety, bibliographie n°47.
50 Cf. A. Saint-Vanne, bibliographie n°44 (op. cit.).

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