III. Cité et château fort de Saint-Jean-Pied-de-Port au Moyen-Age
Les
plus anciennes parmi les sources consultées, appartenant aux fonds
d’archives conservés au SHAT, à la BNF et à l’IGN, donnent
également des éléments d’information sur la cité de
Saint-Jean-Pied-de-Port durant la période du Moyen-Âge. Leur
intérêt est d’autant plus grand que certains des indices qu’elles
fournissent, permettent d’esquisser quelques pistes nouvelles de
recherche concernant le château fort qui précéda la citadelle,
ainsi que sur la cité médiévale. Elles sont donc de nature à
relancer la réflexion sur leurs origines et leur histoire.
Les
documents du SHAT pertinents à cet égard sont le Mémoire
de Mr
de Vauban sur Saint-Jean-Pied-de-Port
du 6 décembre 16851
et la Carte
de la ville et citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port
inséré en page 49 du Recueil
des cartes des places de guerre des provinces de …,
dit atlas Louis XIV de 16832.
A la bibliothèque de l’Arsenal, il s’agit du Plan
de Saint Jean Pié de Port,
lui-même non daté, inséré en page 4 du tome III du Recueil
des plans des places de France,
constitué en 1676, appartenant à la collection Paulmy3.
Le cabinet des estampes de la BNF, implanté sur le site de la
bibliothèque Richelieu, détient un croquis perspectif intitulé
« SAINCT
JEHAN DE PIE DE POR »,
réalisé par le dessinateur et voyageur hollandais Joachim De Wiert
en 16144,
et un Plan
de Saint Jean Pied de Port, capitale de la Navarre française,
non daté5,
dont la comparaison avec les autres sources disponibles montre qu’il
remonte également au milieu du XVIIe siècle. La cartothèque de
l’IGN enfin possède une CARTE
TOPOGRAPHIQUE de St IEN de PIET de PORT en BASSE NAVARRE, par le Sr
Desjardins, ingénieur et géographe du Roy6,
qui, comme nous le verrons7,
peut être datée de 1645. Ces documents présentent l’état de la
cité et des fortifications de Saint-Jean-Pied-de-Port au milieu du
XVIIe siècle, c’est-à-dire tel qu’il résulte de leur histoire
et de leur évolution au cours du Moyen-Âge, dont ils conservent
donc des traces ou des vestiges. En outre, l’étude attentive de
deux des plans mentionnés ci-dessus, le plan de l’atlas de 1676
conservé à la bibliothèque de l’Arsenal8
et le plan conservé au cabinet des estampes de la BNF (site
Richelieu)9,
montre qu’ils ont été établis sur des fonds de carte
préexistant, donc encore plus anciens. Ainsi, sous le plan, ou le
projet, surajouté, apparaissent deux situations géographiques
originales, antérieures à l’époque baroque.
L’analyse
de ces sources cartographiques fournit quelques informations, ou
plutôt quelques indices, concernant tant le château fort que la
cité médiévale et ses enceintes, ainsi que les chemins qui les
traversaient à l’époque médiévale.
31- Le CHATEAU FORT MEDIEVAL ORIGINEL
Vauban,
commissaire général des fortifications de Louis XIV rédigea, le 6
décembre 1685, un mémoire10
parfaitement explicite. A cette date, la citadelle était dominée
par le donjon du château fort médiéval, érigé au sommet d’une
éminence qui, occupant tout l’espace central de la citadelle,
dominait d’une douzaine de mètres le niveau de la place d’armes
actuelle. Dans son mémoire, en effet, Vauban écrit que « la
tête de la montagne est restée au milieu de la place qui a six
toises de haut depuis le niveau de la place d’armes jusqu’au
sommet sur laquelle se trouve un donjon assez logeable ».
La base du donjon était ainsi douze mètres plus haut que le niveau
de la place d’armes actuelle, donc plus haute que le faîte des
toits des bâtiments qui l’enserrent aujourd’hui. Puisqu’il
était jugé « logeable »
par Vauban, ce donjon était en 1685 en bon état, soit qu’il n’ait
pas subi de dégâts lors des guerres des XVe et XVIe siècles, soit
qu’il ait été restauré lors des travaux de construction de la
citadelle primitive. Le croquis perspectif réalisé par Joachim De
Wiert en 161411,
laisse en effet à penser que soixante-dix ans plus tôt, le château
et son donjon étaient en ruines. N’en subsistaient alors que les
vestiges de courtines et de tours, l’une ronde, l’autre
polygonale. Ce croquis, qu’aucun autre document d’époque ne
confirme par ailleurs, dans la collection de cartes et croquis de
Claude Chastillon, topographe du roi, conservée au cabinet des
estampes de la BNF (site Richelieu) par exemple, reste sujet à
caution. Tant la forme qu’il donne à l’éperon de Gastellumendy
que les portes qu’il dessine autour de la ville basse et dont nous
savons avec certitude qu’elles n’existaient pas à cette date,
obligent à utiliser cette source avec prudence. Il convient par
ailleurs de rappeler que la conservation des donjons médiévaux au
centre des citadelles primitives était une pratique courante à
l’époque baroque. En plus de leur rôle militaire de guet et
d’observation, ils conservaient dans les premiers temps de la
fortification bastionnée une fonction de logement du commandant de
la garnison et de témoignage du prestige royal et de sa pérennité.
La
carte de Saint-Jean-Pied-de-Port de l’atlas Louis XIV de 1683
conservé au SHAT12,
confirme à la date de réalisation de cette carte, l’existence
d’un donjon au milieu de l’actuelle place d’armes et permet
d’en estimer le diamètre à une vingtaine ou une trentaine de
mètres. D’autres cartes, encore plus anciennes, remontant au début
du XVIIe siècle, la carte générale du « Béarn »
du Grand
Atlas,
dit atlas Louis XIII13,
conservée au SHAT, ou la
carte hydrographique de la Garonne14
de la collection de l’abbé de Marolles, conservée au cabinet des
estampes de la BNF, confirment l’existence d’une forteresse à
Saint-Jean-Pied-de-Port car la cité y est figurée par l’icône
d’un château fort. Il est donc avéré qu’au Moyen-Âge, la cité
de Saint-Jean-Pied-de-Port était dominée par un château fort, dont
le donjon se trouvait quasiment au centre de la citadelle actuelle,
légèrement décentré vers le Sud, au sommet d’une éminence
atteignant alors une altitude de 245 mètres, réduite aujourd’hui
à 233 mètres.
Si
Vauban ne décrit pas plus avant ce donjon, les sources
cartographiques déjà mentionnées, le plan du cabinet des estampes
de la BNF (site Richelieu)15
et le plan de l’atlas de 1676 de la bibliothèque de l’Arsenal16,
confirment et précisent ces données. Le donjon représenté a une
forme hexagonale irrégulière17
s’inscrivant dans une ellipse d’une trentaine de mètres pour le
grand axe, sur une vingtaine pour le petit axe. Sur l’un des côtés,
on peut identifier la tourelle
d’escalier
donnant accès aux étages supérieurs du donjon. Ce donjon y est
représenté quasiment au centre de la citadelle, sur une éminence
assez pentue et escarpée, comme l’indiquent les fortes hachures du
dessin, au sommet de laquelle il occupe tout l’espace disponible.
L’accès à ce donjon se fait par un chemin qui en gravit la pente
en serpentant. Au pied de ce chemin est indiquée une porte
monumentale, au niveau des deux pavillons actuels, qui commandait
l’accès au donjon. Elle pourrait être le vestige d’une
enceinte, d’une chemise,
qui ceinturait l’éminence sur laquelle se dressait le donjon du
château médiéval. Une hypothèse s’impose : celle d’une
enceinte polygonale d’altitude constante, courant donc
approximativement le long du périmètre extérieur des casernements
qui entourent actuellement la place d’armes intérieure de la
citadelle. Cette enceinte se serait présentée sous une forme quasi
rectangulaire d’environ soixante et quatre-vingt mètres de côté,
ce qui correspond aux normes de l’époque. En avant de la porte de
cette enceinte, figure sur les plans un puits, à l’emplacement du
puits actuel. Son existence suggère l’existence d’une seconde
enceinte, ou seconde chemise, à l’intérieur de laquelle le puits
se trouvait protégé.
Un
tel plan rappelle les donjons de formes diverses, elliptiques ou
polygonales, élaborées à la fin du XIVe siècle, qui s’élevaient
couramment à de grandes hauteurs. A titre d’exemple, le donjon du
château de Vincennes de Charles V le Sage (1364-1380),dont la
terrasse culmine à 50 mètres, s’inscrit avec ses quatre tourelles
d’angle, dans un carré d’environ 22 mètres de côté, au milieu
d’une enceinte carrée de cinquante mètres de côté. Les
forteresses établies par Gaston III Febus (1331-1391), comte de Foix
et seigneur de Béarn, avaient toutes un plan polygonal composé
d’une enceinte simple ou double, enfermant une cour intérieure
dotée d’un puits, et étaient dominées par un énorme donjon
carré de quinze à vingt mètres de côté, pouvant atteindre
quarante mètres de haut comme à Pau (64000) ou à Montaner
(Pyrénées-Atlantiques, 64460), élevée pour défendre ses États
face à la Guyenne anglaise. De même à Orthez (64300), la tour
Moncade, bâtie vers 1250 par le vicomte de Béarn Gaston VII sur une
butte de 110 m d’altitude et rénovée par Gaston Febus, de plan
pentagonal et d’une hauteur bien supérieure à trente mètres,
était entourée de deux chemises concentriques. Le fait que Gaston
III Febus était le contemporain et le beau-frère de Charles II
d’Evreux-Navarre qui partageait le même souci de sécurité face à
la Guyenne anglaise, suggère que le donjon de
Saint-Jean-Pied-de-Port avait des caractéristiques comparables à
ces donjons béarnais et inspire l’hypothèse d’une profonde
rénovation, voire d’une reconstruction par Charles II ou Charles
III durant l’âge d’or du royaume de Navarre.
La
cité de Saint-Jean-Pied-de-Port était donc dominée à l’époque
médiévale par un fier donjon au sommet de l’éperon rocheux,
initialement de Mendiguren devenu Gastellumendy (ou
Gaztelumendi), alors haut de 245 mètres, élément central
d’un château fort que les documents consultés ne décrivent pas
plus avant, qui aurait pu comprendre deux enceintes concentriques. Sa
fonction était la défense de la province navarraise d’outre monts
face à l’Aquitaine et à Bayonne, alors possessions du roi
d’Angleterre. Le choix de cet éperon pour y construire un château
fort, remis dans le cadre stratégique de l’époque, confirme
l’hypothèse du passage de la voie romaine, puis du Grand chemin
d’Espagne primitif, par Saint-Michel-Pied-de-Port. Le premier
résultat des travaux ordonnés par Vauban fut d’entraîner, dès
1686, la destruction de ce donjon et l’arasement de l’éminence
qui fut aplanie pour devenir la place d’armes interne de la
citadelle. Quant aux enceintes du château, probablement ruinées par
les guerres, elles avaient déjà définitivement disparues lors des
premiers travaux de construction d’une citadelle.
32- Le BOURG CASTRAL MEDIEVAL
Les
cartes anciennes déjà mentionnées révèlent l’existence
d’autres constructions aujourd’hui disparues. Le plan de l’atlas
de 1676 de la bibliothèque de l’Arsenal18
indique, près de l’actuel carrefour des chemins de Saint-Jacques
et de la citadelle, carrefour marqué aujourd’hui par une croix en
fer forgé, l’existence d’une chapelle et d’une porte. Cette
porte, accolée à la chapelle, est comparable aux portes fortifiées
des enceintes des villes ou des châteaux. Elle commande un
itinéraire porté sur ce même plan qui correspond à l’actuel
chemin du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, reliant
Saint-Jean-Pied-de-Port à Saint-Jean-le-Vieux par La Madeleine, où
il franchissait alors la rivière du Laurhibar sur un pont situé
quatre cent mètres environ en aval du pont actuel. Cette porte et
cette chapelle étaient situées sur cet itinéraire, deux cents
mètres au delà de la porte que nous appelons aujourd’hui « Porte
Saint-Jacques », en contrebas de la citadelle et du donjon à
une distance d’environ cent mètres à son Nord-est. Le plan du
cabinet des estampes de la BNF (site Richelieu)19
porte les mêmes indications, que la carte de l’atlas Louis XIV20
confirme. Cette porte et cette chapelle sont également indiquées
sur tous les plans et cartes postérieurs, établis au XVIIIe siècle
par les officiers du génie. Leurs dimensions respectives étaient,
d’après ces divers plans de 8 mètres de largeur sur 8 mètres de
profondeur pour la porte, 25 mètres de longueur sur 10 mètres de
largeur pour la chapelle. La légende du plan dressé par le « sieur
Masse »
en 168921
donne les précisions manquantes en nommant cette porte et cette
chapelle : « Porte
et Chapelle Saint Jacques ».
Cette porte et cette chapelle furent toutes deux détruites au début
de la guerre qui opposa la France à l’Espagne à partir de 1793,
durant la Révolution française. Il est probable que leurs
fondations existent encore, que des fouilles pourraient révéler.
La
question qui se pose est de savoir à quelle enceinte cette porte
appartenait et la fonction dévolue à la chapelle. Sur tous les
plans anciens, l’enceinte de la ville haute a un tracé identique à
celui d’aujourd’hui jusqu’à l’actuelle porte Saint-Jacques,
où elle s’interrompait. Aucun mur ne reliait alors cette porte aux
bastions de la citadelle. En revanche, sur ces plans, la citadelle
apparaît couverte face à la ville par des vestiges de mur, ou de
muraille, qui courraient en contrebas de la demi-lune et rejoignaient
l’extrémité haute de l’actuelle porte Saint-Jacques. Ils
pourraient constituer les vestiges de la seconde enceinte extérieure
du château médiéval. Le plan de l’atlas de 1676 conservé à la
bibliothèque de l’arsenal22
montre que la rue reliant l’ancienne et l’actuelle porte
Saint-Jacques, était alors bordée d’au moins une trentaine de
maisons. Quelques sources cartographiques et manuscrites postérieures
complètent ces informations. Sur le plan du sieur Masse de 168923,
le nombre de maisons est réduit à une douzaine, ce qui indique que
ce faubourg, alors situé hors de l’enceinte, avait périclité
durant la seconde moitié du XVIIe siècle, tandis que des
casernements avaient été entre-temps construits à l’intérieur
de la citadelle. Le plan du sieur Masse confirme que les maisons y
étaient en nombre suffisant à ses yeux pour constituer un faubourg
dont il ignore d’ailleurs le nom. Son plan porte la mention
« Faubourg
de … ».
Il ignore également le nom de la porte de l’enceinte de la cité,
qu’il dessine en haut de l’actuelle rue de la citadelle,
l’actuelle porte Saint-Jacques. Il mentionne seulement « Porte
de … ».
Seul le mémoire de l’ingénieur M. de Salmon de 171824
nomme cette porte « Porte
d’Haraconcia »
et la carte du même Salmon donne à la même date25
le nom de « rue
de Scalapuria »
à la rue reliant cette « Porte
d’Haraconcia »
à la « Porte
Saint Jacques »,
rue que suit l’actuel chemin de Saint-Jacques.
L’existence
au Moyen-Âge d’un « Faux
Bourg »
hors les murs au pied du château fort, face aux menaces venant de la
Guyenne anglaise, est difficilement envisageable. Or, le plan de
1’atlas de 1676 de la bibliothèque de l’arsenal26,
confirmé par le plan du sieur Masse de 168927
et le plan de l’ingénieur géographe Beauvilliers réalisé en
171528,
montre quelques ruines de murailles au-delà de la « porte
d’Haraconcia »
en direction de la « porte
Saint Jacques »,
ruines situées selon ces plans dans le prolongement des vestiges
d’enceinte déjà mentionnées, en contrebas de la citadelle. Le
sieur Masse indique en légende « d’anciens
ouvrages »
à cet emplacement. Plusieurs mémoires postérieurs, dont celui de
177029,
mentionnent que, lors de la construction de la citadelle, on abattit
un vieux mur d’enceinte qui, à partir de la « porte
d’Haraconcia »
se poursuivait sur environ deux cents mètres vers l’Est jusqu’aux
environs de la « porte
Saint-Jacques ».
Enfin, la carte topographique établie vers 1645 par le sieur
Desjardins conservée à l’IGN30,
montre ce faubourg, fort d’une douzaine de maisons, entouré de sa
propre enceinte, distincte de l’enceinte de la cité, dont la
« porte
Saint-Jacques »
constituait l’accès. L’absence de légende et l’incertitude
sur le code de couleur utilisé ne permettent pas de savoir si cette
enceinte existait à la date de réalisation du plan, ou si elle est
en ruines, ou encore en projet, ou en restauration. Il est seulement
possible de conclure que la citadelle aurait été entourée sur ses
faces Nord et Ouest d’une enceinte extérieure primitive, sans
doute la continuation de la seconde enceinte du château fort
médiéval. Cette enceinte aurait englobé l’ensemble de ces
maisons situées hors de l’enceinte de la cité. Elles seraient
donc les vestiges d’un bourg
castral
dont la « porte
Saint-Jacques »
serait l’entrée. Quant à la « porte
d’Haraconcia »,
elle serait l’entrée de l’enceinte entourait la cité civile.
D’autres éléments tendent à confirmer cette hypothèse.
Le
plan
de Saint-Jean-Pied-de-Port et ses environs,
conservé au cabinet des estampes de la BNF (site Richelieu)31,
montre l’existence d’itinéraires originaux. Le chemin en
provenance de Saint-Jean-le-Vieux par La Madeleine se divise en deux
branches distinctes à hauteur de la ferme « Dufourquenia »,
dont la première se dirige vers la « porte
Saint-Jacques »
comme sur tous les autres plans consultés. La seconde branche
conduit directement à la « porte
d’Haraconcia »,
en passant en contrebas des maisons constituant le bourg castral. Il
est possible de constater aujourd’hui que l’axe de cette « porte
d’Haraconcia »
n’est pas orientée en direction de l’emplacement de la « porte
Saint-Jacques »,
mais bien en direction de la ferme « Dufourquenia ».
L’itinéraire actuel qui relie directement la « porte
d’Haraconcia »
à la « porte
Saint-Jacques »
ne serait donc pas l’itinéraire d’origine. Ces deux portes
auraient donc bien constitué les portes d’entrée respectives de
deux enceintes distinctes, auxquelles accédaient des chemins
différents.
La
topographie des lieux tend à confirmer cette hypothèse. L’actuelle
porte Saint-Jacques comme la muraille située de part et d’autre,
est dominée par les maisons situées hors de l’enceinte, bâties à
proximité de l’emplacement de l’ancienne « porte
Saint-Jacques », sur le dernier contrefort de l’éperon
de Gastellumendy, sur lequel s’élève la citadelle. Cette
situation suggère que cet espace était à l’origine occupé par
un autre ouvrage militaire, dès lors qu’il n’était pas inclus
dans le périmètre défensif de la cité. Cet état de fait
constitua apparemment une évidence pour Vauban, à telle enseigne
qu’il projeta d’élargir vers l’Est la vieille enceinte et de
lui faire rejoindre le saillant du bastion Nord-est, le bastion
Saint-Jacques, de la citadelle pour inclure ce faux bourg dans le
périmètre de la cité, confirmant ainsi l’intérêt militaire de
cet espace de terrain.
L’hypothèse
de l’existence d’un bourg
castral
s’en trouve confirmée. Saint-Jean-Pied-de-Port, au Moyen-Âge,
aurait ainsi compris deux cités distinctes, une cité militaire et
une cité civile, chacune ceinte de sa propre muraille et disposant
de sa porte particulière. La « Porte
Saint-Jacques »
des plans des XVIIe et XVIIIe siècles serait le dernier vestige de
l’enceinte qui, au Moyen-Âge, entourait le bourg
castral
bâti sur le versant Nord de l’éperon, en contrebas du donjon,
lui-même entouré d’une chemise. Le château royal était
constitué du donjon et de ses deux enceintes32,
dont une large enceinte extérieure enserrant la cité militaire, le
« bourg
castral »33,
appelée aussi basse-cour34.
Il était alors clairement séparé de la cité civile qui lui était
juxtaposée et qui était entourée d’une muraille qui lui était
propre. Dans cette hypothèse, la chapelle Saint-Jacques était la
chapelle de la cité militaire, donc du château, ce qui expliquerait
l’inexistence, déplorée par Vauban, de bâtiment cultuel au sein
de la citadelle en 1685. Le donjon servait de résidence au capitaine
châtelain tandis que la garnison royale du château habitait le
bourg castral. Un tel agencement était courant en Béarn et dans le
comté de Foix35,
mais aussi en France36.
Il convient de citer les deux forteresses de Gaston Febus, Morlanne
et Montaner, construites au sommet d’une butte selon un plan
polygonal enfermant une cour où se trouvait le puits. Elles étaient
dominées par d’énormes donjons, culminant à quarante mètres à
Montaner. Contemporain de Charles V de France, Gaston Febus
(1331-1391) l’était aussi de Charles II de Navarre, son
beau-frère, dont nous avons noté la volonté de fortifier son
royaume et son attachement à la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port37.
L’ensemble du château et de ses enceintes était construit et
entretenu par le budget royal. A l’opposé, la muraille de la ville
civile était en principe construite et entretenue par les bourgeois
de la ville qui constituaient la milice bourgeoise chargée de sa
sécurité. Le bourg castral a, selon toute vraisemblance, été
construit en même temps que le donjon dont il fait partie
intégrante. La ville civile, quant à elle, a très bien pu être
construite plus tardivement.
33- La CITE MEDIEVALE PRIMITIVE38
Tous
les mémoires du XVIIIe siècle confirment que la cité de
Saint-Jean-Pied-de-Port ne constituait alors qu’une seule
juridiction avec ses deux quartiers : la ville haute, « la
ville »
ou « quartier
de Sainte-Marie »,
et la ville basse, ou « faubourg
de Saint-Michel »,
situés de part et d’autre de la Nive de Béhérobie. Mais chacun
de ces quartiers appartenait alors à deux paroisses distinctes :
le « faubourg
de Saint-Michel »
appartenait à la paroisse d’Uhart-Cize, tandis que le « quartier
de Sainte-Marie »
constituait avec le « faubourg
d’Ugange »
une paroisse unique dont l’église « Sainte-Eulalie »,
située hors de l’enceinte, était l’église paroissiale.
L’église « Sainte-Eulalie »
était de dimensions modestes, trente-cinq mètres de long sur dix de
large, à peine plus vaste que la « chapelle
Saint-Jacques ».
L’autre église, « Notre-Dame-du-bout-du-pont »,
de plus grandes dimensions, qui était incluse dans l’enceinte
fortifiée, n’était alors qu’une simple chapelle. Certains
documents lui donnent le nom de « chapelle
Notre-Dame »,
de « chapelle
Saint-Jean »
ou de « chapelle
Sainte-Marie ».
L’abbé P. Haristoy39
précise que l’église Sainte-Eulalie avait une chapelle latérale
du côté de l’évangile et une abside à pans coupés et que
l’église Notre-Dame-du-bout-du-pont devint l’église paroissiale
lors de la reprise du culte en 180340.
Cette
situation, qui prévalut jusqu’à la Révolution, mérite
réflexion. Elle apparaît comme une survivance de la situation
administrative originelle, celle du Moyen-Âge, quand l’église
paroissiale où se tenaient les réunions des chefs de famille, était
le centre de la vie communautaire. La division administrative
médiévale de base était la paroisse41.
Le quadrillage géographique des paroisses constituait le tissu
administratif initial. Les bourgs apparurent à une époque
ultérieure lors de la naissance de la bourgeoisie formée des
artisans et commerçants. Cette réflexion conduit à la conclusion
que l’origine de la « cité civile » de
Saint-Jean-Pied-de-Port se situait autour de l’église paroissiale
de Sainte-Eulalie, où les plans anciens indiquent une quinzaine de
maisons, et non à l’intérieur de l’enceinte médiévale. Le
portail roman de Sainte-Eulalie, récemment dégagé et
intelligemment déplacé, confirme son antériorité sur les autres
édifices de la ville. Le nom de sa titulaire, martyre de l’église
ibérique, rattache l’église à la tradition des premières
évangélisations de la péninsule et du pays basque. L’ingénieur
Desjardins lui donne le nom de « Sainte-Olary »
et précise « où
l’on sacrait antérieurement les rois de Navarre »42.
Cette église était à l’origine placée sur le chemin piétonnier,
qui, quittant à hauteur de Saint-Jean-le-Vieux le tracé de
l’ancienne voie romaine, permettait de rejoindre la vallée et le
village de Baïgorry, en passant par les villages d’Ugange et
Uhart-Cize. L’église Sainte-Eulalie d’Ugange était bâtie sur
le dernier point haut avant le gué sur la Nive de Béhérobie en
face de l’église et du village d’Uhart-Cize érigés sur le
point haut de la rive opposée, les itinéraires antiques étant
déterminés par les cols et les gués. Comme cela a déjà été
indiqué43,
le chemin principal vers l’Espagne empruntait encore, selon toute
vraisemblance, au haut Moyen-Âge, l’itinéraire de la voie romaine
qui d’Imus Pyrenaeus, Saint-Jean-le-Vieux, partait directement en
direction des ports de Cize, Summus Pyrenaeus, par
Saint-Michel-Pied-de-Port où se trouvait un gué. Cet itinéraire
franchissait vers le village de Caro la ligne de crête dont l’éperon
terminal fut élu par le roi de Navarre pour y construire le château
avec son donjon, ses enceintes et son bourg castral, chargé d’en
assurer la sécurité.
La
carte topographique du sieur Desjardins de 1645 conservée à l’IGN44
ne donne qu’un seul itinéraire d’accès à la citadelle. Il
s’agit d’un chemin qui remonte directement de l’église
Sainte-Eulalie d’Ugange vers la citadelle par l’axe de l’actuelle
« rue de France », puis serpente sur le flanc de l’éperon
rocheux pour atteindre l’entrée de la demi-lune par sa face
Sud-ouest, donc du côté opposé à l’accès actuel. Ces sources
suggèrent la coexistence du village d’Ugange et du château
médiéval, antérieurement à la création du « quartier
de Sainte-Marie »,
noyau de la cité civile du Moyen-Âge. Cette rue serait également
antérieure à la rue, aujourd’hui appelée « de la
citadelle » dont l’origine serait le tracé nouveau du Chemin
de Saint-Jacques
puis du Grand
chemin d’Espagne.
Abandonnant l’itinéraire direct de la voie romaine de
Saint-Jean-le-Vieux vers Saint-Michel-Pied-de-Port par Caro, il se
serait ensuite dirigé de Saint-Jean-le-Vieux vers le château fort
de Saint-Jean-Pied-de-Port, nouvellement construit, afin de
bénéficier de sa protection directe. Après avoir longé le mur
Nord de l’enceinte du bourg
castral,
il aurait gagné le village de Saint-Michel en longeant le cours de
la Nive, sur lequel apparaît le moulin neuf « d’Eyheraberry ».
Le carrefour des actuelles rue « de France » et « de
la citadelle » serait donc le point origine du « quartier
de Sainte-Marie ».
Les
fonds de cartes anciens, ayant servi à l’établissement de projets
au XVIIe siècle, donnent quelques informations complémentaires sur
les faisceaux d’itinéraires antérieurs à l’existence de la
ville haute de Saint-Jean-Pied-de-Port. Le plan le plus ancien
conservé au cabinet des estampes de la BNF45
informe sur les chemins rayonnant autour de l’église
Sainte-Eulalie
et des maisons formant à l’époque la paroisse d’Ugange. Le
Grand
chemin de Bayonne et Navarreinx,
après avoir traversé le Laurhibar par un pont situé à quelques
deux cents mètres en amont de l’actuel pont Saint-Laurent
d’Ispoure, gagnait en ligne droite Sainte-Eulalie
d’Ugange.
Après être passé le long de l’église, il se scindait en deux
chemins. Le premier continuait en ligne droite vers le gué, où il
franchissait la Nive de Béhérobie, puis se divisait en deux
branches en direction de la vallée de Baïgorry pour l’une, de
Lasse46
puis du Val
Carlos
pour l’autre. Le second chemin obliquait vers le bord de Nive qu’il
rejoignait vers l’actuelle ‘porte du marché’, appelée ‘Porte
des deux moulins’
sur les plans du XVIIe siècle. Contournant la chapelle
Notre-Dame,
il remontait la vallée de la Nive de Béhérobie en direction du
village de Saint-Michel-Pied-de-Port. Le pont romain n’apparaît
pas sur ce fonds de carte. Ceci suggère une période de temps
antérieure à la construction de ce pont, durant laquelle le Grand
chemin d’Espagne
traversait Saint-Jean-Pied-de-Port pour rejoindre le village de
Saint-Michel où commençait l’ascension vers les ports de Cize. A
l’origine, il semble bien que seul le village de Saint-Michel avait
l’appellation de Pied-de-Port,
que Saint-Jean acquit à son tour, en 1253 semble-t-il, tandis que
Saint-Michel la perdait. A partir de cette date, un pont,
éventuellement en bois, permettait donc de franchir la Nive à
Eyheraberry.
Le
fonds de carte ancien, sur lequel est dressé le plan de l’atlas de
1676 conservé à la bibliothèque de l’Arsenal47,
renseigne sur les itinéraires desservant le château fort à une
époque non précisée, remontant également au Moyen-Âge. L’entrée
de la citadelle, qui était aussi l’accès au donjon, était
desservie par deux chemins, le premier venant de Guyenne, le second
conduisant en Espagne. Le premier, en provenance de
Saint-Jean-le-Vieux par La Madeleine, franchissait le Laurhibar sur
un pont situé quelques quatre cents mètres en aval de l’actuel
pont de La Madeleine. Il se dirigeait en ligne droite vers le château
par l’actuel chemin de Taillapalde,
il entrait dans le bourg castral par la porte
Saint-Jacques’.
Parvenant au pied de la courtine Nord par une rampe, parallèle à la
rampe donnant actuellement accès à l’esplanade, située à
mi-chemin entre la porte
Saint-Jacques
et la porte
d’Haraconcia,
il gagnait la porte royale de la citadelle. Le second chemin
descendait de la porte royale, à mi-pente de l’éperon rocheux
au-dessus de l’actuelle rue de la citadelle, vers la Nive de
Béhérobie qu’il rejoignait derrière le chevet de la chapelle
Notre–Dame, puis longeait la Nive de Béhérobie jusqu’au pont
que nous appelons « pont romain » d’Eyheraberry
qu’il traversait pour poursuivre ensuite directement vers
Portaleburu,
la Navarre et Roncevaux en rejoignant l’actuel itinéraire de la
« route Napoléon » dès son amorçage. Le « pont
romain » ne comportait qu’une seule arche en plein cintre qui
enjambait la rivière enserrée entre deux berges rocheuses qui
servaient d’appui aux piles du pont. Cette forme en dos d’âne et
son étroitesse qui permettait seulement le passage d’une charrette
entre ses parapets atteste d’une antiquité qui devrait remonter au
Moyen-Âge, d’où son nom de « romain », sans doute
déformation de « roman ». Des travaux récents datent sa
construction de 1640, mais il s’agit certainement d’une
reconstruction à cette date, qui suivrait celle du pont de l’église
que certains auteurs datent de 1634. Ce fonds de carte, où l’accès
à la citadelle se fait par des itinéraires différents de ceux de
l’époque moderne, suggère qu’il est antérieur à
l’établissement de la ville haute de Saint-Jean-Pied-de-Port. Sa
construction pourrait remonter à la fin du XIIe siècle.
Enfin,
ce plan de l’atlas de 1676 donne une dernière indication
intéressante, confirmée par d’autres plans postérieurs :
« la
maison de ville »,
lieu de réunion des jurats48,
y est indiquée dans la « porte
de Bayonne »,
celle que nous appelons « porte de France », qui est
alors une sorte de tour-porte profonde à doubles vantaux sans doute
renforcée d’une herse, comme l’actuelle porte de l’église. La
proximité de cette maison
de ville
et de l’église Sainte-Eulalie
renforce l’hypothèse que le centre de la cité avait été à
Ugange et que probablement la ville s’était initialement
développée à partir de ce centre en remontant vers le château. La
maison
de ville,
lieu de réunion des jurats, s’était naturellement installée à
la création de la muraille, dans la salle d’armes sise au premier
étage de la porte de l’enceinte la plus proche de l’église
paroissiale où se tenaient jusqu’alors ces réunions. Le plan du
sieur Masse indique qu’en 1689, la maison
de ville
s’était déplacée vers le château et implantée sur le chemin
d’Espagne même dans sa traversée de la cité. Elle était alors
installée dans le bâtiment indûment dénommé actuellement
« prison des évêques », suggérant que l’axe
principal de la cité était alors l’actuelle rue de la citadelle.
Un document du XVe siècle atteste l’attribution par le pouvoir
royal, de droits et pouvoirs spécifiques aux jurats de la ville,
distincts des droits et pouvoirs de son représentant, le capitaine
châtelain. En pleine guerre de succession à la couronne et de
rivalité entre Agramontois et Beaumontois, l’établissement d’une
prison fut accordé au bayle, aux jurats et à la communauté de la
ville de Saint-Jean-Pied-de-Port49.
Cette autorisation fut donnée par lettres signées à Pampelune le 6
avril 1445 par Charles, prince de Viane, héritier présomptif de la
couronne de Navarre, et « lieutenant
pour le seigneur roi son redoutable père ».
Les travaux archéologiques récemment conduits à la prison des
évêques ont permis d’effectuer une datation entre 1268 et 1288.
La concession d’une prison fut confirmée par le roi Jean II
d’Aragon en septembre 1450 à Pampelune. Plusieurs plans du XIXe
siècle indiquent une prison civile dans l’actuelle ‘prison des
évêques’. La coexistence dans le même bâtiment, ou le même
ensemble de bâtiments, de la maison
de ville,
lieu de réunion des jurats, et de la prison civile placée sous leur
autorité répond à une certaine logique. Quant aux moulins royaux,
ils figurent bien sur les sources cartographiques étudiées, mais
elles ne fournissent à leur sujet aucune information particulière.
A. de Saint-Vanne50
cite un document d’archives du roi Thibaut I, en date du 19
septembre 1236, qui mentionne les « moulins
royaux de Saint-Jean-Pied-de-Port ».
Ainsi
donc, l’étude attentive des plans les plus anciens et des fonds de
cartes plus anciens sur lesquels ils ont parfois été établis,
permet d’esquisser des hypothèses nouvelles sur l’histoire de
l’établissement de la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port au
Moyen-Âge. Sa construction aurait pu se faire selon les phases
suivantes :
-
Le noyau primitif de Saint-Jean-Pied-de-Port était le hameau d’Ugange, devenu la paroisse Sainte-Eulalie, juste avant le gué sur le chemin permettant de poursuivre vers la vallée de Baïgorry et, plus tard, le Val Carlos ;
-
Un château fort royal, avec son donjon et son bourg castral, fut érigé sur le mont Mendiguren, devenant alors Gastellumendy, afin de défendre face au Nord l’accès à Roncevaux de la voie romaine, qui de Saint-Jean-le-Vieux gagnait directement les ports de Cize en franchissant la Nive de Béhérobie au gué de Saint-Michel-Pied-de-Port ;
-
La paroisse de Sainte-Eulalie d’Ugange se développa en direction du château fort royal, le long du chemin y conduisant depuis l’église Sainte-Eulalie, créant ainsi l’actuelle « rue de France » ;
-
Le tracé du Grand chemin d’Espagne qui recherche la protection du château fort royal, se modifie au départ de Saint-Jean-le-Vieux pour venir défiler aux pieds du château, selon le tracé de l’actuelle ‘rue de la citadelle’, puis continuer vers Saint-Michel-Pied-de-Port en suivant le cours de la Nive de Béhérobie ;
-
Une cité bourgeoise d’artisans et de commerçants se crée à partir du croisement du chemin reliant Sainte-Eulalie au château, l’actuelle « rue de France », et de l’actuelle « rue de la citadelle », puis se développe tant en remontant vers le bourg castral qu’en descendant vers la rivière et prend le nom de quartier de Sainte-Marie ; Il est envisageable qu’à partir de ce croisement, la partie haute de la rue prit initialement le nom de rue Saint-Pierre et la partie basse rue Saint-Michel, noms de rue apparaissant dans les textes anciens ;
-
Un pont roman est construit sur la Nive de Béhérobie, au dernier passage resserré entre des rives rocheuses à l’entrée du bassin de Saint-Jean-Pied-de-Port, pont que nous appelons « pont romain », que le Grand chemin d’Espagne emprunte pour poursuivre directement vers les ports de Cize par Portaleburu et Navarre, depuis Saint-Jean qui s’appelle bientôt « Saint-Jean-Pied-de-Port » ;
-
La cité s’entoure d’une muraille, une chapelle est construite en bas de la rue près de la rivière, puis, au fur et à mesure de l’évolution technique, un pont de bois, puis en pierre, est construit à l’extrémité de la rue : « il y a un pont de pierre assez bien fait » écrit Vauban en 1685 ;
-
Le faubourg de Saint-Michel, sur la rive gauche de la Nive, initialement quelques maisons dépendant de la paroisse d’Uhart-Cize, devient une rue de commerçants et d’artisans, après la construction du pont, puis devient administrativement un faubourg, puis un quartier de Saint-Jean-Pied-de-Port, tout en restant dépendant de sa paroisse initiale d’Uhart-Cize. Cette extension pourrait n’être intervenue que lors de la renaissance de la ville à la fin du XVIe siècle.
A
cet égard, il convient d’interpréter avec prudence certaines
appellations qui ont pu désigner des entités différentes selon les
époques. A titre d’exemple, dans le cadre de la chronologie
ci-dessus, Ugange a pu être nommée « ville basse »
par opposition à la « ville haute » qui se créait au
pied du château, ville haute qui était aussi alors une « ville
neuve ». Quelques siècles plus tard, cette ville haute
devenait la « vieille cité » tandis que le terme de
« ville basse », ou de « ville neuve »
désignait le quartier de Saint-Michel sur la rive opposée de la
Nive. De même, si les rues ont changé de nom au cours de
l’histoire, le même nom a également pu désigner des rues
différentes selon les époques : par exemple, la partie basse
de l’actuelle « rue de la citadelle » a pu s’appeler
« rue de Saint Michel » à l’époque où elle se
prolongeait par le chemin longeant la Nive qui conduisait à ce
village.
* * *
Ainsi,
l’étude des sources cartographiques les plus anciennes existant
dans les fonds d’archives consultés permet d’esquisser des
hypothèses novatrices sur l’histoire de la cité et du château de
Saint-Jean-Pied-de-Port au Moyen-Âge. Elles devraient permettre de
relancer les recherches en suscitant une lecture nouvelle des
archives relatives à la période médiévale. L’origine de la
ville découle de sa situation géographique. Autour du donjon
médiéval des rois de Navarre, peut-être érigé peu après l’an
mille par Sanche III le Grand (1000-1035) et attesté sous Sanche VI
le Sage (1150-1194) en 1189, entouré de son bourg castral, fondé
sur le site topographique, militairement favorable à la sécurité
des accès au col de Roncevaux, constitué par l’éperon rocheux,
bientôt appelé ‘Gastellumendy’, s’agrégea une cité
civile qui prit le nom de Sainte-Marie, peut-être plus tardivement.
Tout comme les places de guerre d’une certaine importance, la ville
de Saint-Jean-Pied-de-Port semblerait avoir été composée, au
Moyen-Âge, de deux cités juxtaposées : une cité militaire
autour du château royal et de son donjon et, en contrebas, une cité
bourgeoise de commerçants et artisans, née postérieurement.
Celle-ci, créée par extension de l’ancienne paroisse pastorale et
agricole de Sainte-Eulalie d’Ugange, se serait développée le long
du Grand chemin d’Espagne qui devint sa rue principale.
Venue se placer sous la protection du château, elle se serait mise
ensuite à l’abri d’une muraille d’enceinte et une chapelle
aurait été bâtie à l’extrémité basse de la rue centrale. La
tradition fait remonter leur construction au règne de Sanche VII le
Fort (1194-1234), le denier roi de la dynastie navarraise. La
construction ultérieure d’un pont sur la Nive, aurait permis à la
cité de s’adjoindre administrativement le quartier de la paroisse
d’Uhart-Cize, existant sur la rive opposée, qui aurait alors
constitué un faubourg qui reçut le nom de Saint-Michel. Cette
hypothèse correspond à un schéma classique de cité médiévale,
dont Orthez ou Morlanne donnent des exemples décrits par P.
Tucoo-Chala. Les forteresses de Gaston Febus étaient adjacentes à
une cité, elle-même entourée d’une enceinte, limitée parfois à
un fossé et des palissades, dont les maisons s’égrenaient le long
d’une rue centrale. L’église qui en marquait l’extrémité
basse, participait à la défense de la cité, le chemin de ronde se
poursuivant sous sa toiture. La création progressive de la cité de
Saint-Jean-Pied-de-Port sous l’attraction du château médiéval
qui la dominait et dont la présence lui offrait sa protection
confirme l’origine militaire de sa fondation et explique son rôle
stratégique dans l’histoire. Si l’existence de la cité de
Saint-Jean-Pied-de-Port est avérée au XIIe siècle, la
considération du temps nécessaire à sa construction progressive
selon le schéma proposé, tendrait à privilégier le règne de
Sanche III le Grand pour l’établissement d’un château royal sur
le mont de Mendiguren peu après l’an Mille.
1
Cf. source manuscrite n° 04 a.
2
Cf. source cartographique n° 23.
3
Cf. source cartographique n° 31.
4
Cf. source cartographique n° 34.
5
Cf. source cartographique n° 35-a.
6
Cf. source cartographique n° 36.
7
Cf. infra § 42.
8
Cf. source cartographique n° 31.
9
Cf. source cartographique n° 35-a.
10
Cf. source manuscrite n° 04 a.
11
Cf. source cartographique n° 34.
12
Cf. source cartographique n° 23.
13
Cf. source cartographique n° 22.
14
Cf. source cartographique n° 35-a.
15
Cf. ibidem.
16
Cf. source cartographique n° 31.
17
Voir planche n° 9.
18
Cf. source cartographique n° 31.
19
Cf. source cartographique n° 35-a.
20
Cf. source cartographique n° 23.
21
Cf. source cartographique n° 24-a.
22
Cf. source cartographique n° 31.
23
Cf. source cartographique n° 24-a.
24
Cf. source manuscrite n° 04-b.
25
Cf. source cartographique n° 27.
26
Cf. source cartographique n°31.
27
Cf. source cartographique n°24-a.
28
Cf. source cartographique n° 21.
29
Cf. source manuscrite n° 04-c.
30
Cf. source cartographique n° 36.
31
Cf. source cartographique n° 35-b.
32
Voir planche n° 8.
33
Bourg castral: ensemble des habitations des personnels du château,
incluses dans la première enceinte.
34
Basse-cour: cour de dégagement où se trouvaient les écuries et
les dépendances.
35
Cf. P. Tucoo-Chala, bibliographie n°46.
36
La construction de l’enceinte médiévale de Paris, dressée pour
protéger la capitale des Anglais, fut décidée par Philippe
Auguste lors de son départ à la troisième croisade en 1189. Dans
ce système fortifié de Paris datant de la fin du XII° siècle, la
forteresse du Louvre et son mur d’enceinte sont extérieurs à
l’enceinte de la ville, ce qui permettait au pouvoir royal de
contrôler la population parisienne d’autant que la garnison du
Louvre était fournie par l’armée royale et celle de la ville par
les milices bourgeoises. Il n’est pas interdit de penser que le
château royal de Saint-Jean-Pied-de-Port était organisé sur le
même principe.
37
Cf. supra § 13.
38
Cf. planche n° 8.
39
Cf. P. Haristoy, bibliographie n° 35 (op. cit.).
40
Le concordat fut signé entre le premier consul Bonaparte et le pape
Pie VII le 15 juillet 1801.
41
Les « Tableaux de dénombrement » que Vauban
soumet au roi à la fin du XVIIe siècle, confirment qu’à cette
date la circonscription française de base est bien la paroisse :
c’est à cet échelon qu’il prévoit la collecte des données de
base du recensement qu’il préconise.
42
Cf. source cartographique n° 36.
43
Cf. supra, § 12.
44
Cf. source cartographique n° 36.
45
Cf. source cartographique n° 35-a.
46
P. Raymond cite dans le dictionnaire topographique des
Basses-Pyrénées, un chemin dans la commune de Lasse qui a conservé
le nom de ‘Chemin du Val Carlos’ parce qu’il mène dans cette
vallée espagnole.
47
Cf. source cartographique n° 31.
48
Au XIIe siècle, existaient à Saint-Jean-Pied-de-Port suivant le
« For » de Bayonne, douze jurats qui disposaient de
pouvoirs de justice, de police et de finances et avaient juridiction
criminelle sur toute la châtellenie (Cf. C. Urrutibehety,
bibliographie n°47).
49
Cf. C. Urrutibehety, bibliographie n°47.
50
Cf. A. Saint-Vanne, bibliographie n°44 (op. cit.).
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